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Avec l’été, les risques d’expulsions de sans-papiers s’amplifient

Publie le samedi 9 juillet 2005 par Open-Publishing
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Avec l’été, les risques d’expulsions de sans-papiers s’amplifient

de Laetitia Van Eeckhout, CHAUMONT (Haute-Marne)

Depuis un mois et demi, le quartier de la Rochotte à Chaumont (Haute-Marne) est sur le qui-vive. "On ne peut pas pendant trois ans aider des gens, leur donner espoir et maintenant les lâcher !" Comme Fatima, nombreux sont ceux qui, dans la cité, ne comprennent pas et n’admettent pas la menace d’expulsion qui pèse, depuis le 14 mai, sur Mukoyi et Mamy Palaba et leurs cinq enfants, leurs voisins depuis mai 2002.

La famille, qui a épuisé toutes les voies de recours auprès de l’Office français pour la protection des réfugiés apatrides (Ofpra), a bénéficié d’un sursis jusqu’à la naissance, le 6 juin, du petit dernier. Mais, depuis, elle vit sous la menace d’une reconduite à la frontière.

Chef d’une petite entreprise d’imprimerie-décoration en République démocratique du Congo, Mukoyi Palaba a fui son pays avec sa famille parce qu’il était, raconte-t-il, accusé "d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat" pour avoir imprimé des tracts de l’opposition.

"J’ai été emprisonné deux fois et, la seconde, j’ai réussi à m’échapper de la prison en soudoyant mes gardiens. Après notre départ, mes deux frères ont été arrêtés et sont aujourd’hui toujours en prison" , explique-t-il, tout en tendant des documents attestant qu’il est recherché dans son pays.

L’incompréhension des voisins est d’autant plus grande que la famille s’est pleinement intégrée dans le quartier. "Dès qu’ils sont arrivés, ils sont venus vers nous. Ils sont très gentils et respectueux de leur voisinage. Les enfants sont très discrets et disent toujours bonjour quand on les croise" , témoigne Joëlle, leur voisine de palier. "Si l’un d’entre nous était dans la merde, ils seraient les premiers à l’aider" , renchérit Louis.

Les résultats scolaires des enfants ne se démentent pas, assurent leurs enseignants. Leur père est membre fondateur de l’association de parents d’élèves créée en 2003. Et il "est toujours le premier à donner un coup de main lorsqu’on organise des animations" , assure Claude Thiry, de l’association de quartier Ecole du coeur. Travailler, M. Palaba ne demande que cela. Mais, sans papiers en règle, cela lui est impossible. "Deux promesses d’embauche m’ont été faites mais d’ici deux semaines, elles auront expiré" , dit-il.

Dans ce quartier populaire, dans lequel le Front national a déjà fait de gros scores, tous reconnaissent aujourd’hui que l’ambiance a changé depuis l’installation de la famille Palaba. "C’est peut-être grâce à eux que l’on s’entend bien aujourd’hui dans le voisinage", assure Marcelle, qui se dit prête à s’interposer si la police débarquait pour venir chercher la famille.

Manifestations, diffusion d’une pétition à l’attention de Jacques Chirac : depuis un mois et demi, voisins, enseignants, parents d’élèves ne désarment pas. "Nous n’avons jamais vu une telle mobilisation" , témoigne Claude Lanher, enseignante et présidente de l’association locale de défense des sans-papiers Mosaïque qui, avec la Ligue des droits de l’homme et Amnesty International, a mis sur pied, fin mai, un comité de soutien.

La mobilisation du quartier de la Rochotte à Chaumont est loin d’être isolée. Depuis deux ans, dans tout l’Hexagone, se multiplient les collectifs agissant contre le renvoi d’enfants scolarisés de parents sans-papiers ou de jeunes "déboutés du regroupement familial".

Selon le Réseau éducation sans frontières (RESF), plateforme d’information et de conseil créée en juin 2004 pour relayer tous ces collectifs, ils seraient aujourd’hui une dizaine de milliers de jeunes scolarisés, sans papiers, comme les enfants Palaba ou encore Ghislain, jeune camerounais de tout juste 20 ans vivant à Aulnay-sous-Bois.

Plus que les résultats du bac qu’il vient de passer, ce que Ghislain craint c’est un arrêté de reconduite à la frontière. Ayant rejoint en juin 2001 son oncle, Ghislain a, en juin 2003, une fois sa majorité atteinte, demandé un titre de séjour.

Quatre mois plus tard, ce titre lui étant refusé, il recevait une invitation à quitter le territoire. Il a alors déposé un recours en annulation contre cette décision de la préfecture et, parallèlement, déposé, en juin 2004, une demande d’asile, son oncle ayant obtenu lui-même le statut de réfugié. Requête elle aussi rejetée en avril dernier par l’Ofpra.

Ghislain, qui ne s’était jusque-là "jamais considéré comme un clandestin, une personne dangereuse" , craint aujourd’hui de ne pouvoir faire son BTS de commerce international. Sa candidature a été acceptée mais, bien qu’en attente de passer devant la Commission de recours des réfugiés (CRR), pèse toujours sur lui le spectre d’une reconduite à la frontière.

"Le pire qui pourrait m’arriver, c’est d’être sommé de manière injuste de repartir sans avoir pu relater ce qui m’est arrivé" , dit Ghislain, racontant avoir été victime à Yaoundé d’une agression policière dans laquelle il a perdu un oeil.

Quand il a révélé début juin dans son lycée ce qui lui arrivait, ses camarades, les enseignants, le proviseur, les parents d’élèves ont lancé une pétition. Mais maintenant que les cours sont finis, sa peur ne cesse de grandir.

A l’approche des grandes vacances, RESF appelle à la vigilance. Car, explique Richard Moyon, enseignant et l’un des fondateurs de ce réseau, "si plusieurs préfectures ont autorisé les élèves à finir leur année scolaire, le temps des grandes vacances est aussi souvent le temps des expulsions, lorsque les élèves ne peuvent plus compter sur le soutien de leur établissement scolaire" .

http://www.lemonde.fr/web/article/0...

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