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De l’insurrection démocratique à la république universelle

Publie le samedi 20 août 2005 par Open-Publishing

La démocratie n’est pas un chien qu’on tient en laisse. La campagne sur le traité constitutionnel européen l’a démontré. On s’est félicité, paraît-il, de la qualité du débat qui a agité la société française.

Pourtant, les choses étaient mal engagées.

Que se serait-il passé si les partisans du « non » de gauche n’avaient pas mené leur offensive ? S’ils avaient pris pour argent comptant les intentions d’un traité perverti par ses orientations économiques ? S’ils ne s’étaient pas insurgés contre les évidences d’une politique de renoncement démocratique ?

Le « non » possède des vertus cardinales. Il est une formidable machine à contester l’ordre en place. S’ouvre une rupture historique qui rejoint les moments les plus décisifs de notre histoire. Rien, ou pres- que, n’échappe à sa critique.

C’est vrai, le « non » à cette Europe excède son propre objet. Il ne peut en aller autrement. À l’époque de la globalisation, la politique ne se divise pas.

Le « non » ébranle le capitalisme ultralibéral annoncé comme la fin de l’histoire, son idéologie, ses valeurs, comme ses traductions politiques. Il se dresse contre des modèles de société animée par la concurrence libre et non faussée. Il s’oppose aux inégalités qui en résultent. Il pense une nouvelle répartition des richesses à tous les degrés. Il privilégie le travail sur le capital, une démocratie élargie sur les oligarchies économiques et financières. Il fait en sorte que l’argent ne dicte pas sa loi.

Il n’ignore pas l’état déplorable de la planète livrée aux appétits du calcul égoïste. La nature, bien commun s’il en est de l’humanité, doit être préservée des tragédies impulsées par le profit et la piraterie généralisée.

Le « non » en appelle à une justice générale qui sous-tend une nouvelle déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

C’est à quoi il travaille quand il ne se limite pas au simple refus d’un traité qui convertirait l’Europe en empire gouverné par le néolibéralisme.

En France, le « non » a relayé la fronde antilibérale.

Il s’inscrit dans la lignée des grèves de 1995, des mouvements sociaux contre la refonte de la Sécurité sociale et les régimes de retraites. Il se place du côté des luttes paysannes, des sans-papiers, des exclus, dont le nombre s’accroît au sein d’une Europe prétendument prospère. Il se prononce en faveur des services publics non soumis à une rentabilité aveugle qui transforme le citoyen en usager, puis d’usager en client, le client étant l’appendice indispensable de la marchandise.

De fait, le « non » désaliène. Il a donné une voix à ceux qui se taisaient et pour qui l’indifférence et le désenchantement signifiaient la réprobation d’un monde qui les afflige.

Au-delà même des partis, des organisations, des associations qui le constituent et le structurent, le « non » répare un tissu social fortement endommagé. On a cassé l’industrie, on a aussi tenté de casser des solidarités. Avec ses comités au caractère résolument transversal, dépassant des clivages quand ils ne les ringardisent pas, le « non » dessine une forme originale de démocratie.

Par son existence massive, le « non » engendre une situation inédite.

Les individus se réapproprient la politique. Ils brassent de grands desseins dont l’Europe est un jalon.

Il affirme la prépondérance du peu- ple, un peuple dont même le nom avait été refoulé du lexique.

Il ouvre des perspectives, hier encore insoupçonnées.

Il est tout à la fois un symptôme et une volonté. Il porte en lui des bouleversements aux répercussions imprévisibles. A priori, la prise de la Bastille ne signait pas l’avis d’inhumer de l’Ancien Régime. La République fut pourtant fondée trois ans plus tard.

Le « non » sait ce qu’il veut et sait ce qu’il ne veut pas.

Il est en attente de son propre avènement, c’est-à-dire d’une forme correspondant à son sentiment.

Le « non » oblige à une VIe République, à une République soulagée de ses séquelles monarchiques, débarrassée de ses simulacres régaliens et d’un statut présidentiel inique, une République qui rendra sa vocation au Parlement, expression du peuple souverain.

La proportionnelle et la limitation des mandats contribueront à garantir l’exercice plein et entier d’un Parlement, aujourd’hui étouffé par des contraintes procédurières et parasité par les plans de carrière. La démocratie représentative ne peut être un sursis accordé entre deux sollicitations plus ou moins condescendantes. Le peuple n’est pas un alibi...

La VIe République ne peut ignorer les bénéfices d’une démocratie directe. Elle doit considérer la parole, les actions que prennent et se donnent à un moment donné des mouvements qui oeuvrent pour l’intérêt général. Les proscrire, les dédaigner, c’est mépriser une démocratie vivante.

Le « non » a radicalisé les positions.

Il questionne l’Europe, il interroge la France. Les destins de l’une et de l’autre sont liés. Que l’une évolue et l’autre change. En un mot, démocratiser l’une, c’est démocratiser l’autre.

Le « non » a souligné le divorce qui frappe les citoyens et leurs institutions. Ces dernières confisquent leur parole. D’une certaine façon, elles privatisent l’opinion.

Elles subordonnent les peuples qui ne sont indispensables que pour leur délivrer une légitimité dont elles abusent. La manière dont le traité a été négocié en fournit la preuve.

Le « non » exige de nouveaux fonctionnements, de nouvelles méthodes, de nouveaux contenus.

Il s’est d’ores et déjà défini comme une force antilibérale.

Il a réuni des promoteurs de la transformation sociale et politique.

Il récuse la professionnalisation de la politique et des élus à vie.

Il indique une tendance vers une participation active des populations.

Il s’assigne des buts en accord avec ses ambitions.

Fort de sa vocation internationaliste ou altermondialiste, il aspire à l’organisation d’assises populaires dans chaque pays de l’Union afin que les peuples ne restent pas étrangers à leur sort.

Au bout de la perspective, il y aurait un congrès européen, concourant à une constituante en vue d’une autre constitution, une innovation sans précédent pour les amateurs d’événements historiques.

Le « non » irait ainsi à la rencontre de ses alliés.

Répétons-le, il n’est de solution, pour l’Europe et la France, que démocratique, celle d’une démocratie renforcée.

Il faut convoquer une nouvelle nuit du 4 août et mettre fin à des privilèges.

La Banque centrale européenne doit être contrôlée par les gouvernements et les Parlements dont ils émanent.

Les fiscalités nationales, les droits sociaux, les services publics ne peuvent éviter les règles de l’harmonisation et des coopérations européennes.

Un service public européen garantirait la cohésion des hommes et des territoires. L’émergence d’un homme européen en serait favorisée.

Pour parvenir à concrétiser ce programme, il est opportun de maintenir l’unité au-delà de son émergence. Le combat politique pour une démocratie - non pas restaurée, mais authentique -, se poursuit.

En France, de nouvelles échéances approchent, il s’agit de reconduire cette force et de conjuguer ses intelligences et ses énergies. Le « non » réclame une nouvelle construction politique où les projets supplanteront les logiques d’appareils. L’avenir ne se marchande pas. Il se programme et se dégage des médiocrités concurrentes.

Une nouvelle confrontation électorale doit pérenniser ce rassemblement et le suffrage universel doit le conforter.

Vivre ensemble, c’est plus que résister à l’assaut contre le contrat social, c’est redonner vigueur au pacte républicain qui a cimenté nos initiatives et commandé notre imaginaire.

L’Europe et la France s’éveillent à l’espérance...

Confisquer sa victoire au peuple relève de l’imposture. Personne n’est en droit de l’accaparer. La démocratie à venir répondra de ses principes. Elle sera un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

(*) Premiers signataires :

François Asensi, député, Patrick Braouezec, député, président de Plaine-Commune, Frédéric Dutoit, député, Gilbert Biessy, député, Stéphane Gatignon, maire de Sevran, Didier Paillard, maire de Saint-Denis, Pierre Laporte, conseiller général, Joseph Rossignol, maire de Limeil-Brévannes, Roger Winterlialter, porte-parole des alternatifs d’Alsace, président de la Maison de la citoyenneté mondiale à Mulhouse, maire honoraire de Lutterbach, Alain Amicabile, directeur d’agence multimédia (Nancy), Frédéric Brigidi, maire et conseiller général honoraires de Mont-Saint-Martin, Alain Casoni, vice-président du conseil général de Meurthe-et-Moselle, Roger Corbellotti, maire de Longlaville, André Corzani, maire de Joeuf, conseiller général, président du groupe communiste et d’entente démocratique, Serge De Carli, maire de Mont-Saint-Martin, Jean-Marc Duriez, adjoint au maire de Longlaville, président du groupe Ententes progressistes à la communauté de communes de l’agglomération de Longwy, Sylviane Henrich, professeur agrégée, Xavier Aknine, médecin, ancien président de l’UNEF, Michel Mariuzzo, maire de Piennes, conseiller général, André Martin, premier adjoint au maire d’Homécourt, Jean-Pierre Minella, maire d’Homécourt, vice-président du conseil général, Laurent Righi, maire d’Hussigny-Godbrange, conseil- - ler général, Fernand Tibéri, ancien

secrétaire syndical à Usinor Longwy, Olivier Tritz, adjoint au maire de Jarny, président de syndicat intercommunal, Maurice Villaume, maire de Damelevières, vice-président du conseil général, Adrien Zolfo, maire de Saulnes, Louis Aminot, ancien adjoint au maire de Brest, Annabelle Weber, étudiante, Emmanuel Kujawski, étudiant...
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