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Au Niger, AREVA rêve à ça

Publie le dimanche 11 février 2007 par Open-Publishing
3 commentaires

de Jean-Yves DENIS

Anne Lauvergeons (*) rêve à quoi, tous les matins en se peignant ?
D’une montagne de diamants et de gros gâteaux jaunes (**).

Le Niger est l’un de ces nombreux pays Africains francophones que nous appelons pays en voie de développement.
Cela signifie que sa population est dans une voie sans issue pendant que les bénéfices dégagés sur place par de grandes sociétés occidentales se développent.
Comme de nombreux pays d’Afrique, le Niger possède dans son sol une richesse qui ne profite qu’à quelques riches transnationales et à une poignée de dirigeants locaux s’enrichissant de la spoliation de son propre peuple.

Au Niger, cette richesse s’appelle l’Uranium, et la transnationale se nomme AREVA (***).

Dans son édition 2005, dans lequel il procède au classement des 177 pays de la planète, le Programme des Nations-Unies pour le Développement a placé le Niger au rang de dernier, sur la base de l’Indicateur du Développement Humain 2005. (1)

L’année 2005 a été une année sombre, marquée par une grave crise de malnutrition.
Le nombre d’enfants souffrants de la faim double en une seule année. (2)

Dans le même temps, du fait de la proximité du Nigéria, le Niger est très menacé par une pandémie de SIDA, malgré des chiffres moins inquiétants que le Cameroun. (3)

Or le Niger fait parti, avec le Canada et l’Australie, des plus gros producteurs d’Uranium du monde (plus de 3000 tonnes).
En janvier 2003 , l’AFAQ (4) accorde la certification ISO 14001 à la mine d’uranium de COMINAK au Niger. c’est la deuxième filiale nigérienne d’AREVA, , en plein coeur du désert. Les entreprises s’appellent SOMAIR et COMINAK.

Le trust AREVA a été crée en Septembre 2001 par la fusion des groupes industriels COGEMA, FRAMATOME ANP et FCI.
AREVA est le seul Groupe au monde maîtrisant et exploitant la totalité des activités dans le domaine nucléaire : étapes du cycle du combustible, réacteurs, instrumentation, contrôle et mesures, ingénierie.

En Mai 2001, c’est la fin de l’indépendance française concernant l’Uranium.
La dernière tonne d’uranium a été extraite de la mine de Jouac en Haute-Vienne. Cet événement marque la fin de l’extraction de l’uranium en France. Il y aura eu en France plus de 200 mines d’uranium exploitées entre 1904 et 2001.

A travers la Cogema, Areva contrôle 65% de la Société minière de l’Aïr (Somaïr) et 34% de la Compagnie minière d’Akouta.

L’uranium produit dans ces deux mines est transporté sous sa forme brute par camions vers le port de Cotonou (Bénin) puis embarqué par la voie maritime vers les usines de Narbonne, dans le Sud-Ouest de la France. Le choix des acheteurs de l’uranium nigérien et la fixation de son prix sur le marché international sont du ressort exclusif du groupe français, en vertu d’une convention signée en 1967 entre le Niger et la France.

La création d’AREVA n’a donc pas d’autre objectif que d’assurer le contrôle de l’extraction de l’Uranium pour garantir un prix fixe. Une entreprise privée qui agit exactement comme un monopole d’état, cela ne fait pas autant de bruit que la politique de Chavez au Venezuela. Mais il s’agit d’un monopole globalisé organisé par un trust capitaliste, d’où son immunité médiatique.

En 2003 il y avait 440 centrales nucléaires dans le monde qui avaient besoin de 68 357 tonnes de minerais d’uranium, ce qui fait en moyenne 155 tonnes d’uranium par an et par centrale.

Le 20 octobre 2004 entre 22 heures et minuit, la COMURHEX converti sa 300 000ème tonne d’uranium et permet au groupe de devenir ainsi le premier convertisseur à avoir atteint ce niveau de production commercialisée.

Suite à la signature en 2003 de contrats importants, la COGEMA participe à l’application des accords internationaux sur le désarmement dans le cadre desquels, le gouvernement américain a choisi, en 2002, la technologie du groupe pour éliminer, sous forme de combustibles MOX, ses 34 tonnes de plutonium militaire en excès. Ces contrats constituent une grande première en terme de collaboration franco-américaine en contribuant à l’élimination du stock du plutonium militaire en excès.
La COGEMA fabrique donc pour le compte du Département américain de l’énergie (DOE) quatre assemblages combustibles MOX à partir de plutonium militaire venant des Etats-Unis, projet qui porte le nom d’Eurofab. (5)

Par conséquent, il est naïf de différencier le nucléaire civil du nucléaire militaire, les intervenants financiers étant exactement les mêmes.

Au Niger, quelques voix s’élèvent contre se qui est interprété comme une politique coloniale.

Le militant alter mondialiste nigérien, Mamane Sani Adamou accuse le groupe français Areva de piller les ressources minières de son pays, affirmant qu’il est le principal bénéficiaire de la vente de plus de 100000 tonnes d’uranium extraites dans le nord du Niger ;

"Quelque 2.500 milliards de FCFA ont été encaissés par Areva au titre de la vente d’uranium produit par les mines nigériennes. Sur ce montant, le Niger n’a eu que des miettes.
Pour un kilogramme d’uranium vendu à 100 euros, mon pays n’a droit qu’à 30 euros.
L’uranium est produit dans les mines du Niger, mais c’est Areva qui choisit exclusivement les acheteurs. Le groupe français, qui achète au Niger l’uranium à un prix fixe, peut le revendre au cours du marché mondial sans ajuster la part qui revient à la partie nigérienne.
Nous sommes à l’évidence dans un type de rapport néo-coloniale.
Tous [les dirigeants] savent que le Niger est lésé dans la répartition des revenus de l’uranium, mais personne ne peut lever petit doigt pour interpeller Areva.
La classe politique nigérienne n’a pas oublié que Diori Hamani (le premier président du pays) a été renversé par un coup d’état, en 1975, pour avoir voulu remettre en cause la main mise de la France sur l’uranium nigérien"

Le prix du marché de l’Uranium est en effet obscur, il peut varier de 46 dollars (2004) à 12 dollars (1992) sans que cela ne puisse être expliqué par les fameuses "lois du marché".

Cela dit, un coup d’oeil sur un forum (6) en dit parfois plus que des chiffres ou des déclarations officielles ;

"Des gamins de quinze et seize ans se font irradier dans les mines sous contrôle français au Niger. La main d’oeuvre, presque exclusivement des nomades Touaregs, est maintenue totalement ignorante des effets de la radioactivité. Il n’y a quasiment aucune protection contre l’inhalation de poussières et de gaz radioactifs. La détection des radiations et les contrôles sanitaires sont inexistants. La France avec COGEMA au Niger est un exemple frappant de néo-colonialisme rampant.
L’uranium du Niger est non seulement indispensable au programme électronucléaire massif de la France mais aussi à sa production d’armement."

Mais ce dialogue entre un pro-nucléaire français et un ouvrier nigérien est également très instructif ;

[Intervention internaute pro-cogéma de juillet 2005]

"Il faut savoir que les deux filiales de COGEMA, à savoir SOMAÏR et COMINAK, sont les deux seules entreprises au Niger à distribuer des salaires aussi élevés. le SMIC nigérien est de 19.000 FCFA (soit à peine 30 euros) par mois. Les salaires minimum (ouvrier non qualifié et débutant) sont de l’ordre de 50.000 à 70.000 FCFA" (7)

[intervention ouvrier Nigérien de mai 2005]

"je suis travailleur dans les mines de Arlit pendant 27 ans mais je sais que Cogema Areva sont en train de mentir cruellement aux nigériens . le fameux soutien de certains syndicalistes à ces multinationales n’engage qu’eux mais pas l’ensemble des travailleurs. la vérité sortira tôt ou tard et ils répondront de leurs actes face a l’histoire. le taux de mortalité dans la population des agents partis en départ volontaire est aujourd’hui très élevé. Ni le gouvernement, ni les responsables nigériens qui sont dans ces sociétés, ni les syndicalistes ne se sont poser de questions afin de savoir pour qui ? je suis très choqué de voir certains syndicalistes (certainement corrompus) ramener le débat à un niveau très bat" (8)

Mais cela dit, les réserves d’Uranium s’épuiseront un jour et AREVA quittera le Niger et le laissera à sa misère.
AREVA sait comment se diversifier :

 1988 :
La COGEMA acquiert la Société des Mines du Bourneix qui exploite des gisements aurifères dans le Limousin.
Aujourd’hui, les réserves d’or économiquement exploitables sont épuisées et la production a cessé en 2002. COGEMA a effectué des investissements dans des mines d’or en Afrique et récemment en Australie.

 Août 2002 :
Premiers lingots d’or en Australie : la mise en exploitation réussie du gisement de White Foil ouvre un nouveau chapitre de l’aventure minière de COGEMA sur le continent austral, quinze ans après le lancement de ses activités de prospection d’or en Australie occidentale.

Vous voyez , Anne Lauvergeons pourra toujours rêver de Diamants quand il n’y aura plus de Yellow Cake.
Présidente du Directoire du groupe AREVA depuis le 3 juillet 2001, c’est une femme d’avenir.
En mars 1997, elle était "Directeur général adjoint" d’Alcatel Télécom.

Or, surprise :
En février 2007, ALCATEL-LUCENT signe un contrat de 600 Millions avec GLOBALCOM pour réseau téléphonique au Niger. (9)
Quelle étrange coïncidence, isn’t it ?
Mais le marché libéral mondialisé à ses lois internes que nous ne saurions comprendre.

A quoi peut bien rêver un enfant Nigérien, à quels jeux peut-il bien jouer, quels sont ces espoirs et ses craintes pour l’avenir ?
sait-il que le travail de son père produit en France l’énergie qui me permet d’écrire cet article ?
Je ne possède pas ses rêves, ni ses peurs, ni sa terre, qui n’appartiennent qu’à lui.
Quelques tonnes de cette terre sont arrachées à son pays pour être transformées en une matière radioactive qui alimente les centrales atomiques françaises.
Et pendant que son père se réveille pour partir à la mine extraire le précieux minerai jaune, un grand Trust global engloutie l’énergie de ce peuple lointain,

AREVA rêve à ça. (10)

Et ça ne fait que commencer.
Je vous souhaite une bonne nuit nucléaire.


(*)
Anne Lauvergeon, Ingénieur en chef des Mines, est ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure et agrégée de Sciences Physiques. Elle a commencé sa carrière en 1983 dans la sidérurgie chez Usinor.

(**)
Yellow Cake, "gâteau jaune", c’est le terme anglais pour désigner l’Uranium extrait des mines.

(***)
AREVA signifie « et ça commence » en japonais.

Sources des affirmations de cet article :

(1)

http://www.sahariens.info/spip_sahara/spip.php?breve265

(2)

http://www.msf.fr/site/site.nsf/pages/reportageniger110505

http://www.msf.fr/site/actu.nsf/actus/niger040405?OpenDocument&loc=st

http://www.unicef.org/french/infobycountry/niger_27847.html

(3)

http://www.pnud.ne/vihs.htm

http://www.ddc-niger.ch/index.php?navID=23304&langID=2

http://www.panosinst.org/productions/nigeriabriefings/Nig8f.php

(4)
Association Française pour l’Assurance de la Qualité

(5)
Usine de MELOX (fabrication du combustible MOX) sur le site de Marcoule (Gard)

(6)

http://www.monde-solidaire.org/spip/article.php3?id_article=1899

(7)
70 K-FCFA = 105 Euro par mois .
C’est un bon salaire au Niger, une très bonne affaire pour AREVA.

(8)
On attend la position de la CGT à ce sujet.

(9)

http://www.tradingsat.com/actu-bourse-23929-ALU.html

(10)

http://www.boursorama.com/graphiques/graphique_histo.phtml?symbole=1rPCEI

Messages

  • posté par : Abrahams le 28§07§2009

    La French Africa Par : Y.Mérabet

    L’actuelle crise Franco-nigériane dévoile que le problème du Sahara Occidental est lié purement et simplement une affaire d’uranium. Le feu roi Hassan II du Maroc en savait plus.
    Au Nigeria, les violences dans le Delta du Niger, mais aussi la corruption et la désorganisation du tissu industriel freinent l’exploitation aussi bien du pétrole que du gaz, qui a souvent été brûlé au lieu d’être produit et exporté, alors que la population nigériane meure de faim. Là-bas ! Au Nigéria c’est la guerre du pétrole, au Niger c’est El Qaeda, ici en Algérie c’est le flou des prix, tout cela sont des entraves à lever avant de penser à réaliser un projet de tel envergure.
    C’était déjà, au début de l’année 1981, que le spécial uranium de la Gazette Nucléaire (N° 41/42) révélait une lettre d’un conseiller de la CEE en Afrique qui montrait l’état d’ignorance quasi complet du président du Niger de l’époque sur les causes de la crise du marché de l’uranium et donc de la baisse de la rente versée à l’État nigérien. De cette ignorance, les dirigeants nigériens sont en grande partie responsables, pour ne pas s’être donné les moyens de contrôler le marché de cette substance et même de ne pas s’avoir son utilisation et maitriser sa destination. Mais cette ignorance était voulue et bien acceptée par les responsables français. En témoigne le compte rendu de la déclaration de M. Taranger, ex-directeur de production du CEA (Centre de l’Energie Atomique), à la rencontre internationale des producteurs d’uranium, à Paris, les 20 et 21 avril 1968, rencontre qui devait aboutir à la création du Cartel de l’Uranium.
    Au sujet de l’attribution des quotas pour la France, « M. Taranger, parlant pour URANEX, dit : « (...) Les officiels nigériens ont écrit aux autorités françaises pour obtenir une capacité de production supplémentaire d’uranium nigérien de 1.000 tonnes par an à partir de 1974. Les Français ont accepté avec regret, mais vont essayer de reporter d’un an la mise en production pour des motifs techniques. » Puis, constatant un certain nombre de désaccords entre producteurs d’uranium (résolus par la suite), « M. Taranger hésitait à accepter la poursuite de nouvelles rencontres (... entre producteurs d¹uranium), signalant qu’il y avait un danger de voir le nombre des parties prenantes proliférer. Jusqu’ici, les Français avaient réussi à exclure les représentants du Niger et du Gabon, mais il n’était pas certain que cette position pourrait être maintenue ». Par la suite, le Cartel est ancré, les productions du Niger et du Gabon apparurent sous la dénomination de « French Africa » dans les documents internes de cette organisation. Dans le même temps, le gouvernement français a eu une politique militaire réaliste : il concentre ses efforts sur les forces d’intervention extérieures destinées à protéger les zones d’approvisionnement africaines.
    Le Niger, où se trouve l’essentiel de des intérêts miniers français, est doté d’une armée de 3500 hommes : 2800 dans l’armée de terre, 400 déguisés sous forme de coopérants techniques pouvant rejoindre les casernes à tout moment, 120 dans l’armée de l’air (8 avions de chasse et 6 hélicoptères pour la surveillance), sans char. Trois puissants voisins à surveiller qui peuvent rendre amères les relations passionnelles entre le Gouvernent Nigérien et la France : la Libye, dont les ambitions territoriales sont connues, dispose d’une grande armée ; le Nigéria, qui lorgne aussi vers le Niger, a la plus grande armée d’Afrique ; l’Algérie, leadership du continent africain et qui trace son axe de développement vers l’Afrique noire par le Niger.
    Il s’agit pour la France de protéger non seulement le Niger ou elle puise l’essentiel de ses ressources énergétiques, mais aussi d’espionner les pays qui l’entourent, afin de détecter toute menace de déstabilisation qui pourrait avoir des effets communicatifs et nuisibles aux intérêts politico-économiques français. D’autre part, l’expansion des programmes nucléaires nécessitera l’exploitation d’un nombre de plus en plus grand de gisements. Il est donc nécessaire de protéger les découvertes minières des diverses sociétés françaises : ainsi en est-il des intérêts des producteurs au Sahara occidental et au Maroc, aux zones de prospection de Total, PUK en Mauritanie, de celles de la COGEMA au Mali et en Guinée, des intérêts définis au Niger, au Tchad, au Sénégal, au Zaïre, en Centrafrique ou même en Angola, le champ à couvrir par les avions de reconnaissance et de combat de l’armée française est vaste. Et il ne s’agit pas seulement de préserver ces intérêts pour le long terme, mais surtout, peut-être, d’organiser la production. Les découvertes existantes et potentielles étant largement supérieures aux besoins de la consommation, il faut limiter le rythme d’ouverture de nouvelles mines, malgré les pressions des insouciants responsables des pays possesseurs de gisements africains. Les documents internes du « Cartel de l’Uranium » narrent par le menu quels artifices les responsables français ont dû employer pour limiter la production du Niger. Mais aujourd’hui, plutôt que de perdre ces intérêts dans les nouveaux gisements en cours d’ouverture dans ces pays (la concurrence est vive avec les autres sociétés européennes et surtout américaines et japonaises), la COGEMA a dû se résoudre à prendre de nouvelles et fortes participations dans les futures exploitations, opérant par manque de capitaux ces possibilités de diversification en direction d’autres pays. Il fut difficile au gouvernement de faire revenir l’empereur Bokassa sur sa volonté de confier les intérêts miniers français dans l’uranium centrafricain à une société étrangère, tout en repoussant d’année en année la mise en exploitation du principal gisement... On connaît aussi les demandes réitérées du Mali pour la mise en valeur des gisements découverts par la COGEMA sur son propre sol. Mais la palme d’or revient au roi Hassan II qui joue alternativement Américains et Français (et même parfois les Soviétiques) pour l’exploitation de l’uranium contenu dans les phosphates, en échange d’un appui diplomatique et militaire dans la guerre qu’il mène au Sahara occidental, son fils suit ses traces.
    Des clauses contractuelles favorisant les compagnies françaises Les accords portant sur l’exploitation de l’uranium dans le tiers monde ont ceci de commun :
    - aucun retour financier minimum dans le pays hôte ;
    - aucun contrôle du pays hôte sur le développement de l’exploitation (rythme d’exploitation des mines, clients) ;
    - pas de liens avec le reste de l’économie du pays hôte ;
    - absence de contrôle sur les effets sanitaires et écologiques de l’extraction et du traitement du minerai.(lire article Y.Mérabet ‘Le Quotidien d’Oran’ du 07/10/2008).
    Au Gabon, un des derniers accords de recherche et d’exploitation qui a été signé (permis de Boué entre l’État gabonais, la COGEMA et Union Carbide Corporation), l’opérateur a eu des facilités inouïes :
    - exonération de taxe pendant 7 ans ;
    - droits de douane et redevance limités à 50% de la production ;
    - 10% de participation dans le projet pour le gouvernement, etc.
    Cet accord est semblable à celui conclu pour l’exploitation du gisement de Mounana avec la CFMU et la COGEMA. Mais c’est à l’État gabonais d’investir pour la construction du chemin de fer, « le transgabonais », qui permettra d’apporter les matières premières nécessaires à l’exploitation et au traitement du minerai, une manière néo-colonialiste d’endetter l’Afrique. Au Niger, les clauses communes aux différents contrats d’exploitation sont :
    - les compagnies payent toutes les dépenses de recherche, mais le gouvernement doit payer au pourcentage de sa participation (de 30 à 50% suivant les cas) les dépenses de développement et d’exploitation, soit cash, soit en empruntant aux compagnies intéressées. En retour il dispose du même pourcentage de l’uranium produit, dont les acheteurs fixent le prix et ne sont autres, en général, que les compagnies impliquées dans l’exploitation (La Lybie semble s’immiscer dans ces genres de transactions louches) ;
    - enfin, il existe une clause qu’en général les pays du tiers monde refusent d’accepter lors de la négociation de leurs contrats, qui garantit aux compagnies minières qu’au cas où d’autres compagnies devraient recevoir des clauses plus favorables dans le futur, celles-ci s’appliqueraient aux contrats précédemment conclus. La COGEMA, première sur le terrain, dispose quant à elle de la « clause de la compagnie la plus favorisée ».
    Un endettement forcé
    Le Niger s’est engagé dans un développement de plus en plus soumis aux fluctuations des cours de l’uranium, avec un endettement croissant pour financer l’exploitation de cette matière et des investissements des installations.
    - remboursement de ses primes de participation dans l’exploitation ;
    - emprunt de 700 millions (35 milliards de francs CFA, en 1980) pour la construction du chemin de fer qui relie Cotonou à Arlit, etc.
    - achat d’un avion Boeing 737 pour transporter l’uranium vers l’Europe (14 millions de dollars) ;
    - construction d’une centrale thermique au charbon près d’Arlit, pour approvisionner la cité minière et les unités de production en énergie ;
    - et, en projet, construction d’un aéroport international et d’une base militaire en liaison avec l’ouverture de la SMTT, où la COGEMA détient 50 % des parts ; etc.
    L’essentiel des matières premières nécessaires à l’extraction de l’uranium est importé. Par exemple, le soufre pour la fabrication de l’acide sulfurique, solvant de l’uranium, vient du gisement de Lacq en France. Pour produire une tonne d’uranium, 30 tonnes de matériaux divers sont ainsi importées, ce qui nécessite un va-et-vient de camions sur un trajet long de 1.700 km ! Dépendance voulue par la COGEMA, qui s’est longtemps opposée au projet nigérien d’exploitation d’un gisement charbonnier et à la construction d’une centrale thermique adjacente pour alimenter la cité minière d’Arlit, préférant les importations de fuel qui pèsent si lourdement sur les économies du tiers monde. préserver ces intérêts pour le long terme, mais surtout, peut-être, d’organiser la production. La COGEMA a un contrat d’approvisionnement de 1.000 tonnes par an à partir de l’Afrique du Sud, en échange duquel elle investit dans le développement des mines d’uranium de ce pays. D’autre part, ce sont de très grandes quantités de ‘boue jaune’ qui arrivent en France en provenance d’Afrique pour y être transformées et enrichies pour obtenir du ‘Plutonium’ avant d’être réexportées vers tous les coins du monde l’Europe ; Inde, Israël, Pakistan, Afrique du Sud, Corée du Nord, Chine, Iran, Egypte et, dit-on aussi vers l’U.R.S.S. Faudra-t-il continuer à l’Afrique de développer une activité économique prohibée. La prochaine décennie au Moins : 70% de la production sont concentrés dans cinq pays africains, l’Afrique du Sud, les États-Unis, le Canada, I’Australie, dont 52% entre la Namibie, le Niger, le Gabon et, l’Algérie, le Maroc et le Sahara Occidental pour l’uranium à base de phosphates. Et il faut entre dix et quinze ans pour réaliser la mise en production de nouvelles installations d’extraction et de traitement de minerai d’uranium sur des gisements repérés. La seule exception concerne le Maroc, où l’on pourrait extraire dans un délai de quelques années un important tonnage d’uranium à partir de phosphates, car il s’est préparé de bonheur avec l’aide de la France. Le gouvernement français serait contraint de poursuivre la livraison d’armes au Maroc pour sa guerre au Sahara occidental tout en rejetant les résolutions de l’ONU pour son autodétermination en échange de l’uranium hautement stratégique contenu dans ses phosphates. Le feu roi Hassan s’en est déjà assuré. Le 1er juin, lors d’une conférence de presse, parlant de Mitterrand, il déclarait : « Il n’y a pas à craindre qu’il arrête les ventes d’armes. La France honorera ses engagements. (...) Nous lui fournissons l’uranium extrait des phosphates. La France construit des centrales nucléaires.. nous fournissons de l’uranium à partir des phosphates, la France construira des centrales nucléaire à ceux qu’ils en veulent et les approvisionnent en ‘plutonium. »
    Enfin, la France maintient toujours de fortes pressions économiques et militaires sur les pays d’Afrique, pour continuer à exploiter les mines africaines et exporter centrales et plutonium des pays comme la Corée du Sud (contrat de 13,7 milliards de F, rien que pour l’uranium !), Israël, le Pakistan et l’Inde. Serait-ce là les nouvelles relations Nord-Sud ?
    Conclusion
    Continuer la politique nucléaire française en Afrique ressemblerait au choix du tout pétrole en Algérie... Elle impliquerait aussi le risque, en cas de déstabilisation du Niger, de retomber sous la domination d’un Cartel de multinationales plus modérés pour l’approvisionnement en uranium ou de tomber sous le couplet d’une OPEP africaine de l’uranium.
    Expert en énergie

    Algerian Society For International Relations
    Lire le Quotidien d’Oran du06/07/2009