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Bolkestein, vers un vote catastrophique

Publie le mercredi 8 novembre 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

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de Raoul Marc JENNAR

Dans ma note du 21 septembre 2006 intitulée "Bolkestein : 2e lecture au Parlement européen" qu’on peut retrouver à la rubrique Bolkestein du site de l’URFIG, j’ai rappelé les rétroactes de la procédure. Je n’y reviens pas. Que s’est-il passé depuis lors ?

En juillet dernier, le Conseil des Ministres, où siègent les 25 gouvernements - dont le nôtre - s’accordait sur une position commune qui reprenait assez largement les modifications apportées par le Parlement européen. Mais il remettait en cause certaines d’entre elles et introduisait de nouveaux éléments.

Le Conseil des Ministres a restreint l’exclusion des services sociaux du champ d’application de la directive ; il a introduit des formules ambigües sur les services publics et sur la protection des consommateurs.

Alors que le droit du travail n’est pas une compétence de l’Union européenne, il a subordonné le respect du droit du travail au niveau national au respect du droit communautaire. Ce qui est une manière de modifier le traité européen sans le dire et de limiter l’exclusion du droit du travail du champ d’application de la directive.

Le Conseil des Ministres a également modifié le texte du Parlement européen en indiquant que le respect des droits fondamentaux est subordonné au respect du droit communautaire et que ces droits doivent être conciliés avec ce qu’on appelle dans la phraséologie européenne les "quatre libertés fondamentales" : liberté d’établissement et de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services. Ce qui constitue une véritable agression contre les droits fondamentaux tels qu’ils sont consacrés dans les constitutions et législations nationales.

Pour l’application de cette future directive, les 25 gouvernements ont consenti, dans le cadre inapproprié du Conseil des Ministres, à un abandon de souveraineté en confiant à la Commission européenne un droit de regard sur les législations nationales, ce qui implique un droit de regard sur les pouvoirs locaux. Non seulement il s’agit d’un abus de pouvoir de l’exécutif européen, mais également d’un abandon du principe de subsidiarité dont on voit combien il protège peu les peuples.

Enfin, s’il clarifiait la question du droit applicable dans le cas du détachement temporaire d’un prestataire de services et du personnel employé, le Conseil des Ministres n’affirmait pas la primauté du droit du pays d’accueil pour le détachement permanent laissant ainsi libre cours à la jurisprudence de la Cour de Justice qui privilégie le droit du pays d’origine.

Après cette première phase où Parlement et Conseil des Ministres avaient chacun à leur manière réagi à la proposition de la Commission, on entrait ensuite dans ce qu’on appelle, dans le jargon parlementaire, la phase de la deuxième lecture. Le Parlement européen était saisi de cette nouvelle mouture du texte et devait se prononcer.

En commission parlementaire du marché de l’intérieur, 43 amendements furent déposés. Pour l’essentiel, ils tendaient à rétablir le texte tel que le Parlement l’avait adopté en février, mais également à supprimer les incertitudes crées par la Commission européenne suite aux "Communications interprétatives" qu’elle avait présentées en vue de limiter la portée des modifications apportées par le Parlement européen.

Les 43 amendements au texte du Conseil des Ministres ont été examinés en commission parlementaire du marché intérieur le 9 octobre. Les représentants du Conseil des Ministres et de la Commission européenne ont exprimé une opposition brutale à ces amendements.

"Vous pouvez toujours amender ce texte, nous n’en tiendrons pas compte", c’est ainsi que Francis Wurtz, le président du groupe parlementaire GUE/NGL, a dénoncé en la résumant la position des représentants du pouvoir exécutif européen.

On se trouvait dès lors devant la perspective d’une situation nouvelle prévue par les procédures existantes (article 251 du Traité instituant la Communauté européenne). On allait devoir passer à une phase intitulée procédure de conciliation.

En effet, si le Parlement européen, lors de la deuxième lecture, refuse d’accepter tel quel le texte du Conseil des Ministres, le Conseil des Ministres peut adopter les amendements du Parlement ou les refuser. S’il les refuse, un comité de conciliation est convoqué en vue de rechercher un texte commun. Si au terme de six semaines, aucun texte commun n’est dégagé, la proposition de directive est abandonnée. En annonçant d’emblée, le 9 octobre, son opposition à chacun des 43 amendements, le Conseil des Ministres indiquait clairement qu’on se dirigeait vers la procédure de conciliation.

La commission parlementaire s’est réunie le 23 octobre. Il n’y a pas eu de majorité pour défendre le recours à la procédure de conciliation. Une majorité s’est nettement dégagée pour adopter le document du Conseil des Ministres tel quel : 26 voix pour, 4 contre et 6 abstentions. Les parlementaires se sont inclinés devant la volonté des gouvernements.

C’est donc le texte du Conseil des ministres qui sera soumis au vote de l’ensemble du Parlement. Le débat en séance plénière, à Strasbourg, commencera le mercredi 15 novembre à 9H. Les votes auront lieu le jeudi à midi.

Les risques sont maintenant très élevés de voir adoptée la directive libéralisant les services au sein de l’UE. On sait en effet que la droite chrétienne-démocrate, les sociaux démocrates dans leur écrasante majorité et les libéraux veulent la libéralisation du plus grand nombre de services, veulent revoir à la baisse le droit du travail et veulent conférer des pouvoirs accrus à la très néolibérale Commission européenne afin qu’elle puisse empêcher tout changement issu des élections.

Néanmoins, on pourra se compter, car le groupe GUE/NGL présentera en séance plénière une proposition de rejet du texte du Conseil des Ministres ainsi que quelques amendements sur les points les plus sensibles.

Raoul Marc JENNAR

chercheur URFIG / Fondation Copernic

Consultant de la GUE/NGL au Parlement européen (bureau 4E202)

www.urfig.org (avec une chronique hebdomadaire)

raoul.jennar@europarl.europa.eu

Messages

  • Le plus flippant dans tout ça, c’est que ca se déroule dans une indifférence médiatique totale. Même nos trois candidats à l’investiture PS, qui ont pourtant une large tribune, se gardent bien de dire quoi que ce soit sur le sujet. Dans quelques mois, lorsqu’il faudra transposer cette directive, tout le monde sera mobilisé contre le texte... mais ca sera trop tard !

    • N’empêche que l’article III-122 du TCE aurait pu empêcher ça...

    • la bolkestein c’est ça : "liberté d’établissement et de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services"

      le TCE c’est ça : "liberté d’établissement et de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services"

      même moule.même origine. la bolkestein était parfaitement alaise dans le TCE. du taillé sur meusure, un moule parfait pour cette directive.

      ton article III-122 n’aurait RIEN empêché. rien du tout.

    • Le TCE disait tout et son contraire. Seul un devin peut dire ce qu’il aurait rendu possible ou empêché. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai voté contre : pas de direction claire, donc large place à l’interpretation, et donc faible protection contre l’arbitraire.

      La deuxième raison qui m’a fait voter contre est qu’il ne reglait pas le problème principal de l’UE à mon sens : le déficit démocratique. Même si les domaines où le parlement (seul instance européenne élue du peuple) était impliqué étaient élargis, le rapport de force entre parlement et conseil des ministres était inchangé, en particulier au niveau de la procédure de vote en deuxième lecture et en concilliation.

  • Cela se passe en catimini ; les médias n’en parlent pas et pour cause ! Mais pour savoir où sont les députés européens socialistes , UDF, et UMP, tous les grands patrons :JP Bailly ( La Poste ) Anne Marie Idrac ( SNCF ) Gadonneix ( EDF ) Mestralet ( Suez ) Riboud ( Danone ) et autre Fancis Mer, Pebereau (BNP Paribas ) mais aussi De Virville ( rapport sur la remise en cause du code du travail, des responsables syndicalistes ( toutes les centrales adhérentes à la CES ) des responsables du MEDEF, tous les économistes qui ont appelé à voter oui au TCE , Pascal Lamy, ex commissaire européen maintenant président de l’OMC, allez donc visiter le site : www.confrontations.org . Surtout, consultez bien le conseil de direction, d’administration et de parrainage et cliquez donc sur la lettre n°75 : Europe , quelles énergies ? et sur le document intitulé : Le club de Lisbonne. Ensuite, après avoir visité le site de la Confédération européenne des syndicats ( CES ) allez donc sur le site du Forum pour une mondialisation plus responsable
    ( www.forum-lyon.com) qui s’est déroulé à Lyon du 25 au 28 octobre. Et puis, si vous pouvez encore supporter, allez-donc sur le site de la toute nouvelle CIS ( Confédération internationale des syndicats ) nouvellement créée les 2 et 3 novembre à Vienne en Autriche. Si vous n’avez pas encore eu une crise cardiaque, lisez donc les statuts qui stipulent tout bonnement que nous sommes sauvés car tout ce monde va le changer, Le Monde, en co-gouvernant la Banque mondiale, le FMI et l’OMC.

    Tout cela fait froid dans le dos ; on comprend pourquoi toutes les centrales syndicales ont rayé de leurs statuts le principe de la lutte de classes y compris la CGT ( bien que ce soit encore inscrit dans l’article 1 ). Les réunions de la CES se déroulent dans les locaux du Parlement européen et bien des travaux sont financés par Bruxelles. Les bureaux de Confrontations sont aussi au Parlement. La CES et la CIS sont composés de syndicats sociaux- démocrates et chrétiens souvent financés par les organisations patronales.

    Que chaque syndiqué de base, que chaque militant politique et associatif, sincère et convaincu qu’un autre monde est possible, résiste et dénonce toutes ces compromissions !!!!