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RETOUR SUR LES ACTIONS ET FORUMS OFF/ANTI DU FSE

Publie le mercredi 19 novembre 2003 par Open-Publishing

RETOUR SUR LES ACTIONS ET FORUMS OFF/ANTI DU FSE - APERÇU SUBJECTIF
D’AMBIANCES ET ÉCHOS D’ACTIONS DIRECTES MENÉES LORS DU FORUM SOCIAL
EUROPÉEN À PARIS

Ce forum social européen fut sans doute en bonne partie un assagissement
ennuyeux de toute contestation sociale réelle, tant ce genre d’évènements
cadrés permet la récupération et le contrôle des luttes
(anticapitalistes, féministes, écologistes ; pour la la liberté de
circulation, antimilitariste...) par quelques leaders, élites
intellectuelles, partis politiques et organisations citoyennistes qui se
donnent en spectacle dans une longue suite de conférences lénifiantes
censé-e-s assurer la pérennité de leur pouvoir et de leur gloire
médiatique. Tout cela dans une ambiance passive de consommation, de
fouilles, de flics et de vigiles.

Alors même que l’Etat s’acharne contre les chômeur-euses,
intermittent-e-s, rmistes, précaires, banlieusard-e-s, sans-papier-e-s et
autres rebuts sociaux en sursis d’incarcération dans l’une de ses
nombreuses nouvelles prisons, la grand-messe citoyenniste d’ATTAC et
consorts, patronnée et financée par l’Etat « républicain », la Mairie
« socialiste » de Paris et les cinémas « capitalistes » Gaumont,
s’apparentait à un refus de toute action directe et perturbation de
l’ordre en place.

Mais celle-ci fut également, pour tout un tas de militant-e-s et
curieux-ses de « la base », l’occasion de se rencontrer, de se sentir
moins isolé-e-s localement, de réfélchir et d’en apprendre plus sur leurs
thématiques de luttes préférées. Elle permit aussi peut-être à
certain-e-s de rencontrer quelques groupes plus radicaux qui avaient fait
le choix de s’insérer dans l’ »officiel » à l’instar de certains
autonomes et antifascistes berlinois, de féministes ou de mouvements gays
et lesbiennes. Le débat reste ouvert sur le fait d’y participer ou pas,
de risquer de le cautionner ou pas, de s’enfermer dans nos ghettos
radicaux ou pas, de se moquer totalement du FSE ou de juger primodial d’y
intervenir même si c’est pour le saboter...

Heureusement, il y eu quelques autres initiatives, évidemment pas ou peu
relayé-e-s par les médias mainstream, qui vinrent perturber un tant soit
peu cette belle opération citoyenne et mettre quelques touches de
subversion dans Paris.

Cette subversion passait notamment par la mise en place de quelques
espaces alternatifs. Le Forum Social Libertaire organisé par l’OCL, No
Pasaran, la CNT, la FA et autres orgas ou individus anars, proposait sur
trois jours divers débats et une foire aux livres dans une ambiance assez
classique, pas très portée sur la pratique, mais avec des sujets bien
stimulants (organisation d’un nouveau campement No Border, débats sur les
zones autonomes, luttes antipatriacales, citoyennisme ou guerre sociale etplein d’autres). Ce FSL permettait aussi de tirer le constat positif du
suivi d’une dynamique commune entre orgas libertaires suite au VAAG

Le GLAD (Globalisation des Luttes et Actions de Désobéissance)
coordonnait quant à lui les initiatives du réseau intergalactique (arggh
et divers autres collectifs anticapitalistes, féministes,
« alter-mondialisation » plus ou moins formels), des réseaux gay et
lesbiennes (lgbt, panthères roses...) et No Vox (collectifs de sans
papier-e-s, droits devant !, précaires, sans-toits...). Ceux/celles-ci
avaient fait le choix, dans un « souci d’ ouverture » d’avoir un pied
dans le FSE où ils/elles animaient quelques forums et un pied en dehors.
Ils/elles avaient donc installé juste à coté des forums officiels, un
espace de tentes et de chapiteaux où se déroulaient débats, fêtes,
ateliers pratiques (samba, action-directe non-violente...), expériences
d’autogestion (avec notamment les cuisines collectives dont les
anarchistes hollandais de rampenplan), et préparations d’actions
directes.

Même si le flou politique qui pouvait s’en dégager était
parfois gênant, la dynamique anti-autoritaire, créative et enthousiaste
qui s’en dégageait était revigorante. Espérons qu’elle ne tombe pas dans
un activisme jeune et branché, qui partant de la saine envie de subvertir
les trotskystes, attakistes et autres sociaux-démocrates avec qui elle
fricote, se fasse finalement engloutir et utiliser comme façade cool et
radicale pour la jeunesse.

Il y avait aussi à la Maison des Metallos de Paris, le Medialab, lieux de
rencontres et d’échanges pour techno-activistes Indymedia et bidouilleurs
d’ordinateurs, de télés pirates ou de radios libres, mais aussi structure
de découverte et d’apprentissage du cryptage, de GNU/Linux, des sites
webs participatifs...

Ces divers espaces (GLAD/FSL/METALLO) permettaient des rencontres à
divers militant-e-s venu-e-s de toute l’Europe et ne se retrouvant pas
dans les politiques du FSE, ainsi qu’à des curieux-ses gavé-e-s ou
souhaitant aller voir ailleurs.

Outre ces initiatives, la semaine fut ponctuée de quelques actions
directes dont voici une liste non-exhaustive (à préciser que je ne
cherche pas spécialement ici à analyser en détail la pertinence politique
et le degré de réussite de ces diverses actions mais à donner un aperçu
de ce qui a pu être fait pendant ces quelques jours. Certains
compte-rendus peuvent comporter des erreurs et je m’étend plus là où j’ai
plus d’infos). Il y a donc eu :

- une manif féministe le mardi soir et une marche du réseau Lesbian Gay
Bi et Trans le jeudi soir.

- plusieurs tentatives non concluantes (dans un climat quand même
particulièrement répressif) d’ouvertures de squats du coté du Forum
Social Libertaire ; dont l’une, juste en face du lieu de forum, à coup de
masse, et conclue par l’arrestation de 4 personnes, qui seront libérée
ensuite sous le poid de la pression populaire le samedi.

- une manifestation jeudi devant l’Unedic lors des négociations finales
sur le statut des intermittent-e-s. Ceux/celles-ci, très remontées,
tentèrent de s’introduire par derrière à l’intérieur des bâtiments ce qui
valu quelques petites échauffourées avec la police et courses-poursuites.

- un rassemblement jeudi 13 nov. devant le FSE pour empêcher une
conférence du PS à l’intérieur du forum, puis une prévisible bagarre avec
les vigiles du PS et la police. Un autre rassemblement était annoncé le
lendemain sur la thématique de la participation de syndicats de policiers
au FSE, mais je ne sais ce qui s’y est passé.

- un bloquage du McDo des Champs-Elysées en soutien aux grévistes de
McDonald’s et autres précaires en lutte (au moins un McDo parisien est
fermé et occupé depuis plus d’un an).

- l’occupation vendredi 14 novembre de l’embassade de Grèce en soutien
aux prisonniers en grève de la faim de Thessalonique (suite au sommet de
l’Union Européenne de juin dernier), par une quarantaine de personnes.

Ils et elles parviendront à rester toute la matinée et à obtenir l’envoi
de leur revendications au gouvernement grec puis se voir renvoyé un fax
de réponse leur assurant du bon état de santé des prisonniers en
question. Les 40 occupant-e-s avaient prévenu qu’ils et elles pouvaient
être 500 en quelques minutes et que si leurs revendications n’étaient pas
satisfaites, d’autres actions plus offensives seraient menées. Cette
action s’inscrivait dans une série d’initiatives de soutien en divers
pays d’europe, initiatives qui finissent peut-être apparemment par porter
un peu leurs fruits.

- le sabotage réussi par coupure/anéantissement du boîtier électrique,
d’une conférence du FSE où devait s’exprimer des Disobidienti italiens,
accusés en gros de collaborations avec les pouvoirs en place, de
politiques médiatiques et d’autoritarisme (info à confirmer).

- l’ouverture en manif d’un squat politique dans un grand hangar par deux
cent personnes du réseau No Vox qui souhaitait en faire un lieu
d’activités, d’actions et d’assemblées (reste à savoir si il a été
expulsé ou pas depuis).

- une action d’occupation (50 personnes à l’intérieur et 300 dehors) de
l’agence Air france des Champs-Elysées dans le cadre d’actions contre
l’Europe forteresse le samedi matin.

- un ravage/détournement jouissif et extrêmement étendu des publicités du
métro parisien par tous les moyens nécessaires : arrachages, bombages,
collages, marqueurs. Le terrain avait été semble-t-il été préparé par les
actions très efficaces du réseau d’action directe « non à la pub » dans
les semaines précédentes, et la semaine du FSE a permis d’accroître
considérablement la dynamique. C’est beau, créatif, participatif et tout
les quidams regardent et s’interrogent. En plus cela coûte bonbons aux
agences de pubs et aux entreprises. Vive la guerilla anti-pub !

- un sabotage de l’intervention de Walter Baier, président du Parti
Communiste Autrichien, au Forum Social Européen contre la fermeture
d’EKH, seul squat et centre social autonome de Vienne. L’intervention de
Walter Baier s’insérait dans un forum sur « les médias et la guerre »,
animé le samedi par le journal du Parti Communiste Français : L’Humanité.

Environ 400 personnes était présentes dans la salle. Au bout d’une heure
d’interventions officielles de journalistes et politicien-ne-s prônant
généralement, face à la propagande du pouvoir et des grands médias, la
mise en place de médias alternatifs et la constitution de mouvements
anti-guerre issus de la base, ce devait être à Walter Baier d’intervenir.
Mais coupant court à la prise de parole, une personne s’éleva dans la
salle pour dénoncer l’hypocrisie infâme de laisser Walter Baier
s’exprimer à ce sujet, alors qu’il s’apprêtait dans le même temps à
livrer à la spéculation immobilière, et donc à l’expulsion, l’EKH, centre
social autonome vieux de 14 ans et abritant plusieurs projets de médias
alternatifs, un centre d’acceuil pour réfugiés, une base d’organisation
en faveur d’actions militantes pour la liberté de
circulation, contre les politiques racistes, la guerre et autres
thématiques de luttes, des projets de théâtre militant, de multiples
activités culturelles et théâtrales. En effet, Walter Baier et le KPO
avaient décidé un peu plus d’une semaine aupravant, et malgré des
engagements récents, de revendre les bâtiments acceuillant l’EKH, ce qui
signifierait sans aucun doute et au vu du contexte répressif autrichien,
la fin du projet. L’intervention conclut sur une critique plus générale
de la récupération politique de la contestation sociale, par des
politicien-ne-s véreux-ses, alors que ceux/celles-ci s’emploient
constamment à tuer tout ce qui échappe à leurs structures hiérarchiques,
réformistes et institutionelles. Les personnes furent invité-e-s, à
l’exemple de l’intervenant-e-s à déchirer leurs pass d’accréditation au
FSE.

Après cette première intervention en français qui laissa Baier et
l’assemblée muets, une femme marcha jusqu’à l’estrade pour se poster
derrière Baier et réexpliquer entièrement la situation en anglais, puis
une troisième personne se chargea de faire la même chose en allemand au
micro. Ces interventions furent ponctuées d’applaudissements
réconfortants des personnes présentes dans la salle, pour la plupart
avides d’apprendre plus de détails par le biais du tract en trois langues
distribué à l’assemblée. Suite à quoi, un Walter Baier mortifié, tenta de
justifier la décision de vente du KPO, en expliquant que les méchants
autonomes gauchistes ne leur avaient pas demandé avant de s’introduire
dans le siège du parti (qui apparemment était vide depuis longtemps et
maintenant occupé depuis 14 ans) et que le KPO n’était pas très riche.

Afin de se montrer conciliant avec le « public », Walter Baier déclara
que le KPO allait maintenant essayer de trouver une solution qui
convienne à tou-te-s. Mais le passé récent a montré qu’on ne pouvait lui
faire aucune confiance et que d’autres actions de pressions seront
nécessaires pour sauver l’EKH.

Peu après son intervention, une autre
personne interpella le Parti Communiste français, animateur du débat, sur
l’expulsion de la Charade, un squat, logement et lieu d’activités
politiques et culturelles de Saint-Martin d’Hères (banlieue de Grenoble).
Ce lieu qui proposait une bibliothèque, un magasin gratuit, des
soirées-débats et cinéma, des activités féministes et actions
politiques... avait été expulsé en juin dernier par la mairie PCF de
St-Martin d’Hères, propriétaire des locaux, alors qu’elle n’avait pas de
projets sur les bâtiments. Comme quoi, les mêmes vieux réflexes
staliniens et manipulations politiques se retrouvent dans les divers
partis communistes à travers l’Europe...

- la tentative tout au long de la grande manif du FSE de virer le PS du
cortège. Sachant que le cortège du PS, c’était principalement un service
d’ordre, qu’il était coincé tout au fond du cortège officiel face au
cortège anar qui se cantonnait derrière son propre service d’ordre et
avait décidé de ne pas s’attaquer au Parti Socialiste lors de cette
manif. Ce qui n’a pas empêché quelques dizaines d’autonomes et anars
énervés de balancer constamment divers objets contondants sur les gros
bras du SO du PS, de s’énerver avec les gros bras de SO de la CNT qui les
foutaient plus ou moins dehors du cortège anar, de se faire charger et un
peu blesser par les matraques du PS qui ont finit par dégager en fin de
manif...

Des évènements qui pourraient paraître relativement
anecdotiques, mais qui dans le contexte local, ne manquèrent pas de
raviver à l’infini des débats enragés sur les « totos puérils et
irresponsables », la CNT « réformiste et cadrée par de gros beauf
virils », le « jet de canettes en verre violent ou pas », la pertinence
révolutionnaire de l’objectif d’expulsion du PS des grandes
manifestations du FSE et sur l’utilité pour des libertaires de l’outil
manif en général. Une petite touche d’ambiance conviviale entre groupes
comme on sait toujours vous en concocter à Paris.

- pour finir la semaine en feu d’artifice, un excellent texte contre
toutes les politiques sécuritaires, signé d’individus de l’Envolée et du
Comité Anti Expulsion, relayait un appel, « trouvé sur internet », à une
manifestation devant la prison de la santé sur la joyeuse thématique de
« brûlons tout-e-s les prisons ».

Environ 300 personnes se retrouvèrent
donc à 20H, dans la nuit sur une place Denfert rochereau surfliquée et
réussirent à se rendre sur un boulevard déserté, jusque devant la prison,
protégée par des barrrières et rangs de CRS et gardes mobiles. Tous les
prisonniers dont la cellule donnaient sur le boulevard étaient à leur
barreaux et gueulaient tant et plus divers slogans contre Sarkozy, les
prisons, la police et encourageaient les manifestant-e-s. Un superbe feu
d’artifice fut donné de l’extérieur et d’autres slogans lancés, tandis
que des prisonniers brûlaient de petits bouts de papier.

Après une
vingtaine de minutes de ce moment éminemment émouvant et rageur, la
manifestation voulut se déplacer mais un rang de policiers vint la
bloquer à sa droite, tandis qu’à sa gauche arrivaient de nombreux autres
policiers au pas de charge avec des canons à eau. Encerclés de trois coté
par quelques centaines de policiers et dos à un mur sur un boulevard
aveugle, le rapport de force était largement inégal et le traquenard bien
ficelé. De quoi rappeler que la solidarité concrète avec les prisonniers
et les prisons en général sont des sujets sensibles pour l’Etat.

On pu
assister ensuite à un exercice très spectaculaire
d’arrestation de masse (encore peu courant en France mais cela laisse
envisager le pire pour l’avenir) ou après avoir poireauté un heure sous
la pluie face à des feintes de charges de CRS, la totalité des 275
manifestant-e-s furent arrêté-e-s un-e par un-e, fouillé-e-s dans la rue
et entassé-e-s dans des bus et fourgons de police, puis amené-e-s à grand
renfort de sirènes et de boulevards bloqués jusqu’à une caserne assez
grande pour les acceuillir et les contrôler toutes et tous.

Une
fastidieuse opération de fichage (mais une ambiance conviviale du coté
des manifestant-e-s) qui dura plus de 6 heures et dépassa largement le temps
légal d’un contrôle d’identité. Cela demande sûrement de se questionner
sur les moyens de ne pas tomber dans de tels pièges, mais quelque part,
sans se complaire à faire les martyres, et au regard du FSE, c’était une
belle action quand même !

Ben ce sera le mot de la fin.

ul / 17/11/03

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