Accueil > CHOMDU 13

CHOMDU 13

Publie le mardi 19 février 2008 par Open-Publishing

de P’tit Nico

"Dans un atelier surchauffé de 35 à 40 centigrades, au milieu d’un vacarme affolant, dans un nuage de poussières de
toutes sortes, des hommes et des femmes à peine vêtus, congestionnés, ruisselants, travaillaient, automatiques et muets
comme les redoutables machines qui secouaient tout l’édifice dans leur énervante trépidation" (Dubron), y citent
m’sieur Murard et m’sieur Zylbermann.

Ce thème est constant : Dupont, inspecteur spécial des manufactures à Lille, parle des « ouvriers, moteurs animés...", et Calla, l’un des grands industriels de la construction mécanique, de "machine
vivante" : "L’ouvrier anglais en général se résigne, depuis l’âge de 15 ans, où il entre comme apprenti dans un atelier,
jusqu’à ce que la vieillesse le force d’en sortir, à faire toujours le même travail, la même pièce, dans la même catégorie
de travail ; il devient en quelque, sorte une machine vivante et intelligente, à force de faire une seule et même chose."
Marx parle également d’ "automates vivants".

M’sieur Koulberg, un philosopathe, y cite l’pote Karl aussi : “Dans la manufacture chaque procès partiel doit pouvoir
être exécuté comme opération manuelle par des ouvriers travaillant isolément ou en groupes avec leurs outils. Si
l’ouvrier est ici approprié à une opération, l’opération est déjà d’avance accommodée à l’ouvrier. Ce principe subjectif
de la division n’existe plus dans la production mécanique. Il devient objectif, c’est à dire émancipé des facultés
individuelles de l’ouvrier... le problème qui consiste à exécuter chaque procès partiel et à relier les divers procès partiels
entre eux, est résolu au moyen de la mécanique, de la chimie, etc...”. Ce nouveau type d’instrument fait perdre toute
consistance aux travailleurs et à leurs travaux en tant qu’individus. On n’a pas affaire à une combinaison d’ouvriers
parcellaires, mais à “un grand automate” qui a sa propre logique et qui combine les travaux de ses propres machines.

Maintenant que les travaux sont déterminés par la combinaison entre les machines elles-mêmes, enchaîner un travailleur
à une fonction particulière (au fonctionnement d’une machine particulière), c’est le transformer en serviteur et même
simplement en parcelle d’une machine : "La spécialité qui consistait à manier pendant toute sa vie un outil parcellaire
devient la spécialité de servir sa vie durant une machine parcellaire. On abuse du mécanisme pour transformer l’ouvrier
dès sa plus tendre enfance en parcelle d’une machine qui fait elle-même partie d’une autre..., qui se transforme en "un
travailleur collectif", en un organisme "aux mille mains".

Ah, tu vois, qu’j’dis, eux-aussi on voulait en faire des domestiques.
M’sieur Ellul, ell’ dit la soeur à Polo qu’a lu le livre d’m’sieur Chevassus-au-Louis sur les luddistes qu’étaient des ouvriers
"briseurs de machines" parce qu’ell’ aime bien les histoires d’pauvres aussi, y dit que la technique ne se limite pas à la
machine, mais englobe toute l’oeuvre de rationalisation entreprise depuis les Lumières. « Ce grand travail de
rationalisation, d’unification, de clarification, se poursuit partout, aussi bien dans l’établissement des règles budgétaires
et l’organisation fiscale que les poids et mesures ou le tracé des routes.

C’est cela l’oeuvre technique. Sous cet angle, on
pourrait dire que la technique est la traduction du souci des hommes de maîtriser les choses par la raison. Rendre
comptable ce qui est sub-conscient, quantitatif ce qui est qualitatif. »
C’est pour ça qu’l’bourgeois y l’a aussi inventé l’organisation scientifique du travail.

Comm’ y l’explique m’sieur Koulberg, y dit Fred qui veut toujours comprendre les choses, « il est bien certain que si les
capitalistes ont adopté cette organisation du travail et se sont attribués ce rôle de directeur c’est qu’ils en tiraient certains
avantages, mais est-il si certain que ces avantages étaient directement économiques, technologiques ? Le seul problème
des capitalistes et même peut-être leur principal problème, n’était pas de trouver la meilleure combinaison possible entre
les travaux, l’organisation du travail techniquement la plus efficace. Et Marx le sait très bien. Il insiste plusieurs fois sur
le fait que, pendant la période des manufactures, ce que contre quoi “le capital doit lutter sans cesse” c’est
l’insubordination des travailleurs : “ Pendant toute la période manufacturière, on entend que plaintes sur plaintes à
propos de l’indiscipline des travailleurs”. Marx cite la célèbre phrase d’Andrew Ure : "L’ordre faisait défaut dans la
manufacture... et Arkwright a créé l’ordre”. Mais qu’explique Ure exactement ?

Ce n’est pas Arkwright qui inventa la machine à filer mais John Wyatt. Mais le même Wyatt ne parvint jamais à tirer
des avantages substentiels de son invention, et même son entreprise échoua complétement au bout d’un moment.
“C’était un homme au caractère doux et passif” dit Ure. Arkwright, lui, avec à peu près les mêmes machines réussit au
contraire pleinement, car c’était une sorte de “Napoléon” capable de “venir à bout de l’attitude récalcitrante d’ouvriers
habitués à ne s’appliquer que de façon irrégulière et sporadique”. C’est cela que vient d’expliquer Ure dans le passage
où Marx extrait sa citation : “ La difficulté principale (rencontrée par Arkwright ) n’était pas tant, j’en ai peur,
d’inventer un mécanisme automatique pour étirer et tordre le coton en un fil continu, que d’apprendre aux hommes à se
défaire des habitudes de travail désordonnées et à s’identifier avec la régularité invariable de l’automate complexe.

Edicter et mettre en vigueur un code efficace de discipline industriel, approprié aux nécessités de la grande production,
telle fut l’entreprise herculéenne, l’oeuvre grandiose d’Arkwright”. »
Not’ président, y dit Djamel, y veut faire comm’ son frère Napoléon, y met les ouvriers au pas. Et pour l’instant, faut
croire qu’y marchent, mêm’ s’y a plein d’grèves mais qu’la télé d’not’ président ell’ en parle pas beaucoup parce qu’not
président y veut faire peur aux mémés qu’aiment pas la castagne en mettant plein d’flics chez nous. Sauf qu’avant,
c’étaient les ouvriers qui faisaient peur aux bourgeois, y rappelle Fred.
« Comme le font remarquer Landes et, après lui, Marglin, y continue m’sieur Koulberg, il n’est pas étonnant que “les
employeurs se mirent à penser à des ateliers où les hommes seraient rassemblés pour travailler sous le contrôle de
contre-maîtres vigilants”. Et c’est ce qui se produisit avec les manufactures : les ouvriers ont été regroupés dans des
ateliers, bientôt ne sachant plus qu’exécuter une opération de détail. Ils se trouvaient, là, livrés au pouvoir des directeurs
et de leurs contre-maîtres dont nous avons déjà vu la férocité. Maintenant c’est le capitaliste qui fixe les parts de travail
et de loisir.

Donc même quand ils n’y trouvaient aucun avantage technologique les capitalistes trouvaient que de regrouper les
travailleurs dans des fabriques était avantageux. Le seul avantage dont ils pouvaient bénéficier c’était de pouvoir
soumettre bien plus efficacement les ouvriers à leurs ordres.
Il semble donc bien que ce qui a déterminé le développement de l’organisation du travail manufacturière c’est que les
ouvriers ne peuvent plus s’y dérober aux ordres du capital, car ils sont devenus dépendants et qu’ils sont soumis à sa
continuelle surveillance. L’organisation du travail des manufactures a bien une efficacité mais cette efficacité n’est pas
technique. Il s’agit bien plutôt d’une plus grande efficacité dans la discipline et la surveillance.

Ce résultat est très important, car cela voudrait dire que l’organisation du travail telle qu’elle s’est développée dans la
manufacture n’a pas été rendue nécessaire par sa supériorité technologique, mais qu’elle a été avant tout un moyen pour
les capitalistes d’assurer leur domination, leur pouvoir sur les ouvriers. Indirectement, cela permet certes d’augnenter la
productivité du travail, mais on ne peut plus dire que cette manière de le rendre plus productif n’a rien de
spécifiquement capitaliste. Ç’est un certain pouvoir, qui possède certaines options bien déterminées, qui a une attitude
très particulière vis a vis des travailleurs qui a voulu cette forme d’organisation du travail dans la fabrique. Il n’y a plus
de noyau parfaitement neutre, simplement nécessaire économiquement. Tous ces schèmas organisationnels ont une
empreinte bourgeoise et risquent bien de la conserver quand ils sont exportés dans d’autres systèmes. »
Mon ancien délégué syndical CGT y dit que l’pote Karl y voit les choses différemment et qu’c’est important pour la
conception d’une société communiste que les travailleurs y z’en discutent.

Parce que l’pote Karl, y continue m’sieur Koulberg, y « raconte comment les capitalistes découvrirent
expérimentalement cette propriété du travail coopératif devenant de plus en plus productif au fur et à mesure qu’il prend
une forme plus coopérative (qu’il lie les travailleurs plus étroitement) : “ L’histoire de la manufacture proprement dite
montre comment la division du travail qui lui est particulière acquiert expérimentalement, pour ainsi dire à l’insu des
acteurs, ses formes les plus avantageuses". Le mode de production capitaliste se présente donc bien "comme une
nécessité historique pour transformer le travail isolé en travail social". (...) "Cette division faite une première fois
accidentellement se renouvelle, montre ses avantages particuliers et s’ossifie peu à peu en une division systèmatique du
travail”. La nouvelle organisation du travail transformant les travaux indépendants en un travail unique a des avantages
évidents du point de vue de la productivité. C’est pour cela que les capitalistes l’ont adoptée. »

Mais c’est en contradiction avec l’histoire de m’sieur Hure, y remarque Polo qui suit.
« Pour Marx, y continue m’sieur Koulberg, au moment du passage du travail indépendant à du travail coopératif, il se
produit un autre changement dans l’organistation du travail. “Aux débuts du capital, son commandement sur le travail a
un caractère purement formel et presque accidentel... Mais dès qu’il y a coopération entre des ouvriers salariés, le
commandement du capital se développe comme une nécessité pour l’exécution du travail, comme une condition réelle
de production. Sur le champ de la production, les ordres du capital deviennent dès lors aussi indispensables que le sont
ceux du général sur le champ de bataille”. Donc, avec la transformation du travail en travail coopératif, un rôle qui
jusqu’ici était resté dans l’ombre prend tout d’un coup une importance exceptionnelle. Le personnage qui commande les
ouvriers devient tout puissant, indispensable.

Mais quel est exactement le rôle de ce personnage qui prend soudain tant
d’importance ? “Tout le travail social ou commun, se déployant sur une assez grande échelle, réclame une direction
pour mettre en harmonie les activités individuelles.” Pour ne laisser aucun doute sur le sens de cette “mise en harmonie”
des activités individuelles Marx précise : “ (cette direction) doit remplir les fonctions générales qui tirent leur origine de
la différence existante entre le mouvement d’ensemble du corps productif et les mouvements individuels des membres
indépendants dont il se compose. Un musicien exécutant un solo se dirige lui-même, mais un orchestre a besoin d’un
chef”. Donc ce qui devient indispendable c’est la présence d’un chef qui réprime systèmatiquement (qui “met en
harmonie”) tout ce qui ne concorde pas avec “le mouvement d’ensemble du corps productif”, qui oblige chacun à faire
correspondre son “jeu” à ce que joue tout l’orchestre, qui supprime toute singularité au nom du mouvement universel.

Marx nous permet de préciser encore cette fonction en indiquant son origine. Il appelle cette fonction de “mise en
harmonie" entre le mouvement d’ensemble et les mouvements individuels une fonction de “médiation” : “Cette fonction
de direction, de surveillance et de médiation... “. Il n’est pas habituel de nommer la fonction de direction “une
médiation”, ce n’est pas comme cela qu’on la nomme dans les manuels d’economie politique. »

Sauf qu’maintenant ça s’appelle un collaborateur, y rigole Fred.
« Dire que le directeur de la fabrique est un médiateur c’est se référer explicitement à Hegel, (et à ceux qui comme
Feuerbach réutilisent le vocabulaire hegelien). Or Hegel attribue ce rôle de médiateur entre l’universel et le singulier à
un médiateur éminent : le prêtre : “ C’est à travers ce moyen terme que l’extrême de la conscience immuable est pour la
conscience inessentielle, et cette conscience inessentielle pareillement ne peut être à son tour pour la conscience
immuable qu’à travers ce moyen terme. Il est par là tel qu’il représente chaque extrême devant l’autre, et est le ministre
de chacun auprès de l’autre”. La découverte de cette origine de la fonction de médiation entre l’universel et le singulier
nous donne de précieux renseignements sur le sens de cette “mise en harmonie” des activités individuelles.

La
médiation du prêtre met en rapport Dieu (la conscience immuable) et la conscience singulière (la conscience
inessentielle). Mais cette mise en rapport n’a pas simplement la fonction de réunir deux extrêmes qui étaient au départ
séparés, elle a plutôt pour fonction de détruire tout ce qu’il y a de véritablement singulier dans la conscience
“inessentielle” : “Le contenu de cette opération est la destruction que la conscience entreprend de sa singularité”. C’est
cette opération que doit mener à bien le prêtre . C’est déjà ce rôle que nous lui avons vu assumer chez Feuerbach : c’est
quand l’homme devient “un Dieu pour l’homme”, c’est à dire quand autrui devient mon médiateur que chaque homme
me fait honte de mes fautes, me rend conforme à la loi, à l’universel, à la vérité. »

C’est pour ça qu’not’ président qui veut nous donner l’communisme y veut nous remettre des curés partout, y dit Polo.
« C’est donc bien cela le rôle du prêtre-directeur : réprimer toutes les singularités jusqu’à ce qu’elles acceptent de se
détruire en tant que singularité et qu’e1les se fondent dans un mouvement général. Et à l’époque des manufactures cette
destruction est particulièrement féroce : “ La subordination technique de l’ouvrier à la marche uniforme du moyen du
travail... crée une discipline de caserne, parfaitement élaborée dans le régime de fabrique. Là, le soi-disant travail de
surveillance et la division des ouvriers en simples soldats et sous-officiers industriels, sont poussés à leur dernier degré
de développement", y dit Marx : “Ici le fouet du conducteur d’esclaves est remplacé par le livre de punitions du
contremaître”.

Marx s’indigne, mais il qualifie tout de même ce processus de nécessaire, il le considère même comme un moment
essentiel de “la grande action civilisatrice du capital” : “ La division du travail dans sa forme capitaliste... assure la
domination du capital sur le travail ( mais) elle se présente... comme un progrès historique... comme un moyen civilisé
et raffiné d’exploitation”.
Il est tout de même remarquable que pour accéder à une société civilisée il faille aussi, nécessairement, passer par une
phase de répression très dure qui élimine tout ce qu’il y de trop singulier dans l’activité des individus. Et cela est
d’autant plus grave qu’il risque d’en rester dans la société communiste.
Cette argumentation de Marx dévoile l’utilisation “exploitatrice” et arbitraire que fait le capital de la fonction de
direction mais en même temps, en dégageant dans cette fonction un “noyau” non critiquable, elle la rend plus que
jamais “nécessaire”. Que se transmettra donc de cette fonction dans le communisme ? »

Oui, répondez à la question, m’sieur Marx ! Y s’marre Djamel qui l’a pas lu.
« Dans la société capitaliste, dit Marx “la forme de cette direction devient nécessairement despotique”. Chez Hegel un
pouvoir despotique est un pouvoir qui ne s’exerce encore “qu’extérieurement” sur ses sujets, qui n’est pas encore
capable de pénétrer dans leur “intériorité” et de disparaitre en tant que séparé d’eux. Donc en qualifiant le pouvoir de
“despotique” ce n’est pas le pouvoir ( l’État, l’universel) lui-même qui est mis en cause, mais c’est sa forme encore
immédiate : on sous-entend qu’il existe un autre type de pouvoir qui lui, ne sera plus immédiat et ressenti comme
étranger par les sujets. C’est dans ce même sens que Marx emploie le mot “despotisme”. Il dit déjà au début du capital :
“(les modes de production d’Asie)... ont pour base l’immaturité de l’homme individuel... ou des conditions de
despotisme et d’esclavage”. Une société despotique est bien une société dans laquelle le gouvernement est arbitraire
(comme celui d’un maître sur ses esclaves) et une société qui manque encore de maturité.
.
À cause du commandement despotique du capitaliste l’unité de leur corps productif “apparait”aux ouvriers comme “ la
puissance d’une volonté étrangère qui soumet leurs actes à son but”. Mais cela implique qu’il existera une société où
ces exigences du corps collectif n’apparaîttront plus aux ouvriers comme les exigences d’une autorité extérieure, où il
n’y aura plus de séparation entre les commandements du prêtre-directeur et les individus chargés de lui obéir. Que ce
rôle n’incombe plus aux mêmes personnes, et même que chacun en soit chargé (comme par exemple chez Feuerbach :
tous les hommes ayant Dieu en eux peuvent servir de médiateur de l’universel pour tous les autres) ne diminue en rien,
son importance. Dans la société capitaliste “le lien entre les fonctions individuelles (des ouvriers) et leur unité comme
corps productif se trouve en dehors d’eux dans le capital qui les réunit et les retient”. Il y aura une société dans laquelle
le lien entre les fonctions individuelles sera intérieur.

L’option civilisatrice est bien la même que l’option universaliste. Elle ne peut penser l’inadéquatjon entre le singulier et
l’universel que comme un manque, une immaturité. Et elle réalise cette intégration de l’individu dans une totalité
homogène que par une phase d’initiation qui réprime et élimine systèmatiquement tout ce qui est trop singulier dans les
individus. Pareillement aussi à l’option universaliste, elle tend à transformer cette répression extérieure et arbitraire en
une fonction assumée par les individus eux-mêmes. »
Chacun surveille l’autre quoi ! y dit Fred. Mais ça, ça s’fait déjà dans l’"management moderne". Y z’appellent ça
l’contrôle qualité.

« C’est tout de même accepter un lourd héritage de la bourgeoisie (et du christianisme que la bourgeoisie sait réactiver
par exemple dans l’utilisation du rôle du prêtre), y dit m’sieur Koulberg. La question que nous posons depuis un
moment devient de plus en plus inquiétante : est-il bien sûr qu’il n’y a rien de spécifiquement bourgeois dans tout cet
héritage qui provient du mode de production capitaliste ?
En étant “ de plus en plus disciplinée, unie et organiséee par le mécanisme même de la production capitaliste” la classe
ouvrière ne risque-t-elle pas de rester, à un certain niveau, prisonnière du modèle bourgeois ? Ne risque-t-on pas
d’importer certaines options bourgeoises dans le communisme en gardant un noyau non critiqué, qui ne serait pas
capitaliste du tout ?

Nous nous demandions un peu plus haut, avant d’accepter l’idée selon laquelle c’est la forme coopérative du travail qui
est responsable de l’augmentation de la productivité et du succès des fabriques, s’il n’y avait pas un autre facteur qui ait
pu jouer ce rôle. La description marxiste de la fabrique montre à l’évidence que cet autre facteur existe. Marx parle
longuement des problèmes que les capitalistes rencontraient avec la discipline aux débuts du capitalisme. Il décrit aussi
la puissante répression qui soumet les ouvriers avec le développement de la fabrique. Pourquoi ne lui vient-il pas à
l’idée de lier ces phénomènes aux succès des fabriques ? Pourquoi est-il si sûr que l’élément déterminant fut la plus
grande efficacité technologique ? »

Oui, pourquoi ? y d’mande Djamel qui est deplus en plus intéressé vu qu’y s’est jamais posé la question en regardant
l’match d’foot à la télé d’not’ président que lui, y l’a plein d’gens qui s’la posent pour lui..
« Marglin cite de nombreux commentateurs qui reconnaissent que “l’une des raisons qui ont poussé les patrons à
adopter le système des fabriques, c’est la plus grande facilité avec laquelle on pouvait imposer la surveillance et la
discipline” . Pourquoi donc, se demande-t-il, la plupart de ces commentateurs, pour expliquer le succès du système des
fabriques, n’attribuent qu’une importance tout à fait secondaire à ces facteurs ? C’est cette même question que l’on peut
poser à Marx. Lui qui a lu des commentateurs de l’époque qui insistaient sur ce point, en particulier Andrew Ure,
pourquoi n’en fait-il qu’un facteur tout à fait subordonné dans le développement des fabriques ? Pourquoi n’a-t-il pas au
moins soulevé la question ? Toutes ces notes du “Capital” qui décrivent la terrible mise au pas des travailleurs dans les
manufactures montrent qu’il y a au moins là un problème.

Ne serait-ce pas l’adoption de l’option civilisatrice-universaliste qui aurait déterminé l’attitude de Marx sur ces
questions ? Pour un partisan de cette option, une période de répression très dure pour réduire les mouvements
individuels au mouvement général, pour discipliner les travailleurs, n’est pas quelque chose de monstrueux, mais, au
contraire, quelque chose de tout à fait normal, une étape nécessaire. C’est une évidence que partagent tous les
philosophes universalistes. Bruno Bauer dit par exemple : “L’oppression a d’ordinaire plutôt coutume d’améliorer les
hommes et elle aiguise leur sentiment d’honneur et de moralité.”
Nous avons ici un bon exemple de ce que Nietzsche appelle “un manque de soupçon”. C’est seulement la conservation
de l’option universaliste qui explique que Marx ne pose plus certaines questions, ne pense plus à remettre en cause
certaines évidences si “normales”, si évidemment “nécessaires”.

La description que fait Marx du développement du capital montre combien les individus et les communautés
particulières deviennent effectivement inessentiels et subordonnés au mouvement de l’ensemble de la société. Ce sont
Arkwright et ses semblables qui ont donné une objectivité si concrète à cette évidence. Il l’ont fait en imposant leur
ordre. Il est tout de même inquiétant que l’oeuvre d’Arkright se soit transformée en une évidence scientifique. D’autant
plus que cette évidence permet de condamner sans appel des recherches qui partent d’autres bases.
Ce manque de soupçon, cette complicité acceptée avec une évolution due au capitalisme a donc de très importantes
conséquences. Il est important de se rappeler qu’elle n’a été rendue elle-même possible que grâce à l’influence
souterraine mais terriblement efficace de la philosophie universaliste. Elle seule a su véritablement transformer cette
évolution vers une communauté de plus en plus homogène en une évidence, un mouvement nécessaire. C’est elle aussi
qui a édifié un système conceptuel qui rend la question de l’individu véritablement singulier, inintelligible, absurde.
C’est enfin elle qui a su masquer le caractère optionnel de cette philosophie (et indirectement de l’évolution réelle qui
s’est opérée).

Lénine nous donne un exemple des conséquences très concrètes que peuvent produire ces influences sur l’organisation
d’un mouvement ouvrier :
“Le même “praticien” de la nouvelle Iskra, avec la profondeur d’esprit que nous lui connaissons, m’accuse de concevoir
le Parti comme une “immense fabrique” avec à sa tête un directeur, le Comité Central. Le "praticien" ne soupçonne
même pas que le mot terrible qu’il lance trahit du coup la mentalité de l’intellectuel bourgeois qui ne connaît ni la
pratique, ni la théorie de l’organisation prolétarienne. Cette fabrique qui, à d’aucuns, semble être un épouvantail, pas
autre chose, est précisément la forme supérieure de la coopération capitaliste, qui a groupé, discipliné le prolétariat, lui a
enseigné l’organisation, l’a mis à la tête de toutes les autres catégories de la population laborieuse et exploitée.

C’est le
marxisme, idéologie du prolétariat éduqué par le capitalisme, qui a enseigné et enseigne aux intellectuels inconstants la
différence entre le côté exploiteur de la fabrique (discipline basée sur la crainte de mourir de faim) et son coté
organisateur (discipline basée sur le travail en commun résultant d’une technique hautement développée). La discipline
et l’organisation, que l’intellectuel bourgeois a tant de peine à acquérir, sont assimilées très aisément par le prolétariat,
grâce justement à cette “école” de la fabrique.”
Donc, l’usine dans sa partie organisatrice, est un bon modèle pour un mouvement ouvrier. Il est nécessaire qu’un
Comité central, que des représentants des masses soient à la tête du parti comme le directeur à la tête de sa fabrique,
c’est-à-dire comme nous l’avons vu, qu’ils assument la fonction de prêtre. »

Ouais, y dit Fred, mais en URSS l’ouvrier l’était éclairé.
Cette fois encore pourquoi ces évidences sont-elles si facilement acceptées ? Pour Lénine aussi la repression des
ouvriers dans les fabriques n’est pas du tout une anomalie, quelque chose de monstrueux, mais quelque chose de
normal, de nécessaire. L’option de Hegel, Feuerbach, Bruno Bauer... exerce toujours une influence aussi efficace. Si
Lénine avait accordé plus d’importance au fait que son bon sens organisationnel était un bon sens bourgeois, chrétien, il
aurait peut-être vu dans la mise en place de cette discipline, dans le contrôle des ouvriers par ce prêtre-directeur, non
plus simplernent un moyen d’être plus efficace, mais la destruction des ouvriers en tant que “trop” singuliers, “trop”
autonomes et la mise en place d’un pouvoir qui agit en tant que tel.

Dans la manufacture dans “sa forme la plus parfaite” la transformation des travaux indépendants en une combinaison de
travaux successifs, complémentaires les uns des autres, a deux effets opposés. D’un côté elle réunit ces travailleurs à
une opération de détail et l’isole des autre. Mais d’un autre côté elle réunit ces travailleurs bien plus efficacement que la
manufacture de premier type, elle combine dans un même procès des travaux qui, auparavant, étaient distincts et
séparés. À ce niveau on ne parle plus des travailleurs, mais du “travailleur collectif”. Pour illustrer cette intégration
radicale des différents travailleurs dans la manufacture du deuxième type Marx la décrit comme un organisme vivant :
cette manufacture est “un organisme de production dont les membres sont des hommes”. Les différents travailleurs sont
aussi liés les uns aux autres et aussi intégrés dans un même procès que les différents organes d’un même organisme :
“La coopération... est maintenant l’expression d’un rapport organique”. »

C’est pour ça, y s’pose la question Fred, que Staline y disait ? : « Eh bien, je crois que nous allons vraiment au fond des
choses quand nous affirmons que l’Etat c’est le corps social qui fonctionne physiologiquement. Même le communisme
complétement réalisé dans le monde entier, il faudra encore des médecins, des médecins d’un genre particulier,
spécialisés dans la prévention et dans le traitement des maladies du corps social. Il y a le bonheur d’ordre général, celui
qui consiste à se sentir à sa place au sein de ce vaste système qu’est le corps ; et il y a aussi le bonheur particulier qui
découle de la spécialisation de chaque cellule.
Bien entendu, il existe des cellules inutiles, « parasites » ; certaines cellules, même, sont nuisibles. Les organes digestifs
et d’excrétion – que nous nommons les « Organes » tout court, tant le rôle qu’ils jouent est primordial – président à leur
transformation (ce sont nos camps de travail et de rééducation dont on n’a pas toujours bien compris à l’étranger la
valeur morale exemplaire dans une société communiste), voire à leur élimination pure et simple lorsque ces cellules
sont définitivement irrécupérables. »

« Ainsi, y continue m’sieur Koulberg, non seulement la société communiste ne peut être que le résultat d’un “long et
douloureux développement” mais ce douleureux développement a permis d’élever, d’éduquer les hommes. Seule une
éducation, une phase d’initiation, une phase de dure répression peut rendre les individus conformes à l’idéal
universaliste. Or c’est justement ce qu’ont subi les prolétaires : ce sont les plus démunis et, selon Marx et Lénine, les
mieux disciplinés par le capital. Ce sont les mieux éduqués et sont par là privilégiés. Cette conception rappelle
inévitablement le chemin de croix chrétien, le privilège des “derniers dans le royaume de Dieu".

Cette position des chrétiens semble absurde : pourquoi revendiquer et transformer en valeur des souffrances dont on est
accablé. On en reste plus que jamais prisonnier. Pourtant cette position est assez proche de la position de Marx et de
Lénine concernant le prolétariat. La discipline, la soumission à une direction imposées par le capital sont devenues des
valeurs. C’est en tant que “de plus en plus discipliné, uni et organisé” par le capital que le prolétariat doit confondre les
“intellectuels petits bourgeois". Pourquoi faut-il absolument que ce soit ce même prolétariat, celui qui a subi la
repression bourgeoise, qui prenne le pouvoir ? Pourquoi le prolétariat ne pourrait-il pas inventer des modèles
organisationnels nouveaux par lui-même ; des modèles qui par exemple tiendraient plus compte des différences
individuelles et locales des travailleurs ? »

Oui, pourquoi ? y redemande Djamel qui s’nerve.
« Cette évolution de la société est non seulement “civilisatrice", mais aussi absolument nécessaire à l’avénement du
communisme. En effet “la libération de chaque individu en particulier se réalisera exactement dans la mesure où
l’histoire se transformera complétement en histoire universelle”. Seuls des individus universalisés, ayant perdu toute
autonomie pourront établir une société communiste : “Seuls les prolétaires de l’époque actuelle, totalement exclus de
toute activité individuelle autonome sont en mesure de parvenir à un développement total... qui consiste dans
l’appropriation d’une totalité de forces productives...”.

(...) Le capitalisme a mené une grande action civilisatrice. Mais cette action reste tout de même encore insuffisante. En
étendant le commerce au monde entier, en englobant les individus et les nations les plus différentes dans un système
universel unique, en transformant les travaux indépendants en un travail coopératif, en faisant dépendre étroitement
chaque action individuelle ou nationale du mouvement d’ensemble de la société... le capitalisme a laissé entrevoir une
certaine société. Mais il n’a pas pu poursuivre ce mouvement jusqu’au bout... “L’universalité à laquelle il (le capital)
tend inlassablement trouve des limites dans sa propre nature”. Le capital a réalisé une partie importante de la grande
oeuvre d’universalisation vers laquelle il tendait ; il a relégué dans le passé les “développements purement locaux de
l’humanité”, il a “détruit la satisfaction de soi cantonnée dans des limites étroites”, mais ces tendances rencontrent, en
même temps, dans la nature même du capital, des limites infranchissables.

Mais quel est donc ce monde qu’a laissé entrevoir ce mouvement d’universalisation du capital, et en quoi consiste les “
étroitesses spécifiques” de cette universalisation dans le mode de production capitaliste ?
C’est la construction des machines, la transformation de la production manufacturière en production industrielle qui fait
apparaître avec le plus de netteté ce monde dont l’action du capitalisme nous raproche, mais que le capital ne peut
réaliser.

Nous avons vu que la manufacture transformait les différents travaux indépendants des artisans en un mécanisme vivant
dont chaque travailleur devenait un membre. Cette forme d’organisation du travail a permis de puissamment lier les
travailleurs entre eux puisqu’elle les a transformé en "un" organisme, en "un" travail collectif. Mais pourtant cette union
reste encore imparfaite, elle n’est pas encore totalement objective, impersonnelle ("substancielle"). Le travail collectif
lui-même ne s’est pas encore débarrassé complètement "des bornes personnelles". Les individus sont, certes, fortement
liés entre eux, mais ils gardent encore une consistance en tant qu’individus, ils ne disparaissent pas en tant que tels, c’est
encore eux qui forment “le squelette” de cette union. Mais quelle est donc cette organisation du travail qui unit les
individus si radicalement qu’ils disparaisssent totalement en tant qu’individus ?

Le point de départ de la révolution industrielle pour Marx, est l’apparition des machines. Quand il se met à décrire ces
machines le style même de Marx se transforme. Le style du “Capital” est généralement rigoureux, précis, et, quand
Marx s’en écarte, c’est pour devenir sarcastique ou pour exprimer son indignation. Dans “Le Capital”, même quand il
fait allusion à la société communiste, Marx essaie le plus souvent de parler en langue de science, à l’opposé des
révolutionnaires exaltés. Pourtant, quand Marx décrit les machines de la grande industrie il devient tout à fait lyrique,
utilise des métaphores très imagées. “La machine isolée a été remplacée par un monstre mécanique qui, de sa
gigantesque membrure, emplit des batiments entiers : sa force démoniaque, dissimulée d’abord par le mouvement
cadencé et presque solennel de ses énormes membres, éclate dans la danse fiévreuse et vertigineuse de ses innombrables
organes d’opération".

Cette description exprime, bien sûr, l’admiration de Marx devant l’installation de ces machines.
Mais qu’admire-t-il exactement en elles ?
Dans l’industrie “nous retrouvons l’instrument manuel mais dans des proportions gigantesques". "Le tour à support
mécanique n’est que la reproduction colossale du tour ordinaire. Le rasoir est "cyclopéen"... Le marteau à vapeur opère
avec une tête de marteau ordinaire, mais d’un poids tel que le Dieu Thor lui-même ne pourrait le soulever".
Donc ce que Marx admire avant tout dans ces nouveaux instruments, c’est leurs dimensions gigantesques. Ces machines
ne sont plus maniables par des individus (ni d’ailleurs par de petits groupes). Seule une société, seul un travail social
peuvent les utiliser. L’inadéquation entre ces outils gigantesques et les individus est devenue si importante qu’il devient
absolument impossible pour les individus d’en faire un usage séparé, autonome.

D’autre part, il est bien évident que la combinaison de ces machines non maniables individuellement ne correspond
plus, dans un ensemble industriel, à la combinaison des travaux individuels comme c’était encore le cas dans la
manufacture. Les liaisons entre les différents travaux ne sont plus les liaisons entre des travaux humains, chacun étant
exécuté par un travailleur (ou un groupe de travailleurs) particulier et les articulations entre les travaux se faisant donc
entre ces travaux particuliers, mais elles sont devenues des liaisons entre machines : “Dans la manufacture chaque
procès partiel doit pouvoir être exécuté comme opération manuelle par des ouvriers travaillant isolément ou en groupes
avec leurs outils. Si l’ouvrier est ici approprié à une opération, l’opération est déjà d’avance accommodée à l’ouvrier.
Ce principe subjectif de la division n’existe plus dans la production mécanique. Il devient objectif, c’est à dire émancipé
des facultés individuelles de l’ouvrier... le problème qui consiste à exécuter chaque procès partiel et à relier les divers
procès partiels entre eux, est résolu au moyen de la mécanique, de la chimie, etc...”. Ce nouveau type d’instrument fait
perdre toute consistance aux travailleurs et à leurs travaux en tant qu’individus. On n’a pas affaire à une combinaison
d’ouvriers parcellaires, mais à “un grand automate” qui a sa propre logique et qui combine les travaux de ses propres
machines.

Parler à ce niveau d’un travail individuel, d’un travailleur qui ne soit pas collectif, est devenu non seulement faux, mais
absurde, inintelligible. Au niveau de l’industrie dans son ensemble, encore bien plus qu’au niveau de la gigantesque
machine isolée, l’usage des instruments, c’est devenu un fait matériel, ne peut être que collectif, que celui d’une société :
“Dans la manufacture la division du procès de travail est purement subjectif ; c’est une combinaison d’ouvriers
parcellaires. Dans le système de machines, la grande industrie crée un organisme de production complétement objectif
ou impersonnel, que l’ouvrier trouve là, dans l’atelier, comme la condition matérielle toute prête de son travail. Dans la
coopération simple et même dans celle fondée sur la division du travail, la supression du travailleur isolé par le
travailleur collectif semble encore plus ou moins accidentelle. Le machinisme ne fonctionne qu’au moyen d’un travail
socialisé ou commun. Le caractère coopératif du travail y devient une nécessité technique dictée par la nature même de
son moyen”.

Ainsi la grande industrie nous donne déjà une idée de ce que peut être une société “émancipée des bornes personnelles”.
C’est, de plus, à ce moment que la coopération, “l’activité” devient mondiale et que chaque niveau de la production est
irrésistiblement entrainé dans le mouvement général de l’ensemble de la société. Marx insiste sur le fait qu’à partir de
cette période l’industrie domestique n’est plus du tout indépendante du mouvement général de la production, elle y est
reliée par “des fils invisibles”. “Cette prétendue industrie domestique n’a rien de commun que le nom avec l’ancienne
industrie domestique qui suppose le métier indépendant dans les villes... Elle s’est convertie maintenant en département
externe de la fabrique, de la manufacture ou du magasin de marchandises”.

Donc, que ce soit au niveau de l’unité de production ou au niveau mondial, l’individu a été englobé dans un système
universel, mais si le mouvement du capital nous laisse ainsi entrevoir ce que peut être une société dans laquelle les
individus et les communautés particulières sont universalisés, il pousse d’un autre coté la séparation entre les hommes,
les travailleurs, “jusqu’à l’extrême”. (...)
On ne peut pas aller plus loin dans la singularisation, la séparation, la parcellisation des taches. Dans l’industrie, la
fonction de l’ouvrier n’est même plus d’exécuter un travail parcellaire, mais de se mettre au service d’une machine
particulière. On a atteint d’un certain point de vue, l’extrême de l’individuation. Ce que montre cette séparation entre le
travail nécessairement social et cette spécialisation du travailleur poussée à l’extrême, c’est la pauvreté, le visage
sinistre de cet individu spécialisé.

Marx ne dit pas que l’individu disparaîtra dans la société communiste, au contraire, l’individu s’y réalisera. Mais quel
sera cet individu qui s’y réalisera ? »
L’homme nouveau ... ancien ? y spécule Djamel.
« Nous en avons déjà une première idée dans la description de Marx de la transformation de l’habileté de l’artisan en une
science. Le paysan et l’artisan indépendants déploient une connaissance, une intelligence, une volonté “sur une petite
échelle, à peu près comme le sauvage pratique tout l’art de la guerre sous forme de ruse personnelle”. Nous avons déjà
rencontré des individus qui pensent et agissent de cette manière. Ce sont les chinois de la “Philosophie de l’Histoire” de
Hegel. Ils procèdent, et pour leur propre compte, “d’une manière rusée et astucieuse”. Et Hegel expliquait qu’aucun
pouvoir n’était arrivé à véritablement les réduire, à “étouffer leur spontanéité", qu’ils savaient profiter de sa moindre
négligence. Qu’en est-il des artisans ?

Marx montre que pour les artisans aussi la "ruse personnelle", l’habileté singulière permettait de lutter contre
"l’autocratie" du capital. "L’habilité de métier restant la base de la manufacture... le capital doit lutter sans cesse contre
l’insubordination des ouvriers". Marx explique que le capital, pour mettre les ouvriers complètement à sa merci, a dû
transformer ces travaux qui exigeaient trop de dextérité, par des opérations automatiques "si bien réglées qu’un enfant
peut les surveiller". "Toute cette classe d’hommes dépendant exclusivement de leur dextérité a été écartée." »
Mon ancien délégué syndical y dit aussi qu’m’sieur Perrot y l’explique que « la machine est une arme de guerre dirigée
contre ces môles de résistance que sont les ouvriers de métier. Elle permet leur élimination, leur remplacement par un
personnel d’ingénieurs et de techniciens, rationalisateurs par essence, et plus liés à la direction des entreprises. L’enjeu
de la partie n’est donc pas seulement l’emploi, même si c’est le principal argument, mais le contrôle contrôle des
matières premières [...], contrôle des produits, en quantité et en qualité, contrôle des rythmes et des hommes. La
machine est un instrument de discipline. »

« Marx s’indigne contre les bourgeois qui ont profité de cette transformation pour exploiter plus facilement les ouvriers,
y continue m’sieur Koulberg. Mais il ne remettra jamais en cause le processus même. Dans la société communiste les
ouvriers se seront appropriés la totalité “des facultés de connaître”, en particulier la science, mais ce ne sera plus du tout
le même type de science ni de technique : ce sera la science et la technique telles que les ont développé les capitalistes.
Avec la bourgeoisie se créa “la science toute moderne de la technologie”. Le mérite de la technologie pour Marx, est de
ramener toutes les habiletés singulières, toutes les ruses individuelles, aussi originales qu’elles puissent être à une
science unique. C’est même cela la grande découverte de la technologie : “La technologie découvrit aussi le petit
nombre de formes fondamentales dans 1esquelles, malgré la diversité des instruments employés, tout mouvement
productif du corps humain doit s’accomplir, de même que le machinisme le plus compliqué ne cache que le jeu des
puissances mécaniques simples". Donc, grâce à la technologie, non seulement les techniques individuelles se fondent
dans une science commune, mais on est sûr qu’il ne peut survenir aucune invention, qu’il ne se créera jamais aucune
nouvelle technique qui ne soit réductible à cette science. On est pleinement rassuré : rien d’original, de véritablement
singulier ne pourra apparaître.

Voilà donc le type de savoir et le type de techniques que s’appropriera le prolétariat : non seulement la ruse personnelle,
l’habileté individuelle n’y ont plus court, mais leur oeuvre a justement consisté à réduire ces différences individuelles à
un système de rationalité unique.
Dans la société communiste la ruse sera universelle. Mais cette fois encore, nous pouvons poser la question : est-il
négligeable que ce type d’organisation du savoir se soit développé avec et ait servi à la mise en place d’un certain
pouvoir ? »

Oui, est-ce négligeable ? Y s’moque d’Djamel, Fred.
« Que sera donc cette société communiste dans laquelle l’habileté et la ruse sont communes à toute la société ?
Nous avons déjà eu l’occasion d’étudier le processus d’abstraction des besoins et des travaux dans la “Philosophie du
Droit" de Hegel. La multiplication des besoins et de moyens de les satisfaire les rend de plus en plus relatifs, au point
qu’arrive un moment où je ne me sens plus entrainé vers un objet de satisfaction particulier, vers un mode de
satisfaction déterminé, mais où je suis libre, mon libre-arbitre peut choisir indifféremment entre ces satisfactions et ces
moyens de les satisfaire. Mais pour Hegel cette libération n’est que formelle : “cette libération est formelle puisque c’est
la singularité des buts qui reste la base et le contenu”. C’est encore mon libre-arbitre qui choisit entre ces divers besoins
et moyens : nous ne sommes encore qu’au niveau de la société civile.
Chez Marx aussi le travail devient “abstrait” dans le sens hegélien, mais il ne rencontre pas cette limite du libre-arbitre
encore singulier.

Ce n’est pas la division du travail que critique Marx, mais la division involontaire du travail. Pour ce qui est de la
division du travail en tant que tel, bien loin de la critiquer, il pense au contraire qu’elle doit être très poussée. Pourquoi
la division du travail doit-elle être poussée ? Parce que l’artisan qui possède un métier à fond, qui travaille avec art,
marque une nette préférence pour certains travaux qu’il aime faire par rapport à d’autres. Bien loin de trouver que tous
les travaux sont équivalents, il établit des différences fondamentales entre eux.

"On trouve encore chez les artisans du Moyen Age un intérêt pour leur travail particulier et pour l’habileté dans ce
travail qui peut s’élever jusqu’à un certain sens artistique étroit".
Au fur et à mesure que la division du travail devient plus poussée, l’ouvrier se “libère” de ce "sens artistique étroit".
Dans la manufacture, puis dans la grande industrie le travail devient si spécialisé, si monotone, si ennuyeux qu’il
devient littéralement “indifférent”. “(L’artisan) était beaucoup plus subordonné (à son travail) que le travailleur moderne
à qui son travail est indifférent”. Mais cette indifférence n’est pas seulement subjective. Avec le développement de la
grande industrie c’est au niveau de la société toute entière que le travail devient indifférent. Comme il n’y a pas de
nécessité technique pour que les travailleurs soient voués à un travail particulier les travaux deviennent
interchangeables : "L’indifférence à l’égard de tel travail déterminé correspond à une forme de société dans laquelle les
individus passent avec facilité d’un travail à l’autre et dans laquelle le genre précis de travail est pour eux fortuit, donc
indifférent".

Les capitalistes maintiennent tout de même l’ancienne division du travail. Mais dans la société
cormmuniste j’aurai la possibilité “de faire aujourd’hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher
l’après-midi, de pratiquer l’élevage le soir, de faire de la critique après le repas, selon mon bon plaisir, sans jamais
devenir chasseur, pêcheur ou critique”. Marx l’a bien remarqué : bien qu’il n’y ait plus de sphère d’activité exclusive ce
sera tout de même “dans la branche qui lui plaît” que chacun se perfectionnera. Mais alors pourquoi insister sur le fait
que le travail sera indifférent ?

Je serai bien obligé de pratiquer certaines activités, mais je saurai évoluer d’un travail à l’autre de telle manière que
j’aurai toujours une vision globale, je me sentirai toujours un producteur universel et non tel travailleur effectuant tel
type de travail. Un travailleur "sentimentalement" attaché à certains travaux pourrait, de ce point de vue particulier,
s’opposer à l’ensemble de la société. Un travailleur qui change indifféremment de travaux, apprend à penser au niveau
de l’ensemble des travaux. Ce sera en tant que membre de la société qu’il considérera la production. Il ne se peut plus
du tout qu’un choix personnel concernant le travail ne concorde plus avec le mouvement de la production générale.
Pour mieux comprendre ce processus il est peut-être utile d’étudier la jouissance telle qu’elle existera dans la société
communiste. Dans la société communiste chaque homme sera "mis en rapports pratiques avec la production du monde
entier ( y compris la production intellectuelle) et mis en état d’acquérir la capacité de jouir de la production du monde
entier dans tous ses domaines." »

Avec Internet et not’ président, tout devient possible... y ricane Fred.
« Que veut dire jouir, être mis en rapports avec la production du monde “entier” ? Prise à la lettre cette affirmation est
absurde : une société produit tellement d’objets (industriels, culturels, etc..) différents qu’un individu ne pourra jamais,
quoi qu’il fasse, qu’en consommer une infime partie. Si Marx dit que l’individu aura la capacité de jouir de la
production du monde “entier” c’est donc qu’il veut suggérer quelque chose, un certain type de jouissance jusqu’alors
inédit. On ne jouira pas de la production du monde entier, bien sûr, mais on ne privilegiera plus certaines jouissances
particulières. On passera d’une jouissance à une autre sans jamais trop s’attacher à aucune : “C’est de cette seule
manière que chaque individu en particulier sera délivré de ses diverses limites nationales et locales”. Comme dans le cas
du travail, l’individu qui jouira de nombreux produits différents ne cherchera plus à satisfaire trop violemment certaines
jouissances qui lui sont particulières et ainsi séparer son plaisir particulier du plaisir de la société entière. Il n’y a plus
aucune jouissance qui soit encore assez forte, en tant que jouissance particulière, pour opposer un choix individuel au
choix de la société dans son ensemble. Les travaux, les jouissances dans la société communiste perdent leur importance
particulière et, de cette manière, deviennent des travaux, des jouissances sociaux, universels. »

MARX L’A RÉVÉ... BILL GATES L’A FAIT.

« Mais si l’on a besoin de cette transformation dans la manière de travailler et de consommer c’est qu’il existe un
danger : que les goûts des différents individus soient trop différents pour fonder une société totalement homogène. Ce
danger apparaît plus nettement encore quand on considère la production et la consommation ensemble. Qui dit que tous
les individus sont prêts à sacrifier le même nombre d’heures à travailler pour pouvoir jouir d’un certain objet.
Mais ces questions concernant les différences individuelles entre les travailleurs, entre les consommateurs ne semblent
pas poser problème à Marx. C’est peut-être qu’il a une certaine conception de l’individu qui lui permet d’éviter de les
poser ?

Marx, s’en prenant aux Robinsonades, affirme que l’individu n’est qu’un résultat historique, il n’est apparu qu’aux
XVIIIème siècle. Que se passe-t-il donc au XVIIIème siècle ? "Ce n’est qu’au XVIIIème siècle, dans la “société
bourgeoise”, que les différentes formes de l’ensemble social se présentent à l’individu comme un simple moyen de
réaliser ses buts particuliers”. Au VIIIème siècle la société est constituée en tant que totalité et l’individu peut, ou ne
peut pas en profiter. Nous pouvons déjà remarquer que l’individu ne se définit pas par lui-même : il se caractèrise par
son utilisation de l’ensemble social. L’individu ne serait-t-il pas celui qui utilise, plus ou moins efficacement, cet
ensemble social ?

Comment l’individu peut-il "s’individuer", se singulariser dans cette société dont il émerge ? Dans la société bourgeoise
chacun doit respecter les lois, les réglements, les obligations sociales. Tous les hommes sont égaux (du moins de
manière avouée) devant les mêmes obligations universelles. Il n’existe qu’un seul domaine où les individus peuvent
véritablement se différencier, c’est au niveau de l’économie. Une plus grande ou une plus petite richesse (et pouvoir)
économique, voilà ce qui distingue les individus les uns des autres. C’est du moins cette manière de se distinguer qui
sert de modèle pour les autres ( la hiérarchie de la réussite sociale, la hiérachie des performances, etc..). Marx a bien
décrit cette différenciation de type capitaliste. Il y a l’individu riche, celui qui jouit des richesses de la société, et puis, il
y a l’individu pauvre qui lui, se singularise par l’absence de ces mêmes richesses.

Marx ne reprend pas cette conception de l’individu possessif. Il critique le capitalisme qui ne pense que par “l’avoir
immédiat”. Mais il en conserve quand même quelque chose : l’idée que pour différencier les individus il faut les aligner
sur un même paramètre et comparer.
Nous avons vu qu’avec le développement de la grande industrie les travaux deviennent indifférents, plus rien
d’important ne les différencie. Pourtant, il existe une exception. Les travaux se différencient en travaux simples et en
travaux complexes. Une plus grande habileté, une plus grande force, une plus longue période d’apprentissage rendent
un travail plus productif : “ De même que dans la société civile un général ou un banquier joue un grand rôle, tandis que
l’homme pur et simple fait triste figure, de même en est-il du travail humain”. Il est important de noter que le travail
simple et le travail complexe sont le même travail. Ils ne sont différents que d’un point de vue quantitatif. Une même
dépense de nerfs, de muscles, de cerveau produit chez un individu un peu plus, chez un autre un peu moins de valeur. Il
s’agit donc d’individuation dans un sens très particulier : les individus, les actes ne sont pas différents, ils réalisent
simplement sur une même hiérachie de valeurs des performances différentes.

Feuerbach remarquait déjà que ce type de différentiation entre les hommes n’était pas du tout inquiétant (comme l’est la
différence entre deux individus totalement différents) , elle ne s’oppose pas du tout à l’intégration de ces individus dans
un universel parfaitement homogène. C’est dans un passage où il établit que la pensée est la même chez tous les
hommes, où le moi est mis en rapport avec le toi, où l’unité de l’espèce se réalise, que Feuerbach indique l’existence de
ce type de “différence” entre les hommes : “l’esprit vif court plus vite que la démonstration de son maître ; dès la
première pensée, en un clin d’oeil, il a anticipé toute une suite de médiations qu’autrui est obligé de parcourir avec l’aide
de la démonstration...". Les différences entre les individus ne remettent pas du tout en cause la subordination de ces
individus à un universel tant que ces différences sont comparables. Or c’est bien cette définition de l’individu que
défend Marx.

Marx s’oppose à la définition de l’individu de Stirner : "l’unique", "l’incomparable" ; "Je ne veux avoir ni être rien de
particulier qui me donne un avantage sur autrui : je ne me mesure pas non plus par rapport à autrui... Si d’autres sont et
ont quelque chose de semblable que m’importe ?" Marx oppose trois arguments à cette conception de l’individu sous
forme de troix exemples.
D’abord :“pour montrer que la comparaison n’est nullement un pur produit arbitraire de la réflexion nous n’avons qu’à
citer un seul exemple : l’argent, ce tertium comparasionis permanent des hommes et des choses". Mais Stirner ne dit pas
que la comparaison est un pur produit arbitraire de la réflexion. Le fait que l’argent existe ne prouve en rien que
l’individu ait une nature comparable. Il se pourrait que cet argent et ces travaux soient devenus comparables seulement
grâce au triomphe d’un certain pouvoir qui veut justement que ces travaux et cet argent soient universels.

Le deuxième exemple de Marx montre combien pour lui la comparaison entre performances est un schèma innocent,
universel : "La Persiani est une chanteuse incomparable parce qu’elle est chanteuse et se trouve comparée à d’autres
chanteuses...". C’est donc bien ce schéma de comparaison entre deux actes identiques situés sur un mêne paramètre,
dont, simplement, l’un produit une performance différente de l’autre, qui sert de modèle pour la différenciation entre
individus. Les individus ne sont pas totalement différents, on peut les comparer comme on compare les chants de
chanteuses différentes. On ne risque pas de tomber sur des individus véritablement uniques, incomparables.

Le troisième exemple de Marx prend pour modèle la science : "Les sciences... il (Stirner) les ignore totalement, alors
qu’elles ne sont parvenues à réaliser des progrès importants qu’en procédant par comparaison et par mise en évidence
des differences à l’intérieur des domaines où s’exerce la comparaison ; la comparaison y prend un caractère
d’importance universelle ; anatomie, botanique, philologie comparées..." Donc ce que Marx appelle les "sciences", ce
sont les sciences "classificatrices". Et ces sciences, comme l’exemple de la comparaison entre performances, ne sont pas
innocentes, c’est à elles qu’à dû s’opposer Freud pour pouvoir considérer ses patients comme des cas et non comme des
représentants d’une des maladies inscrites sur un tableau gnoséologique.

On comprend maintenant que Marx ne considère pas comme une plus grande individuation la plus grande autonomie
des groupes et des artisans aux époques prècapitalistes. La définition d’un individu comme autonome, comme
véritablement différent lui est étrangère.
Cette conception de l’individu a donc d’importantes conséquences : à cause d’elle tout le mouvement d’intégration des
individus dans un État universel, leur mise en état de dépendance, la répression systématique de leur singularité ne lui
semble pas aller a l’encontre de sa conception de l’individu. Ces phénomènes lui apparaissent au contraire comme étant
une évolution nécessaire. »

SOIS VOLONTAIRE

Ça, y dit mon ancien délégué syndical CGT, c’est pas si sûr, parce qu’l’ pote Karl y dit qu’ « la classe possédante et la
classe du prolétariat représentent la même aliénation humaine. Mais la première se complaît dans cette aliénation de soi,
elle éprouve l’aliénation comme sa propre puissance et possède en elle l’apparence d’une existence humaine ; la seconde
se sent anéantie dans l’aliénation, elle voit en elle sa propre impuissance et la réalité d’une existence inhumaine. [...] Au
sein de cette antithèse, le propriétaire privé représente donc le parti conservateur, le prolétaire le parti destructeur. Celuilà
agit en vue de maintenir l’antithèse, celui-ci agit pour l’anéantir. Si, dans son mouvement économique, la propriété
privée s’achemine d’elle-même vers sa propre dissolution, elle le fait uniquement à travers une évolution indépendante
d’elle, inconsciente, contraire à sa volonté et inhérente à sa nature, simplement en produisant le prolétariat comme
prolétariat, la misère consciente de sa misère morale et physique, la déshumanisation qui, consciente d’elle-même, tend
à s’abolir elle-même. Le prolétariat exécute la sentence que la propriété privée prononce contre elle-même en
engendrant le prolétariat, tout comme il exécute la sentence que le travail salarié prononce contre lui-même en
produisant la richesse d’autrui et sa propre misère. Si le prolétariat triomphe, il ne sera nullement devenu le côté absolu
de la société, car il ne triomphera qu’en s’abolissant lui-même et en abolissant son contraire. A ce moment là, le
prolétariat aura disparu tout autant que son antithèse qui est aussi sa condition, la propriété privée. »

Qu’c’est pourquoi « le communisme n’est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se
régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel. » « La société communiste [...] n’est pas
celle qui s’est développée sur ses bases propres, mais au contraire, celle qui vient d’émerger de la société capitaliste,
c’est donc une société qui, à tous les égards, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancien ordre
où elle a été engendrée. »

C’est pour ça qu’y disait aux ouvriers : « Vous aurez à traverser quinze, vingt, cinquante ans de guerres civiles et de
guerres entre peuples, non seulement pour changer les rapports existants, mais pour vous changer vous-mêmes et vous
rendre capables d’exercer le pouvoir politique » et que Staline y rêvait : « Il faut, (…), assurer un progrès culturel de la
société qui permette à tous ses membres de développer harmonieusement leurs aptitudes physiques et intellectuelles,
afin qu’ils puissent recevoir une instruction suffisante et devenir des artisans actifs du développement social ; qu’ils
puissent choisir librement une profession sans être rivés pour toujours, en raison de la division existante du travail, à
une profession déterminée. Que faut-il pour cela ? Il serait erroné de croire qu’un progrès culturel aussi important des
membres de la société est possible sans de sérieuses modifications dans la situation actuelle du travail. Pour cela, il faut
avant tout réduire la journée de travail au moins à 6 heures, puis à 5.

Ceci est indispensable afin que tous les membres
de la société aient les loisirs nécessaires pour recevoir une instruction complète. Il faut, pour cela, introduire ensuite
l’enseignement polytechnique obligatoire, indispensable pour que les membres de la société puissent choisir librement
une profession et ne soient pas rivés pour toujours à une profession déterminée. Pour cela, il faut encore améliorer
radicalement les conditions de logement et augmenter le salaire réel des ouvriers et des employés au minimum du
double, sinon davantage, d’une part en relevant directement le salaire en espèces, d’autre part et surtout, en pratiquant la
baisse systématique du prix des objets de grande consommation. Telles sont les conditions essentielles qui prépareront
le passage au communisme.

C’est seulement lorsque toutes ces conditions préalables, prises dans leur ensemble, auront
été réalisées, qu’on pourra espérer qu’aux yeux des membres de la société le travail a cessé d’être une corvée, pour
devenir "le premier besoin de l’existence" (Marx) ; que "le travail, au lieu d’être un fardeau, sera une joie" (Engels) ;
que la propriété sociale sera considérée par tous les membres de la société comme la base immuable et intangible de
l’existence de la société. C’est seulement lorsque toutes ces conditions préalables, prises dans leur ensemble, auront été
réalisées, qu’on pourra passer de la formule socialiste : "de chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail", à la
formule communiste : "de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins". Ce sera le passage intégral d’une
économie, l’économie du socialisme, à une autre économie, économie supérieure, l’économie du communisme. »

Ouais, on peut pas dire qu’le rêve y se soit réalisé, y dit Djamel, et les prolos y z’en ont pris encore plein la gueule
d’l’avenir radieux.
Mais l’Che qu’est l’ami des facteurs, y répond : « Et tant à l’époque qu’aujourd’hui, je découvre chez Staline toute une
série de choses qui sont très bonnes. Il convient de considérer Staline à partir du cadre historique dans lequel il évolue,
il ne faut pas se contenter de le considérer comme l’une ou l’autre brute, mais au sein de ce cadre historique particulier. »

Et y continue : « On doit être marxiste de la même manière que l’on est "newtonien" en physique, ou "pasteurien" en
biologie. (...) Le mérite de Marx est d’avoir effectué un bond qualitatif dans l’histoire de la philosophie sociale. Il
interprète l’histoire, explique sa dynamique et prévoit l’avenir. En outre, il va plus loin que son simple devoir
scientifique, il formule un concept révolutionnaire : il ne suffit pas de comprendre la nature des choses, il est aussi
nécessaire de les modifier. L’homme cesse d’être l’esclave et l’instrument de l’histoire pour devenir l’architecte de son
propre avenir. »

Qu’l’ami des facteurs, lui aussi y voulait un homme nouveau : « Si le communisme ne devait pas conduire à la création
d’un homme nouveau, il n’aurait aucun sens. »
L’tout, y dit Fred, c’est d’savoir qui c’est qui tient l’projecteur.
Mon ancien délégué syndical CGT y dit qu’l’pote Engels y dit que « Marx s’en remettait uniquement au développement
intellectuel de la classe ouvrière, qui devait nécessairement résulter de l’action et de la discussion communes. Les
événements et les vicissitudes de la lutte contre le Capital, les défaites plus encore que les succès, ne pouvaient manquer
de faire sentir aux combattants l’insuffisance de toutes leurs panacées et les amener à comprendre à fond les conditions
véritables de l’émancipation ouvrière. »

PROLÉTAIRES, BOUGEZ-VOUS LE CUL !

(à suivre...)

Chomdu 12

http://www.bellaciao.org/fr/spip.ph...

Chomdu 11

http://www.bellaciao.org/fr/spip.ph...

Chomdu 10

http://www.bellaciao.org/fr/spip.ph...

Chomdu 9

http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...

Chomdu 8

http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...

Chomdu 7

http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...

Chomdu 6

http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...

Chomdu 5

http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...

Chomdu 1, 2, 3, 4

http://bellaciao.org/fr/article.php...