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Philippe Villechalane : "Les citoyens vont payer pour les patrons"

Publie le dimanche 4 septembre 2005 par Open-Publishing

Président de l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires (APEIS).

Entretien réalisé par Olivier Mayer

Beaucoup d’annonces du premier ministre intéressent les chômeurs et les précaires. Qu’en pensez-vous ?

Philippe Villechalane. Ces mesures vont toujours dans le même sens : la baisse du coût du travail et la remise au travail de façon forcée. On nous annonce une baisse du chômage, 25 000 en juin et 35 000 en juillet, mais quand on met en parallèle les radiations, le solde est encore négatif. Ce ne sont pas des mesurettes qui vont régler la question cruciale de l’emploi. On veut culpabiliser les chômeurs pour les forcer à accepter n’importe quel emploi. La protection, la meilleure, c’est l’indemnisation décente de toutes les formes de chômage. On ne peut pas vivre avec 420 euros par mois. Et cette indemnisation décente est la meilleure garantie contre les bas salaires et le travail dégradé. On connaît ça depuis longtemps, les TUC, les SIVP, les petits boulots, ça ne crée pas de l’emploi qui permette de sortir de la précarité.

Mais l’augmentation de la prime pour l’emploi, c’est une satisfaction ?

Philippe Villechalane. Pour les gens plongés dans la précarité, quelques centaines d’euros de plus dans l’année, ce n’est pas négligeable. Mais on ne fait pas payer ceux qui exploitent le travail et qui tirent les profits. Donc on prend des mesures qui semblent aller dans le bon sens pour donner le change, mais ceux qui tirent profit du travail déqualifié, des bas salaires, qui se servent du chômage comme variable d’ajustement, ce ne sont pas eux qui payent la note mais c’est la collectivité. Ce sont les citoyens qui vont payer par l’impôt ce que devraient payer les patrons.

Que pensez-vous de l’annonce « d’un rapprochement » du RMI, de l’allocation solidarité spécifique et de l’allocation parent isolé pour aller vers « plus de simplicité ».

Philippe Villechalane. On verra ce qu’il y a derrière cette annonce. Mais on peut craindre de nouveaux transferts de charges sur les collectivités locales. On l’a vu pour le transfert du RMI aux départements : les compensations de l’État se sont faites sur 920 000 bénéficiaires du RMI, mais ils atteignent aujourd’hui 1 100 000. C’est la même logique : on fait payer aux contribuables, on fait payer aux collectivités qui sont étranglées et on dédouane les vrais responsables. Je crains que cette harmonisation n’aille pas dans le bon sens.

Le contrôle des chômeurs va être renforcé. Est-ce une bonne mesure ?

Philippe Villechalane. Le gouvernement veut d’abord peser sur les chiffres du chômage. Dominique de Villepin s’est donné cent jours pour avoir des résultats sur l’emploi. Il a besoin d’un bilan présentable. « On a réussi à inverser la courbe. On passe sous la barre des 10 %. » Or les chiffres de cet été montrent que, s’il y a moins de chômeurs, par contre le retour à l’emploi est en baisse. Retrouver un emploi devrait être le seul moyen de sortir du chômage et ce n’est visiblement pas le cas. Les chiffres baissent essentiellement à cause des radiations. Mais, surtout, on veut forcer les chômeurs à accepter n’importe quel boulot, dans n’importe quelles conditions. Ce qui va se développer ce sont les CNE, les temps partiels. On va obliger des chômeurs à accepter des petits boulots, des salaires de misère. Et ça va peser sur les conditions de travail et les revenus de tous les salariés. Les gens qui touchent 420 euros par mois, je n’appelle pas ça des profiteurs. On le voit à l’APEIS, ce que veulent les chômeurs, c’est du boulot, mais pas n’importe lequel, pas à n’importe quel prix.

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