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MASCARADE ELECTRO-DEMOCRATIQUE (suite)

Publie le vendredi 15 juin 2007 par Open-Publishing
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de Barbara Bouley metteur en scène et dramaturge

Bonjour à chacune et à chacun,

Dimanche, sans enthousiasme, je me suis auto-motivée pour me rendre au bureau de vote afin d’y accomplir le rituel démocratique considéré comme le grand « devoir citoyen ».

Alors qu’en moi, la croyance en l’efficacité du « politique » (devenu « spectaculaire et commercial » et qui se vide progressivement de ses sens) s’estompe grandement, poser un acte d’appartenance à une cité devient un geste de plus en plus difficile à exécuter.

Le faire en sachant que dans la topographie du lieu du vote trônera une MACHINE prend la tournure d’une intervention personnelle abstraite dont on a grand mal à définir la nécessité.

Croyez moi, le dégoût n’est pas loin…

Comment, avec ce système électronique inique, croire encore au rôle citoyen que cet acte est censé jouer dans la société ?
Bref…

Pour nous donner du courage, nous étions venues voter en famille. Sachant que, comme les précédentes élections, nous ne manquerions pas d’y inscrire des réclamations, les membres de notre bureau de vote nous tendirent les procès-verbaux.

Le fait de pouvoir y inscrire une réclamation rendait notre démarche moins triste.

Pour ma part, j’allais pourvoir sortir du cadre de l’acte démocratique (soit disant logique) que je devais impérativement accomplir afin de ne pas me sentir « coupable » de m’abstenir.

J’avais, par ce droit à la réclamation, la sensation d’agir…

De poser un acte réel.

A l’inverse des élections présidentielles, le bureau était vide, à l’heure de notre arrivée. J’eu donc le temps d’observer, de plus près, la machine NEDAP que la ville d’Antony achète au prix fort (entre 4500 et 5000 euros pièce) à une société privée et qu’elle impose aux électeurs sous les bons auspices du Ministère de l’Intérieur (un ministère neutre comme nous le savons bien entendu !).

 Hormis le fait que le mode de scrutin électronique est totalement contraire au code électoral puisque, entre autres, le code « source » n’est pas public mais détenu par une société privée (La société Véritas) qui le contrôle et le certifie, toujours sous l’œil (bienveillant, on s’en doute !) du Ministère de l’Intérieur ,

 Hormis le fait que la fiabilité d’un programme informatique est en outre totalement impossible à garantir : les meilleurs processus utilisés dans l’aéronautique ou l’aérospatiale, par exemple, n’ont pas empêché des « catastrophes » de se produire,

 Hormis les vices de formes constatés ce jour J dans notre bureau de vote d’Antony (pas d’urnes de remplacement en cas de panne, pas d’isoloirs par tranche de 300 électeurs comme stipulé par l’article L62 du code électoral),

…….un curieux détail retient mon attention :

Artiste sensible au visuel et à la présentation, une fois dans l’isoloir, je fus consternée par la forme imposée par le tableau d’affichage de la machine NEDAP.
En effet, les candidats n’y étaient pas logés à la même enseigne :

Une typographie différente pour chacun, des couleurs différentes sur chaque bulletin affiché au-dessous des boutons.

Un Exemple parmis d’autre : M. DEVEDJIAN (candidat UMP) apparaissait de façon très visible (caractère gras et gros) alors que le candidat de la LCR apparaissait en très petit.

D’autre part, le choix de couleurs (ex : du bleu, du rouge, du vert et du orange) utilisées par les partis politiques en présence, pour leur logique de communicants, rendait peu lisible l’ensemble de cet étrange tableau électronico-démocratique.

J’ai eu alors l’étrange sensation de me retrouver au rayon « divertissement » d’une grande surface commerciale.
Une question, comme un écho de ressenti, de déjà-vu, comme la sensation d’une farce lugubre m’a traversée :

Puisque les maisons de disques ou les éditeurs littéraires (c’est de notoriété publique) payent les chaînes de grandes distributions afin que leurs « produits » soient visibles sur le rayonnage, n’en serait-il pas de même pour les partis politiques aux sociétés privées qui contrôlent et installent (sous le sourire complice du Ministère de l’Intérieur ! ) les machines à voter ?

Même si cette question qui m’a un instant traversée peut paraître comme de la pure loufoquerie pour ceux et celles qui pensent encore qu’en pays démocratique de tels agissements sont impossibles, le fait que tous les candidats ne soient pas présentés aux citoyens par la MACHINE NEDAP de façon équitable (lettrages et couleurs entre autres) me semble réellement contraire aux règles d’équité électorale.

En effet, pour ceux et celles qui ont encore le courage de se déplacer jusqu’aux lieux de vote mais qui, jusqu’au dernier moment, ne savent pas pour qui ils voteront (et dans la confusion politique actuelle, ces citoyens là sont logiquement de moins en moins rares !), le fait que la présentation du visuel des candidats ne respecte pas la neutralité est un scandale (un scandale, qui restera probablement silencieux).

Que dire aussi de l’influence de tels procédés de communication sur des personnes qui, totalement désorientées par la tournure du politique, sans être malvoyantes, ont de simples problèmes de vue.
Sur quel boutons appuieront-elles ?

Alors…
Afin de complexifier davantage l’étalage des candidats sur le tableau des machines à voter et afin de semer un peu plus de confusion dans nos esprits déjà bousculés par des règles électorales bafouées par l’utilisation de ce procédé, je fais une proposition concrète aux riches partis politiques en liste pour les prochaines élections municipales :

SVP, Inscrivez aussi sur vos prochains bulletins de présentation la liste de vos sponsors officieux :

Ex : Pour L’UMP : le logo de Bolloré (ce géant coupeurs de bois d’Afrique et beau prêteur de yacht pour président nouvellement élu et pour dictateurs africains)

Malgré ce sentiment récurrent de vivre, le jour des élections, un temps de mascarade électro-démocratique, j’irai voter la semaine prochaine.

Par volonté de ne pas me laisser envahir par la dangereuse montée des insignifiances (merci au philosophe C.Castoriadis), je laisserai, une fois encore, une trace écrite sur le procès verbal disponible dans tous les bureaux de vote.

Selon l’Art. R. 52 du code électoral, « pendant toute la durée des opérations de vote, le procès-verbal est tenu à la disposition des membres du bureau, délégués des candidats, des électeurs du bureau et personnes chargées du contrôle des opérations, qui peuvent y porter leurs observations ou réclamations ».

Dimanche prochain, j’userai de ce droit…

Pour finir cet article, je rends public la réclamation écrite que j’ai faite sur le procès verbal le 10 juin 2007 au bureau de vote 036 de la ville d’Antony : Peut-être pourra-t-elle vous inspirer.

"RECLAMATION : Constatant plusieurs irrégularités au code électoral (pas d’urne de remplacement, pas d’isoloirs pour 300 personnes, un affichage différent - lettrages et couleurs - pour les candidats), je fais réclamation sur les conditions de vote imposées dans ce bureau par l’utilisation de la machine à voter NEDAP.
S’il était possible d’avoir retour de cette réclamation. Merci.
Pour valoir ce que de droit.
N° carte d’électeur et signature."

A savoir : Vous ne risquez aucune condamnation pour votre réclamation sauf si celle-ci comporte des allégations punies par le code pénal tels qu’insultes, dénonciations calomnieuses, incitations à ne pas voter, menaces, dénigrement industriel, atteinte au droit de vote...

Pour plus d’information sur les actions légales à mener contre ce système de machines à voter lors du second tour des élections : http://www.ordinateurs-de-vote.org

Je vous souhaite à tous une belle semaine de lutte, de rêves et d’espoir…

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