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Le Havre, dynamique gagnante

Publie le dimanche 16 mars 2008 par Open-Publishing
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Le Havre, avec Daniel Paul

En dépit d’une arithmétique qui décrit un second tour serré, une énergie militante sans précédent fait valoir les atouts du rassemblement face à l’UMP.

Jeudi matin, marché de la Mare-Rouge. « C’est pour Rufenacht ? Beurk… ». « Chacun son chemin », tente un militant UMP en ratant sa pirouette. Marché de la Mare-Rouge : un quartier du Havre populaire situé sur les plateaux. L’abstention y a frôlé les 50 % au premier tour des municipales. Presque autant que le pourcentage de chômeurs : 40 %. Un quartier favorable à la gauche : Daniel Paul et la liste de rassemblement du premier tour sont présents. Comme à peu près toutes les semaines.

Au premier tour de la cantonale, la candidate PCF, élue sortante, vice-présidente du conseil général n’a raté dimanche dernier qu’à quelques voix près sa réélection. Elle est là. Face à elle, reste en lice un candidat labélisé Rufenacht. Il est lui aussi présent, à l’écart. En position élective impossible. En position politique qui le contraint à de curieux tortillements. Quadrature du cercle : comment mobiliser sur son nom aux cantonales tout en cherchant activement la démobilisation populaire pour les municipales ? Antoine Rufenacht fera aussi trois petits tours ce jour-là. Visite quasi historique. Preuve d’une certaine fébrilité. Car le candidat qui a oublié le sigle UMP le sait : il n’a plus guère de réserves.

Sauf sur le papier. Avec la seule arithmétique. Jeudi matin, sur le marché de la Mare-Rouge : sourires, regards, saluts, petits mots échangés… Daniel Paul et ses amis de gauche sont les bienvenus. « Ah, c’est lui ? Je l’aime bien celui-là », lance une femme devant l’étal du boucher ambulant. « Daniel Paul nous a aidés. Les autres ? Rien depuis treize ans », dénonce la responsable de l’association Bol d’Air. Candidate PS sur ce canton, devancée par Mireille Garcia, la jeune Najwa Confaits distribue le tract de la liste Daniel Paul : « C’est normal, c’est la gauche », souligne-t-elle. Elle prédit une dynamique comme lors du deuxième tour des législatives en juin dernier : boudeurs au premier tour, les jeunes du quartier se sont alors mobilisés au second.

Marcel Cognard, ex-conseiller municipal PS, admet connaître des sympathisants socialistes qui ne se sont pas déplacés dimanche dernier. « Ils vont se mobiliser », assure-t-il. Volonté d’attendre que les choses se décantent devant un choix entre 4 candidats de gauche au premier tour ? Une manière de refuser la primaire à gauche ? Hypothèse plausible pour beaucoup. Qui va de pair avec le score obtenu par la liste Daniel Paul, jugée la plus crédible en efficacité face au sortant UMP. Une liste portant, dès le 9 mars, les valeurs du rassemblement avec le MRC. Et aussi des syndicalistes de toutes obédiences, ou des personnalités représentatives de la diversité de la population havraise.

Laurent Logiou, tête de la liste PS du premier tour, désormais 3e sur la liste Daniel Paul, se dit convaincu : « On peut gagner. Tout repose sur les abstentionnistes des quartiers populaires. Deux projets s’affrontent : celui de Rufenacht, qui fait comme s’il n’était pas aux affaires depuis déjà treize ans. Et celui de Daniel Paul. Il n’y a pas eu de division dimanche dernier. Juste une primaire, qui n’a pas empêché la dynamique. Peut-être même l’a-t-elle aidée. Les Havrais n’ont pas à douter de la solidité de ce rassemblement. »

Yves Bertrand, colistier du précédent lors du premier tour, responsable départemental du PRG, ne dit pas autre chose : « La méthode des primaires, dans le respect mutuel, a permis que chaque sensibilité fasse des scores supérieurs à ceux de 2001. Les gens n’aiment pas que l’on décide à leur place. » Pierre Dieulafait, (Verts) lui aussi désormais sur la liste de rassemblement de Daniel Paul, souligne les aspects positifs : « Qui nous aurait dit, il y a trois mois, que la droite d’Antoine Rufenacht avait des chances d’être battue ? Il y a aujourd’hui plus qu’un espoir, d’autant que les deux listes d’extrême gauche appellent à battre l’UMP ».

Au siège de campagne de Daniel Paul, c’est la ruche. Ou la fourmilière, selon les goûts. La mobilisation est palpable. La dynamique aussi. Comme une façon de réinventer la manière de faire de la politique. On va, on vient, on discute, on échange impressions et expériences. On repart. Qui avec des paquets de tracts. Qui avec des monceaux d’affiches. Communistes, socialistes, Verts, Radicaux, ou tout simplement de gauche ?

Les sigles et les appartenances ne sont pas reniés. Mais il y a surtout des hommes et des femmes, souvent jeunes, parfois plus aguerris, qui, rassemblés, s’activent. Un travail de militants. Au sens le plus originel du terme. Un nouveau militantisme que l’on a pu croire désuet. Travail méticuleux aussi. Les initiatives sont affichées sur des tableaux. Les colonnes se noircissent sans cesse. On y va. Il y a du monde. Manque rien. Sauf peut-être du café : la machine est sur « on » du matin jusqu’au soir. La mobilisation militante aussi. « Quoi qu’il arrive, cela laissera des traces. » Le pronostic est collectivement engagé. Tout en mettant sous plis la lettre manuscrite de Daniel Paul nominativement envoyée aux abstentionnistes.

Jeudi soir. Plus de 600 personnes. C’est le meeting de la gauche. Le soutien du nouveau jeune maire (gauche PCF) de Dieppe, Sébastien Jume, fait recette. Celui aussi de la nouvelle maire de Rouen (gauche PS) Valérie Fourneyron. L’après-midi, Didier Marie, le président (PS) du conseil général, avait parcouru certains quartiers avec Daniel Paul. L’arithmétique est sommée de se faire oublier. D’ailleurs elle est oubliée. Comme toutes les idées pessimistes. Les commentaires vont bon train. Notamment ceux sur Antoine Rufenacht. La veille en effet, lors d’un débat avec Daniel Paul sur France Bleu, il avait juré la main sur le coeur qu’il ignorait tout de la situation financière de l’hôpital avant ces derniers jours. Il est pourtant depuis treize ans, président du conseil d’administration. Poussé dans ses retranchements, il avait aussi renoué avec ses vieux arguments d’il y a treize ans : immobilisme de la gauche, division supposée de celle-ci. Le chiffon rouge aussi contre « un maire communiste ». Jusqu’à lancer méprisant et classieux : « Vous allez sans doute proposer de faire payer les riches ! »

Daniel Paul au meeting de la gauche. Pas question d’oublier que le Havre est un grand port. Avec des salariés, des outillages, des savoir-faire. Les salariés des Ports et Docks sont, précisément, très inquiets face aux risques de privatisation, de licenciements, et au non-respect des statuts et conventions collectives. Une sauce mijotée au gouvernement par les amis d’Antoine Rufenacht. Daniel Paul insiste sur son refus de tout principe allant dans ce sens : « Nos préoccupations se rejoignent », lance-t-il. sous les applaudissements. Le Havre se rassemble.

Dominique Bègles paru dans l’Humanité, édition du 14 mars 2008.
http://www.humanite.fr/Le-Havre-dyn...