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PARMALAT : COMMENT FAIRE SON BEURRE AVEC DU LAIT

Publie le mardi 20 janvier 2004 par Open-Publishing

PARMALAT
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COMMENT FAIRE SON BEURRE AVEC DU LAIT



Parmalat, un nom inconnu il y a peu et
qui, depuis quelques semaines, fait la « Une » des journaux, rubrique scandales
financiers. Évidemment, ce n’est pas
l’univers de Monsieur Toutlemonde… même si un certain nombre de Madame- Monsieur
Toutlemonde paieront les pots
cassés par des licenciements ou, pour les producteurs de lait, en restant avec
leur
marchandise sur les bras. Si on raconte
l’histoire, c’est parce qu’elle révèle la réalité des choses derrière la fable.

Ça commence comme une success story,
version business. Au début des années
60, Calisto Tanzi, fils d’un petit patron
italien de la région de Parme, voit en
Suède des packs de lait longue conservation.
Rentré au pays, il spécialise l’usine de conserves de papa dans ce produit :
en
quelques dizaines d’années, se développant ici, rachetant ailleurs, se diversifiant
(produits frais, légumes, biscuiterie), il
devient la huitième entreprise italienne et le leader mondial du lait UHT (36
000
employés dans 30 pays, 7,6 milliards d’€ de chiffre d’affaires).

Il a, comme il dit, "de bons amis aux bons endroits".
D’abord au Vatican, à qui il prête sa
flotte d’avions et d’hélicoptères (à tel point que les mauvaises langues parlent
des "charters de Dieu") et, bien sûr, dans tous les gouvernements (un ministre
de
Berlusconi est son copain d’enfance).
Enfin, puisque c’est bon pour l’image de
marque, il rachète le club de foot de
Parme, l’AS Parma Calcio, finance une
dizaine de clubs au Brésil, en Russie, etc, parraine la Coupe du monde de ski
et sponsorise le champion automobile Niki Lauda. Des affaires dans le monde entier,
de l’argent, des relations, des vedettes,
la bien belle histoire d’un patron méritant
telle que la télé aime à les raconter. Sauf que, comme dans la fable, le pot
au
lait s’est renversé, et adieu veau, vache…

Ne sont restées que les cochonneries
financières et les escroqueries dévoilées,
face cachée du monde des entrepreneurs.
Depuis des années, Parmalat bidonnait ses comptes : le bon Monsieur Tanzi aurait
détourné de 8 à 13 milliards d’€, une
misère. Assisté de son directeur financier, il fabriquait des faux documents
bancaires, à la photocopieuse et au scanner, dans un anglais de cuisine. Tout
un
réseau de sociétés fictives ou réelles, de
comptes, de boîtes aux lettres et de prêtenoms
avait été mis en place. Frères et
sœurs, enfants, neveux, employés, tous
les proches étaient bombardés Directeur,
PDG ou gérant. Luxembourg, Malte, Vénézuela, Pays-Bas, Iles Vierges, Nicaragua,
Equateur, Brésil, la vache à lait Parmalat avait des succursales partout en Europe
et en Amérique latine et un pis dans tous les paradis fiscaux. Parfois pour y
produire et vendre son lait.

Mais
aussi, et tout autant pour y faire son
beurre , à l’abri des regards indiscrets.
Normalement, les comptes d’une entreprise
sont vérifiés. No problem : les cabinets
d’audit chargés d’en garantir l’authenticité et de les certifier appartiennent
aux banques… de préférence celles dont
l’entreprise est cliente, ou mieux celles dont elle est actionnaire. Pas question
de
faire de peine à un gros client, et moins
encore au patron !
Résultat : une bonne dizaine de milliards
d’€ volatilisés -mais sûrement pas perdus pour tout le monde !- quelques dizaines
de milliers de « petits » actionnaires refaits et surtout des dizaines de milliers
de
salariés qui perdent leur emploi. Un
scandale, dit la presse ! Peut-être, mais
qui n’a guère d’exceptionnel que le fait
qu’il a été révélé. Enron, Worldcom aux
Etats-Unis avaient explosé en vol dans
les mêmes conditions.

En ce moment le
leader mondial du travail intérimaire
(fusion de ECCO et du suisse Adia) est à son tour menacé de voir ses petits secrets
dévoilés.
C’est que, en réalité, tout le discours qui
entoure les « entreprises qui créent de la
richesse » et les « investisseurs » sacrés
héros de l’économie est un baratin. Le
but des « entrepreneurs » n’est pas de
produire de l’électricité (Enron) ou du
lait (Parmalat). Ni de s’occuper du sort de ceux qui travaillent pour eux. Il
est de
faire du fric et encore du fric. Par tous
les moyens. C’est la réalité, celle qui
compte à leurs yeux. Et, pour le public,
l’image du « bon » patron, ami des cardinaux et des ministres mais peuple quand
même sur le banc de touche de « son » club de foot.

Cinquième zone

19.01.2004
Collectif Bellaciao