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Serbie : Long silence sur les conséquences... des bombardements à l’uranium appauvri

Publie le mardi 3 octobre 2006 par Open-Publishing

Serbie : Long silence sur les conséquences... des bombardements à l’uranium appauvri

mardi 3 octobre 2006

Pourquoi garde-t-on le silence sur les conséquences des bombardements à l’uranium appauvri effectués par l’OTAN en 1999 ? 15 tonnes d’uranium appauvri ont été projetées sur la Serbie et 20 tonnes sur le Kosovo. Même si les données fiables et complètes font toujours défaut, on observe déjà une recrudescence anormale des tumeurs malignes et de la mortalité...

Les experts écologiques et médicaux ont récemment annoncé qu’il fallait s’attendre d’ici à 2020 à une « explosion » de maladies malignes chez les citoyens de Serbie (et du Kosovo-Metohija), en conséquence de l’utilisation de munitions à l’uranium appauvri pendant les bombardements de l’OTAN sur la Yougoslavie en 1999. Bien que les informations sur l’accroissement des maladies malignes ne soient pas encore fiables, les statistiques médicales montrent d’ores et déjà une augmentation de la mortalité due au carcinome.

D’après les informations accessibles, au cours des 78 jours de l’opération « Ange de la charité », quinze tonnes d’uranium appauvri ont été jeté sur sept endroits du sud de la Serbie, surtout autour de Vranje et Bujanovac, et près de 20 tonnes sur 105 endroits au Kosovo, en particulier autour de Prizren et de Pec.

La Serbie garde toujours le silence sur les effets de l’utilisation de munitions à l’uranium appauvri, et de plus aucune mesure systématique de contrôle et de protection sanitaire de la population n’a été prise, pas plus pour les participants à la guerre que pour les civils. Cependant, les experts de la Faculté pour la protection du travail de Nis, ainsi que les reponsables et les épidémiologues de la Clinique d’oncologie du Centre clinique de Nis ont fait récemment état de ce problème, lors d’une conférence sur les conséquences écologiques et sanitaires de la contamination par l’uranium appauvri, un « composant » fatal du résidu nucléaire.

Cette conférence a été organisée par l’organisation non-gouvernementale Eko-Land, dans le cadre d’un projet ayant pour but « d’éveiller la conscience écologique des citoyens et de les impliquer activement dans le règlement du conflit ».

« Étant donné que la science médicale montre que l’évolution de la malignité provoquée par l’irradiation à l’uranium appauvri demande dix à vingt ans, il est plus que certain que nous aurons en Serbie en l’an 2020 un énorme accroissement de maladies malignes, ainsi que l’apparition de modifications génétiques chez les humains et les animaux. Ce n’est pas seulement la Serbie qui est contaminée, mais un espace beaucoup plus vaste, car ce métal radioactif se propage facilement. J’espère que 1999 sera la dernière année au cours de laquelle le monde aura utilisé ce type de munitions », avertit Velimir Nedeljkovic, professeur à la Faculté de Nis. Il ajoute que ses estimations ne relèvent pas « d’un discours contre l’américanisme et l’européanisation, bien au contraire ». Il tient à cœur à la Serbie d’appartenir au monde développé qui insiste sur de meilleures conditions de vie et sur les droits de l’homme. Et le droit le plus fondamental est celui d’avoir un environnement sain, qui garantiti le droit à la vie et à la santé de tous les êtres humains.

Un très étrange silence

Après 1999, on a quelque peu évoqué en Serbie des bombardements à l’uranium appauvri, mais il y a eu aussi beaucoup de mensonges. Par la suite, on en a moins parlé. Et tandis que les médias étrangers parlaient des militaires italiens et allemands atteints de maladies, de notre côté nous n’en parlions pas et le cachions, comme si nos soldats et nos civils n’étaient pas touchés par la maladie.

Nous agissions ainsi probablement parce qu’il s’agit d’un sujet propre à inquiéter l’opinion publique. Or, il est très important que les citoyens de notre pays sachent ce qui nous est arrivé en 1999, et quelles sont les mesures pouvant être prises pour amoindrir les conséquences. « Nous ne devons pas oublier ce qui s’est passé, et c’est aux reponsables politiques de dire si nous pourrons le pardonner », estime Velimir Nedeljkovic.

Il indique qu’après les bombardements à l’uranium appauvri sur sept endroits du sud de la Serbie, un autre problème s’est ajouté, celui de la négligence de l’État. Après les bombardements, les autorités n’ont fait que marquer ces endroits « en les protégeant de manière primitive d’une simple clôture de fil barbelé ». À certains endroits, la clôture a vite fait de disparaître et les paysans faisaient paître leurs troupeaux sur le sol contaminé par l’uranium appauvri.

« Ce n’est que l’année dernière que ces lieux contaminés ont été nettoyés. Ce retard de six ans après représente un grand danger pour la population de Serbie. Pendant ce laps de temps, l’uranium appauvri s’est propagé sur notre territoire par le bétail, la chaîne alimentaire, les cours d’eau et l’air ». Velimir Nedeljkovic ajoute qu’un grand problème tient aussi au fait que l’État ne s’est pas soucié de procéder correctement au traitement des métaux des chars et des autres matériels du sud de la Serbie et du Kosovo touchés par l’uranium appauvri. Les munitions à l’uranium appauvri sont en fait utilisées précisément pour bombarder le matériel blindé, les forts et les blockhaus en raison de leur grande capacité de pénétration pouvant développer des températures élevées. L’uranium appauvri, placé dans l’élément pénétrateur, peut détruire « facilement » la surface la plus solide.

« On ne connaît pas les lieux et les routes où ont été acheminés les métaux des chars radioactifs. Nous avons appris il y a peu de temps que plusieurs wagons de résidus métalliques avaient été bloqués près de la frontière macédonienne car on avait constaté leur radioactivité. À Medurovo, près de Nis, la ferraille provenant de la découpe des chars radioactifs est longtemps restée entassée, de sorte que « l’ange de la charité » revient à nous de nouveau, le plus souvent sous forme de résidus métalliques », affirme Velimir Nedeljkovic.

Le précédent de la Bosnie-Herzégovine

Il rappelle qu’avant les bombardements en Serbie et au Kosovo, l’uranium appauvri avait aussi été utilisé en Bosnie-Herzégovine. Ses conséquences, dit-il, sont dévastatrices car à certains endroits, par exemple à Hadzic, qui a « quasiment perdu toute sa population suite à une explosion de maladies cancéreuses sept ans seulement après les bombardements ». Les mêmes conséquences ont été observées dans d’autres parties du monde où ces munitions radioactives ont été utilisées. L’uranium appauvri a d’abord été utilisé en Somalie, et pendant la guerre du Golfe persique.

« L’argument ‘défensif’ des pays qui utilisent les armes à l’uranium appauvri, affirmant que la Convention de Genève n’est pas enfreinte, est absolument inadmissible. Il est vrai que lors des bombardements de l’OTAN, les armes nucléaires n’ont pas été utilisées, car les munitions fabriquées avec l’uranium appauvri ne sont pas considérés comme des armes nucléaires car elles ne provoquent pas de réaction nucléaire. Mais la Convention de Genève interdit également les projectiles à l’uranium appauvri, qui sont des armes radioactives, chimiques et toxiques. De plus, ces projectiles contenant de l’uranium appauvri sont des armes qui tuent de manière non sélective et apportent des souffrances excessives, ce qui est également interdit par la Convention. De toute façon, si le monde avait fait preuve de bon sens, l’utilisation de telles armes aurait pu être sanctionnée précisément selon la convention de Genève », estime Velimir Nedeljkovic.

Recyclage

Il pense que la réponse à la question de savoir pourquoi le monde développé utilise ces munitions est assez simple. Les résidus nucléaires sont l’un des plus grands cauchemars de l’humanité contemporaine. Il y en a des quantités énormes (cent millions de tonnes en Amérique et autant dans le reste du monde), et « personne, pas même la science, ne sait qu’en faire ». Il y a eu des tentatives de les déposer au fond des océans et des mers, mais on y a heureusement renoncé, car les conséquences auraient été désastreuses. Dans un passé récent, on a même pensé envoyer ces résidus dans le cosmos.

« La seule manière qui reste est le recyclage, comme on le fait au Japon »(le procédé mené dans les réacteurs nucléaires ne se fait pas jusqu’au bout mais on l’interrompt, et le reste des barres d’uranium est recyclé, enrichi et réutilisé comme combustible dans ces réacteurs nucléaires). Les États-Unis et la Russie, ayant de grands espaces, stockent leurs résidus nucléaires dans des régions reculées en attendant que la science donne une réponse dans les temps futurs. Mais comme les quantités sont devenues énormes, « quelqu’un au Pentagone a eu l’idée d’empaqueter les résidus dans des bombes en les envoyant chez les autres ».

Preuves expérimentales...

Velimir Nedeljkovic ajoute que pour l’instant, il n’y a pas d’accord entre les USA et les pays membres de l’OTAN, d’une part, et les pays dans les territoires desquels ont été utilisées les munitions à uranium appauvri sur les conséquences nocives que celui-ci provoque. Les pays qui l’utilise s’en tiennent à l’argument qu’il n’existe pas de preuves concrètes que la santé des hommes serait affectée seulement par l’uranium appauvri. Il est en effet difficile de le prouver, surtout dans les pays techniquement non développés. Car la science exige aussi des preuves expérimentales et « des preuves sur la population humaine ».

Et comment doivent se protéger les pays, parmi lesquels la Serbie, qui ne disposent pas de « preuves concrètes » ? Selon les propos de Velimir Nedeljkovic, la Serbie a pris au moins six ans de retard en ayant recueilli et déchargé le sol contaminé à Vinca, qui est « le meilleur moyen de protection ». Il lui reste à mener à bien l’assainissement des sols, surtout des plus grandes surfaces qui ont subi ces effets. Cela signifie qu’il faudrait planter sur ces lieux « suspects » des cultures qui extraient du sol les particules d’uranium appauvri et les déposent dans les racines, les arbres ou les fruits. L’avoine possède de grandes possibilités d’absorption mais évidemment elle ne doit pas être consommée dans l’alimentation humaine ou animale. Il reste néanmoins aux citoyens de rester « prudents » toute leur vie, quelle que soit cette signification, après tout ce qui les a « touchés ».

Source : Le Courrier des Balkans
Traduit par Persa Aligrudic
http://balkans.courriers.info/article7083.html