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Mumbai : Paroles de femmes

Publie le mercredi 21 janvier 2004 par Open-Publishing

Guerre contre les femmes, femmes contre la guerre, extraits choisis de temoignages enfin audibles au soir du 18 janvier.

Nawal el Saddawi, ecrivain egyptienne, attaque directement, regrettant de devoir parler anglais : "Nous devons nous battre contre l’imperalisme americain et sioniste, comme hier nous nous sommes battus contre l’empire britannique. (...). Nous devons commencer par refuser leur vocabulaire : - je ne suis pas du "Moyen-Orient". formule qui ne veut rien dire, mais de l’Afrique. - je ne suis pas du "tiers-monde", y-aurait-il un "premier monde" ? - je refuse aussi le mot "pauvre". Nous ne sommes pas un peuple pauvre, nous sommes un peuple qui a ete vole par le colonialisme du 20eme siecle. - Et "developpe" ? C’est quoi un pays developpe ? Un pays qui envahit, detruit, pille, profite, tue par milliers ?... - "pays postcolonial", egalement, cela veut dire quoi ? Le colonialisme se perpetue, nous sommes dans le neocolonialisme. "postfeminisme", idem ! Nous ne sommes pas liberees. Regardez les Afghanes, loin d’etre liberees depuis l’invasion americaine ! Peut-on liberer qui que ce soit sous une occupation etrangere ??

"Il faut aussi demystifier des concepts souvent trop intellectuels et philosophiques, developpes par des elites qui ne savent pas de quoi elles parlent, qu’il s’agisse de "developpement", de "paix", ou des femmes. Ainsi de celles qui se disent feministes, en Eurpe, et protegent le voile des pays etrangers sous pretexte que c’est une question de "culture".

"Il vient d’y avoir de vastes debats sur le port du voile, avec la decision francaise de l’interdire. J’ai vu les manifestantes, au Caire et a Paris, manifester, contre elles-memes, pour porter le voile ! Je les ai vues, a Paris, portant de lourds mquillages, des boucles d’oreilles et des jeans serres. N’est-ce pas contradictoire de supporter tous ces artifices, ce "voile post-moderne" qu’inflige la societe patriarcale ? Le pire des voiles, c’est celui de l’esprit. En acceptant ce voile post-moderne, les femmes acceptent de se transformer en objet ! Nous sommes mises a nu par le marketing et voilees par la religion, et tout ceci procede de la meme mecanique.

"Pour resister a l’imperialisme, il ne suffit pas de refuser le commerce des armes et des drogues, il faut aussi refuser celui des medicaments et des cosmetiques. Nous devons lutter contre les gouvernements, et au besoin nos gouvernements, qui sont les allies des Etats-Unis, d’Israel et de la Grande-Bretagne. Nous devons nous battre globalement et localement, contre la globalisation, l’imperialisme, le patriarcat, la guerre et la domination par l’elite. Il y a peut-etre un super pouvoir americain, mais vous etes l’autre super pouvoir, celui du peuple !

Arundathi Roy, l’ecrivain militante : " L’imperialisme actuel use d’un pseudo feminisme pour se justifier, en Afghanistan ou en Irak. (...) Mais nous ne pouvons pas nous contenter d’accusations eternelles, nous devons aussi assumer le fait que nous avons fait le pire dans nos pays, sous couvert de traditions, de religions, etc. (Arundathi cite de recentes atrocites commises par le pouvoir indien a l’encontre de populations defavorises.) "Notre democratie aux accents fascites est soutenue par sa propre communaute. (...) Meme les femmes doivent se rendre compte qu’elles participent de cette violence, on ne peut pas toujours blamer les autres. Nous devons nous interroger, interroger les autres, refuser de fermer les yeux quand la violence touche notre voisin, refuser cette tolerance lache. (...)

Sahar Saba, militante afghane, Association revolutionnaire des femmes afghanes. "L’histoire actuelle omet de rappeler que la guerre dans mon pays a commence en 1979, avec l’invasion russe. Les femmes furent les premieres victimes de cette guerre et les premieres a dire non a la guerre. Le plus grand crime des USA a ete de soutenir des fondamentalistes et de tolerer leurs atrocites a l’encontre du peuple afghan.

"Depuis le 11 septembre, on veut vous faire croire que tout va mieux, mais les femmes sont toujours brimees, elles n’ont toujours pas acces a la culture et elles sont toujours sous le controle des hommes. On use de notre image pour justifier la guerre, mais notre pays est toujours depourvu de securite, denue de droit, et les femmes restent les cibles des hommes et de la violence. Celles qui temoignent de ce qu’elles ont souffert sont taxees d’anti-musulmanes. Meme selon notre assemble nationale, une femme "vaut" une moitie d’homme, et c’est tout cela que soutiennent les USA. Un rassemblement comme le FSM, c’est bien, mais mon peuple et celui des autres pays opprimés attendent des actions concrètes pour faire cesser ce impérialisme.

Irene Kahn, nouvelle présidente d’Amnesty international. "Les guerres choisissent les femmes comme premières victimes et ce n’est pas un hasard, c’est parce qu’elles sont porteuses de forts symboles sur la patrie, la nation, la religion. C’est au nom de ces valeurs qu’elles sont agressées.

"Il faut aussi parler du business qui existe derrière la guerre. Du marché de l’armement, gigantesque : deux balles produites chaque année par humain. Qui produit cela ? Qui en sont les victimes ?

"Je veux vous raconter l’histoire de Djemila. Une Afghane qui comme tant d’autre a été mariée de force, emprisonnée par sa famille jusqu’au mariage, violée par son "mari", qui s’est enfuie, trois fois, à chaque fois ramenée par la police. Qui a finalement été envoyée en prison, a été libérée ensuite mais a dû s’exiler pour échapper à la vengeance de sa propre famille. Elles sont des milliers à connaître ce sort, et cela se perpétue actuellement.

"Le travail sur cette planète est à 60% assumé par les femmes. Mais elles ne récupèrent que 10% des richesses ! La globalisation ne libère pas les femmes, bien au contraire. Il faut lutter, farouchement, contre toutes les lois, les politiques et les pratiques anti-femmes qui subsistent dans tant de pays.

"Et ce, même à l’Ouest, dans les pays "développés", où la cause première de mortalité des femmes est la violence domestique et non la route ! Et cela, du fait de l’impunité. Levez-vous et exigez de votre gouvernement qu’il reconnaisse la cour pénale internationale. Que les femmes se joignent aux femmes ! Et que les hommes se joignent aux femmes, il y en a déjà beaucoup, et ce n’est pas un combat des femmes contre les hommes.

"Nous pouvons en finir avec tout ça, vraiment. Nous pouvons l’exiger de nos leader, politiques, religieux et économiques. Nous pouvons aussi, et d’abord, l’exiger de nous-mêmes, par la culture, l’éducation, notre mode de vie. A chacune de se dire "je ne le ferai pas, je ne le tolèrerai pas, et je ne m’arrêterai pas tant que je n’aurai pas gain de cause !"