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Italie, Silvio Berlusconi : un programme électoral vraiment sans titre

Publie le lundi 27 février 2006 par Open-Publishing

Pour la Casa della Libertà [le rassemblement de centre-droit, NdT] il ne s’agit que de "continuer". La famille et le Sud à l’Udc [les ex démocrates-chrétiens, NdT], les "racines chrétiennes" et le fédéralisme à la Ligue lombarde, plus de menottes à Alleanza nazionale [les post-fascistes, Ndr], des juges et des procureurs séparés à Forza Italia. Mais le gouvernail reste à Giulio Tremonti : l’Etat va tout vendre.

de MATTEO BARTOCCI, ROME traduit de l’italien par karl&rosa

Moi, patrie, famille. Où l’usage du pronom personnel n’est pas une coquille [Moi = Io et Dieu = Dio, Ndt]. Dans un discours à la télé, Silvio Berlusconi a "dévoilé" le décalogue du centre-droit pour la prochaine législature. Un programme électoral sans surprises, présenté explicitement à l’enseigne de la "continuité" par rapport à ce qui à été fait jusqu’ici.

Loin des exhibitions médiatiques, évitant tout commentaire sur les réponses très dures des magistrats à ses déclarations de jeudi, le Cavaliere débite devant des centaines de journalistes les "36 grandes réformes" déjà lancées par la Casa delle libertà et aussi, à la fin, le programme pour l’avenir. Un avenir qui commence par l’affirmation une fois pour toutes que le schéma aux trois têtes est fini à tous jamais : "Le chef unique de la coalition - la loi le définit ainsi - est Silvio Berlusconi, né à Milan le 29 septembre 1936".

C’est exactement comme cela que débute le "programme électoral 2006", après une couverture blanche, sans titre, avec vingt petites pages dont presque la moitié servent à illustrer le cadre de "valeurs" qui rassemblent l’alliance bariolée de centre-droit. L’analyse "historique" sur le quinquennat berlusconien a été directement écrite par Giulio Tremonti. Et ça se voit : il y a les tours jumelles, l’engagement tardif pour le "billet à 1 euro", la "concurrence déloyale" de la Chine et de l’Inde, une globalisation trop rapide, la censure de "la religion forcenée du marché par laquelle la gauche devait se faire pardonner son communisme". En somme, Berlusconi gouvernait mais la gauche mondiale (la réformiste, bien entendu) encourageait les horreurs du néo-libéralisme.

Sur les valeurs, la trame prend un peu d’épaisseur. "En 2000 - lit-on dans l’incipit - la Casa della libertà est née de la liberté, dans la liberté et pour la liberté. Voila justement - nous explique-t-on - la raison de son nom". La confirmation du "choix européiste et atlantique" est suivie d’arguments contradictoires, que le texte lui-même admet être "un peu difficiles à expliquer". Il est dit en effet que le "choc des civilisations" est un risque à conjurer et, en même temps, on met au "centre du programme" "nos racines judéo-chrétiennes", définies, comme le veut la Ligue, comme l’architrave identitaire du "nouveau" centre-droit.

Suit un décalogue. Dix points programmatiques qui débutent tous par un "Nous continuerons" : "Nous continuerons la modernisation du pays, nous continuerons notre politique étrangère, nous continuerons à créer des opportunités d’emploi pour tous", etc. etc. Si Tremonti s’était plaint de l’absence de chiffres dans le programme de l’Union, il s’est peut-être distrait dans la rédaction du sien. Dans les quelques pages qui suivent on trouve des propositions de détail comme l’abolition de la taxe sur les (petites) enseignes et l’éducation sanitaire dans les écoles. Mais le premier point, comme le voulait l’Udc, est la famille : une "communauté naturelle basée sur le mariage entre un homme et une femme". Entre l’augmentation des crèches et le lait artificiel gratuit pendant six mois surgit le "quotient familial" dans la déclaration des revenus et un livret d’épargne à terme de chaque nouveau-né à dépenser à l’avenir sur le marché de l’instruction, pour garantir une "réelle liberté de choix éducatif entre école publique et école privée". Deuxième point : le Sud. On prévoit plus d’infrastructures (y compris, évidemment, le pont sur le Détroit) et "la lutte à la criminalité organisée". A côté de cela, il y a la création de zones franches "duty free" évoquant Taiwan ou Dubaï plutôt qu’Amalfi. Il y a ensuite le fédéralisme fiscal et en même temps une fiscalité avantageuse, qui compense "le développement". Et enfin, va aussi naître la grande banque du Sud, publique privée, rêvée par Tremonti.

Mais le programme se développe, en zigzaguant beaucoup, sur quelques lignes précises : l’assainissement des comptes et le fédéralisme fiscal se réaliseront à travers une méga vente du patrimoine public évaluée (à sa valeur maximale) à 1100 milliards d’euros. Un "grand pacte" entre l’Etat et les institutions locales qui va mener à la vente des deux tiers des biens publics. Les habitations aussi feront évidemment partie de la grande braderie. On fera le reste en récupérant 30% de l’évasion fiscale. Le rêve de "moins de taxes pour tous" à une époque de vaches maigres est ainsi rogné sur un taux maximum de 40%, modéré par le quotient familial. Et toc pour les célibataires !

Au moins pour l’école et l’université, le gros est déjà fait : on concédera "seulement" aux universités de se transformer librement en fondations ouvertes au privé.

Ce n’est que sur la justice que le Cavaliere se permet enfin quelque chose, en présentant la séparation des carrières des juges et des procureurs (avec deux CSM séparés eux aussi) en évoquant une vision où "l’avocat de l’accusation entre dans le bureau du juge le chapeau à la main et ne le tutoiera plus jamais". Pour le reste, l’argument s’achève par beaucoup de menottes et plus de prison, comme l’aiment certainement La Ligue et Alleanza nazionale.

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