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FSM Nairobi 2007 BILAN

Publie le vendredi 26 janvier 2007 par Open-Publishing

CONTRIBUTION des Alternatifs

7ème Forum Social Mondial

Le SITE http://www.alternatifs.org/

FSM à Nairobi
(la veille de la fermeture du forum)

"Peut-être n’était-ce pas le bon pays pour faire
un forum international". C’est l’interrogation
que Christophe Aguiton, membre du Comité
international des forums mondiaux, nous avait
fait partagé au matin du 2ème jour des débats. Il
n’était pas le seul à s’interroger tant le forum,
malgré la qualité du programme et le nombre
d’intervenants étrangers, semblait loin du
chaudron de la révolution bolivarienne, des
mobilisations de masse indiennes ou de la
dynamique brésilienne. Le forum avait bien
commencé. Mais y manquait la population de
Nairobi et les forces progressistes.

Quelque chose de pourri au royaume des MauMau

Il faut d’abord chercher les raisons de cette
faible participation dans l’absence des
mouvements politiques et syndicaux kenyans, sans
doute imputable à la situation politique du pays.
Pendant de longues années, le pays a payé le prix
fort de la confrontation est-ouest. Moi, le
président autoritaire du pays, qui n’a du son
exceptionnelle longévité qu’à l’appui sans faille
des USA et de la Grande Bretagne, a su empêcher
l’émergence de tous les mouvements d’opposition.
A sa chute, fruit du désinvestissement américain
après l’effondrement soviétique, le Kenya s’est
retrouvé avec un paysage politique dévasté : des
syndicats corporatistes et corrompus, une
opposition progressiste laminée et étêtée, et
surtout une redéfinition du paysage politique et
syndicale hors des classiques clivages
historiques. Deux décénnies plus tard, le
syndicalisme tarde à se réformer et les
différenciations politiques tiennent plus, au
mieux, d’opposition corruption / anti-corruption
ou népotisme / pluralisme, que de la
confrontation de projets politiques.

Bref, la gauche kenyane tarde à apparaître. A l’approche
de la date d’ouverture du forum, la plupart des
hommes politiques kenyans étaient plus soucieux
du début de la campagne législative que de
l’altermondialisme. Quant aux syndicats, il ont
en majorité tout simplement ignoré l’événement.
Ne restait donc, parmi les forces significatives
impliquées dans la préparation du forum, que de
nombreuses ONG et les multiples églises du pays.
Or, si certains groupes confessionnels, tels les
courants issus de la théologie de la libération,
font depuis le début partie du paysage
altermondialiste, d’autres réseaux ou
organisations, telles les Franciscains, les
églises méthodistes, les réseaux luthériens
africains, n’ont pas démontré de réelle proximité
avec la charte du FSM. Leur statuts, légitime au
demeurant, "d’organisation de base" n’aurait en
aucun cas du leur permettre de prendre part au
forum. La confusion était telle qu’un groupe
anti-avortement (et même anti-contraception) a pu
obtenir un stand, à la grande colère des
participants étrangers. L’appel final de
l’assemblée des mouvements sociaux à condamné
d’ailleurs cette présence.
Mais, bien plus que la faible présence organisée
kenyane, c’est le nombre réduit des participants
kenyans qui frappait aux premiers jours du forum.
Alors que traditionnellement, ce sont les locaux
qui font le gros des participants, ils étaient
ici largement minoritaires. Le prix d’entrée du
forum y était pour beaucoup, mais surtout, les
transports hors de prix pour atteindre le lieu du
forum, ainsi que les prix pratiqués pour se
restaurer sur place, interdisaient l’accès au FSM
aux classes les plus populaires de Nairobi.
Après avoir organisé un forum "parallèle" dans un
parc du centre ville - forum auquel les
altermondialistes occidentaux on été trop peu
nombreux à participer, les mouvements de base de
Nairobi ont tenté d’imposer la gratuité d’accès
du forum pour les Kenyans. C’est avec l’aide des
participants étrangers (en particulier de
militants italiens ayant pratiqué une
"réappropriation citoyenne" de 2000 cartes
d’accès au Forum) que les kenyans ont pu faire
sauter le verrou social des grilles d’entrée,
sauvant ainsi l’âme même de l’événement.
Alors - et alors seulement - le forum commença à
exister au Kenya.

Un forum mondial planétaire

Si la présence des kenyans a pu être
problèmatique, celle des organisations africaines
était indiscutable. Du Magrebh à l’Afrique du
Sud, des délégations de tous les continents
avaient répondu présentes.
Après les africains, ce sont les européens (et en
particulier les français) dont la présence s’est
avérée conséquente. De fortes délégations
sud-américaines étaient aussi venues comme à
chaque forum ; les brésiliens et les canadiens
francophones étaient présents en nombre.
Les pays organisateurs des précédents forum
avaient aussi envoyé de fortes délégations du
Mali, du Vénézuella et de l’Inde. Des délégations
Sri Lankaises, Bangladeshies et Pakistanaises
complétaient la délégation du sous-continent
indien. Des sud-coréens, des vietnamiens et des
chinois composant aussi la délégation asiatique.
La présence, elle aussi en nombre, des mouvements
civiques état-uniens est aussi à souligner (en
particulier les réseaux construits après le
désastre de l’ouragan Katrina et l’incapacité du
gouvernement US à répondre à l’urgence
sanitaire). Ajoutons des délégués du monde arabe,
du Liban et de Palestine. Seuls, et comme à
chaque forum, les pays d’Europe de l’est et de
l’ex-URSS brillaient par leur absence.

Verbatim

De part son nombre et sa diversité, le forum
couvrait l’ensemble des questions abordées par
l’altermondialisme. S’il est impossible de
synthétiser des centaines de réunions, on peut se
risquer à pointer quelques tendances.

Le SIDA et la dette

Comme celà était prévisible en Afrique, des
thématiques ont sinon émergé, au moins se sont
imposées à tous, telles que l’annulation de la
dette, le SIDA et la question du néo-colonialisme
(à noter que cette question semble être bien plus
portée par les pays de l’ère d’influence de la
France que des ères d’influence des autres pays
occidentaux).
La question des droits des minorités sexuelles,
si elle n’était pas nouvelle au forum, semblait
être une révolution dans un pays qui jusqu’à
présent refusait d’imaginer que des africains
puissent être homosexuels.

Le climat et la guerre

D’autres thématiques continuent à s’imposer de
forum en forum :
 les questions agricoles (rapport nord / sud,
accès à la terre, souveraineté alimentaire ...)
 l’environnement (le changement climatique, les
OGM, l’eau ...)
 L’impérialisme (en particulier US) et la guerre
 les accords économiques internationaux
 le féminisme (autonomisation et émancipation)

Mais pas l’autogestion ...

Si les questions démocratiques ont été largement
abordées, ce fut avant tout pour parler des
droits élémentaires ... La question d’une
démocratie renforcée ou de l’autogestion n’était
abordée que par les européens et les
sud-américains.
Réalité africaine oblige, la répression des
mouvements sociaux a été moins abordée que la
question plus générale de l’accès aux droits de
l’homme et la question syndicale et du droit du
travail souvent réduite au problème du travail
informel.
La question de la critique des média, a elle
aussi été ramenée à la seule question de
l’existence de média alternatifs.
Enfin, si les voisins somaliens, ougandais,
tanzaniens ou du Zimbabwe étaient présents en
masse, nous n’avons pas vu une seule réunion
concernant le génocide rwandais.

Tout cela fit un forum riche et, finalement, une
réussite politique. Difficile de savoir ce qu’en
tireront les kenyans. Reste que ce FSM aura
encore renforcé la construction d’un espace
mondial de contestation de l’ordre néo-libéral
planétaire.

— ->La délégation des Alternatifs au FSM de Nairobi.


au lendemain de la cérémonie
de fermeture du FSM

FSM 2001-2007.
Petit à petit, l’Altermondialisme grandit

En 2001, lors de la cérémonie d’ouverture du
premier forum, Olivio Dutra, alors gouverneur de
l’état du Rio Grande do Sul, avait prévenu : nous
nous sommes engagés dans un processus de
délégitimisation de l’idéologie libérale et la
construction d’un projet alternatif crédible. Il
s’agit d’un long processus. Il nous faudra dix ou
vingt ans pour aboutir". 7 ans après, le forum
n’a pas à rougir de ses avancés :
• Le processus du forum est maintenant rodé, et
malgré toutes les limites inhérentes à un système
aussi compliqué, tous les forums ont bien eu
lieu, rencontrant à chaque fois une participation
populaire large et une grande mobilisation
internationale. C’est d’autant plus remarquable
que la nature même du processus (structure très
horizontale, tournante, avec une forte autonomie
des organisateurs de chaque forum) est en soit un
véritable défi.
• Le premier objectif du forum, la remise en
cause de la fatalité libérale, est atteint :
l’idée qu’un "autre monde est possible" est
maintenant très largement partagée par les
participants des forums et même plus largement.
• La transformation de l’anti-mondialisation en
altermondialisme est aussi un acquis inestimable.
• Ajoutons l’élargissement politique et
géographique (Amérique Latine, Europe, Asie,
Afrique anglophone et francophone) et thématique
(forum des élus, de l’éducation, des acteurs
locaux, de la justice ...)
• Enfin, plus difficilement mesurable, la
constitution d’un réseau a permis la
popularisation et l’élargissement de plusieurs
sujets tels que la question de l’eau comme bien
commun, du climat, de la démocratie active, de
l’anti-impérialisme post-11 septembre ...

Auto-organisation et horizontalité contre
réflexes léninistes

Depuis le premier forum, une tentation de donner
un débouché rapide aux FSM en ne gardant que 3 ou
4 points qui font (feraient) consensus et en
sacrifiant la diversité et la dimension
profondément pluraliste des forums menaçait le
devenir même des rencontres : la montagne
accouchant d’une souris. Après l’échec de la
captation des forums autour des "24 points de
convergences de Porto Alegre", puis de
l’initiative "Bandung, 50 ans après" à Bamako,
les promoteurs de cette idée semblent avoir
abandonné de réduire le forum à quelques points
"essentiels".
Enfin, une évolution sensible nous semble à
souligner : alors que, lors des premiers forums,
une majorité des ONG défendaient des projets
humanitaires sectoriels, et des organisations,
associations, partis et syndicats portaient un
projet plus radical de confrontation au
capitalisme, l’équilibre des forces semble s’être
durablement inversé au profit du second groupe.
Ainsi le travail d’expertise et d’échange de
savoir est petit à petit remplacé par la
préparation de campagnes communes.C’est en
cohérence avec cette évolution mouvementiste
(l’assemblée des mouvements sociaux est
d’ailleurs devenu le centre du forum) que le
rendez-vous 2008 ne rassemblera pas des délégués
en un seul lieu, mais permettra à tous les
altermondialistes de participer à une semaine
d’action mondiale sur toute la planète aux mêmes
dates.
En 2009, le forum retrouvera sa forme initiale
soit dans le sud de l’Europe (à Barcelone ou en
Italie) soit au Brésil (à Bahia) ou en Afrique
francophone (Dakar tient la corde dans cette
hypothèse).
Il n’est pas surprenant que le forum se projette
dans l’avenir sur plusieurs années, tant son
avenir semble assuré par la dynamique et la
richesse de cette rencontre.

Petit à petit, le mouvement altermondialiste se
construit.

— ->La délégation des Alternatifs au FSM de Nairobi.