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A la grâce du président

Publie le mercredi 25 juin 2003 par Open-Publishing

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ARRESTATION DE JOSE BOVE. —Les manifestations de soutien à José Bové,
incarcéré dimanche matin, se multiplient. Ses proches de la Confédération
paysanne attendent une éventuelle grâce présidentielle le 14 juillet, qui
serait interprétée comme un signe fort sur les OGM

Tout recommence comme l’été dernier. Chaque soir, vers 18 heures, une
curieuse mélopée s’élève au pied de la prison de Villeneuve-lès-Maguelonne.
Des dizaines de personnes se regroupent au bord de la nationale longeant la
maison d’arrêt et frappent sur les rails de sécurité comme sur des tam-tams.
Depuis les cellules, on entend parfaitement la drôle de musique et des cris
de prisonniers reviennent en écho. Les amis de José Bové lui envoient ainsi
leur message quotidien d’amitié et de solidarité.
Avec l’aide de Gérard Buisson, le maire communiste de la commune, le piquet
de veille se met en place. La municipalité prête, « comme d’habitude », un
bout de terrain aux abords du parking de la prison sur lequel on installe un
Algeco tenant lieu de quartier général et de point de rendez-vous pour les
sympathisants de passage.
« Nous resterons le temps qu’il faudra, affirme Jean-Emile Sanchez, le
secrétaire national de la Confédération paysanne, et malheureusement rien ne
nous incite à croire, aujourd’hui, que cette période sera brève. Quand un
président de la République a pour seule réponse à 800 000 lettres de demande
de grâce l’envoi de deux escadrons de gendarmes mobiles pour arrêter un
leader syndicaliste, on a le droit d’être inquiet, mais nous allons faire le
maximum. »

Première rencontre. Passé l’effet de surprise de dimanche matin, la
résistance s’organise. « Ils l’ont emmené sans rien lui laisser prendre,
raconte Ghislaine, sa compagne. J’ai dû lui apporter un sac de vêtements
dimanche après-midi, mais sans pouvoir lui parler. J’ai fait une demande de
droit de visite pour jeudi. Je suis comme tout le monde, je n’ai droit qu’à
une heure et demie de parloir par semaine. »
Quand on lui demande si José Bové s’attendait à une telle arrestation, la
compagne du leader syndical avoue : « Bien sûr qu’il s’y attendait. Mais
personne n’est jamais prêt à aller en prison. Cela dit, José assume. Il est
déterminé, il connaît le sens de son combat et sait qu’il peut compter sur
tous ses amis qui font cercle. Nous espérons pouvoir rapidement le tirer de
là. »
Ce matin, Me François Roux pourra rencontrer José Bové pour la première fois
depuis son placement en détention. Pour l’heure, l’avocat montpelliérain,
n’est pas particulièrement optimiste. « Si l’on comptabilise les jours de
remise de peine automatique pour bonne conduite, soit soixante-trois jours,
et un mois et demi supplémentaire dans le cadre de l’amnistie du 14 Juillet,
il est possible que José Bové reste six mois derrière les barreaux. Et nous
ne pourrons pas déposer une demande de liberté conditionnelle avant que les
deux tiers de la peine n’aient été effectués. La situation est celle-là si
Jacques Chirac n’intervient pas. »
Les déclarations de Renaud Donnedieu de Vabres, le porte-parole de l’UMP,
confirmant que José Bové devrait bénéficier de la réduction de peine du 14
Juillet, mais comme tout le monde, n’ont pas surpris à la Confédération
paysanne. « Nous savons bien que le décret présidentiel du 14 Juillet ne
peut tout régler, explique Paul Bonhommeau, un des juristes de la
Confédération. Mais, depuis novembre 2002, la présidence de la République et
le garde des sceaux ont été saisis de demandes de grâce pour José Bové. Il y
a eu des démarches individuelles et d’autres collectives, comme celle de la
Ligue des droits de l’homme, ou de la Confédération avec le soutien
d’associations. M. Dominique Perben a donné acte de ces demandes. La balle
est dans leur camp mais, bien entendu, nous n’allons pas attendre pour
exercer une pression maximale. »

Manif à Paris. Cette semaine, les ministres en déplacement en province et
les députés en visite dans leurs circonscriptions risquent de devoir faire
face à quelques rendez-vous impromptus... et, demain, une grande
manifestation de soutien est prévue à Paris. De nouvelles demandes de grâce
risquent aussi d’affluer à la présidence de la République, comme au siège de
la Confédération paysanne. « En comptant celles arrivées de l’étranger, nous
estimons à 830 000 le nombre des demandes déjà adressées », précise Paul
Bonhommeau.
« La grâce présidentielle serait un signe fort sur la question des OGM »,
rêve déjà Brigitte Allain, porte-parole de la Confédération. Mais, sur le
terrain, on est loin de partager cet optimisme. « Ils ont arrêté José comme
un criminel, lance un militant aveyronnais. Est-ce qu’il y avait besoin de
toutes ces forces de police, d’un hélicoptère, de véhicules blindés, de
chiens policiers, pour dire à un type qui n’a jamais tué personne et qui
avait prévenu qu’il n’opposerait aucune résistance que l’heure était venue
d’aller en prison ? Mais non, ils veulent définitivement faire taire Bové.
Il n’y a pas de cadeau à attendre d’un gouvernement dont on connaît les
affinités avec la FNSEA et qui multiplie les actions dures contre les
mouvements sociaux. La droite va nous claquer la porte au nez en rigolant. »

Le tam-tam de 18 heures. « Jean Puech, l’ancien ministre de l’agriculture,
actuel président du Conseil général de l’Aveyron, a déjà refusé de nous
recevoir, renchérit Jean-Emile Sanchez. Le message est clair, ce monsieur
refuse de parler avec la Confédération paysanne. »
Quelques mots de compassion de la FNSEA, déplorant des conditions
d’arrestation « peu respectueuses de la personne », ne parviennent pas à
calmer ceux qui, dans les rangs, crient au règlement de comptes.
Faute de mieux, tous les regards se tournent vers l’Elysée. Pour le moment,
on se contente d’y déclarer que c’est la chancellerie qui instruit
normalement le dossier.
Pendant ce temps, José Bové, numéro d’écrou 22 377 Y, bloc A O7, attend le
tam-tam de 18 heures, à la prison de Villeneuve-lès-Maguelonne.