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Boycottez la fête de l’internet

Publie le lundi 17 mars 2003 par Open-Publishing

Postée par Dissident-media.org

" Une loi stupide ne pourra jamais censurer le net,,
parce que sans nous le net n’existe tout simplement pas. "

SIGNEZ LA PETITION CONTRE LA LEN :
http://odebi.nerim.net/0forumr12/0forumr12.html

Mardi 4 mars 10H - 32 rue de Picardie - Paris 3ème
Une petite cohorte d’internautes s’est invitée au Web Bar pendant la conférence de lancement officiel de la Fête de l’internet pour un court impromptu devant un parterre garni de journalistes et de (nombreux) sponsors et institutionnels aux dents longues. Interrompant la marraine de l’opération, la Ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies Claudie Haigneré, alors qu’elle égrénait les festivités censées combler les désirs des "pourquoi pas vous" (slogan choisi pour s’adresser aux pas-encore-pas-assez-internautes), leur porte parole du groupe a demandé la parole aux nom des internautes. Derrière lui une dizaine de personnes bailloné-e-s de noirs, debout, regards braqués sur la tablée officielle.

"Je vous en prie, a vociféré le grand officiant de la Fête, Mme la Ministre
parle, laissez parler Mme la Ministre !". Les internautes, c’est bien connu sont maitres dans l’art de la nétiquette (enfin certains). I-el-ls ont
donc courtoisement laissé Mme la Ministre achever la très insipide lecture de son programme , après quoi celle-ci leur a donné la parole promise et fait passer un micro. Oh pas pour longtemps ! quelques minutes sur deux heures de conférence, c’est dire l’importance accordée par les organisateurs de la Fête au petit peuple du net, pour qui soi-disant ils (se) dépensent sans compter.
Le petit commando de baillonnés s’est alors faufilé pour venir se placer derrière le dos des officiels. Légère tension à la table. Canal Plus filme. Pour un peu on penserait à Armata Corsa, sauf qu’on sait que ce sont des internautes et que les internautes ne posent de bombes que logiques.

S’adressant posément à ce parterre de cravatés dont les applaudissements étaient décidément trop empressés pour être des journalistes, le porte parole du groupe a expliqué que de Fête il n’est plus question quand la LEN est là. La LEN, loi pour la confiance dans l’économie numérique, voulue par Raffarin 1er pour faire exister une "république numérique" où le cyber-commerce enfin propèrera… On en rirait si ce n’était grave. En l’état le projet est bâclé, imprécis, indigne de législateurs supposés formés aux meilleures écoles, brocardé par l’ensemble des acteurs d’internet, et il commence à peser très lourd sur les épaules de Nicole Fontaine, chargée de sa préparation.

Cette LEN n’est pas impopulaire pour rien : elle menace de transformer tous les intermédiaires techniques - du fournisseur d’accès au responsable de mailing liste ou de forum en ligne - en exécuteurs des basses oeuvres aux ordres de shérifs auto-proclamés. Sur simple intimidation d’un quidam, éventuellement même anonyme, disant "ce contenu est illlicite", elle va placer tout ceux qui ont à voir avec le transit des contenus et des messages (correspondance privée exceptée) devant un cruel dilemne. Soit ils "jugent" sans aucune capacité à le faire, que le contenu est "illicite", ils le coupent, au risque de se tromper, et ils sont peinards. Sauf procès d’un auteur de contenu furibard d’avoir été coupé et familier des tribunaux. Soit ils ne coupent pas, "jugeant", toujours sans aucune capacité à le faire, le contenu "licite", et ils risquent la condamnation si le juge saisit par le plaignant décide du contraire. Une forme de justice privée, expéditive, qui non seulement déshonore la " république numérique " qu’elle prétend instaurer, mais ne remplirait nullement sa fonction, puisque dans les cas où les contenus " illégaux " seraient supprimés, l’action pourrait s’arrêter là et laisser les auteurs libres de dupliquer leurs contenus dans n’importe quel pays un peu plus permissif. Et les prestataires se retrouveraient devant une obligation encore plus complexe que le texte leur impose également : devoir filtrer, c’est à dire empêcher les internautes français d’accéder à ces contenus. Pour le moins inefficace pour une loi qui se veut " régler les problèmes juridiques d’internet ". Et d’effet nul si le propos est de réprimer/sanctionner. L’Australie s’est notoirement plantée en mettant en oeuvre une législation de ce type.

De telles mesures auront de répercussions très inquiétantes non seulement sur la vie privée et la liberté d’expression des internautes, mais d’une façon plus générale sur la liberté d’information et d’opinion.
Elle entravera et censurera le travail des personnes, collectifs et associations citoyens et militants, ainsi que des organisations et des ONGs qui surveillent, critiquent et dénoncent les abus des industries mondialisées et des puissants.

Ajoutons à cela deux autres articles tout aussi inconcevables : la communication publique en ligne serait assimilée à de l’audiovisuel. Inepte, irréaliste mais pratique pour contrôler. Deuxio : Les intermédiaires seraient tenus de " vérifier " conserver et donner accès à l’identité de toute personne fournissant du contenu ou des messages. On voit mal comment les services et sites non commerciaux vont " vérifier ". Un tel " contrôle d’identité " avant de s’exprimer est indigne d’une démocratie. Il ne pourrait si on décidait de le maintenir qu’être mis en oeuvre que par des autorités légales, et en aucun cas par des entreprises privées auxquelles la même loi donne par ailleurs l’autorisation d’exploiter commercialement ces données.

Le législateur ne peut pas ne pas lire cela dans le texte, et pourtant, les quelques amendements proposés qui rectifiaient certaines erreurs, pas toutes, ont été balayés et le texte passé en force dans la nuit.
Quels motifs inavouables le pousse donc à vouloir absolument se passer du juge et des moyens de la démocratie pour juger de l’"illicite" et sanctionner son auteur puisque telle est sa fonction ? La seule explication que l’on obtient dans les cabinets c’est …."pour aller vite" !!! Ah bon, il y aurait donc nécessité ou urgence à "aller vite" ? Certes les tribunaux vont être très engorgés par les "raccolages passifs", "rassemblement dans les halls d’immeubles", "outrage et rebellion", sans compter les chauffards, les fumeurs de pétards et autre criminelle engeance contre laquelle - les français l’aurait paraît-il demandé - il faut bien sévir.

Mais vite à ce point il faut une raison sérieuse. On en voit deux : ils prévoient un afflux massif d’affaires dès lors que la loi donnera aux censeurs aux aguets le signal de l’ouverture de la chasse. Les représentants de Globenet, Altern,Odebi et la Fil présents à la conférence de presse aussi. Et c’est bien ce qui les inquiète et justifie qu’ils qualifient la "république numérique" chère à Raffarin de "république de la censure." Pour qui n’a pas la mémoire courte, l’histoire d’une décennie d’internet en France vient étayer leurs craintes. On se souvient de certains procès en diffamation intentés par des politiques au passé obscur, indisposés par la publication sur le réseau de faits et rappels de faits les concernant. De starlette demandant dommages pour atteinte à leur image suite à la publication d’une photo dénudée pourtant prise avec leur consentement par leur ex-cher et tendre. D’héritiers animés de toute évidence de motivations plus pécuniaire que morale, allant jusqu’à interdire l’usage d’un nom, d’un mot ou d’une phrase de la belle langue de Voltaire sous prétexte d’une atteinte aux droits de leur cher défunt. De bien-pensants, bien-défendant prêts à brûler les artistes, les livres, les images, les propos qui les offensent qui ne s’apercoivent plus qu’en défendant leurs droits ils piétinent et nient sans état d’âme ceux des autres. On se souvient aussi plus récemment de multinationales promptes à museler à coups de référés leurs détracteurs parce que ceux-ci avaient osé parodier la marque. Allant parfois même aller jusqu’à interdire que l’on prononce le Nom, pourtant écrit sur tous les murs et répercuté à l’envi sur toutes les ondes. Et plus récemment de sociétés ou d’organismes aux pratiques pour le moins douteuses, faisant taire victimes et témoins discutant au forum du coin en faisant condamner le tenancier qui leur servait à boire. Si les magistrats, soucieux de mettre de l’ordre dans cet internet que les censeurs influents décrivaient à des médias assez crétins pour le répéter comme une épouvantable " zone de non droit ", ont à l’époque condamné à tort, on imagine bien de quel côté vont pencher les intermédiaires, qui si ils ne pas sanctionnent pas deviennent de fait complices. Ils iront vite, très vite, et les contenus dérangeants disparaitront également très vite. La diffamation et les atteintes aux droits de la propriété intellectuelle ne justifient pas tout. Ces pratiques ne sont pas nouvelles et portent un nom : censure.

Deuxième raison, ou déraison à cette urgence déclarée : il y a à l’œuvre, dans la pénombre, des groupes de pression qui ont intérêt (financier) à aller vite. L’un d’entre eux, au demeurant très visible, ne cessent d’inonder les médias de campagnes tonitruantes : Haro sur les pirates ! Nos ventes sont en chute libre - le manque à gagner étant attesté par eux-même, est calculé sur des estimations totalement invérifiables. Pauvres auteurs, Vilains pirates ! Aidez nous à les éradiquer . Et les médias, qui sont dans le même bateau , de répercuter cette croisade et d’occulter tout autre point de vue. Echo d’une autre croisade, planétaire elle aussi, contre le terrorisme et l’insécurité. Qui s’est donnée pour mot d’ordre " zéro tolérance ". Il en sera donc de même pour les pirates, qu’ils soient petits ou gros. Les " victimes " - industries culturelles et encaisseurs de droits, au nom de l’auteur toujours - exigent du législateur les moyens de la surveillance pro-active, de la censure et de la coercition. Il leur faut pouvoir " interdire ou faire cesser l’accès ", obtenir les identités, perquisitionner, quand ils ne prétendent pas parfois pénétrer dans les systèmes et détruire les données " illicites ", ce qui en langage clair s’appelle un acte de piratage. Des termes et des moyens qui sont ceux que la loi réserve habituellement aux services d’investigation et place sous le contrôle de la justice. Respect de la vie privée, des libertés individuelles, de l’équilibre démocratique ? Rien à foutre. parce que vous comprenez ici on parle de choses sérieuses, de milliards d’euros et de dollars. Alors allez donc droitdel’hommaniser plus loin.

Dans la frénésie sécuritaire ambiante, les politiques français, qui n’ont jamais admis qu’une expression publique libre puisse exister fussent-elle en ligne ou sur les ondes (on voit bien en sont les radios et télés libres aujourd’hui), satisfont complaisament aux exigences coercitives de ces lobbies. Parce qu’ils ont un intérêt commun. La déraison 1 rejoint la déraison 2, pour ne faire qu’une. Parce que la fonction de l’état, quoiqu’il puisse en dire, se réduit aujourd’hui à défendre la sécurité et la propriété des intérêts économiques globalitaires. Parce que le commerce, nul ne l’ignore plus, fait la loi, via des accords OMC et des Directives qui s’implémentent ensuite dans les lois nationales. Foin d’hypocrisie ! Ca les arrange. Et ils peuvent même aller jusqu’à le dire publiquement , comme une excuse, une circonstance atténuante : Oui vous avez raison cette loi risque de censurer le net, mais ce n’est pas de notre faute, et nous n’y pouvons rien.

L’image de ces internautes baillonnés, debout derrière les organisateurs d’une Fête qui depuis plusieurs années déjà ne mobilise guère que sont ceux qui sont payés pour la faire exister , n’est pas que symbolique. Elle est un avertissement aux législateurs : si vous les censurez, vous vous mettez les internautes à dos.
Elle dit clairement que ces internautes ne vont pas capituler sans résister. Les multitudes du net ont toujours su être créatives et efficaces lorsqu’il s’est agi d’affirmer que la communication doit être libre et qu’aucune loi stupide ne pourra jamais censurer le net, parce que sans ces multitudes le net n’existe tout simplement pas. Que la Fête commence !

par Chris, dimanche 9 mars 2003

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