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LA LETTRE DE MARINA PERELLA ET ACTION DE SOLIDARITE

Publie le lundi 24 décembre 2007 par Open-Publishing
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de Marina PETRELLA

Chers amis et camarades,

Je vous transmets un grand merci pour votre soutien et votre solidarité dans cette épreuve bien plus pénible que ne furent les 8 ans d’incarcération + les 5 ans de contrôle judiciaire, entre 1979 et 1993 en Italie.

Pourquoi mon incarcération est-elle pénible, inéquitable et arbitraire ?

Elle est telle car ne répond pas à un souci de justice.

La demande d’extradition a été transmise à la France, une première fois en 1994 ( !) et une deuxième fois en 2002 ( !) D’autres demandes ont été transmises dans les mêmes années concernant quelques dizaines d’autres réfugiés italiens.

Ces demandes n’ont pas été exécutées car la France a accordé la protection aux réfugiés italiens, depuis 1985.

Cette protection, au fil du temps, a été consolidée juridiquement par l’octroi de cartes de séjour et par le retrait, en 1998, des réfugiés italiens du fichier Européen de personnes recherchées (Schengen)

Ce processus s’appelle ASILE.

Violation des droits
Mettre en exécution une extradition après l’avoir bloquée consciemment pendant environ 15 ans, retirer la protection aux personnes, sans qu’aucun élément nouveau ne soit intervenu, constitue une violation des garanties assurées par la convention internationale des droits de l’homme.

Cette simple chronique révèle la nature de cette opération : rien à voir avec la justice.

Tout à voir avec une sournoise transformation de la politique de l’Etat Français en matière de droits individuels et collectifs.

Cette transformation nous concerne tous.

Une injustice commise envers quelqu’un est une menace pour tous. Ainsi prêchait Martin Luther King.

Aujourd’hui, sous vos yeux, dans la France du XXI ème siècle, nous sommes tous concernés car la menace n’est pas seulement menace. Elle est déjà une manière opérative de l’Etat qui porte atteinte aux droits de l’homme.

Les services publics sont sollicités à franchir le secret professionnel et à devenir délateurs ; les enquêtes de police sollicitent la délation rémunérée et « sous X » ; le droit de famille des immigrés est traité à coup d’analyses génétiques. La même nature de limitation des libertés, des droits et de la dignité, nous la retrouvons dans les politiques sociales, dans l’attaque au droit de grève et d’assemblée, dans la politique internationale avec bruits de guerre en sous-fonds.

Leçon de morale et pratique de l’arbitraire

« Il vaut mieux un excès de liberté qu’un manque de liberté »… Sarkozy dixit le 10 octobre 2007 à l’université de Baume à Moscou.

En France, c’est l’inverse. Des personnes, des familles, enfants compris, voient leur vie familiale et sociale suspendue aux aléas des orientations politiques.

Quelques dizaines de réfugiés italiens, tous à disposition des autorités, font l’objet de demandes d’extradition.

En 2002, le premier, Paolo Persichetti a été extradé.

Deux ans après, en 2004, Césare Battisti a été arrêté.

Trois ans plus tard, en 2007 ça été mon tour.

Ce sera qui et quand le prochain ? Pourquoi l’un plutôt que l’autre ?

Voila que l’absence de quelconque principe de justice et d’équité se révèle et la logique arbitraire du hasard s’affirme : quelqu’un est arrêté et toutes les autres personnes, familles et enfants sont torturés en attente du prochain coup.

C’est encore l’arbitraire du hasard qui décide, chez les immigrés, qui passera chaque jour à travers le filet des rafles et des contrôles au faciès ; qui rentrera à la maison et continuera sa vie… jusqu’à la prochaine rafle et qui -manque de chance- sera interné dans un centre de rétention.

Oui, sous nos yeux, dans la France du XXI ème siècle, les centres de rétention se transforment progressivement en camps de triste mémoire, comme la CIMADE le dénomme.

S’allongera t-il le chapelet de « catégories à risques d’internement » ?

Ce sera quand le tour des … objecteurs de consciences, ou des… syndicalistes, ou des…populations de banlieue… ou toute autre personne qui se désolidarisera de la politique de l’Etat ?

Il était une fois la parole donnée

La parole de l’Etat, par définition, ne tient pas à la politique d’un gouvernement, mais s’inscrit dans la durée et garanti les droits fondamentaux de l’homme et les principes fondateurs de la République.

Lorsque l’Etat, avec l’arrogance et la désinvolture d’un marchand sans scrupules, nie sa parole, il en va de sa crédibilité, il en va de sa représentation symbolique et de son autorité morale. Autant dire que, comme dans les « républiques bananières » l’Etat est changeant au gré des lobbies ou de l’air du temps.

Le déni d’asile aux réfugiés italiens n’est donc pas un fait de justice. C’est un fait témoin, parmi plusieurs, de cette dérive qui marque le passage de l’éthique de l’Etat à l’arbitraire de l’Etat- marchand… en l’occurrence, de vies.

Je ne sais pas quel sera mon futur, mais je sais que l’intérêt commun à nous tous est de se reconnaitre dans toutes les batailles de liberté pour opposer la plus ferme résistance aux opérations et aux politiques de l’Etat marchand.

Marina PETRELLA

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