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Intervention de Gérard Filoche au Bureau national du 30 mai 2006

Publie le mercredi 31 mai 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

Merci, François, de l’invitation à cette réunion.

Nombreux sont les camarades socialistes, hors de cette auguste assemblée, qui ont des inquiétudes sur ce qui transpire dans la presse, depuis des semaines, sur l’état des discussions sur notre « projet ».

Nous partageons, Marc Dolez et moi, et avec beaucoup d’autres socialistes, qu’ils soient de FM D&S ou non, cette inquiétude et c’est d’ailleurs pourquoi, il y a un mois déjà, nous avons élaboré, discuté, un autre projet que nous avons communiqué en temps utile au Conseil national, au Bureau national, à la commission du « projet »

Nous avions aussi demandé qu’il soit publié à tous les militants et au moins distribué à tous ceux qui sont dans cette commission.

La lecture rapide, ce soir, de votre document, ici, sur la table, en l’état, ne fait que nous renforcer dans cette inquiétude.
Nul ne peut dire que la discussion aurait été tranchée par la synthèse de novembre dernier.

Nous avons contestée celle-ci, rédigée dans une nuit du Mans, entre 3 h et 3 h 30 du matin : elle ne prenait pas en compte des questions sociales essentielles.
Pour beaucoup de raisons, mais j’en citerai une, elle ne mentionnait pas avec l’importance suffisante, en dépit de nos alertes d’alors, de la nécessité de rejeter le Cne, pourtant mis en place par Villepin dés août 2005.

Mais depuis la synthèse de toute façon, beaucoup d’eau est passée sous les ponts. Au moins quatre livres sont sortis, de la part de nos dirigeants, qui donnent chacun des interprétations différentes de ladite synthèse. Les prises de position de notre direction sur de nombreux sujets, ont été également très différentes et distinctes de cette synthèse.

Ce serait donc malheureux de prétendre imposer aux militants, dans ces conditions, un « projet unique ». Les nouveaux adhérents ont été sollicités avec les mots d’ordre affichés en grand, sur les affiches et dans l’entrée de Solferino,
« adhérer c’est décider », mais décider c’est choisir. Ce n’est pas être contraint de « ratifier » sans discussion un texte vieux de dix mois, dépassé, contesté, sans avoir le temps de le lire, d’en débattre, ni de l’amender, ni de peser sur son contenu.

Nous demandons donc la démocratie, la liberté de choix, la liberté de vote à propos de ce projet.

Parce que sur le fond, il y a un très gros problème fondamental d’orientation : en effet, depuis 2002, et à travers les mouvements sociaux de 2003 et 2006, les votes de 2004 et 2005, notre peuple s’est orienté à gauche, plus à gauche qu’il y a cinq ans.

Les exigences des socialistes et de toute la gauche, sont devenues plus fortes qu’il y a cinq ans, et vous nous proposez là, un texte plus modéré qu’il y a cinq ans, en retrait même par rapport au « projet » qui fut le nôtre en 2002...
C’est une énorme contradiction, une bévue qui peut déboucher sur une catastrophe : notre peuple, les Français, la gauche sont plus radicalement antilibéraux... et votre « projet » l’est moins !

Il y a là deux tendances, deux mouvements qui ne peuvent que s’opposer :
 les exigences croissantes à gauche,
 les modérations de plus en plus nettes, dans l’autre sens,
du « projet » que vous proposez !

Prenons des exemples :

1°) Les Français, les salariés, la gauche, les socialistes vont être stupéfaits quand ils vont découvrir que vous abandonnez la retraite à 60 ans et que vous lui substituez la « retraite à la carte ».
La « retraite à la carte », c’est la mort du droit à la retraite à 60 ans, c’est la vieille exigence du Medef, qui ne veut plus d’ordre public social, ni de « droit » à la retraite à un âge fixe, mais il veut un « gré à gré » individuel, tout comme il ne veut plus de durée légale du travail, mais une durée individualisée.
Vous proposez une « grande négociation interprofessionnelle » sur ce sujet. Mais qui peut y croire, si, avant même qu’elle ne s’ouvre, vous en donnez déjà la conclusion, en disant que ce sera la « retraite à la carte », d’ailleurs sans rien préciser ni sur le taux de remplacement, ni sur le nombre d‘annuités, ni sur le nombre d’années qui serviront au calcul, ni sur l’indexation sur les salaires, ni sur le financement.
Au moins, au congrès de Dijon, François Hollande s’était engagé solennellement, devant tous les Français, suite à une motion unanime, plus unanime que la synthèse, à « rétablir la retraite à 60 ans à taux plein » ! Voilà cette question, essentielle pour les Français, évitée dans la synthèse du Mans, et bradée dans le nouveau « projet »

2°) il en est de même pour les 35 h. Que personne ne s’abuse, il n’y aura pas de « grande négociation interprofessionnelle » avec le Medef pour réduire le temps de travail et « faire bénéficier tous les salariés des 35 h ».
D’ailleurs cela ne veut rien dire : tous les salariés « bénéficient » encore formellement des 35 h en tant que durée légale, mais le problème est justement de rapprocher les durées réelles, effectives, des 35 h hebdomadaires, sans perte de salaires et avec embauches correspondantes. Une fois, il y a deux ans, dans cette assemblée, alors que je défendais l’idée que Chirac n’avait pas touché aux 35 h, François Hollande m’avait dit que j’avais « juridiquement raison mais politiquement tort ».

Hé bien, non, François Fillon, s’est servi de la loi, pas de la négociation, il n’a pas hésité ! Il savait que c’était une question de loi, pour contourner sans y toucher, les 35 h, pour augmenter les contingents annuels, les compte-épargne temps, les heures supplémentaires à bas taux, ou à taux zéro. Il a usé de la loi, et c’est par la loi qu’il faudra imposer une nouvelle réduction du temps de travail... c’est un leurre d’essayer de faire accroire que cela se ferait par une « grande négociation interprofessionnelle » avec le Medef...

3°) il n’y a plus un mot dans ce projet à propos du contrôle des licenciements boursiers et abusifs, c’était déjà flou dans la synthèse, c’est supprimé ici. Vous savez pourtant ce que cela nous a coûté en 2002 si vous avez le souvenir de Danone, Lu, Michelin, et si vous réfléchissez aujourd’hui à propos d’Eads, de Hewlett-Packard, Dim, Facom, etc..

Ne rien dire sur le droit du licenciement, (et maintenir les prud’hommes en 2008 comme la droite le veut au lieu de 2007), ne rien dire d’essentiel sur le droit du travail, sur la sous-traitance, sur le fait que les lois de la République doivent l’emporter sur le marché, c’est grave.

Ah, oui, vous proposez d’abroger le Cne, c’est le moins, ...mais le « Cde » ? Le « contrat dernière embauche », qui instaure deux Cdd de 18 mois entre 57 et 60 ans et précarise la fin de vie professionnelle ? Rien pour interdire la précarité généralisée, rien pour imposer avec menace de sanction l’égalité salariale professionnelle homme-femme...

Les propositions ou plutôt l’absence de propositions pour renverser tout ce que les libéraux ont détruit du code du travail, est accablante...

Oui, je viens de développer les premiers points essentiels qui justifient un autre projet. C’est pour cela que nous demandons la démocratie, le pouvoir de décider, de choisir, pour les militants le 22 juin prochain.

4°) Et l’essentiel c’est la question de la redistribution des richesses, car c’est le c¦ur de tout projet social démocrate : or là, où en est-il sérieusement question ? Est-ce qu’on va reprendre au capital les 160 milliards qu’il prend aux salaires chaque année depuis presque deux décennies ? Les seules entreprises du CAC 40 ont gagné 84,5 milliards de profits l’an passé, profits qu’ils ne ré investissent pas, qu’ils distribuent en dividendes à leurs actionnaires ! Jamais la France n’a été aussi riche, mais hélas, pas les Français, ni les salariés qui ont été spoliés d’une part de plus en plus importante du fruit de leur travail. Nous avons les moyens, le financement d’une autre politique avec ces 160 milliards à reprendre : nous pouvons avoir une politique de retraite, de santé, de salaires, d’éducation, d’équipement collectifs, de logement. Mais il faut le dire et être clairs : la redistribution des richesses (par les salaires, la fiscalité) sera au c¦ur de notre projet 5° et 6°) il reste les questions, connues ici, des institutions, de la VI° République sociale, et de l’Europe. Ce sont deux autres points totalement, insuffisamment traités dans le projet, je ne développerai pas, faute de temps.

Je veux conclure, en demandant que les militants ne soient pas réduits à « ratifier » un projet de dernière minute de ce type, sans autre possibilité de donner leur véritable avis, car un fort pourcentage, très fort pourcentage, se prononcera autrement s’il y a démocratie, choix... Laissez cela s’exprimer démocratiquement !

On ne peut se réduire ce débat à un titre de film « six jours et six nuits », entre le 15 juin et le 22 juin, pour la lecture, au forcing, du projet, et pour une réunion qui n’aura pas lieu, et pour un vote ou il n’y aurait ni choix, ni amendement. « Six jours et six nuits » pour le « projet » alors qu’il y aura six semaines pour désigner les candidats... Cela indique la place respective donnée au projet et aux désignations.

Il faut du temps, il faut du choix, de la démocratie pour les nouveaux adhérents d’avant 1er juin, comme pour les anciens.

Il y a toujours eu la possibilité dans notre parti de débattre, de voter librement textes et projets... Là, imposer aux forceps, ce projet-là, un tel bond en arrière en comparaison de ce que notre parti avait défendu en 1996, 1997 et même 2002, alors que la France, elle, et la gauche majoritaire, est en attente d’un bond en avant, ce serait une grande erreur...

Merci de votre attention en dépit de la longueur de mon intervention.

Gérard Filoche, mardi 30 mai, 19 h 30
0607481167

Site www.democratie-socialisme.org

En résumé, François Hollande a catégoriquement conclu en repoussant sans vote ni consultation, l’idée d’un choix entre deux projets, aucun orateur, aucun dirigeant, sur les 100 membres présents, hormis Marc Dolez qui s’est inscrit ensuite, n’a défendu le droit à un choix et à un vote. IL a été question d’amendements, mais ceux-ci devront être soumis avant vendredi et c’est le Bureau national du 6 juin qui décidera de leur sort.

Messages

  • Le PS n’est plus la gauche.

    Pour moi, le OUI au TCE ne pouvait en aucun cas être un OUI de gauche. On ne peut défendre à la fois le social et la concurrence libre et non faussée. Maintenant, s’il y a repentir, on aimerait celui-ci plus réservé et plus patient. C’est le temps des choses humaines et politiques.

    Quand au fond du programme exposé par G. Filoche, il n’y a pas de projet effectivement en adéquation avec une politique vraiment de gauche. De plus, pour être efficace, un ensemble de textes doit être cohérent avec des principes directeurs de sauvetage de l’emploi et du social -qualité de vie, santé, retraite, logement, éducation- ce qui, effectivement ne saute pas aux yeux.

    Ensuite, il faut un, une, et des porteurs des références à l’adhésion desquelles le plus grand nombre de citoyens s’est retrouvé. Peut-être pas seulement proposer un nom -présidentiable- mais aussi une équipe susceptible de rassurer, et moins susceptible de revirements à 180°. Plus compétente et plus solide qu’un, qu’une seule personne.

    Pour l’instant, j’attends.

    moniquerenouard@msn.com

  • Parce que sur le fond, il y a un très gros problème fondamental d’orientation : en effet, depuis 2002, et à travers les mouvements sociaux de 2003 et 2006, les votes de 2004 et 2005, notre peuple s’est orienté à gauche, plus à gauche qu’il y a cinq ans.

    La vérité c’est que ça a commencé avant (ça se voyait par exemple par le montée des scores electoraux de l’extreme gauche avant 2002), mais peu importe....

    Le peuple, et un certain nombre de peuples en Europe montrent des tendances au renforcement de la gauche et de l’extreme gauche, indiquant par là un renouveau plus large de la défiance envers le système.

    Le diagnostic est donc juste : Ces dernières années ont poussé à gauche. Et le diagnostic doit être élargi : Pas seulement en France mais dans un certain nombre de soubresauts dans d’autres états européens.

    Les exigences des socialistes et de toute la gauche, sont devenues plus fortes qu’il y a cinq ans, et vous nous proposez là, un texte plus modéré qu’il y a cinq ans, en retrait même par rapport au « projet » qui fut le nôtre en 2002... C’est une énorme contradiction, une bévue qui peut déboucher sur une catastrophe : notre peuple, les Français, la gauche sont plus radicalement antilibéraux... et votre « projet » l’est moins !

    Et oui.... Et la campagne d’évitement des débats de Royale et les autres éléphants vise effectivement à repousser le plus tard possible le moment de se découvrir plus franchement à la population.

    Car le fond est que tes "camarades" n’ont pas le choix, la récré est finie et il s’agit de reprendre le fil des "conquêtes" bourgeoises au détriment des populations , les consolider, car il n’y a qu’une seule allégeance possible et ils ont choisi.

    Reculs sociaux, reculs démocratiques, reculs humains, soutenir le TCE n’était pas une anomalie, ni un exces de réformisme mais un petit moment de paroxysme comme la social-démocratie ou toute autre force réformiste les connait, des moments où la bourgeoisie désire récuperer le terrain perdu et somme les socio-democrates de faire le travail et où ceux-ci s’executent avec diligence.

    Et les propositions de la majorité du PS, inconnues de la population qui ne connaît que les slows médiatiques, vont effectivement à contre la grande majorité des travailleurs, de la jeunesse et des chômeurs....

    Vous ne pouvez pas faire évoluer le PS mais celui-ci peut vous absorber et vous digérer comme certains ex-trotskystes l’ont été dans ce parti (Jospin, Dray, Weber, etc etc........) . Car le PS n’est plus la SFIO de 1936, il ressemble beaucoup plus à un parti démocrate à l’américaine avec ses bourgeois et de temps en temps un thème sociétal plus important que d’habitude.

    Miracles des systèmes electoraux tordus et miracles de la débilité des anti-liberaux, une minorité à gauche impose son orientation à la majorité de la gauche, avec autant de poupées russes necessaires, ou comme des montages financiers où avec 51% d’un truc, lequel truc contrôle 51% d’un autre truc, qui etc et on se retrouve avec 10 % des voix qui controlent 100%....

    Vous avez responsabilité de sortir de celà et donc sortir du PS, car ils sont maintenant prêts à violer l’esprit de toutes leurs règles internes pour échapper au débat réel, ils font adhérer au pas cadencé des adherents comme autant de masses de maneuvre pour fermer la gueule aux militants, mais tout celà n’est rien à côté de leur politique sociale concrete.

    Sortir du PS est devant vous si vous êtes coherents

    Copas

    • Cher G.FLOCHE, vous êtes l’alibi de gauche d’un PS social-libérale qui n’existe et se justifie encore que pour disputer les places à la Droite, comme ses collègues européens. Grâce à vous, il en arriverait presque à faire oublier qu’il s’est prononcé contre le Peuple Français, a fortiori contre la GAUCHE majoritaire pour le NON. Le congrès du MANS, avec votre capitulation afin de préserver l’unité d’un parti qui au fond n’a servi que les ambitions d’un homme, de sa cour et de nombreux carriéristes n’a pas été d’une franche réussite sur un possible changement d’orientation vers la Gauche.
      Le PS créé par Mitterrand est en bout de course, il est trop sclérosé, embourgeoisé, trop attaché à la dictature du marché et de la finance ; tel quel, il sera désormais nuisible à la Gauche, de même qu’à sa base enrichie dans les années "fric" de couches sociales aisées pas trop malheureuses jusqu’ici, désormais menacées, qui n’auront bientôt plus besoin de lui pour alimenter leurs illusions,calmer leurs peurs de rentiers (comme Jospin en 2002 et Royal aujourd’hui), assouvir leurs fantasmes d’épargnants amateurs de fonds de pensions, de petits boursicoteurs... Parce qu’avec les les effets de sa politique passée, reprise et accélérée par la Droite nous sommes arrivés au seuil d’une guerre qui va faire des "morts"...
      Soyez logiques, que pesez-vous dans ce PS deux fois discrédité par le Pays et qui se croit fort d’un vote sanction amplifié pas un système électoral antidémocratique qu’il ne veut pas changer parce qu’il lui profite tout comme à la Droite ? JdesP très mauvais diplomate

  • La preuve est faite que le peuple sera toujours le cocu de l’histoire. Tant qu’il croira que la solution à ses problèmes passe par sa délégation de pouvoir d’individu à une élite de parti, même dit de gauche. Les derniers mouvements sociaux on bien mis en évidence les formes organisationnelles nécessaire pour mener la lutte contre le système capitaliste qui détruit nos vies. On sait très bien que l’on ne peux pas réformer un parti ou un syndicat de l’intérieur, alors Gérard Filoche, va jusqu’au bout de ta démarche, soit cohérent avec toi même et tires-en les conséquences. Sort de ce parti de notables et ne te fait pas le complice d’une élite au service du patronat et de la finance !
    Floréal