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Yogafolies

Publie le mardi 6 mars 2007 par Open-Publishing
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CULTURE POP / Il y a la version combinée, la version amincissante ou même disco. De Sydney à Tokyo. L’ancien système hindouiste n’est-il aujourd’hui qu’une source de profit ?

De la très ancienne discipline mentale sont nées mille versions pour tous les goûts. Mais les maîtres avertissent : ce n’est pas que de la gym

de Monica Marelli Traduit de l’italien par karl&rosa

De la fenêtre on voit les palmiers de la côte californienne mais dans la pièce, où environ vingt personnes sont réunies, la température est celle d’un sauna. Certains, fatigués et en sueur, croisent péniblement les jambes, font des mouvements plus ou moins souples en essayant de rester quelques secondes dans des positions pas exactement confortables. Leur enseignant dit que ce n’est que dans cette bulle très chaude que l’on peut reproduire les conditions climatiques de l’Inde et s’immerger complètement dans la bonne atmosphère pour faire du yoga. Cela arrive à Los Angeles et c’est une leçon de hot yoga (hot signifie chaud, justement).

Mais à quelques kilomètres de distance, à Laguna Beach, il y en a d’autres, qui sont engagés dans le « laughter yoga », littéralement « yoga à rire «  : ici, des personnes stressées se baladent dans une pièce en riant et en agitant les mains vers le ciel. Mais des Etats-Unis à l’Angleterre, de Sydney à Tokyo les différentes interprétations de l’ancienne discipline orientale sont nombreuses. Et alors voila la mode du chi yoga (une combinaison de tai chi et ashtanga yoga), du sport yoga (aérobic et yoga) et du fitcamp fusion (yoga et pilates), mais aussi du yoga pour perdre du poids ou du disco yoga.

Des styles différents, mais surtout ressemblant tellement de plus en plus à une compétition physique qu’au Royaume Uni sont nés les championnats de yoga, que les « dévots » voudraient transformer en une discipline olympique. Mais tous ces enseignements peuvent-ils être considérés comme « authentiques » ? Ou bien l’ancien système orthodoxe de la philosophie hindouiste, où le parcours d’union entre le mental, le corps et l’esprit est le véritable but, a été adroitement « pillé » et modifié en une source de profit ? Le doute est là mais il y a aussi des aspects positifs. Il suffit de savoir où chercher, comme le dit Eros Selvanizza, président de la Fédération italienne de yoga et professeur à l’Université de Parme et à l’école de formation : « Il est indéniable que ce qui pousse nombre d’initiatives est le profit. Peut-être les principes du yoga peuvent-ils être rendus superficiels par la nécessité d’offrir des parcours pas trop absorbants, attirant beaucoup de personnes. Mais je crois que le message peut arriver quand même. La capacité d’enseignement du maître est importante mais la réceptivité de l’élève ne doit pas être sous-évaluée : s’il est désireux de « progresser », il peut absorber deux ou trois suggestions déchaînant en lui l’envie d’une recherche approfondie », soutient-il. « Certes, plusieurs choses ont changé par rapport à il y a des siècles », admet Selvanizza. « L’enseignant court après l’élève au gymnase tandis que jadis c’était l’élève qui, en échange de la connaissance, se chargeait d’assurer les besoins primaires du maître et de sa famille, en offrant souvent la nourriture. Evidemment cela n’est plus pensable aujourd’hui : voila pourquoi l’argent n’est pas complètement négatif. Le yoga est-il à la mode ? C’est mieux ainsi : on crée des entreprises, des emplois, on répand du bien-être et de la sérénité ».

Selvanizza fait un parallèle avec les autres disciplines orientales. « Le karaté original », explique-t-il, « était le karaté-do. Comme le ju-do, l’aiki-do. Le suffixe « do » nous indique que cette discipline est avant tout un style de vie. On apprend à combattre contre l’ennemi, le « vrai », celui qui est à l’intérieur de nous. Il s’agit des pulsions négatives, comme la colère, la jalousie, la rancœur. En Europe, au contraire, on n’a importé que l’aspect agonistique, en négligeant la signification « primaire ». En Italie aussi, le yoga est en train de se répandre dans différents milieux. « Depuis quelques années », raconte le président de la fédération, « grâce à une entente avec le ministère de l’Instruction, nous sommes arrivés à amener l’enseignement dans les écoles publiques et à l’université. Et puis est née l’association internationale Sarva yoga, dans le but de récupérer le yoga pur, sans les contaminations de l’argent ».

Shubha Satyaranjan, enseignant de yoga et de méditation de l’association Ananda Ashram de Milan, qui croit à l’importance de la relation avec le maître et à la nécessité de revenir aux origines, est plus prudent. Il a vingt ans d’expérience dans la méditation et il a eu un maître spécial, Shrii Shrii Anandamurti, un guide spirituel très connu dans le milieu (environ 13 sites Internet parlent de lui, dans toutes les langues). Satyaranjan dit : « Le yoga voit l’homme dans sa totalité : corps, mental et esprit. Le fait d’offrir des leçons qui ne sont faites que d’exercices privilégiant l’aspect physique, comme cela arrive souvent aujourd’hui, veut dire faire une gym un peu particulière, pas du yoga. Seuls ceux qui atteignent l’équilibre tant attendu sont en mesure de percevoir vraiment la véritable essence de cette discipline ».
Probablement les yoga-folies arriveront en Italie aussi. Eventuellement par les livres, comme le souligne Satyaranjan, qui critique l’asservissement de la culture italienne aux extravagances publiées aux Etats-Unis. « La tendance actuelle est d’offrir ce que les gens veulent », explique-t-il. « Surtout sur la vague de ce qui se passe en Amérique. Faites un saut chez le libraire : la plupart des textes publiés chez nous sont des traductions de l’américain, où ils ont eu un grand succès. Mais il ne s’agit pas de « véritables » enseignements ». Alors, qui sait, un jour nous pourrions trouver les traductions de ce qu’on vend déjà sur Amazon : Yoga for Christians, Yoga for Dummies (Yoga pour des stupides) ou Yoga’s lovers (même les bouleversements hormonaux ont-ils besoin d’un peu d’hindouisme ?). Tout cela avec une approche politically correct. Pour ceux qui, au contraire, aiment la pratique, qu’ils sachent qu’il n’est pas difficile de reconnaître le droit chemin, comme le dit Satyaranjan : « Il n’y a pas de schéma. Si après la leçon on est heureux, alors cela a été une bonne leçon ».

Cornemuses et asana
Interview avec la journaliste anglaise Kathy Philips
La journaliste anglaise Kathy Philips est très en colère. Elle aime le yoga (elle est l’auteure de The Spirit of Yoga, Cassel Illustrated) et elle en a marre de le voir « maltraité », comme s’il n’était que le dernier caprice d’une star d’Hollywood. Surtout depuis qu’elle a découvert que même les filles indiennes de Mumbai n’approchent pour la première fois cette discipline que parce que « Madonna le fait aussi ». Voila pourquoi elle a publié dans le quotidien anglais The Guardian un article avec un titre extrêmement explicite : « Il devrait être spirituel ».

Qu’est ce que c’est qui vous a poussée à écrire à propos de la nécessité de retrouver le vrai yoga ?

J’ai publié deux livres sur le yoga et je dirige le secteur santé et beauté de \. J’ai été une des premières journalistes à parler de la popularité renouvelée du yoga, depuis les années 90. Aujourd’hui les gens le considèrent comme une très grande nouveauté tandis que cette discipline a 5 000 ans d’histoire. En Grande Bretagne les enseignants croient pouvoir éduquer leurs élèves déjà après une paire d’années de pratique, sans même bien connaître l’anatomie d’un corps. Voila pourquoi parfois les personnes se font mal et commencent à le détester. Il est désagréable de voir que le yoga n’est utilisé que comme une gym aérobic parce que certains vip déclarent que « cela fait bien au corps ».

Pourquoi le yoga est-il devenu si populaire ?

« Parce que vivre est de plus en plus compliqué. Une nouvelle génération a été séduite par le bien-être qu’il offre (c’est une manière merveilleuse pour que la santé et la beauté en profitent) aussi parce qu’on se sent impuissant face à un monde de plus en plus incertain : la globalisation, les désastres écologiques, les marchés économiques et financiers dans le chaos. Comme le dit mon enseignante, Mary Stewarts : « Sous la fausse spiritualité de certains enseignements yoga il y a le désir de quelque chose de plus profond et dense de signification ». Dans le passé les gens s’adressaient à l’Eglise mais aujourd’hui, à une époque si désenchantée où la religion n’est plus capable de donner des réponses, on tend à chercher d’autres voies d’illumination. Même les stars du spectacle ont compris que les choses matérielles ne donnent pas toujours le bonheur et s’adressent souvent au yoga pour trouver d’autres satisfactions ».

Qu’est ce que c’est qui vous irrite le plus dans cette yoga manie ?

« Je n’aime pas critiquer le travail des autres. Mais j’ai remarqué que dans la plupart des cas le yoga est devenu une performance égocentrique et une manière de se mettre en compétition. Les enseignants qui n’ont pas assez étudié mêlent une prise de tai-chi, un zeste de pilate et une bonne dose de yoga avec une d’aérobic. Il mélangent tout cela et pondent leur cours le plus trendy, en pensant que c’est une trouvaille fantastique. Mais un yoga qui est adressé à la force et à la compétition n’est pas complet et crée de la désillusion ».

Quelle est la chose la plus absurde que vous ayez vue dans le monde du « nouveau » yoga ?

Trop de choses ! Je me souviens une fois dans une classe de Los Angeles : ils ont commencé à jouer de la cornemuse, qui est typique de l’Ecosse et j’ai pensé que peut-être ils pensaient que c’était vraiment de la musique indienne ».

Que conseillez-vous à ceux qui veulent approcher cette discipline pour la première fois ?

« Essayez plusieurs cours, en essayant de comprendre ce qui reste « dedans ». Si à la fin d’une journée vous n’êtes pas bien, laissez tomber. Vous devriez vous sentir calmes, renouvelés et même aussi un peu remontés. Il y a une croyance dans notre monde : tu trouves le bon maître quand tu en as besoin. Et aujourd’hui comme jamais nous avons la nécessité d’utiliser notre intelligence et de faire nos choix ».

Quel est le véritable esprit du yoga ?

« Je suis sûre qu’il est différent pour chacun de nous. Pensons par exemple aux postures. Les plus simples servent à arriver aux plus complexes. En permettant à nos muscles d’aller où nous voulons qu’ils aillent, il nous aide à aller de plus en plus en avant, où nous n’imaginons même pas pouvoir arriver. Au sens métaphorique aussi. Il n’y a rien d’irraisonnable en cela : c’est une leçon qui peut être appliquée à tout moment de la vie. Le yoga est un parcours spirituel, une philosophie indienne, une discipline pour contrôler le mental qui plonge ses racines dans des textes très anciens. Pour la plupart des occidentaux c’est un ensemble de postures appelées asana, combinées avec une respiration correcte (pranayama). Mais pour ceux qui étudient le yoga, ceci n’est qu’une partie minime du tout. Il y a l’éthique, la concentration, la méditation, dans le but de se libérer de la douleur et du chagrin ».

 http://www.dweb.repubblica.it/detta...

Messages

  • Le yoga c’est bon pour l’hypertension. En plus, le 23 avril quelques exercices de relaxation ne seront pas de trop après la soirée de la veille.

  • L’exposé est intéressant et montre qu’il y a beaucoup de croyances dans tout cela et c’est bien ce qui fait douter.

    et puis après pas mal de déboires dans la vie, la croyance selon laquelle on trouve le bon maître quand on en a besoin...

    et cette autre selon laquelle on le trouve quand on le veut,
    et cette autre encore selon laquelle si on en chie c’est qu’on en a besoin...

    me paraissent justifications plus ou moins volontaires d’un état de fait ou de projections de désir de croire que les choses sont ce que nous en voulons...

    autrement dit qu’il y a derrière tout cela la croyance radicale en la prééminence de la volonté sur la matière, voir la prééxistence de la pensée à la matière...

    ça me paraît vachement grave, car les dérives observées précisément dans ce pays qui cultive tout ça depuis cinq mille ans, un pays dans lequel les populations sont ignardes et misérables, reproduisant la misère entre autre raison par incapacité à réguler sa démographie : bordel de merde, qu’ils apprennent d’abord à faire des gosses autrement que par forçage des femmes et des hommes à se conformer à un modèle dans lequel on est rien sans un cheptel de progéniture, dans lequel on fait ce que l’on est obligé de faire en fonction de son déterminisme sexuel et social

    car outre que les cultures indiennes sont terriblement sexistes elles sont encore et toujours radicalement marquées par le système des castes et ce qui les justifie : des croyances comme celle du karma...

    ben moi ce romantisme d’occidental mal dans sa peau de petits ou de grands bourgeois nantis qui se font chier de se faire chier...

    ça me laisse songeur et nettement agacé !

    paul