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Chérèque, secrétaire général CFDT : "Si ce jugement était confirmé, ce serait une catastrophe"

Publie le samedi 17 avril 2004 par Open-Publishing

François Chérèque, secrétaire général CFDT, signataire de l’accord de 2002 :
« Si ce jugement était confirmé, ce serait une catastrophe »

Dans le cadre de la gestion paritaire de l’assurance chômage, la CFDT
préside l’Unedic en alternance avec le Medef. Le secrétaire général de la
confédération, François Chérèque, s’inquiète de la « catastrophe » que
pourrait, selon lui, entraîner le jugement de Marseille pour l’assurance
chômage.

La décision du tribunal remet en cause l’accord de décembre 2002 que vous
avez signé. Que va faire la CFDT ?

Nous sommes dans un Etat de droit, et les décisions de justice doivent
s’appliquer. Il y a un appel et d’autres jugements sont attendus. Avec la
CFTC et la CFE-CGC, qui ont, comme nous, signé la convention Unedic du 1er
janvier 2001, nous avons demandé la réunion du bureau de l’Unedic pour
examiner deux choses : la situation nouvelle créée pour les chômeurs
concernés et les conséquences financières pour le régime d’assurance
chômage. Nous avons de sérieuses craintes pour sa pérennité. Il ne faut pas
se cacher qu’il y a un risque réel que l’Unedic ait des difficultés de
paiement si l’accord de décembre 2002 est remis en cause. Si c’était le cas,
ce serait une catastrophe.

L’Unedic pourrait-elle être incapable d’indemniser les chômeurs ?

Si la décision du tribunal de Marseille était confortée par d’autres
jugements et confirmée en appel, le déficit du régime d’assurance chômage se
creuserait de plus de 2 milliards d’euros supplémentaires. Or il sera
supérieur à 7 milliards d’euros à la fin de l’année. La seule chose que nous
pourrions faire, c’est d’essayer de négocier une nouvelle convention avec le
patronat. Inutile de préciser que cela se déroulerait dans un rapport de
force défavorable aux organisations syndicales, et donc aux chômeurs.

S’il faut renégocier la convention, quelles solutions envisagez-vous ?

Il n’y a pas de miracle : soit trouver de nouvelles recettes - donc
augmenter les cotisations salariales et patronales -, soit réduire le niveau
d’indemnisation des chômeurs. Le Medef souhaite rétablir la dégressivité. A
la CFDT, nous nous y opposons. Nous privilégierions donc le niveau de
cotisation, ce que refuse le Medef. Autant dire qu’un accord risque d’être
aléatoire. De ce point de vue, on peut se demander, en cas de confirmation
du jugement, si l’un des grands vainqueurs ne serait pas le Medef. Il
pourrait ainsi relancer le débat sur la dégressivité, à laquelle la
convention de janvier 2001 avait mis fin.

Vous pourriez aussi mettre l’Etat devant ses responsabilités ?

Si l’Unedic ne peut plus payer et que l’on ne parvient pas à un accord avec
le Medef, c’est évidemment l’Etat qui décidera à la place des partenaires
sociaux. Mais chaque fois que l’Etat s’occupe d’indemniser le chômage, les
droits sont revus à la baisse. En Grande-Bretagne, la durée d’indemnisation
est de six mois, de douze mois en Allemagne. En France, elle peut aller
jusqu’à quarante-deux mois. Et il faut savoir que l’Unedic verse aux
chômeurs dix fois plus que l’Etat.

Rétrospectivement, ne regrettez-vous pas d’avoir conclu l’accord de décembre
2002 qui recalculait à la baisse les droits des chômeurs de longue durée ?

Le regret que nous pouvons avoir, c’est de ne pas avoir replacé la question
du chômage de longue durée dans le cadre plus général de la solidarité et
des responsabilités de chacun, Etat et partenaires sociaux. En 1984, le
montant de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) était égal à celui de
l’allocation minimale Unedic. Depuis, il a baissé de 30 %. Le gouvernement
Raffarin a même voulu remettre en cause l’ASS. L’Etat s’est désengagé depuis
vingt ans, en faisant porter l’effort de solidarité - comme d’ailleurs la
politique culturelle avec les intermittents - sur les seuls salariés du
privé. La première chose que nous lui demandons, c’est d’assumer à nouveau
ses responsabilités en commençant par relever le niveau de l’ASS.
Vous pouvez comprendre que des chômeurs à qui l’on avait promis 57 % de leur
ancien salaire pendant trente mois et qui se retrouvent au bout de
vingt-trois mois avec une ASS de 420 euros se sentent floués...
Il n’est pas question de reprocher quoi que ce soit aux gens qui ont engagé
ces recours quand ils ont vu la durée de leur indemnisation réduite. Mais on
peut s’interroger sur la démarche des organisations syndicales qui crient
victoire. Elles servent les intérêts de qui ? des chômeurs ? ou du patronat
 ? On se pose d’autant plus la question qu’une de ces organisations n’a pas
signé un seul accord sur l’indemnisation du chômage depuis trente ans.

Vous visez la CGT. Le fossé avec elle n’est-il pas en train de se creuser
irrémédiablement ?

Avec la CGT, il est grand temps que nous ayons une explication sérieuse. Si
elle souhaite vraiment lutter contre l’ultralibéralisme, ce n’est pas en
faisant peser une menace sur l’assurance chômage qu’on va le faire. Si le
jugement du tribunal de Marseille est confirmé, ce n’est pas le patronat qui
sera pénalisé, mais l’ensemble des chômeurs, qui risquent d’en subir les
effets gravissimes.

En attendant, la CFDT subit un revers, et le syndicalisme de contestation se
trouve conforté...

Tous les syndicats doivent s’interroger sur les systèmes de gestion
paritaire. Quand on s’engage, on doit assumer les décisions. Ce n’est pas la
première fois qu’un recours judiciaire remet en cause un accord : cela s’est
déjà produit pour les retraites complémentaires à propos des avantages
familiaux. Pour la réforme de l’assurance maladie, il va falloir que l’on
fasse très attention. Et la CFDT ne s’engagera que si l’on met clairement à
plat les responsabilités de chacun : Etat et partenaires sociaux.