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les 40.000 prostituées d’Europe de l’Est importées en Allemagne pour la coupe du monde de football.

Publie le jeudi 20 juillet 2006 par Open-Publishing
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Une légende urbaine :

De Libertad

En France particulièrement, tout ce qui touche à la sexualité est occasion de scandale, de mobilisation des bonnes âmes, voir de véritable chasse aux sorcières en particulier dès qu’il est question de « réseaux », mot magique qui mobilise les fantasmes des foules. Le point culminant de cette « peste sociale » a sans doute été atteint dans l’affaire d’Outreau où l’imaginaire collectif a crée de toute pièce un réseau de pédophiles qui s’est révélé n’être que pure invention mais plus réel que la réalité elle-même.

Le réseau fait recette et mobilise les imaginaires. Les médias dominants en sont friands pour sidérer un peu plus
les populations et les divertir des préoccupations trop quotidiennes, accessoirement cela fait vendre, ce qui n’est pas négligeable.

Le réseau est comme l’on dit en langage marchand, un « concept porteur », on l’a vu à l’occasion de l’hystérie collective d’Outreau mais d’autres réseaux produisent les mêmes effets puisqu’ils se composent du même ingrédient : le sexe.

Le réseau prostitutionnel a les mêmes capacités de réveiller les fantasmes collectifs que le réseau pédophile et l’on va voir qu’il est capable de mobiliser des coalitions assez surprenantes allant de la droite autoritaire aux anarchistes.

Une campagne lancée par la CATW [1]

Le 25 janvier 2006, La Coalition Contre la Traite des Femmes (CATW) a lancé une campagne internationale intitulée : "Acheter du sexe n’est pas un sport". [2]

Que dit cette campagne ? : «  Du 9 juin au 9 juillet 2006, 12 villes allemandes accueilleront la coupe du monde de Football. 3 millions de spectateurs environ - majoritairement des hommes - sont attendus ; et l’on estime à 40 000 le nombre de femmes « importées » d’Europe Centrale et d’Europe de l’Est vers l’Allemagne pour les « servir sexuellement ».

L’Allemagne a légalisé le proxénétisme et l’industrie du sexe en 2002. Pourtant les quartiers réservés ne pourront contenir les milliers de touristes sportifs/sexuels prévus.

En prévision de cet afflux, l’industrie du sexe Allemande a érigé un gigantesque complexe prostitutionnel en prévision du « boom commercial » durant la Coupe du Monde.
« Le football et le sexe vont de pair » déclare l’avocat du nouveau méga bordel de 3000 m², pouvant accueillir 650 clients masculins, construit à côté du principal stade de la Coupe du Monde à Berlin . Sur des zones clôturées de la taille d’un terrain de football, on a construit des « cabanes du sexe » ressemblant à des toilettes appelées, « cabines de prestation ». Capotes, douches et parking sont à la disposition des acheteurs avec un souci particulier de protéger leur «  anonymat ». »

Cet extrait constitue l’introduction de la pétition de la CATW qui a recueilli à ce jour 121.763 signatures [3].On voit que les arguments évoqués sont capables de rassembler une centaine de milliers de pétitionnaires. Qu’une mobilisation avec un large éventail politique, comme ce fut le cas à l’occasion de la guerre en Irak, soit possible n’a rien de surprenant par contre qu’elle puisse avoir lieu à propos une légende urbaine [4], voilà qui est source d’intéressantes recherches.

Une autre légende urbaine, ayant le même objectif ( discréditer la légalisation de la prostitution en Allemagne ) avait constitué une sorte de ballon d’essai en février 2005, sans avoir l’ampleur prise par celle-ci : il s’agissait alors de prétendre qu’une chômeuse allemande serait obligée d’accepter un emploi de prostituée, sous peine de voir ses allocations supprimées [5]. En matière de légende l’imagination ne manque pas.

Quelles sont les informations données par la CATW pour justifier la nécessité d’une campagne de protestations à l’occasion de la Coupe du monde de football ?

40.000 femmes vont être importées des pays de l’Est pour servir sexuellement les millions de spectateurs du Mundial. Le méga-bordel installé pour l’occasion ne contenant que 650 places, on a érigé des zones clôturées de la taille d’un terrain de foot pour y parquer ces femmes qui devront servir sexuellement les hommes dans des cabanes du sexe.

L’image est saisissante de ces femmes, véritables esclaves sexuelles, importées comme du bétail, enfermée dans des camps clôturés et obligées de force à assouvir les instincts sexuels de supporters mâles et avinés. Quoi de plus révoltant en effet.
Mais à y regarder de plus près, les pseudo-informations ne sont que de la désinformation.

Les 40.000 : un chiffre surgit de nulle part

Selon la CATW, « on estime » à 40.000 le nombre de prostituées importées, quel est ce «  on », on ne le saura jamais, car ce chiffre ne sort de nulle part, comme dans toutes les légendes urbaine, la source de l’information ne peut jamais être déterminée, évidemment puisqu’il s’agit d’une légende.
En essayant tout de même d’y voir plus clair sur le début de cette affaire de désinformation, on peut en retrouver des traces dans la presse allemande. [6]

D’après la Newsletter Haw-Hamburg c’est en avril 2005 que Ulrike Hauffe, animatrice du Comité des femmes de la ville de Brême a donné ce chiffre de 40.000 prostituées supplémentaires, lors de l’assemblée des délégués des villes allemande puis l’a communiqué à la presse tout en reconnaissant qu’il s’agissait d’une pure spéculation. [7].

Puis la revue féminine Emma transforme les 40.000 travailleuses du sexe supplémentaires en « Zwangsprostituierte » ( prostituées forcées ) [8]

Le Conseil des femmes allemandes lance, de son côté une campagne contre la prostitution forcée à l’occasion du Mundial mais précise ( «  Le coup de sifflet final-Mettons fin à la prostitution forcée [9] : « L’initiative « Coup de sifflet final - Mettons fin à la prostitution forcée » veut profiter de la Coupe du Monde de football pour attirer l’attention du grand public sur ce problème. Elle n’est pas dirigée contre la prostitution légale et choisie. Les droits existants pour les prostituées doivent être élargis. Ils doivent offrir de meilleures conditions de travail, soutenir le choix personnel des prostituées et éviter la stigmatisation sociale. Nous sommes tous responsables du respect des droits des prostituées : la société en général et les clients en particulier doivent les traiter avec respect. »

Cette campagne ne s ’appuie pas sur l’annonce de l’arrivée des 40.000 prostituées forcées : «  À l’occasion de la Coupe du Monde, la demande de services sexuels augmentera, comme on l’a vu lors de grands événements comparables. Des organisations de femmes et de défense des droits de l’homme craignent que le trafic d’êtres humains à des fins sexuelles (prostitution forcée) augmente également. »
La rumeur a poursuivi son bonhomme de chemin : on est passé de 40.000 prostituées supplémentaires à l’occasion du Mundial, à 40.000 prostituées forcées, puis à 40.000 prostituées forcées venus des pays de l’Est (campagne de la CATW), sans que cela repose sur aucune étude sérieuse ni sur aucun chiffrage fiable.

La désinformation concernant les « cabanes du sexe » dans des zones clôturées

Contrairement à ce que pourrait laisser penser la pétition de la CATW, les « cabanes du sexe » n’ont pas été crées par les proxénètes pour exploiter les prostituées venues de l’Est. Ces zones protégées sont mises en place par les municipalités, soucieuses d’améliorer le sort des femmes se prostituant au bord des routes.

C’est à Cologne en 2002 que ce système dit modèle « Utrechter »** a été introduit. Qu’en est-il exactement ? Ce dispositif est destiné aux prostituées victimes de la drogue essentiellement et qui sont peu touchées par les associations de soutien et de prévention puisqu’elles travaillent au bord des routes où le danger d’agression est plus fort qu’ailleurs.

A la fin des années 90, les autorités de la ville tentèrent de contrôler cette zone de prostitution où l’on retrouvait des seringues infectées et de la déplacer arbitrairement mais ce fut un échec. C’est après une concertation qu’en mai 2001, le conseil municipal a décider d’implanter des modèles « Utrechter ». Environs 300 femmes se regroupèrent sur une zone de la dimension d’un terrain de football. Huit « cabines de prestation » équipées d’alarme et d’une porte de secours ont été installées. Grâce à cet endroit protégé, sur les 300 prostituées, 60 ont accepté d’être suivies par les associations d’aide. [10]
La ville de Dortmund a choisi de mettre en place le même dispositif à l’occasion du Mundial sur un terrain désaffecté des chemins de fer : une vingtaine de « cabines de prestation » y seront installées avec du côté passager un bouton déclenchant une alarme. Environs 400 prostituées travaillent sur les bords des routes de Dortmund sont concernées par la mesure. [11]

Le concept du modèle « Utrechter » n’a donc rien à voir avec l’exploitation des femmes par les proxénètes mais constitue une tentative des municipalités pour sécuriser le travail des prostituées travaillant au bord des routes et pour leur permettre d’être soutenues par des associations de prévention alors qu’elles sont encore dans le monde de la drogue.

Les animatrices de la CATW ne peuvent ignorer cette réalité, l’amalgame et la présentation tronquée de ce dispositif sont une tentative de désinformation, pour susciter l’émotion.

Le lobbying de la CATW en France : de la droite aux anarchistes.

Directrice pour l’Europe de la Coalition internationale contre la traite des femmes et la prostitution, Malka Marcovich va développer un lobbying très efficace et tous azimuts de la droite à l’extrême gauche.

Concernant la droite et le gouvernement, elle rencontre le ministre de la jeunesse et des sports pour faire connaître la campagne. Visiblement l’opération est couronnée de succès puisque François Lamour le ministre non seulement lui adresse des « Chère Malka » mais semble prêt à l’aider autant qu’elle le souhaite : « A l’époque, chère Malka, je vous avais demandé, en quoi pouvais-je être utile ? » [12]. Ce lobbying efficace aboutit à la diffusion d’un clip sur les chaînes de télévision [13], quant à François Lamour il « entre en campagne contre la traite des femmes » [14].
Le site web de l’UMP, par la plume de Roselyne Bachelot ajoute sa touche à la pétition «  Acheter du sexe n’est pas un sport » [15]. Le Secours catholique n’est pas en reste et fait de même [16]

Mais le lobbying de la CATW ne s’arrête pas à la droite, en effet selon l’Humanité : « Interpellés par la Coalition internationale contre la traite des femmes (CATW), le PCF, le PS, les Verts, l’UDF et l’UMP étaient invités à prendre position. ». Ce qui fut fait puisque : « Les cinq principales formations politiques françaises demandent la fermeture des maisons closes avant l’ouverture du Mondial » [17] et le lundi 29 mai, une conférence de presse organisée par la «  Coalition against trafficking in women » (Coalition contre la traite des femmes), réunit des représentants de l’ensemble de la classe politique (PS, Verts, UMP, PCF, UDF) [18]

Le journal l’Humanité est d’ailleurs un relais particulièrement zélé puisqu’il publie une interview de Malka Marcovich [19] et plusieurs articles sur le même sujet.

Non seulement la campagne « acheter du sexe n’est pas un sport" est relayées par les 5 principaux partis politiques toutes tendances confondues [20] mais « la gauche de la gauche » est également mise à contribution : la CATW s’alliant avec deux organisations féministes ( la Coordination Française Marche Mondiale des Femmes et le Collectif National Droits des Femmes ) réussit à réunir une vaste coalition pour organiser une manifestation le 30 mai 2006 devant l’ambassade d’Allemagne. On notera au passage que deux groupes libertaires sont signataires de l’appel ( Alternative libertaire et Femmes Libres de Radio Libertaire ). [21]

De son côté la LCR reprend à son compte l’information fantaisiste des 40.000 femmes « importées » d’Europe centrale et d’Europe de l’Est. [22],
les Alternatifs recopient presque mots à mots le texte de la pétition de la CATW [23].
La Fédération anarchiste sort un tract intitulé «  Non à la coupe du monde du foutre » reprenant à sa façon et d’une manière assez surprenante la légende urbaine sur l’arrivée massive de prostituées venues de l’Est et ... d’Amérique latine : « Ainsi, le plus grand bordel d’Europe, Artémis, peut accueillir à Berlin, 650 clients pour 100 prostituées et ce n’est que le premier d’un marché florissant. La conséquence directe de la création d’Artémis est l’arrivée de milliers de prostituées venues des pays économiquement dépendants (Europe de l’est mais aussi de l’Amérique latine). » [24]

Soulignons qu’Artémis n’héberge que 40 à 80 prostituées et que sa capacité va jusqu’à 210 clients par jour [25]. On se demande bien où un tel établissement hébergerait des milliers de prostituées venues de l’Est ou d’Amérique du Sud.

Comment expliquer que le lobbying de la CATW ait réussi à mobiliser derrière sa campagne « Acheter du sexe n’est pas un sport » un tel éventail de la gauche extra-parlementaire et de l’extrême-gauche ? C’est que ces organisations suivent systématiquement et pour ainsi dire les yeux fermés tout ce que disent deux groupes féministes, la Coordination Française Marche Mondiale des Femmes et le Collectif National Droits des Femmes, le choix de la CATW de s’associer à ces deux groupements lui assurait ensuite la signature d’une cohorte d’organisations qui ne prit sans doute pas la peine de vérifier les informations, d’autant que le sujet était politiquement correct et n’engageait à pas grand chose, tout en permettant de se donner une bonne image.

Quelques voix discordantes qui ne furent pas écoutées :

Les voix discordantes essayant de garder raison et de mettre en doute la validité de cette campagne furent peu nombreuses. SOS Femmes Accueil émit des doutes et son propos mérite d’être reproduit : « 40.000 femmes victimes de la traite forcées de se prostituer pendant la coupe du monde de football à Berlin : une rumeur ?
La pétition "acheter du sexe n’est pas un sport" lancée par la Coalition Contre la Traite des Femmes (CATW) a fait le tour du web et des médias. Le texte indique que "l’on estime à 40.000 le nombre de femmes "importées" d’Europe Centrale et d’Europe de l’Est vers l’Allemagne pour (...) "servir sexuellement" 3 millions de spectateurs environ - majoritairement des hommes". Selon le magazine Envoyé Spécial diffusée sur France 2 le 18 mai 2006, ces "informations" pourraient être une simple rumeur répandue par une association qui lutte contre la prostitution et sa réglementation. Aucune des investigations menées par les journalistes, tant auprès des autorités de police chargées de la lutte contre la traite des êtres humains, des associations, des prostituées travaillant actuellement à Berlin, de certains gérants d’Eros Centers, etc., n’a permis ni de confirmer les informations ni de comprendre comment le chiffre (énorme) de 40.000 femmes avancé par la Coalition Contre la Traite des Femmes (CATW) avait été évalué.
 » [26]

Le blog de Caroline Bruneau «  Berlin, Berlin, ma vie à l’Est » donne de son côté une explication sur le calcul pour aboutir au chiffre de 40.00 : « Quant au chiffre de 40000 prostituées, il est le résultat d’un malin petit calcul, suivez-moi bien :
 il y a 40 millions d’hommes allemands
 or il y a 400 000 prostituées en Allemagne
 or on attend 4 millions de supporters
 donc mathématiquement le nombre de filles augmentera de 40 000.
Bien tourné, n’est-il pas ?
 » [ [berlin.blog.20minutes.fr/. ]]

Avec la fin de la coupe de monde de football, voyons ce qu’il en est réellement de la vague des 40.000 prostituées forcées.

L’Arlésienne : mais où sont-elles donc passées ?

Selon une dépêche de l’AFP du 10 juin 2006 : «  En dépit de prévisions alarmistes, la police allemande et les associations spécialisées n’ont constaté pour l’heure aucune recrudescence de la prostitution forcée à l’occasion du Mondial de football... » . «  Pour le chef de la police criminelle de Hambourg (nord), Detlef Ubben, cité jeudi par l’édition en ligne du magazine Der Spiegel, "rien n’indique que le milieu (des proxénètes) se soit particulièrement préparé à la Coupe du monde". D’ailleurs, avec 2400 prostituées déjà installées dans la ville hanséatique, il ne reste plus beaucoup de place pour de nouvelles arrivantes, a-t-il souligné. »

A propos des 40.000 : « "C’est une rumeur, un chiffre totalement exagéré", s’emporte Nivedita Prasad, d’une organisation berlinoise d’aide aux femmes en détresse "Ban Ying" ("Maison des femmes" en thaïlandais). "Les proxénètes n’ont aucun intérêt à faire venir des filles uniquement pour la Coupe du monde. Pour cinq semaines, ça ne vaut pas le coup", explique-t-elle à l’AFP. [27].

Selon une dépêche d’AP. : « A Cologne, Burkhard Jahn, porte-parole de la police, souligne que "la hausse attendue n’a pas eu lieu". Selon lui, la ville n’a noté aucune augmentation significative du nombre de prostituées et les maisons closes locales ont rapporté que leurs pensionnaires "étaient toutes désoeuvrées". ». « La plupart des villes hôtes estiment que la prostitution est restée à un niveau normal durant la compétition, alors que Nuremberg a fait état d’une progression de 10% du nombre de prostituées légales. Munich a également signalé une forte hausse de leur nombre au début du tournoi, mais qui n’a pas duré."
"Au début de la Coupe du monde nous avons observé une hausse de 50% à 60%" des prostituées déclarées, a précisé Peter Breitner, de la police de Munich. Mais "la plupart des femmes sont retournées chez elles, et nous sommes revenus à un niveau normal." » [28]

La police allemande n’a donc jamais trouvé ces fameuses 40.000 prostituées forcées, parquées dans des zones clôturées, simplement parfois une hausse temporaire du nombre de prostituées légales, provoquée sans doute pas des déplacements à l’intérieur de l’Allemagne.

Mais les partisans des campagnes pour des causes imaginaires ne désarment jamais : certes, les 40.000 ne seraient pas au rendez-vous mais ce serait du à la campagne de prévention des associations abolitionnistes ou à la campagne contre la prostitution forcée qui aurait contraint le gouvernement allemand à agir en faisant descendre la police dans les lieux de prostitution : «  Une agence suédoise et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont attribué ce résultat aux efforts préventifs engagés par la police allemande et par des activistes oeuvrant contre le trafic d’êtres humains. »
_ « Selon les chercheurs, les autorités allemandes, qui ont subi des pressions de l’Union européenne, des Etats-Unis et du Vatican, ont multiplié les descentes dans les sex shops et les maisons closes pour sévir contre ce trafic avant la Coupe du monde. » [ [permanent.nouvelobs.com/sport/. ]]

Le problème, c’est que lors des descentes de police celle-ci n’a rien trouvé, pas de prostituées forcées, seulement des immigrées sans papiers, n’ayant rien à voir avec la prostitution, qui ont été expulsées [29]

Une question se pose : comment en est-on arrivé là et pourquoi ? Comment une rumeur a-t-elle pu mobiliser la quasi totalité des forces politiques de la droite à l’extrême-gauche dans un tel unanimisme ?
Le moment le plus savoureux de ce psychodrame collectif étant certainement la séance du 4 avril 2006 qui s’est tenue à l’assemblée nationale (37) où une députée du PCF, ayant sans doute bien étudié ses dossiers, déclara à propos d’Artémis : «  Cette entreprise du sexe, comme l’évoquent fièrement ses concepteurs, « la plus grande maison close du monde », est conçue sous la forme d’une succession de « cabanes » ressemblant à des toilettes qui pourront accueillir jusqu’à 100 prostituées et 650 clients à la fois. » Les lecteurs curieux pourront à l’occasion aller voir les photos des « cabanes » en lisant différents reportages consacrés à Artémis [30] : des « cabanes » avec piscine intégrée, voilà qui n’est pas commun ! Au domaine de la confusion, la légende urbaine est reine !

Une hystérie politique ?*

Pour tenter de trouver une explication à ce délire collectif ne reposant sur aucun fait précis mais uniquement sur la construction fantasmatique d’une légende urbaine, je propose l’éclairage donné par Emmanuel Terray sur l’hystérie politique [31].

«  Qu’est-ce que l’hystérie politique ? Soit une communauté confrontée à une situation ou à un problème difficiles, qui mettent profondément en cause, sinon son existence, au moins sa manière d’être et la représentation qu’elle se donne d’elle-même. Si elle ne trouve pas en son propre sein l’énergie et les moyens nécessaires pour transformer cette situation ou résoudre ce problème, si en conséquence elle se sent à la fois menacée et impuissante, elle peut être tentée par une sorte de conduite de fuite ; de la situation réelle qui la met à l’épreuve, elle va se fabriquer une image déformée et fantasmatique ; au problème réel dont elle ne vient pas à bout, elle va substituer un problème fictif, imaginaire, construit de telle sorte qu’il puisse être traité avec les seules ressources du discours et par le seul maniement des symboles. Comme il est toujours possible de parler et de jouer sur les symboles, la communauté peut ainsi se donner à bon compte le sentiment qu’elle a vaincu la difficulté, et recommencer à vivre comme avant. »

C’est un euphémisme de dire que la question de la prostitution n’est pas résolue en France entre deux positions qui aboutissent au même résultat : faire disparaître sa manifestation publique soit parce qu’elle constitue un scandale pour les bonnes moeurs et le voisinage ( version Sarkozy de la répression du « racolage passif » ) soit parce qu’elle est une offense à l’idéologie de l’amour et du couple ( version PS de la pénalisation du client ), le tout bien sur pour l’intérêt des prostituées que l’on écoute uniquement si elles sont « repenties ». Nous voilà bien avec un problème difficile mettant en cause la représentation que nous avons de nous-même : le couple et l’amour, deux piliers de notre construction sociale moderne, « menacés » par l’existence même de la prostitution et un refus de regarder la réalité en face [32].

Le Mundial a fourni l’occasion de la création d’une image fantasmatique : celle de l’arrivée de 40.00 prostituées forcées venues des pays de l’Est, importées par des réseaux de traite humaine. Ce problème fictif, puisque totalement inventé par un lobby victimiste va permettre à toutes les forces politique de le traiter par le discours ( et de ce point de vue le débat reproduit ci-dessous à l’assemblée nationale est sans doute le plus intéressant ) et par le recours au symbole de la femme victime, symbole particulièrement porteur en termes de reconnaissance politique puisqu’il est repris par toutes les forces politiques de la droite à l’extrême-gauche, sans être discuté ni analysé [33].

Pétitionner, discourir sur une situation fictive, permet ensuite de vivre avec une situation inchangée et qu’on refuse de voir : celle des prostituées en France et de la répression dont elles sont l’objet.
Protester contre un événement fictif présente également un double avantage : celui de gagner à coup sur. En effet la plupart (et processus de médiatisation aidant ) des personnes mobilisées par cette action sont déjà passées à autre chose et ne se préoccupent plus de la question, pour les plus investis et qui veulent voir le résultat, il suffira de dire que la campagne menée a eu une vertu de prévention, le gouvernement allemand ayant pris des mesures sous la pression de l’opinion. Nous avons vu que la police n’a pas constaté l’arrivée sur le territoire allemand des cohortes de prostituées tant attendues par les victimistes mais que des femmes sans papiers ont fait les frais de l’opération.

Emmanuel Terray ajoute : « Bien entendu, dans tous les cas évoqués, l’effet de la conduite hystérique n’est pas de dissiper le danger qui presse ou de résoudre le problème posé ; bien au contraire, elle représente vis-à-vis d’eux une sorte d’aveu d’impuissance. Mais elle permet au sujet individuel ou collectif de gagner du temps, de déguiser le danger ou le problème, de les mettre en quelque sorte à distance et ainsi de vivre avec eux, aussi longtemps du moins qu’ils demeurent chroniques et ne connaissent pas d’aggravation brutale. »

Il explique également par quel procédé le problème réel peut-être mis entre parenthèse : « le problème initial continue donc d’attirer l’attention par ses effets, et il reste toujours quelques observateurs épargnés par l’hystérie pour rappeler son existence. Dans l’hystérie collective, il y a donc moins refoulement que neutralisation, selon ce que j’appellerais volontiers la technique du « coup de chapeau donné en passant » : le problème initial est certes évoqué, mais un artifice rhétorique vient bientôt le mettre en quelque sorte entre parenthèses, et le discours peut alors se tourner vers le problème de substitution et poursuivre son cours comme si de rien n’était. ».

Reste une question : comment une rumeur a-t-elle pu envahir à ce point tout le corps social, toutes les formations politiques sans restriction ? C’est que toutes fonctionnent selon le même principe de la division des tâches et de l’expertise.
Division des tâches entre hommes et femmes :
 aux hommes les question importantes ( l’économie, la politique )
 aux femmes les questions dites secondaires ( la famille, les enfants, la santé ) et de la droite à l’extrême gauche la reproduction de cette division n’est pas remise en cause. Elle ne l’est pas non plus par le lobby victimiste qui l’utilise à son profit dans une stratégie de pouvoir ( avec la complicité du machisme traditionnel des hommes politiques ). En effet grâce à l’expertise, les femmes sont devenues dans les formations politiques les expertes de ces questions. Ainsi il n’est plus besoin d’en discuter, il suffit de s’en remettre au savoir des expertes [34]. Pouvoir d’autant moins contesté que le lobby victimiste utilise une rhétorique a la fois très agressive et culpabilisatrice.

Alors que cette campagne avait pour objectif de protéger des prostituées contre la traite des femmes, ce sont les plus vulnérables d’entre elles, les femmes sans papiers qui furent expulsées d’Allemagne à l’occasion des descentes de police à la recherche de prostituées forcées fantasmatiques.

Mais qu’importe il fallait avoir bonne conscience.

Libertad

* « Elle ( l’hystérie politique ) atteint sinon l’ensemble, du moins la grande majorité des membres de la communauté, y compris, parmi eux, de très nombreux individus qui, sur le plan personnel, demeurent parfaitement sains et équilibrés, même lorsqu’ils se font les agents actifs de sa propagation. » ( 33)

**C’est la ville D’Utrecht qui est à l’origine de ce concept.

Annexe : débat à l’assemblée nationale [35]

Attitude de la France vis-à-vis de la prostitution organisée à l’occasion de la Coupe du Monde de football

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour exposer sa question, n° 1548, relative à l’attitude de la France vis-à-vis de la prostitution organisée à l’occasion de la Coupe du Monde de football.
Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, du 9 juin au 9 juillet prochain, douze villes allemandes accueilleront la Coupe du Monde de football. Pour l’occasion, un gigantesque complexe de 3 000 mètres carrés, dont Mme de Panafieu a d’ailleurs déjà parlé, a été ouvert à Berlin il y a plusieurs mois. Celui-ci a pour vocation d’offrir, en majeure partie aux hommes, les prestations de prostituées.
Ce complexe a été appelé « Artémis », une provocation lorsqu’on sait qu’il s’agit du nom d’une déesse grecque ayant fait vœu de chasteté et de virginité ! Cette entreprise du sexe, comme l’évoquent fièrement ses concepteurs, « la plus grande maison close du monde », est conçue sous la forme d’une succession de «  cabanes » ressemblant à des toilettes qui pourront accueillir jusqu’à 100 prostituées et 650 clients à la fois.
Ce centre viendra en appoint aux quartiers réservés qui existent depuis la légalisation du proxénétisme et de l’industrie du sexe en 2002. En Allemagne, les proxénètes sont en effet assimilés à des « gérants » et les prostituées à des « travailleuses du sexe ».
Il est à prévoir que cette dix-huitième Coupe du Monde de football battra tous les records en matière de racolage, puisque l’on évoque le chiffre de 40 000 femmes « importées » des pays de l’Est, d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie.
Face à cet afflux massif de prostituées, la fédération allemande de football a décidé de réagir par une campagne baptisée « Coup de sifflet final ». Menée en partenariat avec le Conseil national allemand des femmes, elle dénonce les risques réels de prostitution forcée et de traite d’êtres humains. Cette campagne vient de recevoir l’appui du Parlement européen. De son côté, le commissaire européen à la justice a suggéré de rétablir l’obligation de visa pour certains pays pendant la période de la Coupe.
Ces initiatives contre la prostitution forcée vont dans le bon sens, mais elles se refusent malheureusement à dénoncer la prostitution officielle qui explosera littéralement à l’occasion de cet événement sportif.
Hélas, quand la prostitution est légalisée, la prostitution illégale ne décroît pas, bien au contraire ! Comme le reconnaît la BKA, l’Office fédéral de la police criminelle, « il est en effet très difficile de faire la part entre la prostitution légale et la prostitution illégale ». C’est pourquoi je me permets de vous interpeller, monsieur le ministre.
La France a ratifié les conventions contre la prostitution et la traite. Compte-t-elle condamner cette prostitution organisée comme contraire aux valeurs sportives d’égalité, de respect mutuel et de non-discrimination ? A-t-elle protesté officiellement, ou va-t-elle le faire, auprès du gouvernement allemand contre l’ouverture de tels centres ?
La France et la Fédération française de football s’honoreraient à se dissocier publiquement de cette initiative allemande d’organiser la prostitution à grande échelle en marge de la Coupe du Monde. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame Jacquaint, depuis mon arrivée au ministère des sports, en 2002, j’ai mené une politique volontariste qui vise à réaffirmer et à défendre les valeurs du sport. C’est au nom de ces valeurs et de principes éthiques que je promeus le modèle d’organisation du sport français reposant sur l’unité entre sport amateur et sport professionnel, sur la complémentarité entre le haut niveau et un sport accessible au plus grand nombre, notamment aux publics en difficulté. Je me fais du sport une haute idée - je crois que ce sentiment est largement partagé dans cet hémicycle -, car il signifie avant tout le respect de la personne humaine. Or, la prostitution et la traite constituent une négation de ce respect.
J’ai évoqué cette grave question avec Mme Ursula von der Leyen, ministre allemande de la famille, des personnes âgées, de la femme et de la jeunesse, lors du dernier sommet franco-allemand qui s’est tenu à Berlin le 14 mars dernier. Je lui ai d’ailleurs adressé un courrier à la suite de cette rencontre. Mme de Panafieu a, de son côté, signé une pétition contre la construction de cet équipement destiné à la prostitution.
Je me suis également entretenu avec Mme Malka Marcovich, directrice pour l’Europe de la Coalition contre la traite des femmes, organisation internationale qui bénéficie d’un statut consultatif auprès de l’ONU sur les questions de la prostitution.
Sur un plan pratique, j’ai pris l’initiative, avec le président de la Fédération française de football, de m’adresser aux passionnés de football français susceptibles de se rendre en Allemagne pour la Coupe du Monde de football. Un message sera ainsi délivré au public à l’occasion des matchs amicaux de préparation à la Coupe du Monde qui se joueront au Stade de France et peut-être dans d’autres stades français à compter du mois de mai.
Madame la députée, vous pouvez compter sur mon engagement et ma détermination pour rappeler que le sport ne doit jamais être associé à des entreprises à ce point étrangères à son esprit et contraires au respect de la personne humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse. De nombreux élus, associations de femmes et sportifs tiennent en effet à montrer que, en aucun cas, le sport ne peut être associé à cette entreprise de traite des êtres humains. En réponse aux milliers de pétitionnaires, il fallait que cela doit dit très clairement. Votre communiqué donnera une bonne image de la France.

libertad, le Mercredi 19 Juillet 2006

Source : L’EnDehors


[1Lire à ce sujet : endehors.org/news/8136.shtml.

[2Voir le site crée à cette occasion : catwepetition.ouvaton.org/.

[3Chiffres à la date du 17 juin 2006

[4A propos des légendes urbaines, lire : hoaxbuster.com/.

[6Taz du 4 janvier 2006

[7Newsletter Haw-Hamburg du 9 mai 2006, article d’Emilija Mitrovic

[8Emma janvier-février 2006

[10Taz du 25 février 2005

[11WM 2006 im Ruhrgebiet

[12Discours de François Lamour lors de la présentation du clip

[13Nouvel Obs.com archquo.nouvelobs.com/.

[14Libération du 24 mai 2006 : liberation.fr/.

[20Pour le PS lire : parti-socialiste.fr/.

[25Le Temps du 24 mai 2006 :
letemps.ch/.

[29Courrier international n°813 du 1er juin 2006-Article de Die Tageszeitung, Berlin

[31La question du voile : une hystérie politique :
amis.monde-diplomatique.fr/.

[32De nouvelles zones de non droit : des prostituées face à l’arbitraire policier :
lesputes.org/ldh.pdf.

[33La critique du symbolisme de la femme victime n’est pas une remise ne cause des violences que subissent les femmes mais une critique de l’identification entre femme et victime.

[34La méthode utilisée au PS pour y intégrer dans son programme vers 1h30 du matin sans le moindre débat, la pénalisation des clients des prostituées est symptomatique de ce fonctionnement.

Messages

  • "C’est un euphémisme de dire que la question de la prostitution n’est pas résolue en France entre deux positions qui aboutissent au même résultat : faire disparaître sa manifestation publique soit parce qu’elle constitue un scandale pour les bonnes moeurs et le voisinage ( version Sarkozy de la répression du « racolage passif » ) soit parce qu’elle est une offense à l’idéologie de l’amour et du couple ( version PS de la pénalisation du client ), le tout bien sur pour l’intérêt des prostituées que l’on écoute uniquement si elles sont « repenties »."

    Quel raccourci ! Etre contre la prostitution serait selon vous une défense des bonnes moeurs et de la monogamie ? Je suis contre la prostitution et je ne me retrouve pas du tout dans cette description : je suis plutôt pour l’amour libre, en fait. Et la prostitution n’a rien à voir avec l’amour libre : elle réduit des femmes à des dispensatrices de services sexuels pour des hommes qui croient qu’ils doivent avoir accès au corps des femmes quand ils le veulent, comme ils le veulent. La prostitution n’a rien de "branché" ou de "libérateur" comme vous semblez le croire : c’est une institution archaïque, basée sur l’idée que les femmes doivent servir les hommes sexuellement. Et leur sexualité à elles ? Quel est l’impact physique et psychique d’avoir de nombreux "clients" par jour ? Vous ne semblez pas en être préoccupé.

    Que cette campagne anti-trafic ait été non fondé, peut-être bien, en effet. Mais le phénomène de la prostitution demeure un grave problème de société. Les prostituées légales font les mêmes actes que les prostituées dites "forcées". Etre pauvre et vouloir s’en sortir, c’est aussi une situation forcée...

    Rhéa Jean

    • la légende de la chomeuse obligée pour ne pas perdre ses droits ?ce n’est pas une légende Satya c’est une réalité.
      Que ses droits ne lui ont pas été supprimés c’est parce que c’était beaucoup trop scandaleux pour que ça passe et que ça avait fait beaucoup de bruit à Duisburg.Les bordels et les proxos savent se camoufler.
      Il n’y a pas eu 40000 protituées de l’est ?quels controles y a-t-il eu ?aucun !Pense tu vraiment que les trafiquants de femmes ne savent se cacher ?
      Les cabines sur un emplacement grand comme un terrain de foot ?Ce n’était pas au centre de Berlin mais sous un pont de l’autoroute !
      Et puis qu’est-ce que c’est que ce caca nerveux moraliste sur la liberté ?les prostituées sont libres ?Tu vis dans quelle réalité ?
      Et être contre la prostitution c’est vouloir faire la chasse aux prostituées ?tu prend tout le monde pour des sarkosy ?je suis contre la prostitution et contre la chasse aux prostituées parce que ça n’arrange que les macs.
      La reconnaissance de la prostitution en Allemagne n’a arrangé que les macs,la loi leur a même donné un statut.
      La lutte contre la prostitution durera des années voires des siécles,jusquà ce que les conditions de l’épanouissement de chacun soit respecté,ça n’a rien à voir avec les lois sarko.
      Et ton article est à la limite de l’insulte pour tout ceux qui luttent contre cet esclavage moral,physique existant sur un esprit de domination de certains.
      a quel moment tu nous sort que les "hommes"ont des besoins que les femmes n’ont pas ?
      Jean Claude des Landes

    • "Etre pauvre et vouloir s’en sortir, c’est aussi une situation forcée..."

      exactement ! Et le pb est le même pour les hommes ou les femmes. Les femmes ont la "possibilité" de se prostituer tout comme les hommes peuvent, par ex, travailler au noir ds le bâtiment....sordide ou sida pour les unes, chute sans filet ou parpaing sans casque pour les autres : faut-il vraiment compter les points, chercher qui est le plus malheureux, sur l’air de dispute homos/juifs "c’est nous qu’on a le plus souffert des nazis" ?

      Quant la situation générale se dégrade (CDI mirages, SMIC versus interim ou chômage/RMI), tout le monde y perd. Les femmes notamment, car le "double choix" se fait de plus en plus "tentant" : réussir une vie professionnelle épanouissante (difficile) ou...séduire un homme capable de vous assurer sécurité financière (certes moins glorieux...mais combien humain qd on n’est pas un(e) distingué(e) et aisé(e) universitaire).

      D’où cohorte de jeunes filles de plus en plus "jupe ras la touffe", surtout dans les milieux dits populaires - ceux qui les fréquentent ne me contrediront pas. Et bien sûr pas "d’amour libre" dans tout ça : donner sans compter, c’est quand on a les moyens d’exister par ailleurs. Et pour compter, deux solutions : la mise en couple (survie plus facile diminuant le besoin de compter - d’autant moins que le divorce est facilité ceci dit) ou la prostitution. Un choix forcé dès lors qu’on ne peut influer sur sa propre vie (diplômes, héritage etc.).

      Dès lors le meilleur combat pour la femme me paraît non la finalement stérile condamnation du proxo ou la hargne anti-macho (i.e. s’attaquer aux conséquences) mais, tout bêtement, un combat politique pour un travail décent accessibles à toutes et à tous, une école égalitaire (restauration des écoles normales d’instit ou des IPES par ex). Politique qui peut être aussi bien de gauche que de droite, un De Gaulle me paraissant plus recommandable que la majeure partie de la gauche actuelle (mais là je m’avance un peu, je suis un peu jeune pour juger en connaissance de cause).

      Les pétitions comme celle décriée ci-dessus me paraissent peu efficace ds des cas avérés, et franchement contre-productive en cas de canular (éternelle historiette du garçon qui criait toujours au loup). Mon humble avis est que la situation ne risque pas de s’améliorer, et ce n’est pas voir des militantes MLF plébisciter Ségolène Royale (pour sa seule qualité de femme !?) ds des manifs qui me rassure :( Gageons que je sois déjà un vieux pessimiste aigri !

      Levochik

  • LUCY, UNE PROSTITUÉE ?

    La prostitution est-elle une activité générique d’homo sapiens ? Dans les sociétés où la prostitution a existé, les prostituées ont-elles pratiqué une activité universelle, libre et consciente qui réalisait un accomplissement "authentique"(sic) de leur individualité et de la vie en commun ? La promotion de la prostitution "libre" et la "libération" généralisée de la pornographie esthétisée, n’exprime-t-elle pas, comme quelques autres "avancées" biotechnologiques et biocybernétiques, la profondeur de la perte de toutes certitudes sur ce que peut être aujourd’hui une activité humaine réalisée à titre humain ?
    Ce sont pourtant ces quelques questions qui sont présupposées dans l’appel à la liberté de se prostituer et que ses signataires, au mieux ignorent ou plus vraisemblablement mystifient.
    La profession de foi sexo-émancipatrice de ces féministes modernistes repose sur une double affirmation qui donne le change à la double négation du titre : oui, il existe une "prostitution forcée qui s’exerce dans la contrainte" et "il faut la combattre" car elle est dominée par le "phénomène maffieux" ; oui, la prostitution est "une activité humaine" ordinaire qu’on doit libérer de ses anciens asservissements sacrés, culpabilisateurs et répressifs. Une fois ces libérations obtenues, il faut "instituer un espace de prostitution libre [qui] permettrait de mieux combattre les véritables réseaux d’esclavages sexuels, sans précariser ceux et celles qui n’ont rien à voir avec cette activité criminelle". Car la sexualité entre adulte est "à considérer comme un commerce", dont le libre exercice, "sans désir ni amour," doit être garantit par "une certaine idée de la démocratie en matière de mœurs ". Cette annonce publicitaire est accompagnée d’un couplet contre les lois récentes sur la sécurité qui ne proposent "aucun espace alternatif" où les prostituées seraient "au moins tolérées" et ou "les clients ne seraient pas pénalisés".
    Et le tour est joué, et le coup est tiré ! Sous l’esclavage sexuel … la plage du contrat entre gens "de métier", un Pacs à chaque passe en quelque sorte ! Du déjà trop libertarien mot d’ordre situationniste, en mai 68 : "Vivre sans temps mort et jouir sans entrave", on aboutit donc à celui très managerial d’aujourd’hui : "Capitaliser sans remords et jouir sans déprave" ! Voyons ce qu’implique cet affichage politique et disons nos raisons pour le combattre.
    La prostitution n’est pas "le plus vieux métier du monde". Elle n’a pas été présente, tant s’en faut, dans toutes les sociétés humaines. Dans les sociétés protohistoriques comme dans les sociétés primitives et les sociétés traditionnelles, la prostitution n’existait pas. Se détachant peu à peu de sa fonction religieuse (la "prostituée sacrée" comme vestale et comme exorciste de la menace que les femmes faisaient peser sur la communauté abstraite de la religion), elle apparaît comme "marché" dans les sociétés où l’État aux mains d’une classe sociale dominante (une aristocratie, une oligarchie, une théocratie) exerce sa puissance et sa tutelle sur le reste de la société. Il faut que le rapport marchand urbain se soit autonomisé comme espace d’échange de valeur pour que "le commerce" sexuel s’y rattache. Les empires-États mésopotamiens, les dynasties pharaoniques égyptiennes, les cités-États de l’Asie mineure (800 av.JC) et bien sur les Cités-Etats grecques et l’Empire romain, non seulement permirent, mais établirent la prostitution comme catalyseur d’urbanisation et opérateur de la circulation de la valeur.
    Par contre elle a disparu, ne l’oublions pas, lors de moments historiques révolutionnaires ou dans certains modes de vie communautaires qui ne réprimaient pas la sexualité.
    Si les signataires se référent à cet "authentique métier" de la prostitution et non au "travail du sexe" comme le revendiquent de nombreux courants syndicalistes ou associatifs, c’est qu’elles se situent implicitement, comme "prostituées libres", dans la sphère aujourd’hui la plus capitalisante des activités humaines, celle de l’individualité humaine. Sans doute aussi imaginent-elle se démarquer des représentations négatives liées à l’ancienne classe du travail. Tout se passe comme si elles avaient pris acte du fait qu’aujourd’hui, pour le capital, "créer de la valeur" nécessite de moins en moins de travail humain productif . Car c’est bien l’ensemble des activités humaines (et notamment celles qui étaient considérées, dans la période du capitalisme industriel, comme "improductives") qui passe désormais dans la broyeuse de la valorisation. Non seulement travail et non travail, produits et œuvres , ne se distinguent plus, mais c’est directement la vie toute entière qui est capitalisée. L’ancien statut du travail et son droit se résorbent dans la contractualisation de tous les rapports sociaux. Se référer à ce statut pour faire reconnaître des droits et des garanties aux "travailleuses du sexe " apparaît donc comme un stade dépassé aux "artistes du sexe" que se veulent ces féministes modernistes. Elles se posent donc comme professionnelles des métiers des arts et du spectacle, réalisant une œuvre avec chaque client. "Fais de ton sexe une œuvre", tel est le singulier avatar sous lequel se donne, chez elles, l’ancien mot d’ordre des surréalistes "fais de ta vie une œuvre", proclamé lorsque la réalisation de l’art dans la vie quotidienne était encore à l’ordre du jour de la révolution.
    Il est une autre implication de ce prospectus qui mérite d’être explicitée car elle exprime l’utopie que le capital cherche furieusement à réaliser (sans y parvenir !) en éliminant chez les êtres humains quasiment toutes les dimensions de leurs déterminations naturelles : la finitude humaine, le besoin et le désir humains, l’individualité humaine, la communauté humaine, la connaissance humaine, les rapports à la biosphère que les hommes partagent avec les autres vivants, etc. Désigner comme une liberté à conquérir le fait qu’une femme puisse, enfin, "consentir librement à un rapport sexuel sans désir ni amour" relève de cette dynamique de dissociation en vue de composer un individu-particule aux fonctions autonomisées qui "gère" l’une ou l’autre d’entre elles selon les nécessités immédiates de son activité "librement" capitalisée. Car cette "certaine idée de la démocratie en matière de mœurs" que ces sex-militantes appellent de leurs vœux, doit réaliser chez chaque individu, une extériorisation "du sexe", enfin purgé des scories traditionnelles et "sacrées" de l’ancienne sexualité humaine, de manière à ce que "le sexe" puisse être valorisé dans toutes les combinatoires possibles et imaginables. Quant à l’amour, il est bien trop chargé de temporalité humaine, de dimensions cosmiques et d’union potentielle avec l’ensemble de la communauté humaine pour en tolérer le moindre de ses élans dans le programme réificateur de cette démo-sexocratie.

    Jacques GUIGOU
    Janvier 2003

  • bonjour,

    j’ai proposé cet article parce que je pense qu’il est vraiment bon et qu’il permet une réflexion grandement nécessaire.

    à titre perso je ne suis ni abolitionniste ni pour la légalisation, par contre j’essaie de réfléchir et je me demande aussi souvent quels sont les pièges..
    par exemple que cela soit plus une démarche "libérale" que "libertaire".

    mais avec les lois sarkos, les situations empirent considérablement et de nouveau ce n’est pas la lutte contre la prostitution forcée ou les proxénètes qui est faite mais bien la lutte contre les personnes prostituéEs.

    je trouve que c’est un sujet complexe mais il ne faut pas non plus le laisser aux mains de politiciens comme sarko ou ségolène car ce sont les femmes les plus en souffrance qui font les frais de tout ceci.

    j’ai trouvé des articles aussi très intéressants sur le site de cabiria.

    c’est tellement plus facile de se ranger du côté de la "morale" et ne surtout pas se remettre en question.

    satya
    ps : je tiens à rassurer jean claude tout de suite, je suis au contraire de celles qui affirment que les femmes ont autant de besoins que les hommes et qui ne croient pas du tout à ce mythe ;)

  • Il est courrament avance le chiffre de 400 000 prostituées en Allemagne et Espagne.

    Source "© Fondation Scelles – 2008"
    Une étude sur la traite en 2003-2004 du département d’analyse criminelle de l’unité technique de la police judiciaire de la garde civile16 estimait, pour 2004, le nombre de personnes prostituées dans des clubs en Espagne à 19 029 dont 18 655 étrangères. Parmi elles, 225 étaient mineures au moment du contrôle. Ces chiffres sont issus du recensement effectué auprès des différentes « unidades » où les clubs sont contrôlés au moins une fois
    durant l’année de l’étude. Toutefois, cette étude ne prend pas en compte deux régions importantes en nombre d’habitants (le Pays Basque et la Catalogne) où la police est autonome. De fait, les rédacteurs prennent soin depréciser dans leur compte rendu que leurs chiffres ne sont que des estimations.
    1 070 clubs étaient mentionnés dans cette même étude pour l’année 2004."

    Même si il manque la prostitution de rue ,le Pays Basque et la Catalogne.
    Entre 19 029 prostituées et 400 000 il y a une différence !
    Et 400 000 prostituées pour 46 600 000 habitants cela fait 1% de la population et cela ne choque pas les journalistes !