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Le MEDEF sort du bois

Publie le dimanche 21 mars 2004 par Open-Publishing



Éditorial par PIERRE LAURENT

Jean-Pierre Raffarin n’a qu’un message à la bouche : électrices, électeurs, abstenez-vous
en paix, le gouvernement gouverne, le MEDEF patronne, et les cochons seront bien
gardés.

Jusqu’à la dernière minute, Jean-Pierre Raffarin se sera employé à noyer le poisson
de l’enjeu électoral pour éviter la sanction des électeurs. La semaine dernière,
il exhortait les chercheurs en lutte, qui sont de nouveau aujourd’hui dans l’action, à ne
pas se mêler de politique. Lundi, il se fendait d’un article à la une du Figaro
pour nous expliquer que les scrutins régionaux et départementaux de dimanche
n’avaient aucune portée nationale. Depuis, le premier ministre ne nous parle
plus que de sécurité et de terrorisme pour, bien entendu, nous répéter à l’envi
que cela ne doit pas perturber le climat de la campagne.

Alors que les grandes questions sociales qui touchent à la vie quotidienne des
Français seront toutes mises en jeu par les résultats du vote (emploi, action
sociale, santé, éducation, transports, démocratie localeÃ), tout est fait pour
nourrir le scepticisme des citoyens sur l’utilité de voter, pour finalement les
tenir à l’écart des urnes. Dans certaines régions, les préfets, sur ordre de
Nicolas Sarkozy, viennent même de confirmer que l’ouverture des bureaux serait
réduite de deux heures, pour fermer à 18 heures, et non plus à 20 heures, dans
plusieurs grandes villes, comme à Marseille.

Et pendant ce temps-là, le gouvernement affûte ses armes pour repartir à l’assaut
dès la clôture du scrutin. Nous listons aujourd’hui les dossiers qui figurent
déjà sur le plan de bataille gouvernemental. Assurance maladie, hôpital public,
EDF-GDF, Code du travail, législation sur l’emploi, service minimum, décentralisation
et fonction publique, école, libertés publiquesà Excusez du peu. C’est la refonte
complète des institutions républicaines qui est programmée, dans la droite ligne
du remodelage libéral déjà entrepris. Et qu’on ne vienne pas nous dire que les élections
régionales et cantonales n’ont rien à voir avec tout cela. Qui l’autre soir revendiquait
le service minimum dans les transports en Île-de-France sinon André Santini et
Jean-François Copé ? Qui, partout dans la campagne, défend pied à pied, pour
les appliquer en régions, les orientations du MEDEF et du gouvernement sinon
les dix-neuf ministres engagés comme candidats à travers l’Hexagone ?

Et le MEDEF, parlons-en. Il vient de rendre public, il est vrai très discrètement, à quelques
jours du scrutin, un rapport contenant " quarante-quatre propositions pour moderniser
le Code du travail ". La CTFC parle d’un " véritable brulot ", la CGT d’une " déclaration
de guerre ". Mais que les travailleurs ne s’inquiètent pas, Jean-Pierre Raffarin
le leur dit tous les soirs du haut des tribunes de campagne de l’UMP, les électeurs
n’ont pas dimanche à se prononcer sur tout cela. Électrices, électeurs, abstenez-vous
en paix, le gouvernement gouverne, le MEDEF patronne, et les cochons seront bien
gardés.

Ce mépris est insupportable. Le vote de dimanche déterminera évidemment la suite
des événements. C’est donc une excellente occasion de donner un signal d’arrêt
clair et net au gouvernement Raffarin. Mais une autre leçon doit être retenue,
tous les bulletins de la colère ne se valent pas. Pour être efficace et construire
l’avenir, un vote de sanction doit aussi être un vote qui fasse bouger la gauche,
et ne se contente pas de la renvoyer dos à dos avec la droite, comme si la bataille était
perdue d’avance. Attention à ne pas confondre vote de sanction et vote de dépit.

Tout au long de la campagne, les militants communistes, et à leurs côtés de nombreux
syndicalistes, militants du mouvement social, associatif, altermondialiste, qui
n’acceptent plus de désespérer de la politique, ont porté des propositions en
ce sens. Partout ces femmes et ces hommes sont candidats, leur combat est celui
de l’avenir, il est le seul susceptible de faire reculer la résignation. Il passe
dimanche par les urnes..

L’Humanite

21.03.2004
Collectif Bellaciao