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Les accusations outrancières du président tchadien

Publie le mardi 30 octobre 2007 par Open-Publishing
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de Philippe Duval

EN SOUPÇONNANT vendredi l’ONG l’Arche de Zoé de vouloir alimenter, avec les enfants recueillis, des réseaux de « pédophiles » ou de « trafiquants d’organes », Idriss Déby, le président tchadien, a porté des accusations outrancières. Mais il ne les a pas lâchées à la légère. Reste à en comprendre les objectifs profonds.

Une remise en question de l’opération Eufor. Trois mille soldats européens, placés sous mandat des Nations unies, doivent être déployés, avant la fin de l’année, à l’est du Tchad et au nord de la République centrafricaine. Leur mission, sécuriser ces deux régions voisines du Darfour, où se trouvent de nombreux camps de réfugiés et où opèrent de multiples mouvements rebelles. Déby n’a jamais été un partisan forcené de cette force internationale, mais il ne peut guère s’opposer à un allié français qui l’a aidé à prendre le pouvoir en 1990 en renversant Hissène Habré, son compagnon d’armes, et lui a sauvé plusieurs fois la mise. Au printemps 2006, les militaires français (plus de un millier sont présents dans le pays dans le cadre de l’opération Epervier lancée en... 1986) ont ainsi bombardé une colonne rebelle qui menaçait de prendre la capitale.

Une manoeuvre de diversion interne. « Les Blancs nous tuent. Ils nous prennent tout, nos femmes, nos enfants, nos richesses. » Ce genre de discours, on l’entend de plus en plus souvent en Afrique. Il est parfois justifié, mais il sert aussi d’alibi pour masquer l’incurie de la classe politique locale. Dans le cas présent, les accusations de « pédophilie » lancées par le président tchadien ont fait un tabac dans l’opinion publique tchadienne. « Ce sont des déclarations démagogiques à usage interne, juge un opposant. Elles permettent de détourner l’attention des véritables problèmes dont souffre le pays, la corruption, la captation des richesses pétrolières, l’appauvrissement des populations. » Décrit comme un politicien rusé et sans états d’âme, Déby, dont le pouvoir est perpétuellement en sursis, peut trouver le moyen, dans cette affaire, d’accroître son crédit auprès d’une population qui reste très sceptique sur le verdict officiel des urnes.

Une démocratie balbutiante. Réélu au printemps dernier avec près de 65 % des voix, Déby est à la barre d’un pays situé à la charnière des mondes arabes et noirs, tiraillé entre de multiples ethnies aux aspirations contradictoires, lui-même étant originaire d’une ethnie établie au Darfour soudanais. Pour se maintenir au pouvoir, il engloutit une part importante du budget de l’Etat dans des dépenses militaires. Pour obtenir l’aide de la Banque mondiale, il a dû, l’an passé, accepter de consacrer au moins 70 % des ressources de la manne pétrolière au développement de son pays. Une promesse qu’il ne parvient pas à honorer. De la même façon, l’exercice démocratique du pouvoir, pourtant inscrit dans la Constitution, fait l’objet de beaux discours théoriques, sans traduction concrète. De nombreux opposants jugent même que le pays n’a jamais quitté l’état d’exception depuis son indépendance.

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