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Canons d’Italie, business en Chine : comment l’Italie participe au grand marché mondial

Publie le mardi 26 septembre 2006 par Open-Publishing

Prodi demande la fin de l’embargo sur la vente des armes à la Chine. Derrière lui, de puissants intérêts privés et d’Etat. Mais le business des armements ne compte pas seulement sur l’export : les dépenses militaire en constante augmentation en sont le principal facteur d’entraînement.

de Giulio Marcon* traduit de l’italien par karl&rosa

Les paroles de Prodi invitant à mettre fin à l’embargo européen (et italien) sur la vente d’armes à la Chine ne peuvent qu’être mises en rapport qu’avec - outre la finalité générale d’améliorer les relations politiques et économiques avec la République populaire chinoise - l’objectif spécifique de relancer l’industrie militaire italienne. Il s’agit d’un business en grande hausse.

Les dernières données disponibles (la relation technique de 2006 sur la loi 185 réglant le commerce des armes) parlent, pour 2005, de 1.361 millions d’euros concernant des autorisations octroyées pour la vente d’armes à plus de 60 pays. Il s’agit d’une baisse d’un peu plus de 9% par rapport à l’année précédente (quand on avait frôlé le chiffre record de presque 1.500 millions), mais on doit rappeler que lors des 5 dernières années l’exportation d’armes avait vertigineusement augmenté de plus de 60% et que de toute façon en 2005, malgré la baisse des autorisations, les livraisons effectives d’armes (les autorisations n’ont pas toujours une conclusion positive) ont pratiquement doublé : de 480 à 830 millions d’euros ( www.disarmo.org ).

Ce que vend l’Italie

Que vendons-nous ? Sûrement pas seulement des composants ou des systèmes technologiques, mais des produits finis en tout genre tels que : des hélicoptères, des canons navals, des radars, des blindés, des projectiles pour les canons, des mines marines, 40 000 bombes à mortiers, 5 navires de surveillance , 200 silures et ainsi de suite. Parmi les entreprises les plus actives : Agusta (169 millions d’euros), Galileo Avionica (166 millions), IVECO (130 millions), Alenia Aeronautica (101), Oerlikon Contraves (78) etc.

Parmi les protagonistes de ce business il y a les entreprises du secteur public de Finmeccanica (que Prodi connaît bien depuis l’époque de l’IRI), dont le ministre de l’économie est l’actionnaire de référence ; et dans le domaine des financements (164 millions les financements autorisés, au deuxième rang après Capitalia) il y a la Banque San Paolo, dont la fusion avec Banca Intesa a été saluée avec enthousiasme par le président du Conseil - que certains ont identifié comme le bénéficiaire (politique) de l’opération. En réalité, l’Italie a déjà rompu l’embargo avec la Chine ; en 2005 elle a vendu pour 400.000 euros d’armes à Pékin, pour 2 millions en 2004 et pour 126 millions en 2003. En outre, pendant la dernière législature, le texte de l’accord militaire avec la Chine prévoyant des échanges d’équipements, de systèmes d’arme et de technologie avait déjà été approuvé par la Commission Affaires Etrangères : heureusement l’accord est resté en suspens.

Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Frattini, avait déclaré à cette occasion : « La Chine mérite l’attention qu’on lui doit à cause des efforts et des succès mis en évidence dans la dernière décennie en faveur de la stabilité et de la paix, avant tout à l’intérieur du pays... » En réalité, la Commission Droits Humains de l’ONU, le Conseil d’Europe et Amnesty International ne s’en sont pas aperçus, si l’on considère les condamnations répétées de la Chine pour violation des droits humains dans le pays. On doit rappeler entre autres que, si nous vendons illégalement des armes à la Chine, il n’est pas exclu que ces dernières puissent être revendues ou passées ensuite par Pékin aux nombreux pays en guerre et aux nombreuses dictatures avec lesquels la Chine a un riche export de systèmes d’armes (dont le Soudan ou Myanmar).

Par cette rupture d’embargo - en continuant à vendre des armes à la Chine - non seulement l’Italie contrevient à la décision européenne, mais aussi à la loi 185 réglant le commerce des armes, qui interdit de vendre des armes aux pays en guerre et qui violent les droits humains. Une violation qui concerne en réalité d’autres pays qui pendant ces années ont été intéressés par des guerres, des violences internes et des violations des droits humains et le sont encore. Nous en citons juste quelques-uns : l’Italie vend des armes à l’Algérie, à la Turquie, à l’Arabie Saoudite, à la Libye, au Pakistan, à Singapour (qui a récemment empêché aux activistes italiens de participer au contre forum de la Banque Mondiale). Dans la relation sur la loi 185 on lit entre autres qu’une autorisation à vendre 20.000 cartouches/lacrymogènes très utiles dans la répression des manifestations a été octroyée (on ne sait pas à qui) : espérons qu’elles n’iront pas aux mains d’un des pays qui piétine systématiquement les droits civils et politiques.

S’il est vrai que les plus importantes entreprises italiennes du secteur font référence, de quelque façon, au secteur public et si une partie des armes est vendue à des pays en guerre, dirigés par des dictatures et qui violent les droits humains, on peut en déduire que l’Etat italien réalise des profits d’une manière illégale, en violant sa propre loi et sur la peau des personnes qui tombent sous ces armes ou sont incarcérées et persécutées.

Le business des armes n’est pas seulement lié aux exportations, mais aussi aux dépenses pour la défense, qui ne manquent pas en Italie (un peu moins de 20 milliards d’euros si l’on exclut les financements hors budget) et qui ont augmenté de plus de 20% de 2000 à aujourd’hui. On entend tant de lamentations de militaires et de politiques amis de militaires sur la tendance à la baisse des dépenses. On lance des chiffres et des pourcentages au rabais, pour pouvoir demander plus d’argent. En réalité, l’Italie se positionne d’une façon stable dans le G7 des dépenses militaires (à savoir dans le club des 7 pays qui dépensent le plus dans le monde pour leurs Forces Armées) et la dépense par habitant pour les armes dépasse celle de l’Allemagne : on dépense chez nous 468 dollars par an et par personne et 401 en Allemagne ( www.sipri.org ). Selon l’OTAN (qui ne comptabilise pas seulement l’argent dépensé par le Ministère de la Défense, mais aussi les dépenses hors budget : par exemple les dépenses pour les missions militaires à l’étranger financées par des fonds ad hoc) le pourcentage des dépenses militaires sur le PIB avoisine aujourd’hui 2%, ce qui n’est pas très loin de celui d’autres pays européens de taille moyenne ( www.sbilanciamoci.org ).

Si l’on néglige l’aspect politique (même s’il n’est pas secondaire) de la fonction des Forces Armées (par exemple ce tournant en Irak et en Afghanistan), ce qu’il faut enregistrer c’est le surdimensionnement du personnel (190.000 personnes - comme le prévoit la réforme - sont un nombre trop élevé par rapport aux exigences réelles) ; l’inefficacité opérationnelle et de gestion, plusieurs fois dénoncée par la Cour des Comptes ; et la disproportion entre les officiers et la troupe (l’Italie a, en proportion, plus de généraux que les Etats-Unis et c’est pourquoi à la fin le personnel ne sert qu’à légitimer l’ « emploi » d’officiers et de sous-officiers). Pour citer un exemple : le Ministère de la défense prévoit qu’une fois la réforme achevée les 190.000 unités seront ainsi distribuées : 103.803 soldats (les dits « volontaires », en service bref ou permanent) et 86.197 entre officiers (plus de 22.000) et sous-officiers. Plus ou moins un commandant pour chaque commandé. Pas seulement Sergio De Gregorio (Italia dei Valori) - Président de Commission Défense de la Chambre des Députés - mais aussi Giovanni Forcieri (DS) sous-secrétaire à la Défense, se sont plaint des modestes ressources pour les Forces Armées et ont reproché à la Casa delle Libertà [le rassemblement berlusconien, NdT] d’avoir réduit (sic) les dépenses militaires lors des dernières années.

Mais on doit rappeler que - même dans le cadre d’un contexte d’intégration européenne des appareils de la défense et même si c’est de façon contradictoire par rapport à ce qu’on affirme ailleurs - le programme de l’Unione avec lequel Prodi a gagné les élections dit : « L’Unione s’engage, dans le cadre de la coopération européenne, à soutenir une politique permettant la réduction des dépenses pour les armements ». Mais on risque de faire exactement le contraire et plusieurs députés des deux rassemblements, dans ces heures de définition de la loi des finances, se battent pour une politique augmentant les dépenses pour les armements dans le budget de la défense.

La campagne « Sbilanciamoci » ["Prenons parti", NdT] a fait dans ces années des propositions allant en direction opposée : en premier lieu la réduction progressive - en bloquant les concours et les embauches - des Forces Armées de 190.000 à 120.000 unités (c’était entre autres une vieille proposition du Cespi [Centro Studi di Politica Internazionale - Centre d’Etudes de Politique Internationale, NdT] atterrie ensuite dans l’un ou l’autre tiroir) qui permettrait de remplir - dans un cadre opérationnel et de réelle efficacité - les missions institutionnelles de défense du pays et les engagements internationaux des missions de paix, les vraies, sous la direction et le mandat des Nations unies.

On économiserait plusieurs milliards d’euros : l’unique contrecoup serait celui de devoir envoyer un peu de généraux et de colonels en préretraite, mais c’est un petit luxe que nous pouvons encore nous permettre. Surtout si c’est la perspective d’une politique de paix, d’un nouveau multilatéralisme démocratique, de la solidarité internationale. qui en profitent.

*Campagna Sbilanciamoci !

www.sbilanciamoci.org

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...