Accueil > Le sens de la candidature José Bové.

Le sens de la candidature José Bové.

Publie le mercredi 12 juillet 2006 par Open-Publishing
6 commentaires

1 L’ENJEU.

Dans notre vieille Europe, les évènements politiques décisifs ne sont pas si fréquents.
Pour ma génération, il y a eu la grève générale de 1968 : une formidable occasion gâchée.
Puis l’alternance, avec la victoire de François Mitterrand en 1981.
La victoire du NON l’année dernière pourrait être également un évènement politique de grande importance, mais à dire vrai, il est trop tôt pour le dire. Les élections (et pas seulement les élections, mais ce qui les accompagnera sur le plan organisationnel) de 2007 détermineront, a posteriori, le sens exact du NON d’avril 2005.

L’échec de la grève générale de 1968, longuement confirmé par la "modernisation" libérale (c’est à dire au dépens du prolétariat et des couches laborieuses) tout au long des années soixante dix, a constitué une profonde leçon. L’idée révolutionnaire, sous sa forme léniniste (et trotskiste) n’a pas survécue. Toutes les "conditions" étaient, semble-t-il, réunies. Alors ?
Les grandes théories ont du baisser pavillon : "grise est la théorie, mais l’arbre de la vie reste éternellement vert" (Goethe).

La victoire de Mitterrand nous apporta, sinon beaucoup d’espoir (nous aurions été fous de confondre nos aspirations avec celles de ce grand politicien bourgeois), du moins de la satisfaction. Nous étions heureux dans l’exacte mesure où cette victoire semblait frustrer, inquiéter, la "droite" bourgeoise. Mais les différents gouvernements de l’union de la gauche (socialo-communiste) n’ont pas tardé à la rassurer !

Le référendum d’avril 2005 devait consacrer le triomphe institutionnel du libéralisme. Mais les dirigeants ont raté leur coup. Avant de se lancer dans l’aventure référendaire, Chirac s’est bien sûr assuré de la collaboration des directions des partis socialistes et "verts".
Mais cela ne suffisait pas. La direction du parti socialiste a sous estimé le caractère de celui qu’elle souhaitait politiquement marginaliser, Laurent Fabius, lequel, au nom d’une conception social-démocrate plus classique, plus "mitterrandienne", a brisé le consensus.

Le peuple s’est engouffré dans la brèche. Le camp du NON pouvait être simplement protestataire, comme lors du référendum de 1958, sur la constitution gaulliste, adoptée par 82% de OUI. Au lieu de cela, le NON a permis l’expression populaire majoritaire d’un refus du libéralisme.

S’agissait-il d’un "NON" purement défensif, ou porteur d’une politique différente ?
Il ne sert à rien de plaider dans un sens ou dans l’autre : ce sont les élections de 2007 qui donneront la réponse.

Si le camp du NON n’est pas présent au second tour, cela signifiera que, comme en 2002, les français sont démocratiquement floués. Comme en 2002, une majorité d’entre eux (les 55% du NON) seront de fait exclus de l’élection présidentielle, ceux qui le voudront devront se résigner à voter pour un candidat de l’autre camp.

Il sera alors clair que le NON du 29 mai 2005 n’était porteur d’aucun projet. Les maigres organisations ou courants qui l’avaient porté se seront dispersés dans de stériles controverses.
Bien sûr, à l’heure qu’il est, nous espérons qu’il n’en sera pas ainsi.

2 UN NOUVEAU COURANT

Même si le leader altermondialiste avait jusqu’à présent refusé de s’engager dans la lutte politique au sens des combats électoraux, la candidature José Bové ne tombe pas du ciel.

C’est à partir de 1999, durant les affrontements de rue qui ont eu lieu en réaction au sommet de l’O.M.C à Seattle qu’on a commencé à parler des opposants à la "mondialisation libérale", puis dans l’organisation du Forum Social Mondial (Porto Allegre), puis à Gênes, etc.
De ceux qui sont alors nommés les "altermondialistes" puisqu’ils ne nient pas l’intensification des liens entre les différents pays, mais veulent d’autres lois que celles qui confortent la rapine des pays riches, la figure de José Bové émerge naturellement.
L’association ATTAC a été crée à la même époque, en 1998, à la suite d’une proposition d’Ignacio Ramonet (Le Monde Diplomatique).

Il s’agissait là de manières nouvelles d’aborder les questions politiques, non en déclinant des mots d’ordre à partir d’une Weltanschaung, d’une théorie globale achevée, mais en saisissant des fils concrets pour montrer, mobiliser et avancer dans le sens d’une société suffisamment décrite par le slogan : "Le Monde n’est pas une Marchandise" !
"Un autre Monde est possible", qui ne soit pas fondé sur de gigantesques inégalités, la destruction de la planète et l’écrasement des majorités populaires.
Un nouveau courant, en ce sens qu’il ne s’agit pas de scissions des mouvements plus anciens : socialisme, communiste, trotskisme, mais d’un phénomène nouveau, aussi nouveau que l’était le socialisme en 1848.

Ces quelques bribes de souvenirs ne sont là que pour rétablir l’ordre des choses : un courant jeune, profondément novateur, est né à la toute fin des années quatre vingt dix et c’est ce mouvement qui a fondé la victoire du NON, mais si cela n’a eu lieu qu’avec la confluence de nombreux autres facteurs : l’engagement d’organisations trotskistes, du parti communiste, et même de certains socialistes, dont le bien libéral Laurent Fabius, y compris les prises de positions démagogiques des extrêmes droites de Le Pen et de Villiers. sans le "coup de jeune" altermondialiste, il n’y aurait pas eu de surprise.

Il faut partir de là pour concevoir aujourd’hui la candidature de José Bové, aussi rouge que vert, aussi vert que rouge, selon l’expression de R-M Jennar.

Si nous voulons la victoire, un vrai changement, du nouveau, il faut là encore de la surprise, et elle ne peut venir que du courant altermondialiste.

Les comités pour des candidatures uniques anti libérales à la présidentielle et aux législatives consacrent une large part de leurs débats aux interventions, positions, déclarations et exigences des militants et dirigeants de la LCR et du PCF. C’est légitime puisque les militants éprouvés sont là, dans ces organisations anciennes, et méritent, pour leurs efforts en faveur d’une société plus juste, tout notre respect.

Mais il convient d’entendre le mot "éprouvé" dans l’autre sens. Ces organisations sont "éprouvées" par leurs passés, à peu près centenaire, une longue histoire qui a vu le vertigineux déclin de la seconde et la stagnation à peu près complètement stérile de la première.

Nous devons regarder la réalité, à l’endroit, pas à l’envers. D’un côté un courant jeune et novateur, d’une énorme puissance à l’échelle mondiale, et de l’autre deux organisations exténuées.

L’existence de notre courant ne dépend pas de la bonne volonté du PCF ou de la LCR.
C’est l’inverse qui est, qui doit être vrai : le courant altermondialiste offre aux militants des vieilles organisations un nouvel espoir.

A nous, donc, de faire entendre notre voix et notre volonté de battre la droite et les "socio libéraux".

A la calle ! que ya es hora
de pasearnos a cuerpo
y monstrar que, pues vivimos, anunciamos algo nuevo
(Gabriel Celaya)

Jean-Pierre Boudine, Marseille.

Messages

  • Très bonne étude de l’analyse de mai 68 :

    Internationale situationniste. Numéro 12.— Septembre 1969.

    LE COMMENCEMENT D’UNE ÉPOQUE
    révision 2 du 17.02.2005

    Cette réflexion tôt, à chaud en quelque sorte

    Tien, par exemple :Au lieu de s’attarder sur la parodie historique, effectivement risible, des étudiants léninistes, ou staliniens chinois, qui se déguisaient en prolétaires, et du coup en avant-garde dirigeante du prolétariat, il faut voir que c’est au contraire la fraction la plus avancée des travailleurs, inorganisés, et séparés par toutes les formes de répression, qui s’est vue déguisée en étudiants, dans l’imagerie rassurante des syndicats et de l’information spectaculaire

    OU ENCORE :

    Dans tous les autres pays, la récente recherche, d’ailleurs restée jusqu’ici confuse, d’une critique radicale du capitalisme moderne (privé ou bureaucratique) n’était pas encore sortie de la base étroite qu’elle avait acquise dans un secteur du milieu étudiant

    Et

    Quand les fantômes souterrains de la révolution totale se levèrent et étendirent leur puissance sur tout le pays, ce furent toutes les puissances du vieux monde qui parurent des illusions fantomatiques qui se dissipaient au grand jour

    Plus :

    Ce mouvement était la redécouverte de l’histoire, à la fois collective et individuelle, le sens de l’intervention possible sur l’histoire et le sens de l’événement irréversible, avec le sentiment du fait que « rien ne serait plus comme avant »

    Il était la critique généralisée de toutes les aliénations, de toutes les idéologies et de l’ensemble de l’organisation ancienne de la vie réelle, la passion de la généralisation, de l’unification""""""

    Peut-on lire dans ce somptueux article, pas mal non ?

    • Ah et bien, en voilà enfin des arguments pour José !
      Bien que je m’apprète à les démonter.
      Car cher boudinovitch, si je comprends bien tes propos, nous avons des divergences de points de vue sur ce qu’est le processus unitaire.

      Tu vois dans le processus unitaire la candidature de l’altermondialisme, qui se manifesterai grace au symbole José Bové, et tu sembles ne vouloir y voir que cela cherchant à gommer l’histoire politique passée que nous connaissons tous.

      Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue.
      L’Histoire est là, l’oublier et repartir seulement de 1999 c’est trop facile, trop simpliste.
      Car ce qui a conduit à l’avènement de l’altermondialisme c’est bien notre histoire, celle du capitalisme sauvage qui sévit depuis des décennies et de l’échec des tentatives sociale-libérale.
      L’altermondialisme se nourrit de l’histoire et de de tous les acteurs qui veulent un autre monde, il ne saurait supporter une étiquette, puique évoluant sans cesse (le présent faisant déjà parti de l’Histoire).

      L’existence de notre courant ne dépend pas de la bonne volonté du PCF ou de la LCR.C’est l’inverse qui est, qui doit être vrai : le courant altermondialiste offre aux militants des vieilles organisations un nouvel espoir.

      .
      Ah bon ? Donc en fait présenter "une candidature altermondialiste" devrait suffire à tout écraser, si on suit ton raisonnement ?
      Je comprends enfin pourquoi tu tiens tant à Bové, c’est effectivement lui qui représente le mieux l’altermondialisme en France.
      Pas la peine de s’ennuyer avec le PC et la LCR donc, mais qu’attendons nous pour se débarasser de ces boulets de l’histoire ?

      Croire qu’une "candidature uniquement altemondialiste" est suffisante est bien simpliste.
      Car justement l’altermondialisme est divers, ses composantes sont nombreuses et variées (assocs, partis, syndicats, collectifs, simpes citoyens,...) , et c’est bien en cela que réside sa force.
      Et le PC, comme la Ligue sont, il me semble, de bons acteurs de l’altermondialisme en France.
      José Bové en est un acteur, un symbole aussi, mais il ne saurait être l’altermondialisme.

      Cette candidature unitaire ne sera altemondialiste que si elle est unitaire, que si elle prend en compte le passé politique de la France et de ces 2 partis de gauche. (car c’est de partis dont on parle pas de ses dirigeants), et que si elle est évidemment populaire.
      Une seule étiquette ne saurait suffir la faire altermondialiste. On dirait que c’est ça que tu démontres : un label Bové pour l’altermondialisme et c’est gagné.
      Non.
      L’altermondialisme, j’oserais dire l’alterpolitique, ça se construit c’est pas facile, c’est pénible, faut s’engueuler, etc...

      La question à poser n’est pas : le sens d’une candidature José Bové, car elle n’a pas plus de sens que celle d’un Olivier Besancenot, d’une Marie-George Buffet ou d’une seule Clémentine Autain (voir mon article une analyse des candidats unitaires), mais de savoir quel est le sens d’une candidature unitaire de la gauche anti-libérale écologique et démocratique.
      Mon argumentaire pour 1A+3B cherche justement à symboliser cette unité, cette diversité des courants. José y tient une place majeure, mais il ne peut décidément pas être seul devant, ce serait aller contre ce mouvement populaire qu’est l’Altermondialisme.

      Nos points de vue divergent donc là : tu vois la candidature Bové pour imposer le symbole de l’altermondialisme, moi je préfères une candidature unitaire sans candidat apparement altermondialiste mais qui (le mouvement) soit vraiment altermondialiste dans sa conception (à prendre dans divers sens).

      xoup

      ps : Nose et Claude de Toulouse, j’espère que j’ai bien démontré que je ne suis pas anti-parti !
      Ca m’énerve à chaque fois que vous interprétiez mal mes propos :)

    • Sur ce coup je suis entièrement d’accord avec ton très bon commentaire xoup !

      Jips

    • Je vois que la candidature Bové continue à faire discuter... au moins les altermondialistes, car pour les autres,l’affaire Materazzi -Zidane est tout de même cent fois plus importante !
      Je ne sais pas s’il y a eu des réponses à ma précédente intrusion. En tout cas je le redis : entièrement d’accord avec xoup, et de plus je crains comme la peste la tentation de réduire l’altermondialisme à de la politique politicienne - nous sommes et devons rester un contre-pouvoir, la démocratie joue depuis longtemps avec des dés pipés- et surtout, surtout nous garder du star system ! Outre qu’il est intrinsèquement pervers, comme eût dit feu Jean Polsky, les médias sont contre nous, il convient de ne jamais l’oublier.
      Amicalement,
      Michèle, la vieille

    • SALUT XOUP ,

      sur ce coup là mon pote rien à dire , tu es parfait , et pas du tout anti parti !
      la candidature unitaire n’a de sens que si elle additionne , si elle exclut une composante cela ne veux plus rien dire ; donc LCR + PCF + ALTER + TOUS LES AUTRES QUI VOUDRONT , et on pourra renverser les montagnes .

      claude de Toulouse

      ps : je pense que NOSE est d’accord avec moi , mais il est assez grand pour le dire .

  • Pour le café et autres bricoles, on a MAX HAVELAR : 3 % pour le village sympa des andes et 97 % dans la fouille du groupe.

    Pour la gauche "tendance" on a Bové : 8 ou 10% annoncés au premier tour, et 100% de ristourne au PS au deuxième, avec un peu de lobbying, pour exister, quand même !

    Non merci à l’un et à l’autre.

    Daccord pour des actions ponctuelles contre les coups du patronat et du gouvernement avec toutes les bonnes volontés (PS, MRG voire le diable, si nécessaire), mais pas d’accord avec Bové/Fabius ou Royale, pour construire l’avenir politique.

    Quant aux "comités" : hé les gars, José s’est assis sur vos soviets et s’est auto déclaré candidat devant la presse. Il n’a pas besoin de vous !!!!!

    Cà ne veut pas dire qu’il n’est pas utile et antipathiqye (vous voyez, je finis consensuel....)

    Jules
    Noisy le Grand (93)