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A QUOI SERT SEGOLENE ROYAL ?

Publie le lundi 19 juin 2006 par Open-Publishing
9 commentaires

de Raoul Marc JENNAR, chercheur altermondialiste

Ma conception de la chose publique m’incline à penser que les projets sont plus importants que les personnes. Même si, ensuite, beaucoup dépend de celle ou de celui qui les porte. Une Rosa Luxembourg, un Jaurès, un Vandervelde ou, plus près de nous, un Olof Palme ou un Willy Brandt, à l’évidence, n’ont pas porté l’idéal socialiste de la même manière qu’un Blum, un Mitterrand ou un Spaak.

Même si je suis convaincu que la démocratie est gravement menacée par la personnalisation du débat politique et que la présidentialisation des démocraties parlementaires est une dérive à combattre, même si le star système né de la médiatisation du débat politique tue le débat d’idées, il vient un moment où une personne s’identifie à un projet. Inévitablement, soutenir ou combattre ce projet amène alors à s’exprimer sur celle ou celui qui l’exprime.

Comme je viens de dénoncer sa proximité de pensée avec le plus dangereux individu que la droite française ait produit depuis Vichy, Le Journal du Mardi a souhaité que je donne mon avis sur Ségolène Royal.

Dans une France où, pour la première fois depuis Vichy, des policiers entrent dans les écoles primaires pour arrêter des enfants d’immigrés et les déporter, où, pour la première fois depuis Vichy, la loi incite à la délation, où, pour la première fois depuis Vichy, le candidat adulé de la droite annonce le recrutement de miliciens, l’alternative proposée par le « socialisme de gouvernement » est aujourd’hui incarnée par quelqu’un qui propose le recours à l’armée pour résoudre les drames provoqués par un capitalisme qui n’est plus remis en cause. Ainsi donc, si la gauche de gauche est incapable de s’unir et de renouer avec la victoire du 29 mai 2005, au deuxième tour des élections présidentielles en 2007, le peuple français sera enfermé dans un choix impossible entre l’ordre brun de Sarkozy et « l’ordre juste » (expression qu’elle a empruntée à un texte du pape Benoît XVI) de Royal.

Issue de l’ENA, cette machine à formater les serviteurs de l’État minimum, Mme Royal n’a cessé de fréquenter, depuis 1988, les palais de la République. Pendant 6 ans au secrétariat général de l’Elysée, députée à l’Assemblée nationale, conseillère municipale de Niort, ministre de l’environnement, puis ministre déléguée à l’enseignement scolaire, puis ministre déléguée à la famille et à l’enfance, aujourd’hui elle cumule les mandats de députée et de présidente de la région Poitou-Charente. C’est déjà une vieille routière dans le personnel politique français. Et pourtant, les médias la présentent comme un facteur de renouvellement de la classe politique !

Les médias ! Ces nouveaux faiseurs de rois, qui appartiennent, non plus à des patrons de presse, mais tantôt à des banquiers, tantôt à des marchands de canons ou de béton, ont trouvé en elle le moyen d’éviter tout risque lors des prochaines élections présidentielles : avec Sarkozy ou Royal, le patronat peut être tranquille. A gauche comme à droite, ses intérêts seront protégés. Et l’ordre règnera.

Comme Anne Sinclair (Mme Strauss Khan), comme Christine Ockrent (Mme Kouchner), qui défendaient avec la même ardeur qu’elle le traité constitutionnel européen, Mme Royal appartient à cette grande bourgeoisie socialiste issue des années Mitterrand qui a tout renié du socialisme, sauf le vocabulaire. Et qui se prépare maintenant à franchir une nouvelle étape.
A quoi sert Ségolène Royal ? A liquider le socialisme. Pour aller vers une sorte de bipartisme, sur le modèle américain, où il n’y aurait plus vraiment ni gauche, ni droite, parce que serait définitivement niée l’exploitation du plus grand nombre par une minorité.

Alors qu’en France comme dans beaucoup de pays de la très libérale Union européenne, les souffrances sociales dépassent aujourd’hui le seuil du supportable, alors que le néolibéralisme produit toujours plus de précarité et augmente les inégalités, à l’instar du philosophe Jean-Claude Michéa, je ne me résigne pas à « voir sans rire le drapeau de la révolte tomber des mains de Rosa Luxemburg dans celles d’une Ségolène Royal. »

URFIG : http://www.urfig.org/francais.htm

Messages

  • BRAVO !

    Je co-signe des deux mains et tout de suite (pas dès demain) !
    La Rosenklature a produit un certain nombre de personnages aussi formatés que Ségo et on va les voir éclore comme çà au gré des besoin des médias, dans le mouvement social et face à lui...

    NOSE DE CHAMPAGNE

  • "Les projets sont plus importants que les personnes."

    Les idées demeurent et ce n’est ni la propagande ni la manipulation par la sémantique qui y changera quelque chose.

    Ainsi, plutôt que de dire que Ségolène Royal sert à liquider le socialisme, il serait plus judicieux de dire que l’idée socialiste se pérénise et se développe à côté d’elle, en dehors d’elle ; bref, qu’elle n’incarne pas l’idée socialiste, pas plus d’ailleurs que les DSK et autres bourgeois libéraux.
    Finalement, de glissements progressifs en glissements progressifs, le bateau du PS a fortement dérivé vers la droite, et un hypothétique duel Sarko-Ségo serait un duel Droite Dure contre Droite Plus Sociale.

    La question est donc de savoir qui (ou quel mouvement) va reprendre l’idée socialiste, le PS (ou du moins une partie du PS) ayant à l’évidence épousé les idées libérales, donc capitalistes. En effet, je ne pense pas que le socialisme puisse être liquidé de cette façon (par un coup d’état médiatique), surtout dans un contexte social qui pousse plutôt à se poser des questions et à se mobiliser.

    Je reste donc optimiste malgré tout quant à la prérénité de l’idée socialiste. Quant à savoir qui se prépare à l’incarner, c’est une autre histoire. Il serait peut-être urgent de s’en préoccuper.

    RC de Toulouse.

  • Cher Raoul Marc JENNAR,

    Vous écrivez que les projets sont plus importants que les personnes. Je suis d’accord avec vous.
    Aussi, je ne pense pas que Ségolène Royal et ses amis bourgeois-libéraux du PS réussissent à liquider le socialisme, pas plus qu’à donner l’illusion qu’ils ont repris le flambeau de la lutte contre l’injustice.

    Je pense plutôt qu’ils continuent tranquillement leur dérive à droite en s’imaginant que leur hold-up sémantique est en train de fonctionner.

    Mais le réveil sera brutal, car le contexte social actuel incitant plutôt à la réflexion et à la vigilance, un jour le roi sera nu et on (qui on ? - le peuple bien sûr) leur dira : "vous n’incarnez pas le socialisme, vous n’êtes pas les héritiers de Jaurès, vous n’êtes que de petits voleurs de mots, retournez jouer avec vos copains dans la cour capitaliste."

    Voyez-vous, RMJ, je pense que l’idée socialiste est bien solide, mais qu’il lui manque un espace structuré (un grand mouvement réunissant plusieurs partis par exemple) ainsi que des personnalités qui l’incarne pour se réaffirmer. Le point d’inflexion et la clarification qui s’en suivra ne saurait tarder, peut-être à l’occasion de 2007, si la gauche du PS arrive à s’entendre.

    RC de Toulouse.

  • Il est absolument anormal que du point de vue linguistique on puisse conserver l’étiquette "socialiste" avec un tel projet politique. Qu’on soit de droite ou de gauche, en tant qu’électeur, nous devrions avoir un droit élémentaire à la "non tromperie" sur l’étiquette portée pour désigner les idées...Comment se fait-il que des linguistes n’aient jamais monté une plainte très officielle en justice pour "manipulation ouverte du langage" ? La simple existence de ce droit à la manipulation du langage est une insulte à leur métier, mais aussi à notre existence d’électeurs....Bourdieu disait quelque part "imaginez si l’on fondait des associations de consommateurs en politique"...Il serait peut-être temps de passer à l’action non ?

  • Une citation de La Bruyère qui devrait s’appliquer à l’explosion médiatique de Madame Royale :
    "Il n’y a rien de plus bas, et qui convienne mieux au peuple, que de parler en des termes magnifiques de ceux mêmes dont l’on pensait très modestement avant leur élévation."
    La Bruyère - les caractères.

  • Vous avez RAISON !
    Et c’est bien triste...
    Après 37ans et deux mois au PS j’ai quitté ce parti pour ces raisons et quelques autres...
    et je continue à me battre pour une alternative A GAUCHE !

    gérard caudron
    maire de villeneuve d’ascq de 1977 à 200
    député européen de 1989 à 2004
    militant d’une autre europe et un des comatants du Non de gauche
    http://www.rassemblementcitoyen.org

    • Dans notre République que sont donc les professions de celles ou ceux qui siègent à l’Assemblée et à la chambre des lords sénatoriaux ?
      Combien de formatés et pas seulements celles ou ceux issus de l’ENA, combien de professions libérales, combien d’employés, d’ouvriers, de rmisites, de chomeurs ?
      L’assemblée républicaine où une bagarre acharnée pour y siéger se poursuit sous nos yeux tristes est-elle représentative ou le sera-t-elle un jour ?
      C’est une question déraisonnable, tout comme les temps qui courrent si vite le sont. Des actes que personne ou presque ne croyait plus voir ressurgir, vous avez raison de le souligner se pratiquent au quotidien.
      Mais servir, c’est quoi ? Que cela peut-il pouvoir bien dire ?
      Et la gauche de la gauche c’est qui et c’est quel programme ?
      Fin de vie de la cinquième république arrivée en phase terminale ? Sans doute mais qui propose la sixième ?
      Montebourg a sans doute raison de la demander, la 5ème a déjà trop vécu pour mon avis personnel de non engagée à un quelconque parti ou groupe politique.
      Quand donc ceux qui utilisent l’arme de la critique, qu’ils se nomment Mélenchon, Jennar, Bové, Valmy, Combat Val de Marne, Bastille-République Nation, Alternatifs, et j’en oublie s’uniront-ils ensemble sur un programme qui redonne de l’espoir, un programme même minime et une unité possible sur cela, parfois il faut rêver ?
      Ainsi le peuple saurait que les hommes ou femmes se disant rassembleurs de gauche pour changer la vie se préocupent de ses désirs d’avenir mais pour cela il faudrait revenir à la notion de lutte de classe et non lutte de places ou de palaces. En quelque sorte il nous faudrait une République économe, sans privilèges et renouant avec le Peuple de l’Abîme qui voudrait se sortir du bourbier dans lequel on l’a enfoui et enfermé.
      Puisque Rosa et Flora sont citées, retrouvons le goût de leurs écrits et luttes, qu’importent le PS et ses néos adhérents à 20 euros l’an, les soldes d’hiver sont finies. J’attendrai nuit et jour le retour d’un programme minimum qui ne fasse pas de fausses promesses, celles-ci n’engageant que ceux qui y croient, et surtout un ou une seule candidate au poste de commandeur suprême, qu’importe le sexe. Ce qui serait mieux c’est que l’élection du président au suffrage universel ne se fasse plus, mais alors ce serait la 6ème République ? Et pourquoi pas ?

      Une employée postinière épistolière de l’Eure dont l’employeur se dénommait PTT, société publique privatisée, réforme première Quilès PS puis vint la suite...Epique l’EPIC ! Que reste-t-il des bijoux de famille PTT ?
      Nadie

  • Je découvre petit à petit sur le net les informations que le service public devrait en principe m’ammener. Je vais en coller deux bout à bout :

    La meilleure candidate de gauche à la présidentielle française de 2007 selon les sondages, Ségolène Royale, rend hommage jeudi 2 février dans le Financial Times aux politiques du Premier ministre britannique Tony Blair, qu’elle estime "caricaturées" en France. (ça je connaissais)

    « Il est juste d’être intolérant vis-à-vis des sdf dans la rue », Tony Blair, rapporté par le Gardian, 10 avril 1997, cité par Wacquant, op.cit. (tant d’honneteté me fait halluciner)

    Voir à ce sujet (le combat contre les pauvres) et plus lfdpn
    laraisonduplusfort

    xoup