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Si on assassine l’avant-centre

Publie le lundi 5 février 2007 par Open-Publishing

de Enrico Campofreda traduit de l’italien par karl&rosa

Il paraît qu’ils sont nombreux à être fatigués, offensés et frappés par le stade, enclave de la violence. Pas seulement la Police qui, comme vendredi y laisse le mort. Son mort. Parfois c’est elle qui fait un mort ou bien les groupes de supporteurs ultra , entre eux, dans des stades devenus des champs de bataille.

Et non pas la bataille simulée proposée par le combat sportif. Sur les gradins et au dehors on se frappe à coups de couteau, à coups de barre de fer, on se tire dessus. On tire au visage la bombe papier qui fera mouche plus certainement que le bazooka qui assassina Paparelli [28.10.1979, match Rome-Lazio : un mécanicien de 33 ans, Vincenzo Paparelli, est frappé au visage sur les gradins du stade de Rome par une fusée de signalisation et meurt, NdT] .

C’était la fin des années 70 et les malheureux qui tuèrent de cette façon-là semblent des bleus par rapport aux factions qui se sont organisées, une saison après l’autre, répandant le sang et la mort.

Une organisation méticuleuse, créée au grand jour avec le consentement des tifosi et des clubs. Et souvent même de ministres de l’Intérieur qui aimaient cette enclave. Pendant de longues années aucun des dirigeants sportifs, des présidents fédéraux, des politiques - toujours présents à la tribune d’honneur – n’a voulu mettre vraiment les mains dans le merdier. Tous ont fait semblant de s’attaquer à la question mais ils ne pouvaient pas entamer des intérêts directs. L’intérêt du capital avant tout. Le méga business qui tourne autour de l’entreprise foot avec ses droits télé, ses sponsor, ses paris légaux et illégaux – y compris ceux du scandale du calcio et des joueurs qui, comme dans la chanson de De André, vendraient leur mère à un nain -.

Un système ressemblant à la pègre s’est créé : le jeunot qui tue pour 500 euros est le dernier maillon de la chaîne comme le jeune – délinquant, possédé ou en bonne foi – qui se défoule au stade. Ce dernier, le cas échéant, lève des croix gammées, fiche des couteaux dans les ventres, lance des bombes papier gratuitement sans besoin du pourboire de personne. Et peu importe s’il a été recruté. Ce qui importe est qu’il y a ceux qui tirent les ficelles et ceux qui font les sépulcres blanchis. Comme la Mafia avec la majuscule, ceux-là sont à l’intérieur des palais du pouvoir. Pensons-nous avoir battu la Mafia en arrêtant Provenzano ? Sûrement pas, si les hommes politiques de la Mafia circulent sans être dérangés. Les mafieux siègent dans les palais du pouvoir et cela se passe dans le sport aussi. Et si ce ne sont pas directement des Parrains, ils connaissent les collusions et les appartenances à la Famille. Comme la saga des enregistrements du scandale du calcio l’a fait entendre à toute l’Italie.

Maurizio Crosetti de La Repubblica a raison quand il dit avoir connu les pires tronches derrière certains bureaux. Il y a des années, il l’a éprouvé dans sa propre chair quand il subissait, à Turin, l’ostracisme du trio le plus décrié du foot. Et les clubs de foot, hélas, sont pleins de sales gueules.
Il faut souhaiter que le signal lancé par le commissaire Pancalli avec la suspension de tous les championnats dure longtemps (nous rendons hommage à son courage, pouvez-vous imaginer les Carraro, Matarrese et autres Nizzola suspendre toute les divisions ?). Il faut souhaiter que la politique italienne, et donc le Gouvernement, toujours prêts à faire référence à l’Europe, adoptent ces mesures drastiques et efficaces qui ont extirpé la violence des hooligans dans d’autres nations.

Ce ne sont pas les mots qui comptent, ce sont les faits. Disputer des matchs à huis clos, suspendre des équipes, mettre les énergumènes en conditions de ne pas nuire. On peut tout faire si on le veut. Mais si on offre à nouveau de l’espace aux discours bon enfant, aux lamentations, aux justifications, à la non culpabilité généralisée, aux compromis de parti et de clocher que justement la politique de la « Nouvelle République » a répandus de partout, alors le mal, déjà incurable, élargira ses métastases. Et il sortira de l’enclave, nous vivrons la Horde sauvage, la guerre de tous contre tous. Ce Far West pourrissant de culte de la violence que la Botte est en train de devenir.