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LES ÉLECTIONS PASSENT, LES PROBLÈMES RESTENT

Publie le lundi 16 février 2004 par Open-Publishing

Les élections arrivent, nombreuses. Les médias, les politiques, les
"citoyens" se mobilisent. Après avoir servi à faire élire la droite
dure, le FN va-t-il servir à refaire une virginité à la droite molle qui
se dit socialiste ? On entend beaucoup de critiques quand on refuse de
voter, surtout avec ce FN qui tourne comme une grosse mouche à merde
autour du pouvoir politique. Ce n’est pas ça qui doit nous ramener aux
urnes.

L’anarchosyndicalisme et les élections

Anarchosyndicalistes, nous nous sommes organisés pour dénoncer le
système capitaliste et prôner l’auto-organisation, fondée sur le partage
du pouvoir entre tous, sans délégation. Nous refusons la délégation de
pouvoir parce que nous savons que tout pouvoir corrompt. Même dans le
cas improbable d’un candidat qui ne serait pas fasciné par le pouvoir,
les privilèges qu’il lui apporterait une fois élu auraient vite fait de
lui faire prendre goût à cette sensation de domination sur "ses" électeurs.

Réformes ou révolution ?

Nous sommes aussi conscients que la société ne se réforme pas : on ne
passe pas d’un système capitaliste et autoritaire à l’auto-organisation
et au partage des richesses par des réformes, qui, par définition,
doivent être acceptées par le pouvoir en place. Un tel changement ne
peut être obtenu que par une révolution, certainement pas par des
élections. Les élections sont au mieux la voie de la réforme, au pire la
voie d’aucun changement. Même réformé, le système capitaliste sera
toujours capitaliste : au mieux serait-il un peu moins choquant sous nos
latitudes, les pauvres des pays riches se partageant des miettes un peu
plus grosses. Aller voter revient à faire semblant de croire à ces
fausses promesses de changements. Quelle logique y aurait-il à voter
pour qui que ce soit quand on prône la démocratie directe et qu’on
rejette la démocratie représentative ? Cela n’a pas de sens.

Un régime dur ou un régime mou

Bien que conscients de l’impossibilité d’obtenir la société que nous
voulons par les urnes, certains se disent qu’on a tout de même intérêt à
voter pour le candidat qui semble représenter le projet de société le
moins répressif, parce qu’il est plus facile d’être contestataire sous
un régime mou que sous un régime dur. C’est vrai qu’il est plus
difficile de militer sous la répression, qui peut même obliger à la
clandestinité. Mais s’imaginer qu’en votant pour un candidat, on fait
pencher la balance de son côté, c’est imaginer que notre petite voix (de
rien du tout) a effectivement un poids sur le résultat des élections.
Comme si une (ou même quelques) voix sur des millions pouvaient avoir un
effet ! L’un des problèmes de ce système "représentatif" est justement
qu’il n’est pas à échelle humaine : quel poids avons-nous, chacun
d’entre nous, sur ces élus qui le sont par des milliers d’électeurs ?
Aucun. Plus les médias nous répètent "Votez, faites entendre votre voix
 !", plus nous savons qu’ils ne cherchent qu’à nous faire légitimer le
système pour qu’on se taise ensuite. Sans oublier l’impact de leur
propagande qui donne chaque jour, à toute la population, ses sujets de
conversation du lendemain dans le journal de 20 heures, et qui oriente
totalement les résultats des élections. Il n’y a qu’à se rappeler le
vote pour Maastricht : ils nous ont bassinés avec "l’Europe, c’est bien,
c’est l’avenir,...", ils nous ont même envoyé des textes
incompréhensibles pour qu’on ait tous les éléments en main (pour choisir
entre "oui" et "non") et comme c’était incompréhensible, ils ont ajouté
4 pages d’explications qui n’étaient qu’une grotesque propagande pour le
"oui", et la majorité des électeurs a voté... "oui" ! Les médias ont une
réelle influence sur le résultat d’élections ; chacun d’entre nous n’en
avons aucune.

Qui fait le jeu du FN ?

Le FN, que les médias respectent autant que n’importe quel parti
politique patenté, puisqu’ils invitent ses leaders à discuter autour
d’une table, joue en même temps le rôle d’épouvantail à moineaux. Il
faudrait savoir : ou il est fréquentable, ou il ne l’est pas. En fait,
il joue exactement son rôle : obliger les gens à continuer de voter, de
se sentir impliqués dans la vie politique, malgré une politique de plus
en plus anti-sociale qui devrait les révolter. Après les
présidentielles, tous ceux qui se sont fait avoir en beauté n’ont eu
d’autre consolation que de se répéter qu’ils étaient de bons "citoyens".
Et la droite au pouvoir a pratiqué la politique prévue : celle qui se
pratique dans tous les pays d’Europe, quelle que soit l’étiquette de
leurs leaders. On peut trouver que l’obsession sécuritaire d’un Sarkosy
est le signe d’une grave maladie mentale, le problème est que chaque
pays a son Sarkosy et qu’ils ont les mêmes obsessions. Si les
"socialistes" avaient été élus, gageons qu’ils auraient pratiqué la même
politique, comme ils l’ont d’ailleurs fait quand ils étaient au pouvoir.
Souvenons-nous des mutiples mesures anti-sociales qu’ils ont prises et
souvenons-nous qu’ils se sont bien gardés de mener une campagne sur des
enjeux sociaux comme le chômage, la pauvreté ou les caisses de
solidarité (sécurité sociale, retraite), mais qu’ils ont eux aussi foncé
dans le " problème sécuritaire ". Rien ne vaut une telle propagande
quand on veut serrer la vis des travailleurs-chômeurs que nous sommes :
la grogne et même la rébellion sont à prévoir et le pouvoir a intérêt à
prendre les devants en renforçant les forces répressives (flics,
gendarmes, juges...), et en multipliant ces forces à tous les niveaux
(au collège, dans la rue, les entreprises...). Le pouvoir ne combat pas
une insécurité sensée nous menacer, il redoute et se protège de
l’insécurité que nous représentons pour lui. Les " socialistes " en
auraient fait autant et c’est aussi ce que font Haider et Berlusconi. La
droite fascisante est présentable par les temps qui courent, parce
qu’elle l’est toujours quand le temps n’est pas venu de révéler sa vraie
nature. D’ailleurs, y a-t-il une différence de nature entre les
différents pouvoirs politiques, ou simplement de niveau de répression ?
Ne serait-ce que ça, il est certain qu’il fait meilleur vivre dans un
pays où la répression est molle que dans un autre où elle serait dure.
On peut se répéter ça pour se rassurer, mais n’oublions pas de regarder
ce qui se passe ici et en ce moment même. Les lois tombent une à une,
obligeant les chômeurs à travailler pour presque rien, supprimant petit
à petit retraite et sécurité sociale, autorisant l’emprisonnement des
enfants, interdisant les attroupements dans les immeubles, le port du
foulard ou de la barbe, évacuant les sans-papiers par paquets... On est
en plein dans ce petit livre qui s’appelle "Matin brun" : le fascisme
monte et on ne le voit pas (on ne veut pas le voir ?). Quand nous nous
réveillerons, il sera là et le temps sera venu pour lui de se montrer au
grand jour, quel que soit son leader du moment. Ce qui fait le jeu du
fascisme, c’est la politique actuelle des pouvoirs "démocrates"...

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