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Faut-il sauver le petit soldat Fakir ?

Publie le mardi 17 juin 2003 par Open-Publishing

Faut-il sauver le petit soldat Fakir ?

« Chien de garde de la mairie. » Le Courrier picard, et son chef de locale,
n’ont pas apprécié le compliment. Ils intentent donc deux plaintes en
diffamation contre le journal alternatif Fakir. Les procès se tiendront le
vendredi 27 juin à 13 h 30, à la 17ème chambre du tribunal correctionnel de
Paris. 160.000 F sont réclamés au canard alternatif de la Somme. De quoi
l’abattre en plein vol.

En février 2002, le journal associatif Fakir publiait une lettre parodique :
le premier adjoint de la ville d’Amiens, également ténor de la Chambre de
Commerce, y remerciait (fictivement) Michel Maïenfisch, journaliste du
Courrier picard, pour son excellent travail comme « chien de garde » à la
tête de la locale Amiens. Ce dernier apprécia peu cet éloge, et intenta,
badaboum, une première plainte « pour diffamation » : 80.000 F réclamés.
Fakir en remit une louche, précisant : « Un chien de garde (qui mord) ». Le
quotidien régional n’hésita pas : re-badaboum, re-plainte, re-80.000 F
réclamés. On s’amuse comme on peut en Picardie.

Ces poursuites sont une aubaine. Si si.

La réputation de la presse régionale n’est plus à faire : « Misère du
journalisme de province », titrait un article du Monde diplomatique.
Jean-Pierre Tailleur, dans Bévues de presse, a réglé le triste sort de ces
quotidiens. Même les Suisses se moquent de nous, de cette « presse de
province souvent peu ouverte sur le monde et consacrant le gros de ses
efforts à un travail de communication, plus que de journalisme . »

Les procès offriront l’occasion de détailler, en public, un cas d’école :
celui du Courrier picard. Un journal financé par le Crédit Agricole, « 
principal établissement financier de la Somme », et lié à la Chambre de
Commerce et
d’Industrie, qui rassemble les patrons du coin. Un journal qui, comme
l’avoue un ancien rédacteur en chef, et comme le confirme le syndicat
SNJ-CGT, « n’a
plus d’autre consistance que de ne pas faire de vagues, quand ce n’est pas
de complaire aux puissants ». Un journal dont les cadres, devenus des
notables
parmi les notables, se chargent de protéger l’establishment local plus que
de le malmener.

Articles et preuves à l’appui, ces connivences seront mises à nu.

D’autres questions, subsidiaires, seront également soulevées : une
information, décapante et dissidente, est-elle tolérée dans des régions
dépourvues de contre-pouvoir ? Peut-on critiquer, avec acidité, la presse
dans la presse ? Comment peut survivre un journal alternatif à travers
tempêtes judiciaires et bourrasques financières ?

Des journalistes, des universitaires ont apporté leur soutien à Fakir et à
François Ruffin, son animateur, auteur de Les petits Soldats du journalisme
 : Louis-Marie Horeau du Canard enchaîné, Serge Halimi du Monde diplomatique,
Christian Duplan de Marianne, Gilles Balbastre et Christophe d’Hallivilée
réalisateurs de documentaires, François Brune, auteur de Les Médias pensent
comme moi, Alain Accardo, auteur de Journalistes au quotidien et
Journalistes précaires, ainsi que Henri Maler d’Action Critique Médias.
Certains témoigneront lors de l’audience vendredi 27 juin à 13 h 30, à la
17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Contact pour l’association Fakir :
François Ruffin : ruffinfr@yahoo.com