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Olivier Besancenot : "Il y a une déception autour de nous"

Publie le mercredi 21 avril 2004 par Open-Publishing
2 commentaires

Entretien avec Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR).

Le texte de cet entretien a été relu et amendé par M. Besancenot.

Quel bilan tirez-vous des régionales ?

Il est double. D’abord, il y a la satisfaction au vu de la claque que se sont prise la droite et le gouvernement. On a le sentiment d’être en partie remboursé des journées de grève du printemps 2003. A côté de cela, il y a une crise sociale et politique qui continue : au printemps dernier, le gouvernement nous avait expliqué que ce n’était pas la rue qui gouvernait ; maintenant, il déclare que ce ne sont pas les urnes non plus. En gros, il nous dit : "C’est le Medef qui gouverne en France", en gardant le même personnel et la même politique. La droite est minoritaire. Ce gouvernement est illégitime. Du coup, il y a un goût d’inachevé dans cette élection qui impose, sans attendre 2007, un rendez-vous social, un troisième tour social, où le gouvernement devra céder face aux exigences populaires ou céder la place.

Et vos résultats ?

Il y a un sentiment de frustration lié au fait que le rapport de forces au sein de la gauche n’ait pas plus changé que cela. C’est vrai, il y a une déception autour de nous, même si l’on s’enracine et s’il y a une stabilisation de notre électorat.

Comment l’expliquez-vous ?

C’est le vote utile qui a joué plein pot. Les gens ont voulu effacer le 21 avril et jouer la carte de l’efficacité par rapport à ce gouvernement de provocateurs. Le tout a été amplifié par le mode de scrutin.

Quand vous utilisez l’expression "vote utile", cela revient à dire que lors d’un scrutin comme les régionales, vous n’apparaissez pas comme un vote utile.

Non, ce n’est pas cela. Il y a évidemment des gens qui pensent qu’on est utile, au sens où l’on sanctionne la droite mais sans amnistier la gauche plurielle. Le score qu’a fait l’extrême gauche est quand même élevé historiquement dans une situation où la gauche est dans l’opposition. Plus d’un million de personnes ont voté sciemment à la gauche de l’ex-gauche plurielle et joué la carte de la rupture. Parlons plutôt de vote utilitaire, alors. Moi, ce que j’entends dire au boulot, autour de moi, c’est : " On a joué la carte de l’assurance, on s’est servi du PS pour battre la droite comme on s’est servi de Chirac pour battre Le Pen."

Ne pensez-vous pas que votre position pour le second tour vous a handicapé quand, à l’inverse, le PCF a bénéficié du vote-sanction ?

Le problème politique de fond, c’est de savoir si on est en dedans ou en dehors de la gauche plurielle qui est en train de se reconstituer. Nous, on revendique notre indépendance. Je ne pense pas qu’on ait payé la question de la consigne de vote car notre électorat est durablement divisé sur cette question-là. Une partie a pu nous reprocher de ne pas avoir donné de consigne de vote à gauche, mais, à l’inverse, une autre partie vote précisément pour nous parce que l’on n’en donne pas.

N’avez-vous pas pâti de votre accord avec LO ? Ne vous a-t-il pas isolé ?

Pas du tout. J’étais pour cet accord aux régionales avec LO, je le suis toujours pour les européennes. La division, entre nous, aurait été totalement incomprise. On n’est pas marginalisés. Durant la campagne, on a marqué politiquement des points. Prenons le scandale des subventions aux entreprises qui licencient ensuite... Ce thème que nous avons porté a été repris par le PCF, par le PS ensuite et même par l’UDF. Il faut avoir une vision d’ensemble sur cette séquence électorale un peu longue. Et puis il y a les prochaines mobilisations sociales. Et, sur ces rendez-vous, le débat à gauche va continuer. Ce qui va se passer pour la Sécu est important.

Pensez-vous que les européennes vous seront plus favorables ?

Il n’y a pas d’effet mécanique, mais ce ne sont pas les mêmes élections. A la différence des régionales, il n’y a qu’un seul tour et il ne s’agit plus de voter utilitaire, mais de voter pour ce que l’on pense.

Il faut sanctionner une fois de plus la politique du gouvernement mais aussi poser la question des responsabilités qu’ont eues les gouvernements de gauche dans la gestion de l’Europe telle qu’elle s’est construite. N’oublions pas le nombre de privatisations du gouvernement de gauche plurielle et les déclarations communes de Chirac et de Jospin sur les retraites ou même sur la réforme d’EDF, au Sommet de Barcelone. La question qui sera posée à la gauche, c’est : Est-ce que oui ou non on est pour un service public de l’énergie européen ou est-ce qu’on est pour la libéralisation et l’ouverture à la concurrence ?

Enfin, dans le débat européen, il faut dire que le PS et les Verts ont voté pour la Constitution ultralibérale de Giscard et que le PCF envisage de gouverner demain avec eux, comme il le fait aujourd’hui dans les exécutifs régionaux.

En quoi le dossier de la Sécurité sociale va-t-il être important dans le débat à gauche ?

Sur la Sécu, le problème est celui de la répartition des richesses et c’est parce qu’on touche à cela que la gauche est divisée en deux camps. Il y a la gauche qui prend le problème par le biais des déficits, en oubliant au passage que l’Etat et le patronat sont les plus mauvais payeurs et que le montant des exonérations de cotisations patronales dépasse de loin celui du "trou". Il y a celle qui le prend par celui des besoins sociaux et de la couverture de soins.

La question du rapport de force politique à gauche reste posé. Les électeurs des couches populaires, autant ils ne veulent pas de Raffarin III, autant je ne suis pas sûr qu’ils veuillent de la gauche plurielle II. Je suis même persuadé du contraire. Dans les milieux populaires, la course de vitesse est toujours engagée entre le mouvement social et l’extrême droite. Il ne faut pas croire que le 21 avril n’était qu’une parenthèse qui a été refermée, c’était le révélateur d’une crise politique qui continue.

Propos recueillis par Hervé Gattegno et Caroline Monnot

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-361907,0.html

Messages

    • Autant la ligue que Lo devraient un peu élargir leur système de référence, si le prolétariat doit rester une préoccupation ainsi que la lutte des classes, il est hélas en voie de disparition même si il faut continuer à soutenir les derniers bastions qui résistent.

      Il faut arrêter les vieux clichés "travailleuses travailleurs"même le P.C. ne le dit plus ! et reconnaitre également tous ceux qui luttent pour le maintien des services publics, se battent sur leurs lieux de travail, fussent-ils issus des classses moyennes...Cela n’exclut pas de s’outenir les comités de chômeurs et de lutter contre la précarité salariale.

      Attention je n’ai jamais dit que vous n’étiez pas impliqués dans les luttes sociales..

      Il est nécessaire aussi de sortir de l’idéologie Troskiste, tchao à la dictature du prolétariat par exemple, mais oseront-ils en sortir ?

      imaginons un grand courant d’extrême gauche avec les alternatifs par exemple, mais ça n’est pas pour demain, simplement par ce que le sectarisme subsiste en même temps que les idées avant -gardistes, les certitudes de détenir la vérité...

      Si vous ne sortez-pas de là vous subirez les mêmes revers que le Parti Communiste...

      Ah Camarades, il reste encore du boulot

      Sophie