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Marie-George Buffet : "Il y a urgence à redistribuer l’argent !"

Publie le dimanche 15 avril 2007 par Open-Publishing

Marie-George Buffet n’a pas la tâche aisée : se réclamant candidate de la gauche, la vraie, elle pointe un électorat qui lorgne aussi sur Bové et Besancenot. Mais elle ne perd pas le nord pour autant et ne lâche pas la droite de ses assauts répétés.

L’ex-ministre des Sports du gouvernement Jospin a du souffle, elle revient de loin (après l’assommoir du score présidentiel de Robert Hue en 2002 soit 3,37 %) et compte bien entraver l’ascension de la droite sur laquelle "le score du PC devra peser", le 22 avril. Aujourd’hui, à J-9 du premier tour, elle est sur le terrain catalan et audois, avant une visite, ce week-end, dans l’Hérault et le Gard.

Quel est votre objectif dans cette présidentielle ?

Mon objectif est de faire en sorte que la gauche retrouve ses attaches populaires et que ma candidature au soir du premier tour marque cette aspiration des hommes et des femmes à une gauche qui, cette fois-ci, ne renonce pas. Le meilleur moyen d’éviter un 21 avril, est de faire en sorte d’avoir une politique porteuse de grandes réformes qui permettent qu’il n’y ait pas de défection et qui permettent donc que la gauche réussisse. C’est le sens de ma candidature : battre la droite et réussir à gauche.

Vous n’avez pas de challenge à relever par rapport au pourcentage réalisé par Robert Hue en 2002 ?

Non, pas du tout. Ce qui m’inquiète, c’est la gauche tout entière. C’est-à-dire : est-ce qu’on va être capable de dynamiser le projet de la gauche en créant un élan populaire qui fasse que la droite soit battue et qu’on arrive au pouvoir pour créer une politique qui change les choses ? J’ai l’impression aujourd’hui que la gauche est basse dans les sondages dans son ensemble. C’est inquiétant. Ensuite, j’ai l’impression qu’elle ne se donne pas, à travers un programme défendu par la candidate du Parti socialiste, les moyens d’avoir une politique qui réponde aux préoccupations des Français. Moi, je me bats pour créer cette dynamique à gauche. Que pensez-vous de l’éparpillement à gauche : Bové, Besancenot, les comités antilibéraux ? Je regrette cet éparpillement qui nuit à la lisibilité d’un projet alternatif à gauche. Je pense qu’il faut travailler à une nouvelle majorité à gauche, à un gouvernement qui porte une politique antilibérale. Ce n’est pas le choix de Lutte Ouvrière ou de la Ligue Communiste Révolutionnaire qui, eux, sont dans une démarche d’opposition et pas de construction. Je crois qu’il y a des urgences sociales démocratiques qui font qu’on ne peut pas attendre pour résoudre mais qu’il faut accepter de se rassembler pour répondre vite à ces attentes. C’est une différence de fond mais je regrette cet éparpillement.

Vous semblez mieux placée que Bové, cela se jouera comment ?

A la limite, cela n’a aucune importance pour moi. Je ne suis pas candidate pour me distinguer de Bové, Besancenot ou Laguiller... ou de Ségolène Royal ! Je suis candidate parce que je veux absolument battre la droite. On a vu le programme de Sarkozy et de Bayrou et je ne parle pas bien sûr de celui, ultralibéral et raciste, des Le Pen et De Villiers, je pense qu’il faut vraiment tout faire pour que cette droite soit battue. Pour cela, il faut porter un projet, c’est ce que j’essaie de faire, cohérent, qui à la fois donne à voir des propositions mais surtout donne à voir des moyens de mettre en oeuvre ces propositions : redistribution de l’argent, nouvelle République, réorientation de l’Union européenne. Je ne suis pas là pour me distinguer des autres candidats à gauche, je suis là pour combattre la droite et faire réussir la gauche.

Vous avez été la première à monter au créneau dans l’affaire du parachute doré de Noël Forgeard...

Ecoutez, tout être normalement constitué aurait réagi comme j’ai réagi... Au même moment, où EADS a décidé de remettre en cause des milliers d’emplois, celui qui est parmi les responsables des erreurs de gestion de cette entreprise, Noël Forgeard, part avec 8,5 millions d’euros dans les poches, je trouve ça particulièrement scandaleux ! Et qu’on ne me parle pas de patron voyou... Ce n’est pas le patron lui-même qui est voyou, c’est tout un système, parce que cet accord a été passé avec Noël Forgeard, y compris avec l’Etat actionnaire, donc avec le gouvernement de la France. Ce n’est pas simplement Forgeard qui est voyou, c’est tous ceux qui sont actionnaires de cette entreprise, donc l’Etat français. C’est pourquoi je propose qu’il y ait de nouveaux droits pour les syndicats dans la gestion d’entreprises, notamment à travers les comités d’entreprise et la participation des salariés au conseil d’administration et qu’il y ait un droit de veto par rapport à ces primes au départ. Chaque fois que je pense à Forgeard, je pense aux ouvriers de PSA qui ont fait trois semaines de grève (ndlr : les ouvriers de PSA Peugeot Citroën d’Aulnay-sous-Bois étaient en grève depuis le 28 février pour obtenir une augmentation de salaire) et à qui on a réfuté le droit d’avoir une augmentation de salaire. Et lui part avec 8,5 millions... Oui, il faut redistribuer l’argent dans ce pays et c’est urgent !

Entre cette grève de PSA et le parachute doré de Forgeard, ne pensez-vous pas justement qu’il y a les signes d’une situation sociale quelque peu distordue ?

On a l’exemple d’un système qui vise à ce que l’argent aille toujours aux mêmes. Un système où on assiste à une financiarisation du monde économique, qui prive les salariés des moyens d’être compétitifs et de se déployer puisque la richesse produite va plus aux OPA, aux dividendes des actionnaires, qu’elle ne va à l’innovation technologique, à la recherche, aux salaires, à la qualification des salariés... C’est tout un système qu’il faut changer, je persiste à croire que l’Etat peut y faire quelque chose, avec notamment une fiscalité incitative, selon les entreprises... Je pense qu’on pourrait mettre en place une responsabilisation des donneurs d’ordres également...

Le score du 22 avril sera-t-il important pour l’avenir du Parti communiste ?

Il sera surtout important pour l’avenir de la gauche elle-même en France. Mais ceci dit, le Parti communiste continuera à exister avec ses 13 000 élus et ses 134 000 militants. Recueilli par Philippe Salus

L’Indépendant du 13 avril 2007