Accueil > MSF-France dénonce l’instrumentalisation politique des secours d’urgence.

MSF-France dénonce l’instrumentalisation politique des secours d’urgence.

Publie le mercredi 27 juin 2007 par Open-Publishing

« L’humanitaire n’est pas un prétexte pour débarquer les armes à la main »

CONFLITS. MSF-France dénonce l’instrumentalisation politique des secours d’urgence.

Pierre Chambonnet (le temps, quot. suisse)
Mercredi 27 juin 2007

La diplomatie mondiale au chevet de l’Afrique en crise. Le drame du Darfour - 200000 morts et 2 millions de déplacés - mobilise enfin à grande échelle. Lundi, le président Nicolas Sarkozy réunissait à Paris, en l’absence des parties au conflit, 18 pays, dont les Etats-Unis, la Chine et la Russie, pour tenter de sortir l’ouest soudanais de l’impasse. Mardi, le Quai d’Orsay réaffirmait le consensus sur la « priorité à donner une solution politique » à la crise. Mais la question de l’envoi de troupes reste d’actualité avec le déploiement prévu d’un contingent de Casques bleus.

Pour les secours déjà présents sur place, l’humanitaire pourrait servir de prétexte à une intervention armée. Une situation qui gommerait un peu plus la frontière entre opérations militaires et actions humanitaires, menaçant directement l’efficacité même des secours, s’inquiète entre autres Médecins sans frontières (MSF).

« La conférence de Paris n’aura d’impact ni sur la protection des populations ni sur le niveau de secours et d’assistance à ces populations », déplore Jean-Hervé Bradol, le président de MSF-France. L’humanitaire note pourtant l’aspect positif de l’action diplomatique : « Les efforts internationaux sont loin d’être inutiles. L’ouverture des secours à l’ouest soudanais au printemps 2004 n’aurait pas pu se faire sans une importante pression contre Khartoum. » Avec une limite : « En 2003, la médiation de paix entre le nord et le sud au Soudan a été finalisée au moment même où le gouvernement et ses milices commettaient un crime contre l’humanité au Darfour avec des massacres à grande échelle. »

L’action diplomatique est louable, mais militaires et humanitaires font rarement bon ménage. Ces dernières années, les opérations militaro-humanitaires se sont multipliées, érodant la neutralité indispensable au travail des humanitaires. Notamment depuis la croisade américano-britannique en Irak, s’est récemment inquiété Robert Malloch-Brown, dans le quotidien The Independent. Pour l’ex-numéro deux de l’ONU, les humanitaires sont devenus des cibles qui risquent plus encore que les militaires étrangers.

« Pour l’instant, une organisation comme MSF n’a pas besoin d’une force de protection au Darfour, poursuit Jean-Hervé Bradol. Un engagement militaire dans la province pose de gros problèmes. Peut-on améliorer l’aide humanitaire au Soudan par des corridors sécurisés grâce une protection internationale ? Je ne le crois pas. D’abord parce qu’une énorme opération d’aide est déjà en place grâce à la présence de 13000 travailleurs humanitaires, sans protection militaire internationale. Ensuite, dans des conditions sécuritaires déjà difficiles pour nos personnels, la présence de soldats à nos côtés fait de nous des cibles toutes désignées. »

Des forces d’intervention directement impliquées dans le conflit, comme les soldats français engagés au Tchad voisin, multiplieraient les risques pour les humanitaires. « C’est la grande ambiguïté de la France, impliquée d’un côté mais qui se déclare neutre et garante de la sécurité des humanitaires. Le déploiement de militaires au Darfour aggraverait nos problèmes de sécurité et compromettrait gravement l’efficacité de nos opérations de secours », affirme Jean-Hervé Bradol.

Et les craintes de MSF dépassent largement le cadre de l’Afrique : « L’humanitaire n’est pas un prétexte pour arriver où que ce soit les armes à la main. Nous avons pu constater partout que l’action militaire n’aboutit que très rarement à des secours efficaces. » Seule l’intervention britannique en Sierra Leone s’est révélée efficace pour la protection des populations. « En grande majorité les actions militaro-humanitaires se soldent par des échecs, comme l’illustre la catastrophique intervention en Somalie de 1992. »

L’instrumentalisation de l’humanitaire à des fins politiques et militaires a émergé à la fin des années1980 et s’est affirmée au milieu des années1990 en Bosnie, en Somalie, au Kurdistan, au Rwanda... Elle s’est aggravée en Irak avec le concept de guerre globale contre la terreur. Depuis, avec la crise soudanaise, elle est relayée par le collectif Darfour aux Etats-Unis comme par Urgence Darfour en France. « Ces associations sont totalement acquises à l’idée d’imposer le bien par les armes, dit Jean-Hervé Bradol. Elles sont des relais du courant idéologique qui consiste à en appeler à la guerre au nom du bien. Un discours qui n’a rien à voir avec l’action de MSF. »

http://www.letemps.ch/template/inte...