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Gerhard Schröder abandonne la présidence d’un SPD traumatisé

Publie le lundi 9 février 2004 par Open-Publishing

Le chancelier allemand, Gerhard Schröder, a annoncé, vendredi 6 février, sa
démission de la présidence du SPD, mettant en avant les "difficultés de
communication" pour expliquer au Parti social démocrate la nécessité des
réformes engagées depuis quinze mois. M.Schröder tire ainsi les leçons d’une
opposition grandissante à sa politique au sein même de sa formation.

L’Agenda 2010 prévoit de profonds changements dans les principaux secteurs
de l’emploi, de la protection sociale et de la fiscalité. En chute libre
dans les sondages, le SPD doit également subir une véritable hémorragie de
militants. Cette année, plusieurs élections régionales et locales
importantes sont prévues cette année. Franz Müntefering, actuel président du
groupe SPD au Bundestag, succèdera à Gerhard Schröder à la tête du parti.

Tirant les leçons de l’impopularité croissante de son programme de réformes
auprès de la base du Parti social-démocrate (SPD), le chancelier Gerhard
Schröder en a abandonné spectaculairement la présidence, vendredi 6
février.

Il a aussitôt proposer de la confier à un de ses fidèles, le président du
groupe parlementaire du SPD au Bundestag, Franz Müntefering.
Cette grogne était montée d’un cran, ces derniers jours, après plusieurs
cafouillages au niveau du gouvernement et la proposition de créer des
universités d’élite en Allemagne. Les sondages sont catastrophiques pour le
SPD, crédité par l’un d’eux de seulement 24 % des intentions de vote, et ce
avant de nombreux rendez-vous électoraux prévus cette année aux niveaux
local et régional.

La rumeur d’une démission a commencé à courir vendredi vers midi, lorsque le
service de presse du SPD a annoncé de façon inattendue que Gerhard Schröder,
flanqué de Franz Müntefering, donnerait une conférence de presse à 13 h
30. C’était bien d’une démission qu’il s’agissait, mais de celle de la
présidence du parti, fonction que le chancelier occupait depuis avril 1999,
lorsqu’il avait remplacé Oskar Lafontaine, son ministre des finances, qui,
en désaccord avec une politique gouvernementale trop libérale à son goût,
avait claqué la porte du gouvernement.

Il n’a fallu que quelques minutes à un chancelier à la mine sombre pour
annoncer aux dizaines de journalistes accourus en hâte sa décision de "se
licencier", comme l’indique la cruelle manchette du Berliner Zeitung. Le
chancelier a justifié sa démarche par les "difficultés de communication"
pour expliquer à la base du parti les réformes en cours, délicat euphémisme
désignant la véritable fronde qui agite des fédérations entières du SPD.

Pris par ses obligations gouvernementales et internationales, le chancelier
a ajouté qu’il manquait de temps pour s’investir dans le travail de
persuasion que nécessite la mise en ¦uvre de "réformes objectivement
nécessaires". Franz Müntefering, fidèle parmi les fidèles, s’en chargera.
"Désormais je vais me consacrer entièrement à mon travail de chef de
gouvernement", a ajouté le chancelier en soulignant que s’il quittait sans
plaisir la direction du parti, au moins pouvait-il compter sur le nouveau
président.

CRISE DU PARTI

Evoquant les prises de position et les polémiques publiques dans sa
formation, M. Müntefering a souligné que "les querelles internes devaient
cesser". Dès samedi, les instances dirigeantes du SPD devaient se réunir
pour ratifier la passation de pouvoir et enregistrer la démission
concomitante d’Olaf Scholz, secrétaire général du SPD, sévèrement critiqué
par son parti qui le juge peu performant. Un congrès va être convoqué à la
fin du mois de mars 2004 pour entériner ces changements.

De nombreux scénarios avaient, ces dernières semaines, été esquissés pour
évaluer ce que pourrait être la réponse du chancelier à la crise de plus en
plus dévastatrice qui frappe son parti. Mais personne n’avait apparemment
envisagé qu’il démissionnerait de son poste de président. Même si ce n’est
pas une obligation constitutionnelle, c’est en effet le plus souvent au chef
du parti majoritaire qu’échoit la chancellerie.

Le côté spectaculaire de cette démission est en tout cas à la mesure de la
crise en cours. Volant de congrès en assemblées générales, Gerhard Schröder,
en 2003, avait réussi à imposer à un parti sceptique, voire réticent, ses
douloureuses réformes sociales. Mais il ne semble pas avoir eu le même
succès auprès d’une population qui, depuis le 1er janvier, subit les
premiers effets désagréables des réformes de la santé, du marché du travail,
des retraites.

Les derniers sondages indiquent que si les électeurs étaient demain appelés
à désigner leurs députés, à peine un quart d’entre eux glisseraient dans
l’urne un bulletin SPD. Cinquante pour cent, en revanche, voteraient pour
les chrétiens-démocrates.

Depuis 1990, le SPD a perdu de façon régulière quelque 300 000 adhérents,
sur 950 000. Mais l’inexorable descente, qui va de pair avec une
désyndicalistation significative, s’est accélérée en 2003, année au cours de
laquelle le parti a perdu 40 000 membres.

Ces chiffres sont inquiétants, alors que cette année, quatorze Lãnder et
grandes villes renouvelleront leurs députés régionaux et leurs conseils
municipaux, promettant aux sociaux-démocrates de nouvelles défaites et de
nouvelles crises. Les responsables du parti ne parlaient que de cela ces
dernières semaines, haussant de jour en jour le ton de leurs critiques à
l’égard de la politique comme de la personnalité du chancelier.

"Le parti doit savoir que l’opposition fait partie de la démocratie, mais
cette opposition doit venir des autres, pas sortir de nos propres rangs", a
déclaré M. Müntefering lors de la conférence de presse, soulignant bien
qu’il s’agissait désormais de serrer les rangs. Les mêmes causes produisant
les mêmes effets, on voit mal pourtant comment les changements à la tête du
parti, sans changement de politique susceptible de redonner une crédibilité
électorale au SPD, suffiront à ramener le calme.

LE MONDE