Accueil > Will they survive ?

Will they survive ?

Publie le dimanche 14 mai 2006 par Open-Publishing
3 commentaires

A un mois de la Coupe du Monde allemande, Bruno Godard, journaliste à Onze Mondial, regarde, dans son livre « Les Bleus peuvent-ils vraiment gagner la Coupe du Monde ? », sous les shorts des Bleus. Ou comment une bande de gagneurs devenus Rois du monde s’est transformée en une troupe de mercenaires, poussifs et avares.

Avant de comprendre pourquoi Raymond Domenech ne prendra pas Ribéry en Allemagne, ou choisira Barthez comme gardien numéro 1 des bleus, avant de s’étriper sur la relation Zidane Henry, très infructueuse en dépit du talent des deux protagonistes, avant de s’insulter sur la non réussite de David Trézéguet sous le maillot tricolore, contrastant avec son insolente facilité à transformer n’importe quel ballon en or sous le maillot de la Juventus, avant tout cela donc, et bien d’autres bières, et bien d’autres hurlements de frustration, il faut lire le livre terrible de Bruno Godard.

Un livre où il est question des Bleus, donc, de ces bleus qui un soir d’été 1998 sont devenus des idoles, des héros, des présidents et des dieux. « Le 12 juillet 1998 au matin, les footballeurs n’étaient encore que des beaufs. A l’issue de la finale, le soir même, ils étaient sexy. » Déjà, tout est dit. Comment des hommes, qui plus est des sportifs, c’est-à-dire rarement ceux qu’on considère comme dignes d’être écoutés, entendus, ou mis en avant pour vendre quoi que ce soit, deviennent subitement des symboles de réussite, de succès, de bonheur, pour un individu, pour tout le monde, pour un pays tout entier. A partir du 12 juillet 1998, la France, c’est la bande à Zidane. Tout, soudain, se met à marcher dans notre beau pays, tout même l’immigration, même l’intégration, tout se résorbe même la fracture sociale, tout s’équilibre, même la balance commerciale. Tout va bien, tout le monde a la banane, grâce à deux coups de boule de Zidane et à un mélange de chance et de talent. La France s’éclate.

Responsables de cet état d’extase, les footballeurs signent des contrats, deviennent des bêtes de pub : « Desailly a signé pour Adidas, SFR Pro, Danone, TPS Star, Ubi Soft, Fifa World Cup DVD. Emmanuel Petit chez Nike, Tuc de Lu, Opel, Assu 2000, Elsève de L’Oréal, Jean-Claude Jitrois et Pepsi Cola. Zidane, lui, aide les marques Adidas, Dior, Leader Price, Volvic, Canal Satellite et Ford. »

L’énumération est de Godard, splendide et légèrement étourdissante. « Même Franck Leboeuf, dont l’image est pourtant loin d’être parfaite, signe des contrats. Il publie des articles très bien payés dans le Times, vante les produits Adidas, mais aussi ceux de la filière bovine. » Godard ajoute plus loin : « L’équipe toute entière a profité de la manne financière. En 1998, le chiffre d’affaires marketing de la France était de 16,8 millions d’euros. En 2002, il est passé à 38,1 millions ! »

Tout est question d’argent, mais rien n’est nouveau ici, seuls les inconditionnels du FC Calais seront choqués. Les vainqueurs de la Coupe du Monde 1998, puis du championnat d’Europe 2000 sont imbattables, voire invincibles, ils méritent ce déferlement médiatique, l’emballement des tarifs, ils sont incontestablement les meilleurs. Rien que de très normal qu’on les rémunère en fonction.

Sauf que 2002 arrive, la Coupe du Monde en Corée, la cuisse de Zidane, l’échec retentissant, Lemerre débarqué ensuite, un psychodrame dont le foot français, depuis, ne semble pas être tout à fait sorti.

Mais revenons-en à l’après coupe du Monde 2002. Les bleus battus, ridiculisés, lamentables sur trois matchs sans but, sans imagination, sans envie, il faut trouver des coupables. Ou du moins des raisons à la déroute. C’est là que les journalistes entrent en scène. Les journalistes, ou ce qu’il en reste au Parisien, qui va révéler que les bleus se trouvaient dans un cadre ne prêtant pas forcément à l’effort, au travail et au sérieux. Une sorte d’hôtel comprenant un casino, et un « fun bar », le Sirocco, ouvert jusqu’à deux heures du matin. Un bar que les bleus auraient « assidûment fréquentés » selon un certain monsieur Georges, qui prétendra à l’époque que « les joueurs de l’équipe de France venaient tous les soirs et que les filles avaient beaucoup de souvenirs avec eux. » L’affaire rendra à l’époque « fou de rage » certains joueurs, le scandale, pourtant, s’arrêtera là. Pendant ce temps, Lemerre, lui, fusible, idéal, tente de négocier sa sortie.

Pourquoi ? Question de vie privée. Laquelle a fortement changée, pour cet ancien militaire, ancien champion du monde militaire, d’ailleurs, avant d’être champion d’Europe. Sa rencontre avec une jeune hollandaise va le pousser au divorce d’avec son ancienne femme. « Avant il ne pensait qu’au football et ne s’intéressait que de loin à tout ce qui touchait à l’argent. Avec une femme plus jeune, un enfant en bas âge et un divorce douloureux, il a bien été obligé de penser à son portefeuille. » C’est un ancien proche de Lemerre qui est ici cité. Lemerre va donc négocier, sur la base d’un contrat il est vrai juteux signé avec la FFF alors en pleine grâce avant la Coupe du Monde 2002, et partir finalement avec un chèque de 532000 euros.
Viendra le choix d’un nouveau sélectionneur, Jacques Santini, avec lequel la FFF saura se montrer bien plus prudent qu’avec Lemerre, puis les péripéties de l’avant Euro 2004, de l’Euro lui-même, de la défaite en finale.

Tout est raconté, disséqué, de l’intérieur, de la vie des bleus, des jalousies au sein du groupe, des problèmes d’entente, on atteint souvent des sommets de mesquinerie, mais on ne s’en plaint pas, ça se lit comme on regarderait un soap opéra. Et puis, entre la retraite de Dugarry, les coups de gueule d’Anelka, et les hésitations de Zidane, on tombe sur quelque morceau d’anthologie, comme ce chapitre intitulé « Les alcôves bleues » on nous en apprend de belles sur la vie sexuelle de nos chers posters muraux pas encore accrochés : « Boîtes échangistes, bars à hôtesses haut de gamme, call-girls, certains footballeurs ont plongé la main entière dans la confiture. Un pot ouvert par certains journalistes qui, en échange de safari dans les nuits fauves de la capitale, s’assuraient de bonnes relations avec les internationaux (...) On parle avec délices de ce président de club, féru de SM, qui se faisait promener en laisse par une charmante jeune fille dans une boîte de nuit russe après un math de Coupe d’Europe... » Et tout cela avant 1998 ! Après, c’était pire encore nous raconte Godard...chantage, photos volées, passage à tabac... « Cette course effrénée vers des plaisirs interdits est assez symptomatique de la dérive du foot business. » écrit-il.

Mais son livre n’est pas qu’une suite ininterrompue de ragots, de rumeurs, de « on dit », c’est aussi le descriptif par le menu de l’échec de l’euro 2004, des fissures chez les bleus qui se sont du coup transformées en fractures béantes, des clans qui se sont formés au sein du groupe, les gunners contre les zidaniens, les lyonnais contre les gunners, les zidaniens contre les lyonnais, et ainsi de suite. Avec au milieu un sélectionneur, que finalement, personne ne supporte, un sélectionneur, le dernier en date, l’actuel Raymond Domenech, qui écarte Pires pour une histoire de...cul, là encore, le joueur d’Arsenal coupable d’avoir un jour partagé le lit de celle qui aujourd’hui enchante les nuits de Raymond, si, si, je vous jure...un sélectionneur que personne n’écoute, qui a dû subir, plus qu’anticiper le retour de Zidane, et de Makelele, et de Thuram...un sélectionneur qui ne supporte pas Aulas, et qui, pour emmerder Houiller et l’OL, ne prendra pas Coupet, mais bien Barthez, en gardien numéro un. De toute façon, Coupet, Zidane n’en veut pas, alors...Et Zidane, Henry n’en veut pas, n’en voulait plus du moins, emballé par l’idée, à l’annonce de la première retraite du divin 10, de devenir lui et lui seul le vrai patron. Alors, en août 2005, quand Zidane, envoûté par une voix, décide de revenir, Henry est désemparé, perdu, lire à ce sujet le chapitre « Titi s’allonge », qui est une merveille ! Henry est une « diva » selon Godard, et Zidane ne supporte pas les divas, et ne conçoit pas de ne jouer que pour Henry, comme cela se passe à Arsenal. Bilan : aucune passe de Zidane pour Henry depuis qu’ils jouent « ensemble » en équipe de France...

Non, décidément, plus on tourne les pages de Godard, plus on s’aperçoit que ces bleus ne s’aiment pas, ne sont plus qu’un agrégat de clans, entre ceux qui sont là pour une ultime pige, ceux qui souhaitent devenir à leur tour des dieux, ceux qui ne semblent là que pour semer un peu plus le trouble...Au milieu un coach, isolé, trop isolé, détesté ou ignoré, c’est selon, sauf par...Dhorasso ! Le seul qui parle et à qui parle Domenech. Pathétique, non ? Mais le plus pathétique chez ces bleus, c’est peut-être ce match soi disant de charité pour les victimes de la catastrophe aérienne qui a frappé les Antilles l’été dernier...les bleus devaient offrir leur prime de match, ils n’en offriront en fait que 30% ! L’Equipe révélera l’affaire, et devant le scandale naissant, les bleus monteront jusqu’à 50%. Pas plus. 50% de 23000 euros, soit 11500 euros par bleu. Comme s’ils étaient à 11500 euros près...C’est la Fédération qui compensera le manque...

En 200 et quelques pages, on passe dans ce livre de Bruno Godard, dont le principal défaut est de ne s’appuyer que sur des sources anonymes, du portrait de joueurs adulés et inattaquables, brillants et exemplaires, au tableau triste et cru d’une bande d’énergumènes plutôt fatigués, avachis, installés et sans scrupules. Une équipe de notaires, d’huissiers, qui conservent pourtant certaine chance, sans doute, de soulever le trophée en juillet dernier. Paradoxe d’un sport où tout est démesure aujourd’hui, ou plus rien n’a de sens. Où la notion même de « valeur » est délicate à définir.

Le football serait-il le plus populaire des sports morts ? _ Le plus mort des sports populaires ?
Il faudra bien quelques arrêts de jeu pour répondre.

Messages

  • Là ou le fric passe, l’herbe du stade ne repousse pas.

  • bravo pour ce rèsumè.. le livre en vaut vraiment le coup.à lire d’urgence avant la coupe du monde.

  • Je ne suis pas Français, je suis suis un congolais (RDC) vivant à Kinshasa et amateur du foot. Mais en tout cas, s’il en est ainsi, je dirai que c’est vraiment malheureux et décevant. Il serait mieux qu’ils plient tous bagage et qu’ils rentrent à la maison parce qu’il devrait s’agir d’une équipe et non d’un ensemble de groupes remplis de haine les uns pour les autres. Que la FFF pense déjà à l’après Mondial, à une équipe plus solide, ayant un même esprit, écarter même ceux qui sont à la base de cette division ; franchement, qu’on ne compte pas sur un groupe pareil. Que les vieux (Zidane, Henry, Trezeguet, Barthez,Thuram...) se rappellent de ce qu’a été l’ambiance au sein du groupe de 98.

    Dieumerci Yessaya.