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L’amnistie choisie

Publie le mardi 30 mai 2006 par Open-Publishing
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L’amnistie choisie
cf citron vert

Le Figaro du 26/05/06 rappelle brièvement l’affaire : « Guy Drut avait été poursuivi pour un emploi fictif dans l’affaire des marchés publics d’Ile-de-France. Cette affaire, dans laquelle 47 prévenus avaient comparu, était la plus grosse affaire de financement illicite des partis politiques. Le RPR, le PS et l’UDF notamment étaient soupçonnés de percevoir des pourcentages sur les marchés publics passés pour la construction d’établissements publics, notamment des lycées. Le député de Seine-et-Marne était accusé d’avoir perçu, de juin 1990 à février 1993, quelque 118 000 euros d’une société de BTP, Sicra, pour un emploi fictif. »

A l’issue d’une longue procédure déclenchée en 1996 par une demande d’information judiciaire émanant des Verts, plusieurs condamnations ont été prononcées, en octobre dernier, dont celle de Guy Drut condamné à 15 mois de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende [1].

Le 9 décembre 2005, sur proposition de la commission d’éthique, la commission exécutive du Comité International Olympique (CIO), avait suspendu le député UMP et ancien ministre des Sports, membre du CIO représentant la France, de tous ses droits et prérogatives en rapport avec cette instance et entamé une enquête.

On apprend que le champion olympique vient de bénéficier « d’une mesure d’amnistie individuelle » décidée par le président de la République utilisant, à cet effet, la loi d’amnistie de 2002 qui donne au chef de l’Etat la possibilité d’amnistier des personnes ayant rendu des services à la nation dans les domaines des arts, des lettres et du sport. (« Lors des débats parlementaires, se souvient un avocat, nous l’appelions “l’amendement Drut-Douillet” car à l’époque les deux sportifs étaient sur le gril judiciaire, » précise Le Figaro.)

Ce type de mesure, qui prend la forme d’un décret, n’est pas publié au Journal officiel. C’est incidemment, à la suite d’informations du quotidien sportif L’Equipe, que l’Elysée a confirmé cette décision d’amnistie.

[1] Le journal Le Monde rappelle les explications embarrassées, fournies il y a un an, par « les deux malheureux dirigeants de la société de bâtiment et travaux publics Sicra (filiale de l’ancienne Compagnie générale des eaux, devenue Vivendi), qui ont fait travailler Guy Drut de 1990 à 1993, lui versant, en deux ans et demi, 774 047 francs au titre d’un emploi qualifié de fictif par l’accusation. »

Messages

  • Les justifications données officiellement pour justifier l’amnistie de M. Drut reposent sur la légalité. On ne peut décemment les nier. Le noeud du problème ne résidet-t-il pas dans le cynisme exemplaire dont fait preuve la classe politique en soulignant que M. Drut s’est aqcuitté du paiment de l’amende imposée par les tribunaux ? Si l’on met en relation l’amende dictée par la justice et les sommes perçues de façon frauduleuse par M. Drut, il ressort qu’il demeure très rentable financièrement de percevoir des salaires fictifs, d’être condamné en conséquence, de s’acquitter de son amende et de réintégrer un poste de prestige et de pouvoir au sein du C.I.O. sans que jamais ne soit questionnée l’opportunité de laisser à disposition d’un délinquant financier, un "voleur" en termes clairs, la questure (soit l’affectation des dépenses) de l’Assemblée nationale. De ce cynisme, nul ne parle. La presse n’a de cesse de remployer les expressions traditionnelles "laFrance d’en bas" opposée à "la France d’en haut" : il y a dans ce langage de circonstance une défense cachée d’un relativisme moral que dispense une société de castes défendue par la presse volant au secours de la classe politique dans son ensemble. Il y a, par-delà l’aspect offensant de cette amnistie présidentielle appliquée selon l’amendement Drut-Douillé, un applanissement d’une notion dont la France (tant celle d’en bas que celle d’en haut) sait apprécier le sens : l’honnêteté. La crapule, aristocratique ou populaire, ne peut que tirer un profit conséquent de la généralisation politique et médiatique d’un laminage éthique où l’honnêteté n’est plus le référent universel.