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D’après Le Nouvel Obs (citant avec gourmandise Associated press), Caracas jubile quand un prédicateur US appelle à tuer Chavez

Publie le jeudi 25 août 2005 par Open-Publishing
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Un extrémiste bien connu

de Maxime Vivas, écrivain

Âgé de 75 ans, Pat Robertson est le fondateur de la Christian Coalition et ancien candidat à l’élection présidentielle de 1988. Il s’illustre depuis plusieurs années par des propos controversés.

En 2003, en désaccord avec la politique du département d’État, il avait déclaré qu’« une toute petite bombe nucléaire lâchée sur [le département] pourrait faire bouger les choses ».

Il a aussi estimé que le féminisme « poussait les femmes à quitter leurs maris, à tuer leurs enfants, à pratiquer la sorcellerie, à détruire le capitalisme et à devenir lesbiennes ».

En France, le Nouvel Observateur du 24 août (Site Internet) rend compte de cette affaire en reprenant in extenso et sans le moindre recul une dépêche d’AP, dont le titre devrait rester dans les annales :

"Regain d’animosité entre Washington et Caracas —par Anne Gearan" (AP)

Le procédé (du type : un partout, la balle au centre) est admirable. Il faut l’exploiter. Par exemple :

Quand un fou met le feu à la pinède : « Regain d’animosité entre les pompiers et les pyromanes ».

Quand un obsédé viole une enfant : « Regain d’animosité entre les pédophiles et les parents d’élèves ».

Quand un désoeuvré désargenté vous pique le portefeuille à la sortie du boulot : « Regain d’animosité entre les travailleurs et les chômeurs ».

Quant un passant fatigué part au volant de votre voiture après vous avoir enfermé dans le coffre : « Regain d’animosité entre les piétons et les claustrophobes ».

Quand un patron délocalise en Croatie : « Regain d’animosité entre les syndicats et le MEDEF ». Etc.

Pêchée aussi dans l’article d’Associated Press, cette autre perle rare : « A Caracas, les autorités n’en reviennent toujours pas, savourant cette occasion offerte sur un plateau de dénoncer à nouveau Washington. (1) » Ah ! les fourbes en effet qui, sous le moindre prétexte (on veut seulement assassiner leur président élu) en profitent pour dénoncer « à nouveau » (ils l’avaient déjà fait, ils ne s’en lassent pas) Washington (victime expiatoire) en se léchant les lèvres (en « savourant ») avec une gourmandise obscène. Ils « n’en reviennent toujours pas » de l’aubaine. Pensez, un appel public à tuer leur président, c’est inespéré, une sorte de jackpot alors qu’on ne jouait même pas. Les « autorités » vénézuéliennes se regardent avec des yeux ronds, des mines réjouis, se tapent sur les cuisses, croient rêver tant c’est beau, demandent qu’on les pince : à la télé du puissant voisin, on appelle à tuer Chavez ! Ah, ça fait du bien cette nouvelle occasion de fustiger le gros, ça faisait longtemps. Vivement qu’il nous irakise, nous afghanise, pour qu’on puisse le critiquer sans retenue, qu’on se lâche à fond, avec gros mots et tout.

La suite de l’article est du même tonneau :

« Les Etats-Unis sont soupçonnés d’avoir été impliqués dans l’assassinat en 1963 du président sud-vietnamien Ngo Dinh Diem, ainsi que dans plusieurs tentatives contre le cubain Fidel Castro »

Soupçonnés ? Mais les preuves abondent, dont des documents US déclassifiés !). « Et ce, sans compter, au fil des ans, les nombreuses opérations de déstabilisation des régimes "ennemis", au Chili, au Nicaragua ». « Déstabilisation », charmant euphémisme que les os de Salvador Allende doivent apprécier ainsi que les Nicaraguayens liquidés par les « contras » payés, organisés, appuyés par la CIA.

Un dernier pour la route : « Artisan d’une "révolution bolivarienne" autocratique et sociale, il (Chavez) a failli être renversé en 2002 et accuse Washington, principal acheteur de son pétrole, d’avoir soutenu cette tentative de putsch. » Mais, là aussi, les preuves de l’implication directe des USA existent, non seulement dans le soutien, mais dans l’organisation et dans la reconnaissance ultrarapide du nouveau (et éphémère) gouvernement.

Pour souligner encore le niveau d’objectivité et de délicatesse de cet article, notons que cette volée de bois vert est administrée tandis que Chavez se trouve en Martinique pour rendre hommage aux victimes françaises de l’accident d’avion colombien de Maracaïbo. Le président colombien, ami de Bush est resté chez lui mais, puisque la presse ne le déplore pas, n’en parlons pas. La règle est en effet de taper sur les chefs d’Etat, amis de la France mais brouillés avec Washington, pas sur les chefs d’Etat qui laissent voler des avions poubelles pleins de Français, mais qui sont aimés par Washington.

Maxime Vivas, écrivain.


(1) Par surenchère, le Nouvel Observateur a choisi cette phrase pour en faire le « chapeau » introductif de l’article republié sur son site le 25 août 2005. Une manière d’en rajouter sur la dépêche d’AP et sur son titre original, sans doute jugés trop neutres.

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