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Italie : importation létale

Publie le mercredi 1er février 2006 par Open-Publishing

de Erri De Luca traduit de l’italien par karl&rosa

Dans l’imitation du style de vie américain nous sommes premiers au monde. Nous avons importé n’importe quel produit, des bases nucléaires à la fête de Halloween. Les temps était mûrs pour qu’on adopte aussi le droit suggestif de tirer à vue. Mais avec la nouvelle loi, nous avons dépassé le maître. Comme cela est arrivé hier à Castelnuovo del Garda. Je suis un consommateur de différentes marchandises made in USA, dont les téléfilms du lieutenant Colombo. J’ai aimé le cinéma et la littérature américaine. Je renonce à comprendre leur idolâtrie de la propriété privée qui en arrive à concéder le droit de tuer ceux qui violent un domicile.

Je reconnais le droit de se défendre en cas d’agression, dans la rue ou chez soi. Je le reconnais à l’Irak et je le reconnais à n’importe quel citoyen. Le droit à la légitime défense existe. J’admets la détention d’une arme à feu chez soi, si cela sert à se sentir plus en sécurité. Mais tirer est la dernière chose à faire, le dernier usage de cet engin. L’arme atomique a servi à maintenir longtemps un équilibre entre des menaces opposées, son usage était exactement de viser sans appuyer sur la détente. De même, une arme à la maison sert de menace, on peut en arriver à tirer en l’air, mais pour tirer dessus il faut des raisons de guerre. La loi qui demandait des circonstances écrasantes de danger pour exercer le droit de défense était saine et juste. Il fallait les démontrer, parce que tuer n’est pas un acte de rétorsion proportionné au vol.

La violation de domicile suffit aujourd’hui pour garantir la licence d’abattre l’intrus. Ce chèque en blanc délivré aux particuliers encourage l’instinct de la forêt. Nous sommes seuls dans la nuit sombre, chacun pour soi. Cette loi est la déclaration d’impuissance d’un état démissionnaire. Elle élève le seuil de danger de la vie de chacun, parce qu’elle en abaisse la valeur : on peut tuer avec plus de légèreté, une plus grande impunité et les compliments de l’état. Les particuliers sont autorisés à faire ce qui n’est pas concédé, même à la force publique, tirer sans cause de force majeure. C’est la plus dangereuse des suppléances. Chacun peut se nommer shérif de la maison et accrocher à son veston une étoile en fer-blanc. Pour adapter la tenue, on fait hommage à ceux qui achètent deux pistolets (on ne sait jamais), d’un chapeau texan aux larges bords.

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