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Le PCF mise sur le "communisme municipal" pour sauver ses derniers bastions

Publie le jeudi 15 novembre 2007 par Open-Publishing

de Sylvia Zappi

Elles sont encore appelées "la petite Russie", "Leninskaïa" ou "Stalingrad-sur-Seine". Les villes communistes continuent tant bien que mal à exister dans leur différence. Même si élus et militants ont du mal à expliquer leur spécificité à gauche en 2007, c’est un héritage qu’ils défendent bec et ongles contre les appétits du PS. Car, avec les élections municipales de mars 2008, le PCF joue son seuil d’existence. Le score de Marie-George Buffet à la présidentielle a sonné l’alerte de sa marginalité politique. "Nous ne sommes pas morts", ne cesse de clamer la direction du parti. Il lui faut maintenant le prouver en sauvant ses quelque 800 municipalités.

Le "communisme municipal" a longtemps été une référence, un modèle de construction de la société idéale mis à l’épreuve de la gestion quotidienne. Il s’agissait pour ces élus d’après-guerre, issus de milieux ouvriers pour la plupart, de développer des projets qui "changent la vie" et contribuent au bien-être des travailleurs.

C’est l’époque de la construction des premiers HLM pour offrir un logement décent, de l’organisation de colonies de vacances pour emmener les enfants à la mer, de la création de théâtres municipaux afin d’offrir la culture aux masses populaires, de l’ouverture des centres de protection maternelle et infantile (PMI) pour lutter contre la mortalité des enfants. C’est aussi le temps où tout était tenu par le PCF - associations, amicales, animateurs de quartier, emplois à la municipalité - et où les décisions se prenaient tant à la section locale qu’à la mairie. "Ces réalisations communales sont les signes distinctifs des municipalités communistes. Aujourd’hui, si la radicalité est moins affichée, le patriotisme de clocher est encore à base de classe", note Emmanuel Bellanger, historien au Centre d’histoire sociale du XXe siècle.

Cinquante ans plus tard, ces "villes rouges" ont encore de beaux restes. "Une marque de fabrique", comme le souligne André Chassaigne, président de l’Association nationale des élus communistes et républicains. Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), la banlieue rouge par excellence, en donne une illustration patente. Avec son taux de logements sociaux (48 %), ses quelque 3 200 emplois communaux, son théâtre et son cinéma municipal, la ville a tout de la tradition communiste, même si la municipalité a toujours été frondeuse à l’égard du parti.

Son maire, Didier Paillard, 53 ans, un pur produit local, a fait toute sa carrière derrière Marcelin Berthelot puis Patrick Braouezec et a repris leurs projets : la priorité au logement social assumée, les liens de solidarité internationale affichés, une vie associative encouragée.

Mais aussi des liens décomplexés avec le patronat pour faire venir les entreprises. Avec la crise industrielle, les milliers d’emplois perdus, la ville semblait sans avenir. Depuis dix ans, l’aménagement des bureaux du quartier de la Plaine, la venue des studios de production audiovisuelle, la construction du Stade de France, l’arrivée du tramway, encouragés par les élus, ont profondément modifié le visage de la ville.

Mais cette transformation n’a pas changé la composition sociale de Saint-Denis. Loin de se "boboïser", elle continue à revendiquer son assise populaire. "Contrairement à d’autres villes de banlieue, les classes moyennes ne sont pas passées au centre du discours, et les politiques publiques en direction des classes populaires sont encore fortement affirmées", souligne le sociologue Yves Sintomer. "On reste les champions de France dans la construction de logements sociaux, parce que les besoins sont encore criants", revendique M. Paillard. Une priorité qui constitue presque la carte d’identité de l’équipe municipale, au grand dam de l’opposition de droite - et plus discrètement du PS -, qui stigmatise la "ghettoïsation et la paupérisation rampantes" de la ville. "Cette spécialisation sur les populations les plus pauvres devient un problème", juge Georges Sali, chef de file du PS.

La recette, pourtant, marche : l’attachement des Dionysiens à "leur" Saint-Denis est palpable. Ici, les deux tiers des enfants payent moins de 2 euros leur repas à la cantine et tous vont au cinéma municipal gratuitement avec leur école. Selon un récent sondage CSA, réalisé pour la mairie, 53 % des Dionysiens voteraient pour une liste d’union conduite par le maire sortant.

Pourtant, le "rapport aux gens" et le ressort de la résistance semblent ne plus suffire pour assurer l’avenir de ces "élus du peuple", comme ils aiment à se définir. Si les sondages les placent en tête, ces maires se savent en sursis. "Une sensibilité en héritage, cela ne fait pas le compte pour affronter la prochaine élection", reconnaît Stéphane Peu, maire adjoint de Saint-Denis.

"Les équipes sont condamnées à innover, souligne Dominique Sanchez, directeur du Journal de Saint-Denis. Cette fois-ci, ça passe, parce que le PS n’est pas encore devant." L’écart se rétrécit lentement.

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