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Chirac exclut l’amnistie des anti-CPE

Publie le samedi 15 juillet 2006 par Open-Publishing

de Laurent Mouloud

14 juillet . L’Élysée a annoncé hier que le décret de grâce ne comporterait pas de « dispositions particulières » concernant les jeunes condamnés lors des manifestations du printemps.

Ni pardon ni réconciliation. Jacques Chirac a tranché : il ne fera pas un geste en faveur des jeunes condamnés dans le cadre des manifestations anti-CPE. « S’agissant du décret de grâce du 14 juillet 2006, il n’y a pas de dispositions particulières les concernant », explique l’entourage du président de la République, à l’avant-veille de la traditionnelle allocution télévisée. Pas d’espoir, non plus, concernant le possible vote d’une loi d’amnistie. L’Élysée se contentant de rappeler, à ce sujet, que la dernière amnistie adoptée par l’Assemblée, le 17 mai 2002, « ne s’applique qu’aux faits antérieurs à cette date ». Merci pour la précision.

Dans la droite ligne de son gouvernement, le chef de l’État a donc décidé d’entériner la criminalisation de ce mouvement qui a déjà occasionné 4 350 arrestations, 600 procès et près de 200 condamnations, dont 70 à de la prison ferme ! Un choix dénoncé par les organisations lycéennes et étudiantes. « On attendait du président de la République qu’il s’engage résolument dans la voie de la réconciliation avec les jeunes de ce pays », a regretté, hier, l’UNEF, qui continue de réclamer de Jacques Chirac « des mesures fortes » en faveur des condamnés. De son côté, Karl Stoeckel, l’un des leaders de la contestation lycéenne, parle d’une décision « décevante et injuste » (lire page suivante).

LUTTE LÉGITIME

Pour le moins. Le 10 avril dernier, le gouvernement a, en effet, enterré définitivement le contrat premier embauche, et ce, avec la bénédiction de Jacques Chirac. « Ce jour-là, l’État a reconnu, qu’il le veuille ou non, la légitimité de cette lutte menée par les lycéens et les étudiants, analyse Sébastien, un militant du printemps dernier. Il est donc injuste de ne pas aller jusqu’au bout de la logique en amnistiant tous les acteurs de ce mouvement salement réprimé. »

En refusant de passer l’éponge, Jacques Chirac cautionne aussi les errements d’une justice plus expéditive que jamais. Les procès des jeunes anti-CPE, réduits généralement à de simples comparutions immédiates pour des faits anodins (jets de canettes, propos déplacés...), se sont appuyés - et s’appuient encore - sur des dossiers quasi vides, étayés par les seuls témoignages de policiers. Près des deux tiers des audiences se sont déjà soldées par une relaxe ou un non-lieu. « Je n’ai jamais vu autant de procédures bâclées, d’interpellations à la louche, de procès-verbaux à peine finalisés », s’indignait la semaine dernière Me Irène Terrel (l’Humanité du 5 juillet 2006).

Ce laxisme, pourtant, ne semble pas émouvoir le chef de l’État. Ni le premier ministre, d’ailleurs. Fin mai, l’Humanité et une délégation d’élus, de responsables syndicaux et d’avocats ont déposé à Matignon 35 000 signatures réclamant l’amnistie des jeunes anti-CPE. Ils étaient repartis avec - au moins - la promesse d’une réponse. Depuis... rien.

ESPRIT REVANCHARD

Silence radio, aussi, sur la proposition de loi d’amnistie déposée au mois de mai par Georges Hage, au nom des groupes communistes à l’Assemblée et au Sénat. « Cet acharnement du pouvoir (...) souligne l’esprit revanchard d’une droite battue sur son projet et qui ne peut même pas pardonner à sa jeunesse », ont déploré, hier, dans un communiqué, les sénateurs du groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC).

Chez certains militants, c’est l’écoeurement qui domine aujourd’hui. « Je m’attendais à quelque chose, quand même, vu que Jacques Chirac avait amnistié son copain Guy Drut, s’agace Tony, un jeune condamné à quatre mois de prison avec sursis. Mais là, j’ai bien compris qu’il y avait deux poids, deux mesures... »

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