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Catholicisme, la fin d’un monde

Publie le lundi 21 avril 2003 par Open-Publishing

C’est un séisme sans bruit. Un effondrement silencieux qui saperait les
soubassements de notre société. Les cathos ont le blues, disent-ils. Ils se
sentent mal aimés, moqués, méprisés. Incompris. Mais, pour Danièle
Hervieu-Léger, la crise est plus grave.

Dans son dernier essai, Catholicisme, la fin d’un monde (Bayard), paru le 10 avril, la sociologue
des religions n’annonce rien de moins que l’imminente désintégration de
l’Eglise. Et, au-delà, c’est tout le modèle même de l’institution
catholique, fondatrice de nos références culturelles et charpente de nos
structures étatiques, qui serait en voie de délitement. Selon Danièle
Hervieu-Léger, nos représentations de l’autorité, de la famille, de la
justice, de l’école, imprégnées, dupliquées même de l’ordre ecclésial, sont
en train de muter, laissant l’Eglise seule, en « état d’apesanteur », à
continuer de fonctionner selon un système aujourd’hui battu en brèche.
Et
les valeurs chrétiennes de solidarité, d’égalité des personnes, de liberté
individuelle, de droits de l’homme ont si profondément infusé dans notre
culture démocratique que leur première messagère, l’Eglise, s’en trouve
presque dépossédée, comme le diagnostiquait Marcel Gauchet.

La thèse, cinglante et polémique, met cependant hors de cause l’institution
dans ses agissements, ses stratégies et ses discours. Par ailleurs, elle ne
manque pas de préciser que la fin de l’institution en France ne signifie pas
la fin du catholicisme, ni ne doit occulter la bonne santé de l’Eglise hors
des frontières européennes. Et pour la sociologue, qui loue au passage les
vertus de cette Eglise de France « estimable et estimée », il s’agit là non
d’une critique, mais d’un constat.

S’il risque de déplaire à certains prélats, il s’avère cependant partagé par quelques intellectuels catholiques : « Nous sommes passés d’une civilisation holiste à une société où dominent les modèles individualistes, où personne - ni le politique, ni le
judiciaire, ni le religieux - ne rassemble, estime le jésuite Henri Madelin,
rédacteur en chef de la revue Etudes. D’un autre côté, comme l’Eglise ne
vient plus en appui du politique établi, elle est passée, en devenant
minoritaire, dans le camp des valeurs de liberté. Certes, cela se paie d’un
affaiblissement, et l’Eglise ne peut pas faire croire que tout continue
comme avant. Mais ce n’est pas pour ça qu’elle est morte. » La crise, dans sa
profondeur, serait comparable à celle qui l’a frappée au XIXe siècle, quand
l’Etat s’est construit sans elle, contre elle.

Pourtant, tous les
catholiques ne baissent pas les bras. L’assomptionniste Bruno Chenu évoquait
récemment dans une chronique de La Croix le débat qui se fait jour entre
ceux qui se voient comme les derniers des Mohicans, ultimes représentants
d’une religion en déshérence, et d’autres, stimulés par l’idée d’une aube
nouvelle du christianisme : « C’est en retrouvant l’audace confiante des
commencements apostoliques que nous pourrons accueillir l’avenir, tel que
Dieu le veut, et qu’aucun d’entre nous ne peut programmer », écrit-il. « La
nécessité nous oblige à bouger, confirme Henri Madelin. Mais les catholiques
ne sont pas démunis pour puiser aux sources de l’Ecriture. Le christianisme
est une religion de l’Esprit, non de la Lettre. »

par Marion Festraëts
l’express