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COUVRE FEU SUR LA NUIT SOCIALE

Publie le vendredi 25 novembre 2005 par Open-Publishing

INTERPELLATION DES COLLECTIFS DU 29 MAI...

L’activation des dispositions de la loi 1955, en clair "l’état d’urgence" contre les banlieues, est prorogée pour une durée de 3 mois. Rappelons-le : cette loi permet à tout préfet d’instaurer le couvre-feu dans tout ou partie du département, d’y interdire les réunions, les manifestations, les films et les spectacles susceptibles de troubler l’ordre public. Elle permet de fermer cinémas, théâtres, cafés, salles de réunions, d’ordonner l’interdiction de séjour et d’assigner des personnes à résidence. La loi donne le droit de perquisitionner jour et nuit, de contrôler l’information écrite et audiovisuelle. Ces pouvoirs d’exception, accordés initialement douze jours jusqu’au 21 novembre, sont renouvelables par le Parlement, et extensibles, pourquoi pas, jusqu’au transfert de pouvoirs exceptionnels au Président de la République prévu par l’article 16 de la Constitution. A ce jour, l’état d’urgence n’avait été appliquée qu’en Algérie, pendant la guerre d’indépendance et à Paris en octobre 1961 avec les résultats que l’on sait. La droite au pouvoir n’avait pas osé l’instaurer en mai 68.

Et nous sommes paralysés tant est impressionnante la brutalité gouvernementale administrée.

Le sentiment d’impuissance attesté par notre passivité collective marque notre assujetissement.

La réponse, démesurée au regard des évènements, ne relève pas d’une simple gesticulation du gouvernement entraîné par le ministre de l’Intérieur. Nicolas Sarkozy tire profit du vide politique laissé par une gauche officielle en lambeaux. Il profite aussi de l’effacement du Président de la République. Le nouveau chef incontesté de la droite dispose à la fois d’un appareil politique - l’UMP et sécuritaire. La voie est royale pour prendre le pouvoir. De fait, le ministre de l’Intérieur est bien placé pour manipuler la presse et instrumentaliser la police . Il use à volonté du choc des mots, des formules et des médias dans sa campagne de communication, comme en témoigne sa petite promenade dans les quartiers d’Argenteuil, parfaitement organisée et préméditée. Cet ordre de bataille conforte la droite qui resserre les rangs et ne trouve rien à redire à l’état d’urgence. Or, malgré les séismes électoraux en faveur de l’opposition, « la gauche » peine à s’exprimer en dépit de la gravité des évènements. Il y a bien eu des communiqués sur l’état d’urgence. Mais le dernier bureau national du PS est resté profondément divisé : les « Hollandais » ont approuvé l’état d’urgence, les minoritaires, dont les maires de Seine-Saint-Denis, se sont prononcés contre. On ne joue impunément avec les mesures d’exception !

Surveiller et punir

Cette situation est dangereuse, car Sarkozy est en train d’activer le racisme supposé ou latent pour diviser profondément les classes populaires. Sur quelle autre information, si ce n’est le délit de faciès, la police parisienne pouvait-elle interdire les attroupements dans la capitale ce 12 novembre ? Les étrangers arrêtés, en situation régulière ou pas, seront expulsés sans délai. Le ministre de l’intérieur veut ancrer la peur, faire des Africains et des Maghrébins des boucs émissaires pour dévier la colère sociale, créer un climat de guerre civile propice à une prise du pouvoir. Cette stratégie n’a rien d’originale, à l’instar des conflits ethniques ou religieux qui agitent de nombreux pays. Pour compléter le tableau, les experts en tous genres jettent la responsabilité des troubles sur la démission des parents, en particulier les familles mono-parentales... Peu importe, l’ordre moral progresse.

Déni social

On a presque tout dit sur la laideur et la déshérence des cités péri-urbaines. La transformation du logement en rente immobilière a été poursuivie par la gauche au pouvoir, sourde aux contestations des associations.

L’apartheid des banlieues mérite mieux que les hésitantes condamnations d’une partie de la « gauche » incapable d’exiger la levée d’un dispositif inique et de décréter une mobilisation générale pour dénoncer le parcage des plus démunis dans un dispositif social-sécuritaire qui opère par le mépris et le déni des causes structurelles de la pauvreté.

En dépit du discours de surface « républicain égalitaire », maintenu par sa seule vertu rhétorique, le démantèlement des services publics et des services sociaux s’est accéléré. La prestation de services « différenciée » selon des zonages géographiques et des populations : « quartiers difficiles », « classes dangereuses »... marque l’individualisation de l’action publique.

Supprimées il y a 3 ans, la restauration ces jours-ci de certaines subventions au profit des associations travaillant dans les quartiers péri-urbains, est due au fait du prince et non à l’exercice de l’intérêt général.

La politique de l’éducation comprise seulement dans sa perspective économique ; une fourniture de service, illustre cette orientation jusqu’à la caricature et sonne le glas de l’école pour tous, obligatoire, gratuite et émancipatricee. Le référentiel néo-libéral est ici fin et moyen. Ce que l’European Round Table of industrials ( ERT, lobby d’affaire très influent en matière d’éducation) a rêvé, de Villepin le réalise : « améliorer la richesse et la diversité de la formation et de l’éducation pour fournir aux économies européennes toutes les compétences nécessaires pour une industrie efficiente et compétitive ». Ainsi, « l’émancipation sociale des sujets apprenants » et « leur incorporation au complexe techno-économique capitaliste » passe par la spécialisation précoce et la multiplication de filières de relégation. Le peuple n’est plus éducable !

L’importation de la tolérance zéro et de son "volet social" ; « la discrimination positive », en dit long sur le seul mode « d’intégration » désormais proposé aux indigènes : la promotion individuelle au détriment de solutions collectives humaines et durables.

La politique a changé de nature et son exercice est « devenu une affaire d’intendance ».

Face au démantèlement de l’Etat et l’organisation à tous les échelons d’une entreprise de confiscation et d’enfermement sans précédent, l’Appel des 200 a su impulser, à l’occasion de la campagne référendaire, une leçon de « saine politique ». Au Traité établissant une Constitution pour l’Europe, il a opposé l’exercice éclatant de la souveraineté populaire. Ce moment politiquement constituant appelle des suites à la hauteur des enjeux.

Pour répondre du vote populaire du 29 mai, nous interpellons les collectifs du 29 mai pour l’exercice d’une plus grande cohérence des critiques et des actions.

Sommes-nous, en dépit des intimidations médiatiques, capables d’affirmer notre solidarité sans faille avec tous les mouvements sociaux sans distinction ?

Derrière les protestations les plus classiques du monde salarial, derrière les révoltes politiques - depuis décembre 1995 jusqu’à la sédition des banlieues - il y a une totale unité des causes : les mêmes effets de destructions sociales liées à la mondialisation et à la paupérisation délibérée des services publics, et surtout, le même autisme d’une classe politique fondamentalement complice, en dépit des facéties de l’alternance.

Si les salariés de Cellatex, de Moulinex ou de la SNCM, tout comme les jeunes des banlieues, doivent en venir aux extrêmes pour se faire entendre, sur qui ces comportements instruisent ? Salariés et jeunes de nos cités, identiquement, sont en révolte contre des promesses ressassées, jamais tenues et un mode de non être des gouvernants aux gouvernés.

A l’heure actuelle, le pacte républicain de la Résistance est enterré. L’heure est à la disparition des services publics que ce soit par leur privatisation, lorsque les entreprises sont rentables (autoroutes, Edf, France Télécom...) ou leur disparition pure et simple, par la suppression de crédits. La rigueur budgétaire imposée par Bruxelles est en train de vider les missions de service publics de tout contenu. Cela hypothèque sérieusement les marges de manœuvre des pouvoirs locaux et nationaux. Derrière cette logique, se profile l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) aggravé par la Commission européenne via la directive relative aux services dans le marché intérieur (dite Bolkestein).

La situation est dangereuse, il y a urgence.

« Le sécuritaire est le stade suprême du capitalisme »
Il est temps de stopper la dérive totalitaire du gouvernement.
Il est temps d’arrêter la destruction programmée des services publics par une contestation à la mesure des coups portés au droit à l’existence et à nos libertés fondamentales.

« Il n y a d’autre voie que celle de la publicité s’il s’agit pour un peuple entier d’exposer ses doléances »

Si d’autres mondes sont possibles, ils ne peuvent se réduire à une attente. Le non de gauche a ouvert une brèche et levé d’immenses espoirs. Il permet objectivement de reconfigurer la donne politique. Saurons-nous l’amplifier comme « une marque d’entrée dans un devenir » instruit et fondé sur la radicalité de nos espérances...

Premiers signataires : René Balme, maire de Grigny 69520 - Hamida Ben Sadia, Féministe, Alternative Citoyenne - Jean-Pierre Berlan, économiste, directeur de recherche à l’INRA - Bernard Bosc, réseau féministe RUPTURES - Collectif éditorial Raisons d’agir - Thierry David, travailleur social - Monique Dental, animatrice du Réseau Féministe "Ruptures" - René Devos, membre du collectif mâconnais - Jean Druon, réalisateur, Tarn - Jamila El Idrissi, membre du collectif du Conflent du 29 mai - Sylvette Escazaux, membre du collectif du Conflent du 29 mai - Sylvie Fayepastor, membre du collectif mâconnais - Françoise, militante, Paris - Alexandre Garros, jardinier, faucheur volontaire - Raoul Marc Jennar, chercheur, URFIG - Laurence Kalafatides, chercheuse, française issue de l’immigration - Marie José Mondzain, philosophe, directeur de recherche au CNRS - Claude Ramin, médecin, militant associatif, Aix en Provence (13) - Gilles Sainati, magistrat, membre du Syndicat de la magistrature - Hamida Ben Sadia, Féministe, Alternative Citoyenne - Thierry Jaccaud, rédacteur en chef de l’Ecologiste -Philippe Marlière, politologue, université de Londres - Pascal Léonard, Prades (66) - Pierre Johan Laffitte, enseignant-chercheur - Colette GAULIER-HÊME, membre du Collectif du 29 mai du Conflent - Geneviève Laffitte, citoyenne, collectif du non du biterrois - Vincent BREHON, chômeur 26 ans - Nader MACHOUCH, Thermicien - Yves Pagnotte, conseiller municipal de Mâcon, collectif citoyen de Mâcon - Jacqueline Vignon, collectif citoyen de Mâcon - Guy Litaud, collectif citoyen de Mâcon - Georges Crolla, militant socialiste pour le NON en Saône et Loire - Marie Pierre Dard, membre du collectif citoyen de Mâcon - Marie Pierre Dard, membre du collectif citoyen de Mâcon - Jean Roux, membre du collectif citoyen de Mâcon - Jacqueline Kempton, membre du collectif citoyen de Mâcon - Iain Simpson-Smith, membre du collectif citoyen de Mâcon - Yannick Chenevoy, Maître de Conférences, Université de Bourgogne - Jacques Pons, membre du collectif du Coflent du 29 mai - Adil Eddaou, doctorant en économie appliquée - Jean-Claude Amara, Droits Devant ! ! - Sylvie Fiora, comédienne - Isabelle Costa, Citoyenne du monde - Virginie Podevin, membre du collectif Atos-Est, Junghotz, Haut Rhin - Isabelle et Jean Lambrey, Association Imagine la Paix - André Thiry, citoyen libre penseur - Emmanuel Collod, Collectif du 29 mai Lyon Croix-Rousse - Michel Essertaize, retraitée de l’enseignement - Sylvie Magnier - Pierre Beinsteiner, élève ingénieur, Grenoble, inquiet - Jean-Jacques Rey - Erwan LE GUEN 23 ans, automaticien - Marie Bixel, membre du collectif pour une autre Europe de Montceau les mines - Isabelle PAEZ, ass. Communication - Olivier jacques Bernard, Collectif citoyen de Saône et Loire - Bernard Sarrazin, membre du collectif citoyen de Mâcon - Nelly Pegeault, Nature & Progrès - Victor Maillard - Aïssa BENMESSAOUD - Militant associatif Givors (69) - - Jean-Marie Robert, Séné Morbihan - Maryvonne Loiseau, Collectif antilibéal pour une autre Europe du Morbihan - Jean-Louis Comolli, réalisateur - Erwan Le Calvez, discothécaire, Vannes (56) - Philippe Neyrat - Paco Bialek - Georges-Henri Clopeau - Stephane Tavitian

Tous les signataires ont pris part à la campagne du non de gauche...

Pour signer cet appel, envoyez un mail vide à cette adresse

raoul.jennar@wanadoo.fr