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Le cas Cindy Sheehan

Publie le samedi 11 février 2006 par Open-Publishing

de Richard Hétu

Cindy Sheehan, mère d’un soldat tué en Irak, a frappé l’imagination du monde en campant aux portes du ranch texan du président George W. Bush, en août dernier. C’était sa façon de protester contre une guerre fondée sur des "mensonges".

Le mouvement antiguerre venait de se trouver un symbole puissant aux États-Unis, tout juste au moment où la majorité de la population lâchait l’administration Bush sur l’Irak. Depuis, Cindy Sheehan poursuit son combat singulier, suscitant des réactions allant de l’admiration à la haine, en passant par le doute. Il y a une semaine, la lutte pacifiste de Cindy Sheehan l’a conduite à Caracas, où elle est montée sur scène aux côtés du président Hugo Chavez.

Comme le chef d’État vénézuélien, la militante américaine a condamné l’"impérialisme" des États-Unis et le "terrorisme" de George W. Bush.

Passant un bras autour du cou de Cindy Sheehan, Hugo Chavez a annoncé à la foule du Forum social mondial que l’Américaine retournera en avril camper devant le ranch de "Monsieur Danger" (Bush). C’est là qu’elle devrait souligner le deuxième anniversaire de la mort de son fils. Et la foule de scander : "Cindy ! Cindy ! Chavez !"

La mère de Casey Sheehan a le don d’attirer la publicité. Deux jours après son passage à Caracas, elle a été interpellée dans l’enceinte du Congrès, peu avant le début du discours annuel du président sur l’état de l’Union. La police lui a passé les menottes et l’a détenue pendant quatre heures, l’accusant de "conduite abusive". Son crime ? Elle portait un t-shirt sur lequel était imprimé un message faisant référence au nombre de soldats américains tués en Irak : "2245 morts. Encore combien de plus ?" Le même soir, la police du Congrès a également expulsé de la salle Beverly Young, femme d’un parlementaire républicain, dont le t-shirt demandait de "soutenir les troupes".

Le lendemain, la police du Congrès s’est excusée auprès des deux femmes. L’épisode en dit quand même long sur l’état d’un pays où la peur du terrorisme semble justifier tous les abus.

Il va sans dire que Cindy Sheehan a rejeté les plates excuses de la police. "Ils ont violé mes droits civiques, ils m’ont humiliée", a-t-elle déclaré mercredi lors d’une entrevue télévisée à Los Angeles. "Ils m’ont traitée comme si, au lieu d’un t-shirt, j’avais porté une arme."

Cindy Sheehan s’exprime d’une voix douce, mais elle est radicale dans sa pensée. Pour elle, George W. Bush est le "plus grand terroriste" du monde. Son administration est composée de "criminels" dont l’objectif est de répandre le "cancer de l’empire". Son impeachment est une priorité. Aussi Cindy Sheehan a-t-elle participé lundi à un événement politique à Washington intitulé "La destitution du président George W. Bush et du vice-président Dick Cheney".

Outre Sheehan, Ramsey Clark faisait partie des conférenciers. Attorney général sous Jimmy Carter, Clark est aujourd’hui l’un des avocats de Saddam Hussein. Il a déjà défendu Slobodan Milosevic.

L’ancien candidat à la présidence Ralph Nader devait également être de la partie, mais il a dû annuler à la dernière minute.

Voilà quand même quelques-uns des compagnons de route de Cindy Sheehan : Hugo Chavez, Ramsey Clark et Ralph Nader, celui-là même qui a privé Al Gore de la présidence des États-Unis en 2000.

En Europe, Cindy Sheehan compte également plusieurs admirateurs, dont au moins un Prix Nobel de littérature, le dramaturge italien Dario Fo, qui a écrit une pièce de théâtre intitulée Peace Mom sur la vie de la militante américaine. La pièce a fait ses débuts à Londres en décembre en présence de Fo et de Sheehan.

Pour Fo, soit dit en passant, la terreur du 11 septembre 2001 est la "fille légitime d’une culture de violence, de famine et d’exploitation inhumaine" qui, chaque année, "tue des millions de personnes".

De passage à Madrid au cours de sa tournée européenne, Cindy Sheehan a déclaré : "Je ne suis pas une cinglée de gauche, comme certains veulent le faire croire. C’est George Bush qui est maintenant en minorité avec ses idées extrêmes."

L’idée voulant que Cindy Sheehan ait sauté les plombs est largement répandue dans les médias conservateurs aux États-Unis. Voici comment la page éditoriale du New York Post a décrit la militante cette semaine : "Elle est une femme triste, obsédée, qui souffre probablement d’une maladie mentale."

Et le Post d’affirmer que les positions de Sheehan reflètent "le dogme démocratique actuel". Sur la guerre en Irak, a précisé le journal, "il n’y a pas beaucoup de différence entre Sheehan et les Howard Dean, John Kerry, Ted Kennedy et Al Gore". Et l’éditorialiste ajoute que "Hillary Clinton est sûrement à un ou deux sondages d’inviter Sheehan à prendre le thé".

Pour l’heure, Cindy Sheehan critique vigoureusement la sénatrice de New York pour son appui à la guerre en Irak. Elle songe même à se présenter contre la sénatrice démocrate de Californie, Diane Feinstein, qui a également voté en faveur d’une intervention militaire au pays de Saddam. Cindy Sheehan, qui réclame le retrait immédiat des troupes américaines en Irak, ne tardera pas à annoncer sa décision. En Californie, les primaires démocrates auront lieu en juin.

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