Accueil > Tripot linguistique... et le boycott du FSE

Tripot linguistique... et le boycott du FSE

Publie le jeudi 23 octobre 2003 par Open-Publishing

Bonjour,

Je suis enfin parvenu à participer à une Commission culturelle (lundi 20
octobre) et j’ai pu mesurer ce que représente le travail fourni pendant
tous ces
mois pour tenter de donner une réalité à la face culturelle de ce FSE.

J’ai pu
également percevoir qu’une plus grande compréhension régnait entre les
membres
de la CAC et que les attaques personnelles avaient cessé, rendant ce
travail
efficace. Je peux maintenant dire que le Tripot linguistique, l’animation
culturelle que propose Association de mots, pourra se tenir pendant 2
après-midi,
à la Grande Halle de La Villette, en même temps que pourront se faire
entendre
une multiplicité de voix dont nous sommes habituellement privés par la
saturation marchande de l’espace culturel.

J’ai pu aussi poser certaines questions qui me préoccupaient et obtenir
des
réponses, notam. sur le domaine "information", "publication", "édition",
"éducation". Ces catégories culturelles existent bien dans le cadre de ce
FSE, mais
n’ont pas été associées à la "Culture", ce qui explique pourquoi le Tripot
linguistique se retrouve finalement annexé à la partie "spectacle" du
Forum.

J’ai
aussi pu comprendre que cette séparation correspondait vraisemblablement à
des enjeux de pouvoir : l’information, "le quatrième pouvoir" selon
l’édito d’I.
Ramonet du Monde diplo d’octobre notam., est soustraite au "champ
culturel"
et, en même temps, aux pratiques démocratiques (donc une peu brutales,
parfois,
en démocratie véritable) de la Commission culturelle. Je peux ainsi
comprendre (sans l’admettre évidemment) pourquoi aucun espace n’est
ouvert, au sein du
FSE, au monde de l’information et des publications alternatives,
contre-culturelles, dont Association de mots fait partie. Aucun des
signataires du
manifeste du Forum des médias libres de1998, par ex., et nombreux sont
ceux qui ont
survécu individuellement (sans compter les médias libres qui se sont créés
depuis) à cette initiative collective sans lendemain, ne semble avoir
trouvé de
place dans ce Forum : Zapito fait le tour du monde, revue qui prend la
politique
pour de la culture, éditée par Association de mots, existe,
confidentiellement
malgré elle, depuis 5 ans -son n° 31 sera paru au moment ou se tiendra le
Forum-, mais n’a pas trouvé à s’y faire entendre.

À cela, ma participation à la CAC du 20 oct. a au moins fourni une
explication globale (il en existe peut-être d’autres de moindre
importance) : la
conscience que la Culture est le bain dans lequel l’Autre Monde possible
baignera ou
n’existera pas, n’est pas encore présente à l’esprit de ceux qui dirigent
le
FSE. À l’appui de ce propos, j’ai appris que la part budgétaire de la
Culture
dans ce Forum social européen est inférieure (de beaucoup disent
certains,je
leur laisse le soin de formuler un chiffre précis), inférieure au fameux1%
culturel du budget de l’État que tous les participants à ce Forum ont
appelé (ou
appellent encore) de leurs voeux. Et l’État dont il s’agit est loin de
correspondre à l’idéal d’un autre monde possible. Ce chiffre nous montre
que l’Autre
monde possible dont ce Forum se prétend être le porte-parole n’est pas
pour
demain.

Ou alors nombre de ceux qui ont décidé de la ventilation
budgétaire de
ce Forum n’en feront pas partie ou auront enfin compris, admis, acté dans
les
budgets, que la Culture est politique.
J’ai pu entendre des participants à cette CAC s’indigner en outre contre
le
prix que le FSE devra payer (certains ont parlé de surfacturation) à la
Grande
Halle de la Villette (et ses "prestations" techniques), alors qu’il sera
demandé aux militants créateurs, artistes, à nombre d’intermittents, la
plupart
étant déjà précarisés par le néolibéralisme, de se "prêter", une fois de
plus
gratuitement, à la misère du spectacle.

Pour moi, après réflexion, il semble qu’il n’y ait qu’une seule position
politiquement acceptable : le boycott. Je sais bien que le retrait du seul
Tripot
linguistique ne sera pas de beaucoup de poids, mais je suis néanmoins prêt
à
soumettre cette proposition, la mort dans l’âme, à l’avis de ses
animateurs
(dont une majorité sont des précaires) qui étaient prêts à y participer.
Mais une telle attitude aurait beaucoup plus de poids si elle émanait de
la
CAC elle-même, à laquelle, en dépit de nombreux mois de travail bénévole,
la
direction du Forum social n’a finalement donné qu’un os à ronger. C’est
donc
pour vous soumettre cette proposition de boycott que j’envoie ce premier
courriel. J’imagine qu’elle sera difficile à prendre pour ceux qui se sont
investis
dans cette CAC depuis de long mois. Mais il en est souvent ainsi quand les
dés
sont tellement pipés que boycotter est la meilleure manière de protester.

Demander la transparence budgétaire, et faire apparaître les
surfacturations qu’il
pourrait exprimer, ne suffit pas. Imposer que la Culture ait droit à mieux
que
des miettes dans le Monde que nous voulons construire est un objectif
politique prioritaire. Il me semble contradictoire d’affirmer cela et de
cautionner
en même temps ce budget de misère.

À propos de ces surfacturations, est-il possible d’affirmer en étayant le
propos, que le FSE, en payant aussi cher la Grande Halle de la Villette,
société
publique qui n’appartient pas à la ville de Paris, rend à l’État une
importante partie de ce que celui-ci semble attribuer au mouvement social ?
Qui le dira ?

La CAC ?

Si la CAC décide finalement de ne pas boycotter ce FSE, accepterez-vous de
me
répondre et de m’opposer les arguments qui vous paraissent opposables à ce
que j’avance ici ? Et me convaincre par conséquent que la participation
(militante et bénévole) du Tripot linguistique se justifierait finalement ?

Cordialement

Philippe Doray