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Pourquoi “Socialisme XXI” Forum pour la Gauche Européenne

Publie le lundi 19 février 2007 par Open-Publishing
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traduit de l’italien par karl&rosa

Pour commencer, qui sommes-nous ? Nous sommes une partie de la gauche sociale, de mouvement et de la société civile en train de coopérer à la construction de Gauche Européenne – Section italienne

Rifondazione Comunista a proposé courant 2005 à des organismes et à des collectifs de mouvement, à des groupes de gauche politique socialiste, écologiste, féministe et catholique, à des journaux et à des revues, à la gauche syndicale et à des comités engagés sur l’un ou l’autre terrain social ou culturel, à des figures individuelles tout court, de se faire avec elle les acteurs de la construction d’une action politique unitaire et organisée, confédérative et gérée égalitairement, faite en réseau et donc attentive à l’autonomie de chacun de ses éléments constituants, avec pour objectif de renforcer les capacités d’intervention et de victoire de la gauche d’alternative, en Italie et en Europe, dans les luttes contre le libéralisme et ses guerres d’hégémonie planétaire et de contrôle des ressources, contre toute forme d’exploitation et d’oppression, pour les droits du travail et des femmes et pour "l’état social", pour des relations démocratiques et de solidarité avec les migrants et avec les pays de la périphérie capitaliste, contre la destruction de l’environnement et la dévastation du territoire, contre l’appropriation capitaliste des biens communs et des bases génétiques de la vie, en peu de mots, pour une alternative de civilisation au capitalisme.

La dénomination suggérée par Rifondazione Comunista pour cette association a été Gauche Européenne – Section italienne. Il s’agit d’une dénomination qui se relie au Parti de la Gauche Européenne qui rassemble des parties significatives de la gauche politique d’alternative opérant dans l’espace de l’Union Européenne. Elle souligne de manière opportune, dans son nom lui-même, que le territoire de l’union Européenne est désormais depuis longtemps un lieu stable de l’ensemble des processus de la politique et de l"économie, étant aussi la dimension de plus petite échelle nécessaire pour résister en Europe aux désastres sociaux, politiques, civils, moraux, environnementaux de la globalisation libérale et pour lancer l’hypothèse de politiques concrètes d’alternative et que les luttes de libération du travail et celles des femmes, les luttes écologistes et les luttes pacifistes, les luttes démocratiques et celles pour les droits civils et de liberté ont donc aussi besoin de disposer de moments stables organisés à caractère européen, solidaires avec leurs propres temps organisés et de mobilisation nationaux et locaux.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de Rifondazione Comunista nous a semblé intéressante et importante et est apparue telle à beaucoup d’autres forces associées et à beaucoup d’autres figures individuelles de la gauche sociale, de mouvement et de la société civile. Il y a longtemps que nous avions reconnu la nécessité, du point de vue de l’efficacité des luttes antilibérales sociales et démocratiques, pacifiste et écologiste, du travail et féministes, que le niveau politique élevé atteint par la gauche de mouvement et par la société réalise encore un progrès, c’est-à-dire une plus grande capacité de présence et d’initiative à tous les moments et à tous les niveaux de la politique. Nous étions, en outre, conscients de la façon dont cette plus grande capacité ne pouvait pas être pratiquée en se substituant de quelque manière que ce soit, à la gauche politique mais bien en réalisant un niveau supérieur de coopération avec celles de ses parties qui nous sont les plus proches dans leurs objectifs et sur le terrain de la culture et des comportements politiques. En même temps, nous nous étions déclarés sceptiques à l’égard des tentatives d’additionner les forces politiques de la gauche d’alternative existantes : non pas que la chose ne puisse s’avérer utile mais parce qu’elle n’est pas susceptible d’apporter d’autre résultat qu’une modeste expansion électorale alors qu’il s’agit de donner une forme organisée et plus organiquement politique à de grandes ressources humaines, non seulement en quantité mais en termes de savoirs et de compétences pratiques, et à d’importantes expériences de mouvement et de lutte que sont dans la gauche des organismes et des comités de la société civile, avec pour objectif une redéfinition générale de la gauche italienne et une forte expansion de la gauche d’alternative, parce que, en outre, cet objectif ne peut être atteint que par un gros effort de révision critique et d’innovation au niveau des formes de l’organisation et de la participation à la politique, ce qui, justement, ne s’avère praticable qu’en unissant à la gauche politique la plus évoluée sur le plan de la culture politique la gauche de mouvement et de la société civile.

Une question politique cruciale de la situation italienne est la modification positive du rapport de force en place aussi bien social qu’électoral entre la gauche politique d’alternative et la gauche modérée. Loin d’être un objectif sectaire il s’agit là au contraire d’une des conditions en Italie d’une forte reprise de la démocratie et d’un processus politique et de mouvement qui puisse effacer les atteintes aux conditions d’existence et de travail de la plus grande partie de la société en vingt ans de gouvernements libéraux et semi libéraux et, plus récemment, de gouvernement à fondement antisocial et à forte vocation populiste et antidémocratique. Le futur Gouvernement Prodi résistera à l’épreuve des attentes sociales qui ont soutenu électoralement les forces politiques qui le supportaient, résistera donc aux tentatives de conditionnement modéré et plus ou moins libéral des secteurs internes à ces forces, s’il est soutenu mais aussi stimulé par d’importantes forces politiques, culturelles et sociales de gauche d’alternative. Dans cette perspective, la bonne issue de la construction de Gauche Européenne – Section Italienne apparaît décisive.

Nous avons donc commencé à pratiquer depuis quelques mois la proposition de Rifondazione Comunista, en prenant l’initiative de temps de discussion sur les orientations à apporter au processus de constitution de Gauche Européenne – Section italienne et de premiers temps de coordination entre des forces agissant dans des contextes et sur des territoires différents.

D’autres forces, en plus des nôtres, sont aussi en train de prendre part au processus de constitution de Gauche Européenne – Section italienne et l’on peut constater qu’il y a en ce moment plus d’un point de coagulation externe à Rifondazione Comunista. Il ne faut pas s’en étonner, ni s’en inquiéter : les lignes de coagulation suivent en partie des relations et des habitudes préférentielles préexistantes, en partie des propensions plus ou moins homogènes à s’engager au niveau de certaines formes de questions, dans certaines formes et avec certaines approches politico-culturelles. En même temps, nombreuses sont les questions affrontées par les discussions visant à la constitution de Gauche Européenne – Section italienne, pas toujours simples, que l’on ne peut pas toujours résoudre seulement par la discussion, que l’on ne peut donc pas résoudre dans de brefs délais et avec des efforts de bonne volonté. Pour cela, que cent fleurs fleurissent, pendant toute une phase. Loin d’être un critère inadéquat de réponse à la tension unitaire de tous, c’est la manière la plus efficace de construire l’unité politique, culturelle et pratique la plus solide.

Notre vocation, qui s’enracine dans notre histoire et dans notre expérience politique, culturelle et de mouvement, est dans l’intention de s’adresser à l’univers, très étendu, de cette gauche de mouvement, faite d’organismes de la société civile, de comités, de secteurs syndicaux, de "girotondi", liée à la tradition du mouvement ouvrier et à celle du christianisme social et solidaire, qui, bien que radicalement de gauche quant à ses orientations fondamentales, est "intermédiaire" dans les sympathies et dans le vote entre gauche d’alternative et gauche modérée, par une longue habitude, par des habitudes familiales ou locales, etc.….

D’un autre côté, ou bien la Gauche Européenne – Section italienne réussira à entraîner dans sa propre construction (nécessairement, comme cela est clair, in progress) une proportion significative de cet univers ou bien elle ne sera, contre toute intention subjective, qu’un simple élargissement quantitatif pas particulièrement utile de Rifondazione Comunista.

Notre vocation, en outre, se situe du côté de la construction d’une forme d’organisation, pas seulement en ce qui concerne notre point particulier de coagulation mais en ce qui concerne Gauche Européenne – Section italienne dans son ensemble, extrêmement innovatrice par rapport au caractère centraliste et vertical de la forme d’organisation propre à la tradition de la gauche politique. C’est-à-dire que nous sommes pour une organisation en réseau, dans laquelle les sites territoriaux et les organismes qui la composent aient une pleine autonomie, qui construise de manière consensuelle ses positions et ses initiatives, gérée par des organismes représentatifs de l’ensemble de ses réalités et par des coordinations qui opèrent sur la base de mandats, dont la verticalité soit donc minime et seulement à des fins de fonctionnement. Cet objectif aussi nous parait une condition de la bonne réussite du processus de construction de Gauche Européenne – Section italienne. Il s’agit en effet d’une forme d’organisation en syntonie avec l’expérience d’organisation contemporaine de mouvement et de société civile, donc en tant que telle attractive et, en outre, comme le montrent les faits, efficace ; tandis que, au contraire, la forme d’organisation traditionnelle s’avère repoussante pour beaucoup de gens, à cause de son caractère de séparation et d’auto référencement , souvent de leadership des chefs, souvent de bureaucratie, souvent de bagarres internes entre courants et de luttes de pouvoir, et presque toujours d’extrême introversion et d’extrême inefficacité. La forme d’organisation que nous souhaitons déclare, au contraire, de la façon la plus crédible et persuasive, vouloir la participation et l’implication réelles de l’ensemble des adhérents, à la définition des positions et des initiatives, aussi bien sous la forme de figures individuelles que d’entités associées.

La forme traditionnelle d’organisation des partis de gauche se justifiait en partie à la lumière de la condition de grand déficit culturel au 19ème siècle et au début du 20ème des masses qu’ils organisaient : aujourd’hui cette condition s’est renversée grâce à une large scolarisation supérieure d’une grande partie du peuple de gauche, par la diffusion extrêmement généralisée de rapides instruments d’information de masse, par l’expansion plus récente de Internet. Ce que le peuple et surtout les jeunes de gauche voudraient de l’organisation politique consiste donc aujourd’hui en deux choses : du matériel analytique et des propositions de programme et de lutte de qualité élevée, denses de compétence, et la capacité de réunir dans de grandes mobilisations de masse et culturelles, à travers ces propositions, les innombrables luttes et mobilisations partielles diffuses auxquelles ce peuple et surtout ces jeunes participent chaque jour.

Peut-être le fantôme de la transformation socialiste rôde-t-il de nouveau, et cette fois dans tout le monde

Un fantôme rôde-t-il de nouveau, bien que moins vigoureux dans une Europe lourdement blessée par la sédimentation de défaites historiques des tentatives socialistes de son mouvement ouvrier, à 158 ans du Manifeste de Marx et Engels, pour proposer le socialisme comme réponse aux désastres imposés par la capitalisme aux populations et à l’environnement ? Oui, peut-être. Peut-être est-ce cela le sens de la grande vague de turbulences qui travaille la planète. Peut-être est-ce cela le sens des guerres impérialistes mises en œuvre par l’Empire étasunien pour s’emparer des ressources, de plus en plus faibles, du pétrole et réaffirmer à ce point sa suprématie, de plus en plus en difficulté sur la planète, acquise après l’effondrement de l’Union Soviétique ; est-ce cela le sens de la réponse réactionnaire de la part de grandes masses qui vient de la périphérie islamiste à la tentative de perpétuer la condition semi-coloniale de fournisseur d’énergie à l’Occident et à celle d’américanisation culturelle ; le sens des mouvements no global et pacifistes de ces dernières années et de la reprise à ses débuts du socialisme en Amérique latine ; celui de la crise économique, politique et sociale de l’union Européenne, embourbée dans l’échec économique du libéralisme et coincée entre la puissance technologique, financière et culturelle des Etats-Unis et la formidable croissance économique et politique de l’Asie, entraînée par la Chine et par l’Inde ; le sens, encore, du rôle de plus en plus important joué par les immenses masses paysannes de la périphérie capitaliste, du réveil des populations indigènes, de la reprise du mouvement ouvrier, après la débâcle catastrophique du stalinisme et l’échec stratégique de la social-démocratie, le sens des mouvements des jeunes dans le centre capitaliste contre la précarisation de leur vie, du rôle mondialement joué par les femmes, de la prise de conscience répandue des populations du drame représenté par les conditions de l’environnement sur la planète.

Il est historiquement propre au capitalisme que son développement advienne par grands bonds suivis de périodes de mise en ordre. Les bonds sont imposés par la disproportion entre la valorisation (la marchandisation) d’un certain quota des ressources de la nature et d’un certain quota d’êtres humains et des conditions de leur existence et la capacité de plus en plus réduite d’une telle situation, à partir d’un certain moment, de permettre la réalisation du profit ; pour cette réalisation, il est alors nécessaire au capitalisme, à un certain moment, de réaliser un nouveau bond. Autrement dit, il lui faut passer à la valorisation d’un autre quota de ressources, d’êtres humains et des conditions de leur existence. En outre, ces bonds sont aussi des bonds technologiques, donc des changements de l’organisation productive capitaliste, consistant en premier lieu dans le passage de certains secteurs moteurs à d’autres secteurs et, par conséquent, des changements de toute l’organisation de la société. Aujourd’hui, les secteurs moteurs tendent de plus en plus à être ceux de l’industrie spatiale et aéronautique, des nouveaux matériaux, des biotechnologies, des nouvelles sources d’énergie, de l’information et de son traitement, des télécommunications : il s’agit donc, en général, de secteurs à très haute technologie et à très haute valeur ajoutée, en partie aussi de secteurs de production dite immatérielle ; hier, le moteur était l’industrie mécanique, avant-hier, l’industrie textile .
En même temps, ces bonds tendent à voir mise en discussion l’hégémonie économique, productive et financière, l’hégémonie politique et militaire, l’hégémonie culturelle de tel ou tel pays ou groupe de pays : lesquels naturellement réagissent. Aujourd’hui, c’est l’hégémonie des Etats-Unis qui est mise en discussion par l’Asie ; hier, c’était celle de l’Europe occidentale qui l’était par les Etats-Unis ; avant-hier, celle de la Grande-Bretagne par la partie occidentale de l’Europe continentale et par les Etats-Unis.

Peut-être encore sont-ce les grandes turbulences qui travaillent la planète qui ont imposé des éléments plus ou moins importants de révision autocritique aux cultures de la solidarité sociale, démocratique et de gauche qui, durant le 20ème siècle, et même avant, se sont sans cesse affrontées entre elles sans aucune capacité d’écoute réciproque, chacune revendiquant de manière pointilleuse chaque point de ses propres paradigmes, en dépit de toutes les confrontations empiriques à leurs propres limites quand ce n’était pas de leur faillibilité et de leurs issues contre-productives. Il est de très bonne augure que l’on voie aujourd’hui manifester ensemble contre la globalisation libérale ou contre la guerre impérialiste ou contre la précarisation de l’existence et de l’avenir des êtres humains, des millions de jeunes gens et de jeunes filles habillés de la même façon et qui crient les mêmes slogans, sans qu’il oit possible d’en distinguer l’appartenance ou les sympathies pour des associations plus ou moins en continuité avec la gauche traditionnelle plus ou moins du 20ème siècle ou avec le christianisme social et solidaire, avec le féminisme ou avec l’écologie. Il est de même de très bonne augure que l’on y voie la constitution avancée d’un espace éthique commun, donc la tendance à une culture politique commune et à de communes modalités d’exercice de la politique.

Nous sommes, en effet, dans un nouveau cycle de lutte politique et de mouvement et de mobilisation de masse dans le sens d’une alternative de société au capitalisme, qui naît immédiatement mondiale début 2000, à la différence de tous les cycles précédents. Parmi tant d’autres sujets, de grandes masses et de grands mouvements paysans y jouent un rôle. De grandes masses et de grands mouvements féministes y jouent un rôle. Les objectifs écologiques y jouent un rôle central. De telles données signifient la falsification et, en termes de plus en plus clairs, sont en train de mener au dépassement théorique de l’idée traditionnelle du mouvement ouvrier selon laquelle le processus de valorisation capitaliste se fonde exclusivement sur l’exploitation des forces de travail salariées et aussi de l’idée qu’il est possible de tirer de la nature des ressources infinies, au nom d’une croissance infinie de la production matérielle, condition matérielle nécessaire cette fois au socialisme. C’est-à-dire qu’il est de plus en plus clair que le processus de valorisation capitaliste s’exerce en réalité dans une pluralité de lieux et de formes, directes et indirectes, et que c’est un processus planétaire qui soumet des êtres humains sous plusieurs formes, leurs corps, leurs intelligences et leurs savoirs, ainsi que des ressources naturelles et des biosystèmes, des modes de production archaïques et des modes de production coopératifs ou semi socialistes, dominé qu’il est par un groupe de multinationales, par la grande finance, par les Etats-Unis, sur le pont de commande et les autres pays capitalistes développés, avec leur superpuissants équipements militaires, leurs grands équipements pour la recherche scientifique et technologique et leurs grands équipements médiatiques et grâce à leur contrôle d’une série d’équipements technocratiques internationaux ; il est, en outre, de plus en plus évident que le processus de la valorisation capitaliste, et donc en lui de prélèvement croisant sur les ressources de la nature, a des effets destructeurs de plus en plus totaux, c’est-à-dire qu’il tend à la destruction même de l’humanité et de la vie. De grandes masses paysannes, et avec elles des populations indigènes opprimées, qui selon les conceptions historiques du mouvement ouvrier auraient déjà dû disparaître depuis longtemps, totalement prolétarisées, font aujourd’hui partie des principaux acteurs des luttes antilibérales et écologistes planétaires et en sont la principale puissance sociale, représentant la moitié de la population de la planète ; elles apparaissent en particulier comme les principales porteuses des intérêts fondamentaux de l’humanité, tels que la protection de l’environnement et des bio-diversités et l’autosuffisance alimentaire des populations. L’élément moteur, le plus motivé et clairvoyant des luttes de masse, surtout dans la périphérie capitaliste, est représenté par les femmes et par leurs mouvements : la critique des rapports de patriarcat qui oppriment et exploitent la moitié de l’humanité, l’affirmation que l’humanité est composée de deux genres plutôt que d’être un être neutre et que l’hégémonie masculine est un produit de l’histoire, qu’elle peut donc être combattue et abolie et le dévoilement de l’essence commune aux rapports patriarcaux et aux rapports d’exploitation capitaliste et plus généralement au processus planétaire de valorisation capitaliste sont ainsi en train de prendre place parmi les fondements d’une nouvelle culture de la libération sociale et de l’alternative de société. Dans le centre capitaliste, même si c’est à grand peine et avec beaucoup de retard, on assiste par conséquent à la réélaboration critique des conceptions fondamentales des organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier.

En somme, de même que la révolution industrielle, entre la fin du 18ème siècle et le début du 19ème produisit l’idée d’une unicité des rapports d’exploitation, dans l’entreprise, l’idée d’une unicité du sujet de la transformation socialiste de la société capitaliste, dans le prolétariat, principalement le prolétariat industriel, d’où l’idée du prolétariat comme objet privilégié de l’oppression capitaliste, à travers l’état, et de même que les cycles suivants de lutte anticapitalistes ou anti-impérialistes firent ajouter ou se substituer au prolétariat les paysans ou les peuples opprimés des colonies, sans que toutefois s’en trouvât diminuée l’idée d’une unicité fondamentale du sujet, de même, aujourd’hui, dans les conditions bien plus évoluées d’une globalisation capitaliste outrée apparaissent comme évidentes les formes plurielles de l’exploitation et de l’oppression, ce qui contribue à définir un large caractère pluriel du sujet de la transformation et oriente le remaniement d’une culture politique de la transformation à partir de l’idée que ce sujet pluriel doit se structurer en une pluralité discursive de subjectivités spécifiques autonomes, sociales et fusionnelles, donc sans plus de prétention d’hégémonie de la part de telle ou telle subjectivité et d’hétéronomie à rendre subalterne telle ou telle subjectivité. En outre, ce qui est devenu aujourd’hui évident, c’est que les subjectivités de la transformation peuvent avoir comme base de leur autoconstitution des motivations immédiates qui ne sont pas dans la lutte contre les rapports d’oppression ou d’exploitation. Il suffit de penser, à ce propos, à l’écologie ou aux luttes d’autoprotection de communautés territoriales.

En outre, l’idée d’une subjectivité sociale fondamentalement unique s’est historiquement combinée avec l’idée que le processus historique est le pur reflet du processus économique et de ses rapports internes et que tous les autres lieux de la vie sociale, et donc les processus et les rapports de la vie politique, les processus de nature culturelle et symbolique, ceux de la reproduction et du soin de l’organisme social découlent en droite ligne des processus et des rapports économiques. Cela aussi a longtemps amené la gauche politique à ignorer les paysans, les peuples des colonies et encore plus longtemps les femmes et la question de l’environnement.

Que l’on fasse attention : il ne s’agit pas ainsi d’effacer, ou même seulement de réduire, la portée ontologique du travail productif social, ni d’effacer le rôle historique de civilisation politique et sociale qu’a eu en Europe le mouvement ouvrier, et donc pas non plus de réduire le rôle indispensable du travail subalterne, que ce soit celui de l’ouvrier dans l’industrie ou de qui travaille à la campagne, dans une perspective de transformation socialiste. Toutefois, ce n’est qu’en libérant le prolétariat de l’idéologie selon laquelle son type de travail est le seul travail nécessaire à la reproduction sociale et qu’il a nécessairement à jouer, dans cette perspective, un rôle de premier plan par rapport aux autres subjectivités sociales subalternes qu’il sera possible d’en affirmer effectivement à nouveau le rôle dans des processus de transformation, en rompant son isolement social et en le libérant de la domination idéologique de ces segments de couches politiques et de ces castes intellectuelles qui historiquement l’exploitent en lui chantant les idéologies de sa primauté.

Il faut durement s’opposer à tout un pan sacerdotal, plus généralement, de louangeurs des vertus innées de telle ou telle subjectivité. Pour amender partiellement ce que nous avons déjà dit, il s’agit d’une fleur dont il est préférable qu’elle cesse de fleurir à gauche. Cela a créé trop de dégâts, et rien que des dégâts, tout au long du 20ème siècle.

A la différence de 1848 qui avait derrière lui l’échec jacobin mais certes pas celui du mouvement ouvrier, à peine né et en forte expansion et qui pouvait tenter, plein d’espoir, l’escalade au ciel convaincu de ses bonnes argumentations démocratiques, socialistes et communistes, et à la différence aussi de 1917, quand l’aile gauche, communiste, de la II Internationale put penser que c’était un devoir et même relativement facile de répondre au charnier de la première guerre mondiale, à l’arrogance sociopathique des classes dominantes qui avaient voulu cette guerre et à la trahison ou aux incertitudes des groupes dirigeants social-démocrates, par une révolution socialiste, aujourd’hui tous les éléments, petits ou grands, participant du nouveau fantôme socialiste s’interrogent sur la possibilité d’y arriver vraiment et pas tant à cause de la grande force politique, matérielle, idéologique, militaire mise en avant par les pouvoirs capitalistes, tigres de papier sous de nombreux aspects, mais bien plutôt à cause du bilan négatif qu’offre le vingtième siècle à propos de ses tentatives socialistes, à ces premières années du vingt-et-unième siècle. Des mots comme démocratie, liberté, socialisme, communisme ressortent terriblement usés par les évènements du vingtième siècle : les protagonistes des guerres les plus inhumaines, entre pays du centre capitaliste ou de la part de pays du centre contre des pays de la périphérie et les attaques les plus acharnées et souvent féroces contre les conditions de vie des classes subalternes et de populations entières n’ont pas été seulement le fait de fascistes, de nazi ou de militaires d’extrême droite mais aussi de gouvernements qui se réclamaient de la démocratie, de gouvernements social-démocrates, de gouvernements communistes. Si bien que nous vivons aujourd’hui en Europe cette situation apparemment paradoxale d’une dimension immédiatement planétaire et sur une très grande échelle de la mobilisation anti-libérale et pacifiste, d’un côté, et, de l’autre, d’une grande incertitude ou d’une grande peur à en définir la perspective générale et d’une relative faiblesse des forces politiques de gauche d’alternative. Cependant le mot socialisme est peut-être un peu moins usé que les autres : parce qu’il a été commun à tous les grands mouvements d’émancipation sociale du vingtième siècle et parce qu’il a été repris par les nouveaux mouvements d’émancipation, en particulier là où ils ont recommencer à gagner, en Amérique latine. Ces derniers ont toutefois voulu ajouter au mot socialisme une référence au siècle à peine commencé, pour signifier la nécessité de nouvelles pratiques et de nouveaux contenus et la nécessité d’unir étroitement ce mot au mot démocratie, enrichi lui aussi de nouvelles pratiques et de nouveaux contenus. le socialisme du 21ème siècle tend ainsi à se caractériser en tant que démocratisation de l’existence quotidienne et de la totalité des relations sociales, du point de vue national comme du point de vue international, à savoir en tant que démocratie intégrale, entendant par cela la vigueur d’une relation biunivoque entre le développement de la démocratie dans la sphère politique et le développement de la démocratie du point de vue économique, dans la reproduction sociale, dans le travail de la santé, dans la vie et dans les systèmes culturels, etc.…

De plus, l’Europe a déjà été historiquement le lieu dans lequel la peur des subjectivités sociales subalternes, à la suite de la dégradation des conditions d’existence et devant un avenir de précarité à cause des orientations libérales des classes dominantes et des gouvernements a poussé une partie de ces subjectivités (a poussé les classes moyennes déclassées et le prolétariat au chômage), comme réflexe immédiat d’autodéfense et parce qu’elles étaient gérées par des formations politiques populistes d’extrême droite, à se retrancher (durant la période de l’entre-deux-guerres) dans un nationalisme xénophobe et raciste et dans le communautarisme le plus réactionnaire, et une autre partie de ces subjectivités (la gauche du prolétariat organisé) à tenter (à la fin de la première guerre mondiale) d’abattre le capitalisme, en identifiant aussi la démocratie parlementaire et la social-démocratie, à cause de leur subalternité au capitalisme, et même aux politiques coloniales et aux guerres impérialistes des classes dominantes, comme ses ennemis. La réponse de la bourgeoisie démocratique (de ses journaux, de ses forces politiques, de ses intellectuels) consista en une tentative de défense de la démocratie parlementaire, sans comprendre en aucune façon que si l’on ne dissolvait pas son lien avec les politiques économiques libérales, c’est-à-dire avec la source du malaise des subjectivités subalternes, il s’agissait d’une tentative destinée à être balayée, par la droite ou par la gauche. Il faut toujours prendre les analogies historiques avec quelque prudence ; mais il n’y a pas de doute qu’aujourd’hui quelque chose de semblable à ce qui s’est passé alors est en train d’arriver en Europe, et en Italie peut-être plus qu’ailleurs. Les figures sociales qui se déplacent dans l’une ou l’autre direction ont en partie changé, mais même pas tant que cela. Nous trouvons donc d’un côté comme de l’autre aussi bien le prolétariat que la petite bourgeoisie, un peu à cause de la faible crédibilité de la gauche politique, un peu à cause des grandes transformations structurelles de ces dernières années qui ont changé le profil des activités et des conditions de production et qui sont largement utilisées par le libéralisme pour faire pression sur les conditions d’existence et de travail des majorités sociales.

Ce qu’il faut donc saisir, en bref, c’est que nous sommes dans un moment de crise de l’histoire mondiale qui va accoucher de grands changements généraux et que, à la différence des organismes biologiques, le signe de ces changements n’est pas donné au départ, il dépend en réalité des capacités subjectives des acteurs sociaux, culturels et politiques et de la façon dont les rapports de force évolueront entre leurs polarisations ; ce qu’il faut en outre saisir, c’est que dans la configuration politique, culturelle et sociale de notre côté, nous ne pouvons absolument pas reproduire des formes et des positions qui ont été celles du vingtième siècle.

Il va de soi que le premier devoir de toutes les subjectivités politiques, sociales, culturelles, de mouvement et de la société civile convaincues de la nécessité d’une réponse socialiste aux désastres croissants du capitalisme, sociaux et environnementaux, comme à la crise de l’Europe et, en Europe, à la crise italienne, réside dans la participation aux luttes sociales et écologistes et aux mouvements de masse orientés dans un sens anti-libéral, pacifiste et démocratique : il n’y a aucune possibilité d’une production théorique utile qui refasse l’analyse des conditions et des processus contemporains et redéfinisse la culture politique et les lignes stratégiques d’un processus de passage du capitalisme au socialisme en dehors d’une participation pratique à ces luttes et à ces mouvements et d’une disponibilité à les saisir aussi en tant qu’écoles fondamentales théoriques, de fait. La praxis, c’est un bon enseignement de Marx, précède ontologiquement la théorie. Ceci ne représente pas toutefois la totalité des devoirs de ces subjectivités. Elles doivent aussi se sentir engagées dans la patiente reconstruction d’un paradigme analytique et stratégique du socialisme. Et tous, communistes, néo-communistes, socialistes, néo-anarchistes, chrétiens solidaires, écologistes, féministes doivent comprendre l’utilité de s’écouter les uns les autres et de l’apprentissage réciproque. Il va de soi que cela ne signifie pas que toutes les cultures politiques se valent au point de vue des vérités internes, à savoir une sorte de relativisme théorique absolu, ni que l’on doive proposer des assemblages confus : mais l’écoute réciproque est la condition première, dans un sujet pluriel, de toute tentative de redéfinition culturelle et politique qui veut obtenir un bon résultat.

En outre, si la perspective doit être justement celle d’un paradigme refondé, étant donné la prise de conscience du côté largement obsolète et faillible des paradigmes de la gauche du vingtième siècle, ceci non seulement signifie que personne n’a le droit de revendiquer la supériorité a priori de son propre point de vue mais signifie aussi que des initiatives ou des propositions de démantèlement de telle ou telle subjectivité politique organisée ne seraient que nuisibles. Chaque subjectivité de la gauche politique a son histoire importante de luttes et de résultats pratiques et théoriques. Et il n’y a pas que cela : la récente expérience douloureuse de la gauche politique italienne a constaté comment des décisions de démantèlement de grandes subjectivités (à savoir celles du PSI et du PCI), pour avoir ignoré la complexité anthropologique des subjectivités politiques et la richesse anthropologique et culturelle des multiples organismes et des multiples organisations institutionnelles créés ou alimentés par ces subjectivités, ont produit d’énormes pertes de forces humaines actives et de dangereuses débandades à droite qui ont gravement endommagé la protection des subjectivités subalternes attaquées dans l’ensemble de leurs conditions d’existence et de travail par les classes dominantes et par les gouvernements libéraux et semi libéraux, ainsi que par les conditions mêmes de démocratie politique. Les identités politiques de gauche, il est vrai, apparaissent aujourd’hui très usées : il est toutefois nécessaire, en premier lieu, qu’elles se donnent leur propre parcours de redéfinition d’elles-mêmes. Au long de ces parcours, les subjectivités politiques, sociales et de mouvement de gauche d’alternative tendront probablement à converger, c’est même ce qui est déjà partiellement en train de se produire : il est toutefois bon, aussi, que les subjectivités politiques se maintiennent comme coagulants d’histoire, d’habitudes spécifiques, de relations humaines en tout genre. Que cent fleurs, donc, fleurissent vraiment. Que la méthode de la relation discursive ne concerne pas que les subjectivités sociales subalternes mais aussi les différentes subjectivités politiques organisées de la gauche d’alternative. Et enfin, qu’aux subjectivités politiques actuelles s’en unissent de nouvelles et de type nouveau, comme nous aspirons à l’être, qui, en raison d’un acte de naissance dans les mouvements et dans les luttes de ces dernières années et de la propension à une recherche théorique et stratégique dont les présupposés méthodologiques seraient d’un côté pragmatiques et de l’autre discursifs, puissent être les lieux d’une rencontre et d’une coopération totales, pratiques et sur le terrain de la recherche théorique, entre ceux qui, non seulement ont appartenu mais entendent continuer à appartenir à telle ou telle partie de la gauche politique d’alternative et à son histoire, mais aussi entre ceux-ci et ceux qui appartiennent à d’autres histoires, politiques ou sociales et de mouvement.

Saisir dans les luttes et dans les mouvements du cycle actuel des écoles théoriques signifie, en particulier, que lorsque leurs orientations, explicites et implicites, entrent en conflit avec les précédents paradigmes du socialisme, la vérité est du côté de ces orientations. S’impose alors, en même temps que l’engagement pour la reconstruction d’un paradigme du socialisme, un travail tout aussi patient d’élaboration critique des paradigmes précédents et surtout des expériences ratées, que cela ait eu lieu tragiquement ou non, de la social-démocratie et du communisme du vingtième siècle, qui ne se limite donc pas au sempiternel listing et à la description des épisodes les plus évidement négatifs.

Et ceci peut justement être un engagement partagé par une partie des figures et des collectivités de différentes provenances politico culturelles en train de revendiquer aussi leur propre continuité politico culturelle par rapport à ce que les différentes ramifications politiques du vingtième siècle ont produit de valable aussi bien sur le plan social et politique que sur celui de la réflexion théorique. Nous pouvons aujourd’hui tout nous permettre à gauche sauf de réagir aux sectarismes du vingtième siècle par de l’iconoclastie à leur endroit et de nouveaux sectarismes.

La nécessité pour une relance démocratique et socialiste d’une critique radicale de l’exercice séparé du pouvoir ; pour une perspective de portée ontologique, donc de démocratie participative

La pratique dela gauche communiste du mouvement ouvrier par rapport au pouvoir a consisté historiquement à avoir pour objectif de l’arracher aux mains de l’adversaire de classe et de l’utiliser ensuite pour la transformation de la société. Bien que l’intention ait même été de raccourcir la distance entre gouvernants et gouvernés, et carrément de l’extinction de l’état, l’expérience pratique a vu le maintien et souvent, même, l’allongement de cette distance. C’est-à-dire que le noyau de toute-puissance prométhéenne qui est au cœur de l’idée d’une transformation de la société orientée par la possession d’une science de la transformation de la société a agi dans le sens de transformer rapidement le pouvoir socialiste en un pouvoir séparé omnipotent. Parmi les raisons à cela, il faut en souligner une : l’idée de deux temps de l’exercice du pouvoir, au deuxième desquels seulement sont confiés le raccourcissement et l’extinction, tandis qu’est confiée au premier une forte pression par le haut sur la société, justement pour la transformer.

Ce n’est donc alors pas un hasard si la recherche et l’expérimentation contemporaines de mouvement et de ces zones du monde où la gauche politique est en train de réussir à réagir et de recommencer à gagner (en premier lieu, pour cela, la recherche et l’expérimentation en Amérique latine) ont d’un côté dépassé la tradition étatiste (et parfois brutalement antidémocratique et antisociale, sur le versant du stalinisme) du mouvement ouvrier européen et se sont ingéniées, de l’autre, à combiner démocratie de type représentatif parlementaire et démocratie participative collective, ou mieux à combiner participation politique sur la base de droits politiques essentiellement individuels et participation de la part de collectivités organisées, de classes, faites de sujets fusionnés (pacifistes, écologistes, mouvements de jeunes), faites de sujets de mouvement, de morceaux de société civile, etc.

Il faut donc affirmer combien le devoir de la gauche politique d’alternative doit être toujours et en toute circonstance – à l’opposition, dans des gouvernements de coalition, dans des gouvernements orientés vers la transformation de la société – le raccourcissement de la distance entre gouvernants et gouvernés, donc la plus large promotion de formes d’autogouvernement territorial et économique et de formes de coopération pour la définition des objectifs de gouvernement avec les subjectivités sociales et territoriales organisées. Autrement dit, combien le devoir de la gauche politique d’alternative doit être toujours et en toute circonstance la promotion de la démocratie participative et la remise immédiate la plus grande possible de l’exercice du gouvernement aux subjectivités sociales et territoriales et à ce peuple que les subjectivités sociales et territoriales composent.

Ceci ne signifie pas, il est bon de le rappeler, que la démocratie participative soit le simple renvoi à la démocratie directe. La tentative, de la part des communistes, de démocratie directe comme unique forme de pouvoir fongible à la transformation de la société s’est rapidement renversée au vingtième siècle en une forme de domination politique autoritaire. Cette tentative présupposait l’illusion d’une simplicité fondamentale du tissu social et des politiques de transformation, donc d’une simplicité fondamentale de l’exercice du pouvoir, donc, encore, de la capacité immédiate de cet exercice de la part de classes subalternes (ouvriers, paysans). C’est aussi pour cela que cette tentative ne pouvait qu’aboutir à un échec. La réponse de la part des communistes à la crise sociale alimentée par cet échec a été, en outre, en renversant l’idée de la capacité immédiate de l’exercice du pouvoir par les classes subalternes, qu’on leur a substitué le parti. Le parti sera ensuite remplacé par son comité central et ce comité central par un autocrate. Alors, il faut, au contraire, que se combinent à la démocratie directe des processus d’apprentissage pratique et de masse de la politique et de l’administration par les subjectivités sociales subalternes : que se combine donc la démocratie représentative. Cette dernière est, en effet, cette forme d’état qui, avec la séparation des pouvoirs et les droits civils et de liberté a historiquement démontré qu’elle représente, avec les luttes de masse, la meilleure école de politique pour les subjectivités sociales subalternes ainsi que la meilleure force de dissuasion par rapport aux poussées autoritaires et à la séparation entre gouvernants et gouvernés qui ne proviennent que du fait de l’inexpérience de ces subjectivités.

Démocratie directe et démocratie représentative, en bref, représentent, réunies dans la démocratie participative, le couple dynamique susceptible de réaliser une alternative de civilisation au capitalisme, en passant par la restitution du rôle d’acteur à part entière et du pouvoir, dans toutes les dimensions de la vie sociale, aux subjectivités sociales subalternes et passant en même temps par la libre discussion sociale des passages de cette réalisation, par le libre contrôle des résultats, par la libre discussion des rectifications possibles.

Tout ceci présuppose, en outre, la reconnaissance ouverte et réelle par la gauche politique d’alternative du caractère politique des expériences sociales et de mouvement, de leur représentation directe, des organismes participant aux mouvements, et de la société civile : la reconnaissance, donc, de la nécessité d’une dialectique paritaire. Si bien que la coopération entre la démocratie directe et la démocratie représentative dans une perspective de transformation de la société comporte aussi la coopération paritaire entre les différentes formes, de partis, sociales, de mouvement, etc. de la gauche d’alternative.

La nécessité pour une relance démocratique et socialiste d’une critique à fond de la politique et un remaniement éthique et anthropologique en douceur de la gauche politique d’alternative

A la base de la crise de la forme historique, représentative parlementaire, de la démocratie en Occident, il y a l’évident assujettissement de cette forme de la démocratie aux convenances des grandes puissances économico financières, technico-scientifiques, médiatiques, étatiques, sous étatiques, technocratiques du capitalisme contemporain, ou pour le moins, il y a l’incapacité de cette forme de la démocratie à interposer des digues au despotisme de ces grandes puissances et à celui du marché mondial, en un mot, au libéralisme. Une conquête historique du mouvement ouvrier en Occident a ainsi été presque totalement récupérée par la partie adverse. La relance démocratique et socialiste demande donc aussi à la gauche politique d’alternative, outre un grand engagement à intégrer et à soutenir les mouvements anti-libéraux et d’autodéfense sociale, un effort de construction active à grande échelle, et non pas sporadique, laissée à la seule capacité des adhérents individuels, de formes de démocratie participative.

Et cependant la gauche politique d’alternative apparaît inadéquate à faire face à cette crise de la démocratie et pas seulement à cause des rapports de force avec des adversaires sociaux et avec des forces et des gouvernements libéraux ou semi libéraux mais, et surtout, à cause de limites de culture politique. En premier lieu, elle a fait sienne comme forme absolue de la démocratie, la forme représentative parlementaire (c’est d’abord le cas de la social-démocratie, à la fin du dix-neuvième siècle, ce fut le cas, après la seconde guerre mondiale, des partis communistes de l’Europe occidentale) : reliée à l’attitude fréquente d’auto référencement de la part de ses milieux politiques et à leur idée de l’état comme organisateur fondamental et lieu de direction par en haut de la société, cette idée de la démocratie représentative parlementaire comme forme absolue de la démocratie apparaît aujourd’hui encore très difficile à corriger. En deuxième lieu, la structure même, de type centraliste et vertical des partis de la gauche politique d’alternative et, en outre, le fait de la figure en son sein du "militant", avec ses droits purement individuels, souvent, de plus, bien difficiles à exercer face aux milieux politiques et aux appareils, étant le calque sous la forme parti de la forme état démocratique parlementaire s’avèrent être quelque chose qui voile le repérage de la thérapie pour la crise de la démocratie dans son développement en démocratie participative.

La crise, même si elle n’est pas électorale, de la gauche politique italienne, en premier lieu la crise de la participation sociale active à la gauche politique italienne, lui demande pour cela de commencer à se transformer. Il convient de louanger un peu moins la démocratie participative de Porto Alegre et, en revanche, de la pratiquer un peu plus, par des adaptations appropriées, dans le rapport entre la gauche politique qui, de plus, gouverne souvent localement, et la propre base sociale et électorale, le peuple de gauche, plus généralement le peuple sans phrase. Les décisions de Rifondazione Comunista de se placer "en position interne" à la société civile et aux mouvements, renonçant par là aux pratiques d"hégémonie organisatrice et se disposant à une écoute paritaire et de tenter, par la suite, avec d’autres, la construction de Gauche Européenne – Section Italienne ne pourront donc jamais être assez appréciées.

Tout ceci présuppose en outre le renoncement de la part de la gauche politique d’alternative à cette facilité culturelle, symbolique et sémantique du recours à la violence que les conditions dans lesquelles surgit le communisme du vingtième siècle, entre autres la férocité de l’adversaire de classe, lui imposèrent sur le plan pratique et qu’elle intériorisa, en en faisant ainsi une partie organique de sa propre culture et de sa propre anthropologie et dont elle abusa largement, et même souvent contre les subjectivités sociales subalternes elles-mêmes. Ce recours à la violence a représenté historiquement l’effacement de toute possibilité de participation large et durable du peuple aux choix politiques et à l’exercice du pouvoir ; il a toujours amené immédiatement à la remise de l’exercice de la politique à des minorités réduites ; il a, pour cette raison, représenté, dans les tentatives de transformation socialiste de la société, une antichambre culturelle et pratique de l’allongement de la distance entre gouvernants et gouvernés et de l’autoritarisme, donc de l’échec de ces tentatives.

A l’intérieur de cette critique et de ce renoncement aux idées et au pratiques du recours à la violence se situe, en particulier, la nécessité démocratique et socialiste d’une modification morale et anthropologique du profil de ceux qui appartiennent à la gauche alternative, dans ses diverses formes politiques, sociales, de mouvement, etc. : l’adoption, donc, de langages et de comportements plus doux, le rejet ouvert et sans indulgence des langages, des symboles et des comportements de type militaire, une sobre éthique du comportement et des attitudes de la part des dirigeants, fonctionnaires, représentants dans les institutions de l’état, le bannissement morale et concret des luttes de faction et de pouvoir, la fin des régimes internes oligarchiques ou monarchiques plus ou moins incontrôlés, la fin des bureaucraties au service d’oligarchies ou de monarchies elles-mêmes incontrôlées, une éthique de la coopération et de la solidarité entre camarades, l’adoption de temps et de modes de participation à la vie des organisations respectueuse des femmes, des vieux, des travailleurs fatigués par les conditions de travail et par les déplacements sur le lieu et du lieu de travail, l’auto éducation collective dans ce sens.

En bref, ce n’est que de cette façon que la gauche politique d’alternative pourra se configurer de nouveau comme lieu d’accueil collégial, solidaire, égalitaire, expansif plutôt que répulsif : en s’opposant ainsi réellement aux tendances involutives de différentes natures de la gauche politique dans son ensemble et à la crise de la participation à la politique et de la démocratie induites par les victoires du libéralisme de ces dernières années.

La culture et les pratiques de la non-violence ont ensuite un deuxième bon ordre de raisons pour être adoptées par la gauche politique d’alternative. La science appliquée à la production a atteint, au cours du vingtième siècle, étape après étape, une immense capacité de destruction des êtres humains (que l’on pense seulement, à ce propos, à l’effroyable développement des moyens de destruction massive, pas seulement atomiques mais aussi chimiques, biologiques et aussi de type "conventionnel"), de l’environnement (que l’on pense seulement, à ce propos,à la destruction des forêts), des ressources limitées, de la base même de la vie. Il s’agit donc d’une culture et de pratiques qui, bien avant d’être nécessaires à un nouvel exercice plus civilisé de la politique, sont nécessaires à la survie de l’humanité et à la conservation d’une planète belle, riche de ressources fécondes et vivable.

Le troisième ordre de raisons pour adopter une culture et des pratiques de non-violence est tout européen, ou mieux occidental (les Etats-Unis étant un prolongement culturel de l’Europe occidentale). Notre continent a été pendant des siècles le principal lieu au monde de la violence la plus meurtrière : non seulement le lieu historique d’une infinité de guerres civiles de dynastie et de religion et de guerres pour l’extension des possessions territoriales de tel ou tel souverain, mais il a aussi été l’agresseur de tous les autres continents, dans certains desquels il a pratiqué de véritables génocides et réduit en esclavage des millions d’êtres humains, il a été le créateur de gigantesques empires coloniaux dans lesquels il a réalisé d’immenses brutalités anti-sociales, de terribles exterminations et des éradications culturelles aux effets tout aussi terribles sur les populations, il a été le créateur du fascisme et du nazisme d’un côté et du stalinisme de l’autre, avec d’autres brutalités anti-sociales et d’autres exterminations.

La civilisation européenne n’est pas faite que de lumières mais aussi d’ombres, souvent atroces. Il y a un niveau supérieur de démocratie, de rationalité, de laïcité de cette civilisation par rapport à d’autres, mais aussi un abîme d’irrationalité et de nouvelle barbarie, massacrante et en même temps technologique et prométhéenne qui se loge en dernière analyse dans la base tragique de sa prospérité (l’agression de la planète), passée mais aussi, sous de nouvelles formes, présente. Que l’on pense seulement, à ce propos, aux onze millions d’enfants de moins de cinq ans de la périphérie capitaliste qui meurent chaque année de maladies comme la dysenterie, la rougeole, les bronchites, les grippes, ou aux six millions qui meurent de faim et de dénutrition ou aux deux millions qui meurent de soif. Le capitalisme naît en Europe, produit une avancée de civilisation, mais en Europe et c’est tout : ailleurs il y a eu la tragédie de la colonisation et, souvent, du génocide humain ou culturel. Les populations du reste du monde, pas seulement les populations islamiques mais celles de l’Afrique subsaharienne, de l’Amérique latine, de la Chine, de l’Inde craignent l’Occident, s’en méfient, souvent le détestent. Ce n’est que l’émergence évidente d’une autocritique anti-violence de masse, des populations et puis des états et des gouvernements, en Europe (plus généralement dans l’Occident tout entier) qui pourra mettre en route un rapport de confiance des populations du reste du monde envers l’Europe (et l’Occident). On peut aussi dire la chose suivante : qu’il y a un devoir de dédommagement de la part de l’Europe par rapport au reste du monde qui outre le fait qu’il doit s’exercer sur le plan économique et politique, doit s’exercer sur le plan moral.

Nous avons fait précédemment une allusion à la nécessité d’un nouveau paradigme des gauches d’alternative : donc aussi de nouvelles prémisses métapolitiques (éthiques et anthropologiques) à l’orientation de la politique. Celle de la non-violence est donc la première de ces prémisses, en particulier en Europe. Il convient, en outre, d’ajouter que telle que nous avons défini cette prémisse, elle exclut la possibilité d’une déclinaison en termes abstraitement non politiques, c’est-à-dire d’en faire un impératif catégorique valable dans toutes les circonstances, sous toutes les latitudes et dans tous les contextes sociaux, cela exclut en particulier qu’elle puisse être rétorquée contre le droit à la révolte contre les oppresseurs de toute population ou subjectivité sociale brutalement opprimée.

La reconnaissance, en second lieu, de la nécessaire pluralité du sujet de la transformation, donc de la conformation plurielle, sous l’angle social comme sous l’angle politique et culturel de la gauche d’alternative, et avec cette reconnaissance celle de la nécessaire interlocution discursive et paritaire entre les différentes composantes du sujet, se placent ensuite, elles aussi, parmi les prémisses métapolitiques à l’orientation de la politique de la part des gauches politiques d’alternative.

Il faut, en dernier lieu, corriger le fait que dans les gauches politiques d’alternative la participation des adhérents est seulement de type individuel : ce qui a tout simplement facilité l’émergence et l’affirmation durable de couches dirigeantes et d’appareils séparés de la base, composée surtout de membres appartenant aux formations subalternes de la société et qui, comme telles, à cause de la fatigue de chaque jour, jadis à cause aussi de déprivation culturelle, a une certaine tendance à déléguer. Substantiellement, à travers cette forme de participation, en tous points semblable à la forme de participation mise en place par la forme limitée de la démocratie représentative adoptée par les pays capitalistes les plus développés, s’est produite, au sein du mouvement ouvrier, la même distance entre gouvernants et gouvernés propre à cette forme de démocratie.

Donc, ce que la gauche politique d’alternative doit acquérir, c’est aussi la nécessité en son sein même de la démocratie participative, donc de sujets collectifs et, en premier lieu de ceux que composent les membres des subjectivités sociales subalternes : travail subalterne, femmes, migrants, minorités nationales opprimées, personnes gay ou lesbiennes, etc.

Pour une perspective politique, enfin, de démocratie participative ; pour une redéfinition, pour cela, de la perspective du socialisme autour des objectifs centraux de l’expansion de l’espace des biens communs et d’une éthique de la responsabilité sociale envers la nature et envers les générations à venir

La démocratie participative et, en elle, la démocratie directe, n’ont aucun sens, et courent même le risque de devenir la énième couverture de la distance entre gouvernants et gouvernés, si elles ne sont pas pensées et pratiquées par rapport à l’ensemble des milieux de vie de l’organisme social, en premier lieu par rapport à l’économie, c’est-à-dire au travail productif de valeurs d’usage et à la dimension plus basique de la reproduction sociale, qui est dans le travail de la santé, si elles ne se traduisent donc pas concrètement par la démocratisation de l’existence humaine, individuelle et collective.

Dans les conditions contemporaines européennes du capitalisme, dans les conditions, encore, de ses formes limitées de démocratie, de plus presque partout attaquée par le populisme réactionnaire ou soumise à la "vidange" libérale, la démocratie participative constitue, donc, aussi bien une forme de la lutte organisée, collective, de par ses objectifs immédiats, de la part des subjectivités sociales opprimées de la société, que le moment initial de possibles processus de transformation, et que l’un des modes de la préparation des travailleurs, des femmes, des paysans, des communautés opprimées, etc., à se gouverner eux-mêmes et à gouverner la société.

Dans les conditions actuelles planétaires du capitalisme, c’est-à-dire, dans les conditions d’une tentative d’un nouveau cycle long d’accumulation à travers (comme d’ailleurs dans les longs cycles précédents) un nouvel assaut prédateur aux biens communs, cette fois à l’eau, au territoire dans son ensemble, aux bases génétiques de la vie, aux services universels rendus par l’ "état social", aux savoirs, à l’information, et dans les conditions, en outre, d’une tentative de centralisation capitaliste extrême dans de grandes entreprises nationales d’un côté et aux Etats-Unis de l’autre, de ressources de plus en plus faibles, dont en premier lieu l’énergie, les luttes pour la défense des biens communs de l’expropriation et du saccage et les luttes pour que l’"état social" demeure tel qu’il est sont de première importance, aussi bien pour la défense des conditions de vie des populations que pour la construction d’une alternative de civilisation, il faut en outre que le champ des biens communs s’élargisse, récupérant dans le sens d’une gestion publique et d’une démocratie participative, l’"état social", la totalité de l’environnement, des ressources limitées, du territoire, des bases de la vie, la totalité des savoirs, des compétences, de l’information, la recherche et les productions dans le domaine de l’énergie, il faut enfin que le champ même de l’"état social" s’élargisse, développant ou récupérant la totalité des services nécessaires à des conditions élevées d’existence des populations.

La démocratie participative, les luttes sociales et les mobilisations de mouvement demandent donc un effort assidu, systématique, de poursuite de leurs contenus, également dans le sens de la construction d’éléments de "modèle" alternatif de développement, sur le versant de l’industrie qui doit tendre à diminuer la consommation d’énergie, due essentiellement aux vertigineux mouvements planétaires des processus de production, motivés par la recherche des conditions de salaire et d’environnement les moins coûteuses, à mettre un terme au développement paroxystique des systèmes de transport des marchandises et des personnes ainsi qu’à la corrélative dégradation du territoire et des conditions d’existence des populations bouleversées par des autoroutes, des lignes de train à grande vitesse, des aéroports, à diminuer les productions dangereuses et anti-sociales, à commencer par celles des instruments de guerre, à s’orienter vers la satisfaction des besoins fondamentaux de l’ensemble des populations, à être régulée par des normes environnementales contraignantes, en outre sur le versant de l’agriculture qui doit tendre à donner à manger une nourriture saine et abondante à ses populations et à se confondre avec les activités de protection de l’environnement et du territoire.

Plus généralement se pose désormais la nécessité, pour prévenir des collapsus à terme dans l’économie, dans l’environnement et de la part d’entières formations sociales, d’une perspective des luttes sociales et des mobilisations de mouvement qui exprime sa position contraire non seulement à la dévastation et au saccage du territoire et des ressources non renouvelables mais au développement comme croissance continue de la base productive. Une part, minoritaire, de la planète est désormais tellement saturée d’infrastructures et d’activités productives industrielles et agricoles à haute intensité de capital et désormais tellement valorisée (marchandisée) dans chacun de ses moments et de ses aspects, que la croissance y est de plus en plus un mode de dégradation des conditions générales de l’existence. Ce que consomme cette partie de la planète de même que ce que consomme cette autre part de la planète qui est en train de s’essouffler pour atteindre les conditions de développement de la première, représentent un saccage dévastant de ressources non renouvelables et une agression des bases de la vie, de l’eau à l’air, en passant par le climat et les différents systèmes de la biosphère. Le développement ne peut donc que se fonder, s’il veut continuer à être tel, sur des politiques qui en allègent la pression sur le territoire, sur les ressources et sur les bases de la vie dans les pays les plus développés, et sur l’obtention de bons standard d’existence dans les pays de la périphérie capitaliste, dans le cadre d’une coopération qui définisse rythmes et critères de ce processus général d’ajustement et qui définisse, en même temps, les conditions d’utilisation des ressources, en tous genres, de la planète, sans désastres environnementaux et sociaux à terme et sans nuisance pour les générations à venir.

Il convient naturellement de souligner que la redéfinition de la perspective du développement ne peut avoir lieu aux dépens des classes laborieuses occidentales, c’est-à-dire de leur emploi et de leur niveau de rétribution : elles doivent au contraire être parmi les acteurs de cette redéfinition. Le dommage le plus grand qui pourrait frapper la perspective du socialisme est que se prolonge la séparation, et avec elle tel ou tel type d’antagonisme, entre la gauche politique d’alternative, historiquement liée aux classes laborieuses et l’écologisme politique. Les transformations écologistes de l’économie et de la vie sociale, si les subjectivités sociales exploitées n’en sont pas les acteurs, ne sont destinées qu’à produire plus de business et des politiques de raccommodage, dans l’attente d’énormes désastres substantiels, des effets du développement capitaliste ; de manière symétrique on court aussi à d’énormes désastres substantiels si le mouvement ouvrier ne s’approprie pas de manière extrêmement décidée, les thèmes culturels et stratégiques de l’écologie. Pour cela il faut une alliance, et il la faut en vitesse.

L’objectif central dans ce cadre devrait être, surtout en Occident, de faire de la protection de l’environnement et de la culture, et de la production de la plus large gamme de services sociaux, les parcours et les formes du développement au lieu d’en faire, comme c’est largement le cas aujourd’hui, des coûts à la charge du développement.

L’objectif central, toujours dans ce cadre, des classes laborieuses urbaines occidentales devrait être la réduction des charges de travail (des horaires de travail journalier, des charges de travail dans le temps de vie individuel) : c’est dans cette direction que devrait aller une proportion croissante du surplus qu’elles produisent, ainsi qu’à la constitution ou à la reconstitution de bonnes conditions d’existence et de sécurité de l’emploi. Un autre objectif central sont les restructurations industrielles qui tendent à éliminer les productions anti-sociales (comme celle des armes) et à dépasser la domination de la production des moyens de production par rapport à la production de moyens de consommation et de services sociaux : historiquement, cette domination a représenté le ressort structurel des politiques d’expansion colonialistes et néo-colonialistes et de domination impérialiste de la part des principales puissances occidentales. Un autre objectif central, cette fois spécifique à l’agriculture, est la fin de la domination de l’agrobusiness et, avec elle, la fin de l’agression chimique de la terre et des écosystèmes et le bannissement des OGM, plus généralement la fin de toutes les technologies destructives et orientées vers des productions pour le marché mondial et, de fait, visant à chasser de grandes masses de paysans "superflues" des campagnes, plutôt que vers les besoins alimentaires des populations de la part de communautés paysannes autogouvernées et soutenues, dans leurs fonctions sociales et écologiques, par les pouvoirs publics.

Le thème, aujourd’hui dominant dans sa dramatique concrétude, des limites des ressources et de celles de la capacité de la planète à tolérer les interventions humaines sur le versant des ressources, des écosystèmes, des conditions de base de la vie, etc. contribue donc lui-même à définir la perspective d’une humanité émancipée de l’exploitation et de l’oppression, aussi bien sur le terrain des directions du développement que sur celui des formes du gouvernement social. L’idée traditionnelle de la gauche politique d’alternative, comme on l’a dit, est celle d’une sorte de possibilité infinie de prélèvement des ressources dans la nature : mûrie au 19ème siècle, héritée de l’Illuminisme et des théories libérales du 18ème siècle, elle était justifiée par les limites de l’époque du développement économique et des capacités d’agression de la nature fournies par la science. Cette idée est aujourd’hui totalement obsolète, elle l’est même depuis longtemps ; on réclame au contraire à la gauche politique d’alternative de s’opposer de manière extrêmement décidée au développement capitaliste de plus en plus dévastateur, avec justement une idée alternative du développement. Ce n’est pas tout : c’est précisément sur la base de cette idée d’obtenir de la nature des ressources infinies que le marxisme a affirmé la perspective de l’extinction de l’état, c’est-à-dire d’un autogouvernement social libéré de toute forme de pouvoir ainsi que de régulation, coercitive ou non. Au moyen de la libération du développement des forces productives sociales des obstacles du capitalisme, on serait parvenu à la plus large satisfaction des besoins humains, donc à l’inutilité de tout pouvoir régulateur. Emerge donc l’idée que l’objectif de l’émancipation humaine doit être abordé en d’autres termes ; c’est-à-dire en ne posant pas le socialisme comme une liberté totale mais comme une liberté de démocratie, non pas comme une absence de règles, l’abondance étant dans les conditions d’existence productrice du niveau le plus élevé de morale sociale, donc d’une auto modération générale individuelle, mais d’un système de règles en même temps éthiques et démocratiques qui définissent les limites du comportement individuel et social.

Plus généralement émerge ici la nécessité théorique de se libérer des absolus idéalistes du 19ème siècle et de leurs oppositions abstraites et, par cette libération, de corriger la critique marxiste classique de la démocratie représentative parlementaire, unilatéralement marquée par le fait qu’elle a été au long d’une grande partie du 19ème servante du libéralisme et instrument de violentes répressions anti-ouvrières, donc en réalité plutôt la démocratie pour les seules classes dominantes qu’un instrument et un lieu de la participation sociale à la politique, donc instrument aussi pour la satisfaction des demandes des subjectivités sociales subalternes. Cela n’a aucun sens concret, le 20ème siècle l’a abondamment démontré, et presque toujours malheureusement en négatif, d’opposer la liberté du communisme à la démocratie représentative parlementaire ; cette dernière, au contraire, a été le résultat de processus concrets de libération sociale, encore que les classes dominantes aient tendu à se l’annexer, donc partie de l’avancée plus générale de civilisation de l’Occident. Si elle est aujourd’hui en crise, la solution de cette crise n’est donc pas dans son abolition mais dans son développement.

La gauche politique d’alternative, en dernier lieu, a dans sa tradition l’idée que la réappropriation des moyens de production, entendus au sens le plus large, doit nécessairement se produire à travers la réappropriation de la totalité de ces moyens de la part de la société. Si cette réappropriation fut au début pensée en concomitance avec la démocratie directe, comme premier temps et puis avec l’extinction de tout pouvoir étatique, comme temps suivant, elle s’est renversée, à la suite de l’échec de la démocratie directe comme unique forme du pouvoir dans la transformation socialiste, en une idée et en une pratique de la centralisation absolue des moyens de production, et puis de toute la société, aux mains de l’état. Dans cette étatisation absolue, il y a donc une autre antichambre culturelle et pratique, avec la violence, de l’allongement de la distance entre gouvernants et gouvernés et de l’autoritarisme dans ces formations sociales du 20ème siècle qui ont tenté des processus de transformation socialiste.

Il convient donc que la gauche d’alternative substitue à l’idée de cette étatisation absolue l’idée d’ un "modèle"souple de la société en cours de transformation et, en elle, de l’économie.

En donnant des exemples, cela signifie qu’il faudrait combiner à la propriété par l’état de grandes unités productives ou de secteurs de portée stratégique, d’autres formes de réappropriation sociale, décentrées, coopératives, sur des bases familiales aussi (de paysans, d’artisans), etc. ; qu’il faudrait associer à la gestion de telles unités et secteurs les travailleurs, les populations des territoires d’insertion, les consommateurs, en somme selon les caractéristiques de la production, toutes les parties sociales intéressées ; et que l’on substitue simplement à la détermination rigide par le haut des prix, quelques prix "politiques"c’est-à-dire plus élevés ou plus bas que ce que définirait le marché, en répondant à des priorités démocratiquement définies de transformation de la consommation et de redistribution du revenu.

L’avantage d’un tel modèle souple serait, outre une meilleure efficacité économique, les systèmes économiques totalement nationalisés ayant abondamment renseigné tout au long du 20ème siècle sur leur inefficacité, leur irrationalité et leurs gaspillages, de permettre à la société de pouvoir intervenir rapidement et efficacement sur ces points de sa transformation qui se manifesteraient fragiles, inefficaces ou qui donneraient des résultats inverses aux attentes.

En outre, des éléments de marché et d’activité productive privée ne sont pas incompatibles avec ce modèle. Ce qui est réellement antagoniste à ce modèle, ce sont l’idée et la pratique d’une "société de marché", c’est-à-dire l’autonomisation et le privilège du marché par rapport à toutes les autres dimensions et à tous les autres rapports de l’existence sociale et sa conséquence : l’annexion au marché (à la marchandisation) de toutes les dimensions de l’existence sociale et de tous les éléments de la réalité humaine et non humaine. Des formes de marché ont existé avant le capitalisme, même dans des sociétés égalitaires, ce qui différencie donc le capitalisme des formations historiques précédentes n’est pas le marché mais la généralisation du marché et sa conséquence de séparation antagoniste de l’économie (de ses rapports, de ses objectifs) des autres dimensions de l’existence sociale. Il s’agit alors de ramener l’économie sous contrôle social, ou de la rendre à nouveau fonctionnelle au processus général de l’existence sociale et, par des processus démocratiques de décision, d’en redéfinir les caractères, les orientations productives et les rapports internes.

Cela peut sembler un recul par rapport au principe socialiste traditionnel de l’abolition de la propriété privée des moyens de production et par rapport à celui de l’abolition même du marché. L’expérience du 20ème siècle a vu, cependant, sous certains aspects l’impraticabilité de ces principes, sous d’autres le caractère contre-productif de leurs tentatives d’application : de la crise agraire permanente des pays à "socialisme réel" à l’échec de la planification totale de l’économie, renversée en un gaspillage des plus irrationnels des ressources économiques et de celles de la nature et dans le manque de soin de la propriété publique de la part des populations, en passant par l’incapacité de fournir aux populations des services au détail et des moyens de consommation adéquats. Le principe égalitaire et celui de la réalisation d’une société totalement libre se sont ainsi renversés en un égalitarisme à la baisse des conditions de l’existence matérielle pour la majorité de la société, en une corruption matérielle et morale des appareils dominants et en une nouvelle forme de despotisme, dans certaines de ses phases en une férocité anti-sociale absolue. A la racine de cet échec, il y a eu aussi la prétention, tout aussi holistique que celle des théories libérales du capitalisme, de construire une nouvelle organisation générale de la société en opérant des transformations de l’économie qui étaient le renversement abstrait de la "société de marché", c’est-à-dire en ignorant la complexité des milieux, des processus et des rapports de l’existence sociale et la complexité anthropologique même des êtres humains. Il faut en outre constater comment le socialisme du 21ème siècle qui essaie de démarrer dans une partie de l’Amérique latine, voulant se fonder sur un processus de remise du pouvoir politique aux populations et sur le rôle d’acteur autonome des réalités qui leur sont associées, à commencer par celles des subjectivités historiquement subalternes, à travers des politiques de budget participatif, d’information participative, de développement des relations discursives entre les organismes des subjectivités subalternes, tend à réduire les espaces de marché mais en même temps à s’en annexer quelques-uns, valorisant ainsi le rôle même d’acteur de la société : au moyen de mesures de remise de la terre et des eaux aux communautés et aux familles de paysans ou aux communautés de pécheurs hors de perspectives de collectivisation forcée mais bien plutôt en fournissant des ressources à des formes de coopération volontaire, le micro crédit, l’expansion des activités des ONG, le soutien à la "petite production marchande" de paysans ou d’artisans, le soutien même à des secteurs de petite et moyenne entreprise capitaliste orientés, du fait du caractère de leur production, vers l’expansion du marché interne, donc favorables à l’expansion des potentialités de consommation des populations.

Tout ceci signifie, en outre, l’obsolescence de l’opposition classique au sein de la gauche entre réformistes et révolutionnaires. Elle surgit vers la fin du 19ème fortement marquée par le thème d’une crise autodestructive imminente ou non du capitalisme et porta au cours de la première guerre mondiale, dans le sillage de la capitulation ou des incertitudes devant le bellicisme des bourgeoisies du côté réformiste, à la scission du mouvement ouvrier. L’histoire du 20ème a successivement constaté aussi bien la vitalité du capitalisme que de nouvelles involutions du gros de la social-démocratie dans le sens subalterne et l’involution autoritaire des formations gouvernées par les partis communistes. La reprise aujourd’hui du socialisme, encore que débutante, en Amérique latine suggère des parcours qui récupèrent ce qu’il y a eu en tout cas de fécond sur les deux versants : l’idée, donc, de la nécessité de la transformation socialiste pour faire vraiment face aux désastres, de types divers, du capitalisme, l’idée, de même, de la complexité de l’organisme social et, pour cela aussi, l’idée de la démocratie comme lieu et comme moyen de la transformation.

Tout ceci comporte enfin la remise au point de l’adversaire à battre. Historiquement les révolutions sont advenues quand un segment de la société se séparait de façon antagoniste de la grande majorité de la société. Non pas que les rapports d’exploitation n’aient pas été présents auparavant : ils étaient toutefois également des rapports internes au peuple. La séparation antagoniste d’un segment de la société par rapport à la grande majorité de la société est, donc, bien au-delà de la force des rapports d’exploitation : la constitution de ce segment dans une grande puissance incontrôlée et sans opposition puisqu’elle s’est emparée de l’état ou s’est faite elle-même état ; le déchaînement en son sein des plus violentes pulsions anti-sociales et de cultures et d’anthropologies sociopathiques, le déchaînement en son sein de la pulsion à des augmentations croissantes de pouvoir économique et politique incontrôlé. Ni les commerçants, ni les artisans, ni les petits entrepreneurs, ni les petits paysans, ni même les moyens, n’appartiennent à ces processus. L’adversaire à battre n’est donc pas dans la bourgeoisie en tant que telle ou dans le marché en tant que tel, mais bien plutôt, avec la "société de marché", dans les grandes puissances économiques, culturelles et politiques représentées par les grandes concentrations productives, en particulier par les multinationales, par la grande finance spéculative, par les technocraties qui gouvernent, pour le compte de grandes concentrations productives et de la grande finance, l’économie mondiale (FMI, OMC, Banque Mondiale, etc.), par le contrôle des grandes concentrations productives sur la recherche scientifique et sur les grands appareils d’information, par les grands pouvoirs militaires (comme l’OTAN), par les appareils politiques en symbiose avec tous ces grands pouvoirs, par les grands business criminels de la drogue, du trafic d’êtres humains, de déchets et d’armes, mêlés eux aussi à des pouvoirs économiques et politiques légaux. Et donc, contre ceux-ci, contre leur manipulations sociales, contre la destruction qu’ils pratiquent de tous les éléments autonomes de l’organisation sociale, contre leur réorganisation de l’organisme social, dans le sens de son atomisation à l’enseigne de la xénophobie et de la guerre non seulement économique mais anthropologique de tous contre tous, dont les batailles dans les stades de foot, les black-bloc et les casseurs sont les dernières manifestations phénoménales en Occident et les kamikazes chargés d’explosifs la dernière dans la périphérie capitaliste opprimée et recolonisée, il faut reconstruire un "peuple", dans l’acception classique de l’ensemble des subjectivités subalternes, donc un peuple révolutionnaire. Ici aussi, finalement, c’est l’Amérique latine qui nous montre le chemin : dans l’ensemble de ses expériences actuelles de marque socialiste, aussi incertaines et controversées soient-elles, pour certaines, elle tente de pratiquer la construction d’un peuple latino-américain, non seulement pour rompre la sujétion à l’Empire étasunien mais bien pour définir son propre chemin autonome de développement social.

Addendum. A la mise en route du gouvernement Prodi

Le camp vainqueur, même si c’est de peu, des élections des 28 et 29 avril derniers (c’est-à-dire l’Unione) configure en son sein des potentialités dynamiques à plus d’un sens. Ces potentialités ne sont pas seulement l’expression du caractère général (politique, culturel, social) composé par l’Unione : il faut aussi avoir en tête que l’Unione est l’expression aussi bien d’une demande agissant à l’intérieur de segments sociaux très différents de retour à la démocratie dans sa forme parlementaire traditionnelle, donc à l’ "état de droit" (de l’équilibre entre les différents pouvoirs fondamentaux, de l’état ou non), et de développement du système des droits civils (tels que la reconnaissance des droits des couples de fait, des immigrés, des femmes elles-mêmes), après les incursions dévastatrices de cinq années de gouvernement de la droite, que d’une demande essentiellement populaire de reconstitution de bonnes conditions d’existence et de sécurité de l’emploi, au moyen de normes de protection adaptées et d’une nouvelle croissance de l’ "état social", après vingt ans de lourdes atteintes libérales. Autrement dit, il faut aussi avoir en tête que, tandis que sur le premier ordre de questions (le retour à la démocratie, etc.) les rangs de l’Unione semblent présenter une cohésion suffisante, sur le second (la reconstitution de bonnes conditions d’existence sociale et de travail) ces rangs semblent rassemblés par des accords de compromis pour une certaine partie génériques et, surtout, instables, c’est-à-dire susceptibles d’évoluer dans plusieurs directions, sous la pression des évènements politiques, économiques, etc. et, avec eux, des rapports de force entre des intérêts sociaux différents et même, sous de nombreux aspects, antagonistes.

On peut aussi dire la chose suivante : que le premier ordre de questions exprime l’exigence d’une réponse à des conditions d’urgence démocratique et le second l’exigence d’une réponse à des conditions d’urgence sociale et que les producteurs de ces exigences ne se superposent que partiellement et que, s’il est vrai que ces urgences et les réponses à ces urgences sont unies par des synergies, il est vrai aussi que celle du niveau social (et donc économique) reçoit dans l’Unione des réponses différenciées. Une partie, en effet, veut des réponses ouvertes aux demandes de la base populaire de l’Unione, une autre, en revanche, continue à pencher, dans le sillage des passages culturels du gros de la politique au cours des vingt dernières années, pour des réponses de type plus ou moins libéral, et enfin encore une autre partie, peut-être prévalente, apparaît incertaine et oscillante, provenant d’orientations semi libérales mais ayant constaté l’échec économique, les effets d’appauvrissement et de misère de larges parties des populations et les effets, par conséquent, de débandade populiste, antidémocratique et raciste du libéralisme dans toute l’Europe et particulièrement en Italie.

Ce serait cependant une erreur de la part de la gauche politique d’alternative, dans le sillage de la tradition d’une grande partie du communisme du 20ème , de se séparer de l’Unione ou même seulement de ne pas participer à son gouvernement. Que cela plaise ou non aux composantes les plus modérées, semi libérales, de l’Unione et aux composantes oscillantes, exposées aux sollicitations de la Cofindustria, des mass-media et de la Commission Européenne, le retour à la démocratie parlementaire demande une certaine disponibilité par rapport aux attentes de type social des subjectivités subalternes. De manière analogue, ce n’est qu’à travers un compromis avec ces composantes que ces attentes peuvent aujourd’hui tenter d’obtenir un résultat. Il s’agit alors, pour les gauches politiques d’alternative, de considérer la participation au gouvernement de l’Unione comme la présence dans une sorte de casemate, à travers laquelle, et en s’appuyant sur l’action de mouvements, de forces syndicales, sur leur mobilisation, etc., il soit possible de solliciter une lecture de gauche de l’ensemble des points du programme de l’Unione, surtout en matière économique et sociale, et de tenter aussi de remettre en discussion certains points particulièrement ambigus pour ne pas dire dangereux de ce programme, comme sur le terrain des dites libéralisations. De ce point du vue, en outre, la défense de l’"autosuffisance" parlementaire de l’Unione apparaît décisive, contre les sollicitations, parties immédiatement des mass-media, à des médiations et à des accords avec la droite.

Il apparaît ainsi indispensable, sur le terrain même du retour à la démocratie, que son caractère essentiellement parlementaire soit de nouveau porteur de valeurs sociales significatives, outre la reconstitution d’un équilibre entre pouvoirs, y compris ceux du terrain de l’information et la réaffirmation et la mise en pratique du principe que la loi est égale pour tous, c’est-à-dire, y compris pour les riches et les puissants. Il apparaît donc indispensable que la défense de la Constitution républicaine, antifasciste et démocratique de 1947 soit assortie d’une loi sur le droit des salariés à décider directement en matière contractuelle, de l’abolition de la législature classique sur l’école, de celle des lois vexatoires contre les migrants, de celle des lager pour les migrants en situation illégale, de la reconnaissance du droit d’asile pour ceux qui fuient des théâtres de guerre ou la faim, de l’abolition des lois qui ont favorisé la précarisation du travail subordonné, de celle des lois vexatoires contre la maternité assistée et contre les personnes toxicomanes, de la pleine reconnaissance des droits des unions de fait, de la reconnaissance des droits électoraux au niveau local des migrants présents depuis au moins cinq ans en Italie, du plein retour à des systèmes d’élection des représentants institutionnels (au niveau national comme au niveau local) de type proportionnel, du retour à la prévalence des pouvoirs des assemblées représentatives sur ceux des assemblées exécutives (toujours au niveau national et au niveau local), du retour à des critères adéquatement progressifs de prélèvement fiscal, de l’abolition des lois et de la fin des mesures de politique fiscale ad personam, d’une loi efficace en matière de conflits d’intérêts, du retour à la pénalisation de l’abus de confiance, du retour au prélèvement fiscal sur les grandes successions, de l’abolition de l’impossibilité pour le ministère public de faire appel dans le cas d’une absolution en première instance des accusés, d’une loi efficace contre l’oligopole télévisuel privé et le ratissage hors norme à but publicitaire (au détriment donc des chaînes mineures et de la presse sur papier), la fin des amnisties fiscales, immobilières et environnementales.

Il apparaît en outre indispensable que soit rapidement prises par le gouvernement de l’Unione une série de nouvelles mesures économiques et sociales, au niveau de stimulations fiscales à la reprise de l’économie, d’augmentations des salaires, toujours par voie fiscale et par une plus grande sécurité de l’emploi, de l’augmentation du prélèvement fiscal sur les grandes rentes spéculatives et de lutte contre l’évasion fiscale et le travail au noir, de reconstruction de critères d’indexation des rétributions et des retraites par rapport à l’inflation réelle, etc. Et le territoire devra être à son tour mieux protégé par l’abolition de lois qui, de fait, dérogent aux normes européennes en matière environnementale et par le respect des positions des communautés locales.

L’ensemble de toutes ces mesures de nature sociale et économiques sera-t-il effectivement adopté, et dans de brefs délais ? S’agira-t-il d’un ensemble de mesures sans vides significatifs, sans ambiguïtés, sans éléments négatifs plus ou moins importants ? Cela dépendra aussi de la capacité de mobilisation des gauches d’alternative, politiques, sociales et de mouvement. De nombreuses figures et associations démocratiques et de gauche, attentives surtout aux thèmes du retour à la démocratie, ont déjà déclaré qu’elles feront attention aux cent premiers jours du gouvernement Prodi pour en comprendre la marque et les perspectives réelles.
Il faut que les forces de la gauche d’alternative se situent de manière homogène, en faisant attention bien sûr non seulement aux thèmes du retour à la démocratie mais aussi à ceux de la politique économique et sociale ; en outre, qu’elles s’activent rapidement, par des campagnes d’opinion publique et de mobilisations sur les thèmes les plus importants, les plus qualifiants et les plus urgents.

Plus graduellement, cela semble très probable, étant données les mauvaises conditions économiques et budgétaires de l’Italie, pourront venir des mesures de différente nature de soutien direct ou par voie fiscale au revenu des travailleurs subordonnés, du petit travail autonome, des personnes sans travail ou qui ont perdu leur travail, des retraités, des agriculteurs, des familles qui ne disposent pas du minimum vital, des familles nombreuses, des personnes en congé de maternité ou de paternité, etc. Plus graduellement encore, pourront être reconstitués et aussi étendus des systèmes de protection sociale, des crèches à l’école obligatoire, de la santé à l’assistance aux personnes handicapées, de l’assistance aux personnes non autosuffisantes à celles des personnes porteuses de graves handicap psychiques, de l’assistance aux personnes toxicomanes à la construction de logements sociaux. Un ensemble de mesures du côté du développement du Mezzogiorno pourra être immédiatement mis en route, nécessitant toutefois de longs délais pour son achèvement et ses résultats, concernant les infrastructures de transport, l’eau, la valorisation des ressources locales, la lutte contre la criminalité organisée, le renforcement donc des appareils mis en place pour les enquêtes et la répression, etc. On peut en dire autant d’une politique industrielle qui puisse reconstituer une importante présence italienne dans les secteurs de plus haute technologie et promouvoir de forts investissements dans la recherche scientifique et technologique. On peut en dire autant, encore, d’une politique de relance et de retour à un réseau capillaire des transports ferroviaires, dévastés par le privilège accordé au transport sur route et par des privatisations chaotiques. En tout cas, il s’agit ici aussi de mesures indispensables, que ce soit sous l’angle de la démocratie ou sous celui de la qualité sociale.

Afin d’éviter des erreurs, il faut également, raisonner sur les potentialités effectives de l’Unione sur le plan des politiques avancées de transformation de la société. De telles potentialités, déjà, ne pourraient mûrir dans une large partie de l’Unione qu’à la condition de mobilisations sociales, étendues, continues et générales. Il leur faut, en outre, des conditions qui leur permettent de dépasser les différents obstacles énormes de nature internationale : des conditions qui ne sont pas présentes aujourd’hui. A plus forte raison, donc, la nécessité de tenir la casemate du gouvernement de la part des gauches politiques d’alternative : la perspective de politiques avancées de transformation de la société ne peut qu’être une perspective à longue échéance.

Les obstacles politiques subjectifs dans l’Union et les obstacles politiques et sociaux internes à l’Italie par rapport à cette perspective sont bien visibles et il est donc inutile de les récapituler. En revanche, les obstacles institutionnels, juridiques et même économiques de type international sont moins présents à l’attention des gauches d’alternative, politiques ou non ; on peut schématiquement les diviser en deux : la libéralisation planétaire de type libéral des mouvements de capitaux, à commencer par les capitaux monétaires, avec la corrélative domination de la grande finance spéculative, dans le cadre des grands pouvoirs capitalistes, et les règles de l’Union Européenne, de type fondamentalement libéral.

Il peut être utile pour éclairer le raisonnement de rappeler le Traité général de 1936 de Keynes. Keynes y fait le biln des politiques économiques qu’il a inventées et que les différents grands pays capitalistes ont adoptées face à la grande crise de 1929, constatant qu’elles n’ont été que partiellement efficaces, puisque l’énorme quantité des moyens monétaires aux mains de la finance spéculative, son autonomisation, de même que la dépendance des investissements du capitalisme industriel des moyens aux mains de la finance avaient signifié que l’augmentation attendue de l’offre, c’est-à-dire de la production, n’avait pas toujours correspondu à la production de demande de la part de l’état (au moyen de politiques d’oeuvres publiques, de soutien de l’emploi et des salaires, d’élargissement de l’ "état social") ; puisque dans son ensemble le capitalisme tendait à s’orienter dans ce sens seulement dans la perspective d’en tirer plus de bénéfice que ne lui en apportait, en réalité, le terrain des opérations spéculatives. Si bien que Keynes concluait, et il n’était certes pas un sanguinaire bolchevique mais un démocrate visant à la réforme du capitalisme qui était nécessaire aussi bien dans le but du développement économique que de la croissance de l’emploi et de l’ "état social", la socialisation des investissements et l’euthanasie du rentier. Aujourd’hui, justement, ni la socialisation des investissements, ni l’euthanasie du rentier ne sont permises à l’Italie par la régulation capitaliste libérale de l’économie internationale, fixée par des accords et par des règles et renforcée par des sanctions, ni par celle tout aussi capitaliste libérale des économies de l’Union Européenne, fixée par des traités et renforcée par des sanctions encore plus contraignantes.

Si bien que le programme de l’Union (et plus généralement ses rangs) s’avère traversé par une contradiction aiguë sur le terrain de la politique économique qui, en outre, se dissipe en une contradiction aiguë sur le terrain de la perspective de société. D’un côté, en effet, il y a l’idée de procéder à une série de mesures de redistribution du surplus visant à l’amélioration des conditions d’existence du travail salarié et plus généralement des subjectivités subalternes, pensant ainsi remettre en mouvement ascendant la demande sociale et donc la production ; de l’autre, l’idée de se mouvoir dans le cadre des "marchés financiers" en vigueur, en substance de produire des mesures dans des termes non seulement acceptables par ces marchés mais propres à en stimuler la tendance à des investissements productifs. D’un côté, il y a Keynes, avec sa critique de l’autonomie de la finance capitaliste dans le choix de l’utilisation de ses capitaux, de l’autre il y a l’économie de base libérale qui, en substance, se subordonne à cette autonomie et dont cette autonomie cherche à gagner les bonnes grâces. Il existe certainement quelques possibilités de médiation entre les deux positions, en manoeuvrant et en zigzagant : cependant les marges de médiation sont très étroites et c’est pourquoi elle peut sauter aussi bien à droite, à la suite d’un échec en matière de reprise productive, puisque les "marchés financiers" n’ont pas coopéré, qu’à gauche, à la suite d’une augmentation de pression de la part des subjectivités subalternes pour que la redistribution du surplus leur soit plus favorable, sous une forme ou sous une autre.

En conclusion, il y a, sur la table, et listées dans le programme de l’Unione, beaucoup de mesures positives, et même importantes, et ceci même si elles sont parfois traversées d’éléments d’incertitude ou de quelques traits négatifs ; il ne s’agit pas non plus, bien que ce soit un ensemble de mesures partielles, d’un ensemble de faible portée et encore moins de faible signification (dans les conditions de l’Italie, il peut contribuer à la configuration d’un nouveau processus ascendant des conquêtes économiques, sociales, politiques, culturelles, morales des subjectivités sociales et de mouvement) : il s’agit cependant d’un ensemble de mesures éloigné d’une réforme générale avancée du capitalisme et à plus forte raison d’une politique de réformes qui puisse vraiment se poser comme la mise en route d’une transformation plus générale de la société. Les pouvoirs économiques fondamentaux ainsi que les pouvoirs juridiques et super étatiques tout aussi fondamentaux continueront à revenir, directement ou de fait, aux grandes puissances de l’industrie et surtout de la finance, d’un côté, et aux technocraties libérales qui gouvernent l’économie mondiale et celle de l’Union Européenne de l’autre. Ces pouvoirs risqueront de mettre en danger, de façons multiples, voulues ou non, aussi bien l’action de réforme du gouvernement Prodi, si partielle soit-elle, que sa tentative même de remettre en marche l’activité productive.

Des perspectives analogues à celles de l’Italie peuvent cependant s’ouvrir à brève échéance en France, et au-delà en Allemagne et en Espagne. C’est pourquoi, il s’agit, en attendant, d’affirmer une localisation la plus à gauche possible de l’Unione et de son gouvernement et de récupérer les débandades populistes, antidémocratiques et racistes alimentées par la peur de l’avenir et de la droite dans la population italienne, y compris la part congrue, la plus démunie, atomisée et sans organisation et d’histoire de participation à des luttes sociales des subjectivités subalternes. Dans une certaine mesure, cela pourrait même servir à faire bouger la situation des autres pays européens.

La tenue de la casemate du gouvernement devrait donc, en dernier lieu, être aussi attentive à des initiatives directes de réalisation, dans une perspective à terme, de conditions internationales et européennes qui, pour le moins, soulagent la pression libérale sur l’Italie et même sur l’Union Européenne dans son ensemble.

Dans cette perspective apparaissent décisives aussi bien la reprise des mobilisations internationales et nationales de mouvement contre la globalisation capitaliste (ses règles de libre-échange de type libéral favorables à la grande finance et ruineuses pour une partie de la périphérie capitaliste, comme pour les conditions d’existence et de travail conquises par les classes laborieuses de l’Occident, comme pour les écosystèmes, le climat, les conditions d’existence des générations à venir), que le développement de mobilisations et de luttes à l’échelle européenne pour la modification des orientations (monétaires libérales, et donc anti-sociales, des budgets) aujourd’hui à la base des traités de l’Union Européenne (en empêchant des tentatives de relance du Traité Constitutionnel Européen rejeté par les referendum français et hollandais, en imposant un processus de redéfinition des conditions et des orientations générales de l’Union Européenne dont soient acteurs les populations, et non pas des couches politiques étroites, et en arrivant ainsi à transformer l’Union Européenne, de marâtre anti-sociale comme elle l’a été depuis le Traité de Maastricht en bien commun).
Il apparaît aussi indispensable, dans cette perspective, de relancer la vocation méditerranéenne de l’Italie, par le retrait rapide du contingent d’occupation de l’Irak, le retrait du contingent engagé dans la guerre civile en Afghanistan, le retour à une amitié avec la Palestine et à une position équilibrée dans le conflit israélo-palestinien (contre, donc, les annexions israéliennes de territoires palestiniens), l’opposition ouverte à une nouvelle guerre étasunienne contre l’Iran, le développement d’une politique internationale qui s’oppose à l’unilatéralisme et au militarisme de la droite étasunienne et vise à un monde multipolaire et de coexistence pacifique, avec un fort rôle européen, l’effacement de la dette des pays pauvres de la périphérie capitaliste, une redéfinition des échanges avec ces pays qui représente un avantage substantiel pour leurs populations et leurs économies. Le retour de la Méditerranée comme lieu d’échanges économiques et culturels positifs entre les populations et les pays de l’ensemble de ses rives (autrement dit, la Méditerranée comme bien commun de ses populations) pourrait constituer une occasion de développement positif pour elles et un moment fondamental positif d’inversion de tendance dans les relations économiques et politiques internationales.


Normes régulatrices de "Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne

Florence, 1 juillet 2006

I "Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne est un des moments de coagulation internes au processus de la construction de Gauche Européenne – section italienne.

II "Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne se propose de recevoir l’adhésion de figures et d’organismes participants des luttes sociales et des expériences de mouvement contre le libéralisme et les politiques de guerre et orientés culturellement et politiquement par la perspective d’une alternative de société, démocratique et socialiste, au capitalisme.

III Les positions culturelles et politiques fondatrices de Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne sont définies dans les documents Pourquoi "Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne et Vers la"Gauche Européenne – section Italienne" : une contribution des expériences sociales et de mouvement rassemblées dans "Socialisme

XXI" - Forum pour la Gauche Européenne.

IV "Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne se configure en tant que réseau d’organismes autonomes et de figures opérant dans des organismes autonomes et respecte l’autonomie de ces organismes.

V Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne se donne donc des procédures de gestion surtout horizontales, auxquelles s’ajoute un minimum fonctionnel d’organes de gestion.

VI Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne entend pratiquer la coopération avec les autres moments de coagulation au sein de la construction de "Gauche Européenne – section Italienne" et avec le Parti de la Refondazione Comunista.

VII "Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne est donc favorable à ce que la coopération avec les autres moments de coagulation advienne aussi à travers la participation croisée de ses propres organes de gestion et de ceux de ces autres moments.

VIII "Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne définira la participation aux moments constitutifs de Gauche Européenne – section Italienne à type de congrès par l’intermédiaire de ses propres délégations définies par ses propres assemblées.

IX "Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne se donne un organe de coordination, un organe exécutif et deux porte-parole, aux fins exclusives de son propre fonctionnement et du développement des rapports avec les autres moments de coagulation à l’intérieur de Gauche Européenne – section Italienne, avec le Parti de la Refondazione Comunista, en outre avec les autres organismes politiques, sociaux et de mouvement du champ des gauches d’alternative.

X L’organe de coordination doit être représentatif de la totalité des organismes participants de "Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne, en plus comprendre des figures significatives participantes d’expériences sociales et de mouvement et des figures de représentants institutionnels des gauches d’alternative.

XI Cet organe est élu annuellement par l’assemblée de "Socialisme

XXI" – Forum pour la Gauche Européenne.

XII Il opère sur la base des mandats des assemblées de Socialisme

XXI" – Forum pour la Gauche Européenne

XIII Au moment où s’avèrerait, par suite du développement de Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne, une difficulté pratique de procéder à cette élection par l’intermédiaire d’assemblées, on y procèdera par l’intermédiaire d’assemblées de délégués des différents organismes plus des figures significatives d’expériences sociales et de mouvement et des figures de représentants institutionnels des gauche d’alternative, participants de Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne.

XIV L’organe exécutif, qui doit être plus restreint et dont les caractéristiques doivent lui permettre une activité continue, est élu annuellement par l’organe de coordination, immédiatement après l’élection de celui-ci.

XV L’organe exécutif peut être révoqué et réélu à tout moment par l’organe de coordination.

XVI L’organe exécutif opère sur la base des mandats de l’organe de coordination.

XVII L’organe exécutif se dote de deux porte-parole, une femme et un homme.

XVIII Ceux-ci sont révocables et remplaçables à tout moment par l’organe exécutif.

XIX L’organe de coordination nomme un trésorier.

XX Le trésorier, s’il n’est pas déjà membre de l’organe de coordination, en devient membre.

XXI Le trésorier-administrateur a le devoir de gérer la situation économique et financière de Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne et doit présenter annuellement à son assemblée un bilan d’activités.

XXII Le trésorier est révocable et remplaçable à tout moment par l’organe de coordination.

XXIII L’organe de coordination peut promouvoir la constitution de commissions de recherche ou de travail, permanentes ou ad hoc et en définit les domaines de compétence et les missions.

XXIV L’adhésion à Socialisme XXI" – Forum pour la Gauche Européenne de la part de nouveaux organismes ou figures ne nécessite pas de procédure particulière si ce n’est sa communication aux organismes et aux figures déjà participants.

XXV Cette adhésion peut être contestée par des organismes ou des figures déjà participants. Dans ce cas, la question est renvoyée pour décision à l’organisme de coordination.


Vers le sujet politique confédéré "Gauche Européenne"

http://bellaciao.org/fr/art_ge.php?id_article=41401

Messages

  • sous réserve d’une relecture (que j’espère possible avant l’arrivée du grand soir), mon résumé de ce (trop) long mais néanmoins passionnant texte, ce serait :

    Intellos de tous les recoins (de la pensée subversive), ne lâchez rien avant d’avoir compris à quoi l’ensemble de votre histoire (perso) tient :

    Si cela ne tenait qu’à un fil (le fil rouge de votre Histoire), identifiez (pas par réflexe identitaire, mais pour préserver la diversité des "espèces idéologiques"...) quelle est "votre ligne de vie"...

    Si vous négligez cette précaution, vous couperez peut-être une corde de rappel et vous rejoindrez un tas sanguinolant en bas de la falaise de l’Histoire (l’Histoire des négationnismes, des renégats et des "perdus pour cause de désinvolture").

    Comme il s’agit ici de (mon) résumé :

    "soyons intelligents !"

    intelligent cela veut dire, "capable de vivre (penser, autrement dit) en intelligence"..AVEC la soi-disant "bêtise" d’autrui.

    Car ce que nous avons de "neuf" (d’inédit) à construire , risque fort de ne comporter , en matière d’authentique "nouveauté", que de "l’INATTENDU" :

    Bref, attendons nous à être les premiers surpris par "le génie populaire" .

    conclusion : la "gauche Européenne" aura besoin de ses passés, si elle veut les dépasser !