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EN MAI 68 10 MILLIONS DE GREVISTES QUI OCCUPENT LEUR ENTREPRISE DU JAMAIS VU

Publie le mercredi 19 mars 2008 par Open-Publishing
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de Guy Poussy

40 ans après la réécriture de mai 68 va bon train. Dans les médias, sur les plateaux de télévision l’évènement est dépolitisé on n’en retient, pour le meilleur et pour le pire, que le mouvement étudiant, que les changements de mentalité, la modernisation des mœurs, la liberté de la sexualité, les effusions hédonistes, l’explosion de la parole. En 1968 les mêmes évolutions se produisirent dans de nombreux pays. Ce qu’il faut effacer aujourd’hui c’est la conjonction du soulèvement de la jeunesse, et l’irruption de la classe ouvrière dans une grève générale inégalée en occident. Ils ont peur de mai 68. Les princes qui nous gouvernent ont toujours peur de la convergence des luttes de la jeunesse et du monde du travail, ce fut encore le cas en 2006 pour battre le CPE. Faire le silence sur les acquis de mai 68, et dénaturer le déroulement des évènements, tel semble être l’objectif de la campagne médiatique qui accompagnera le 40e anniversaire de mai 68.

En mai 68 existait une accumulation de mécontentement de caractère revendicatif, à l’université comme dans les entreprises. Elle a fait mûrir un climat de tensions sociales fortes qui a pris la dimension que l’on sait. Dès 1967 il y avait une montée en puissance de mouvements étudiants en Italie, au Mexique, au Brésil, en Tchécoslovaquie. Il est juste de dire qu’en France les étudiants furent l’étincelle qui mit le feu aux poudres. Le 10 mai la nuit des barricades de la rue Gay Lussac a tout précipité. Encore fallait il un stock de poudre suffisant pour que l’explosion ait le retentissement qu’elle a eu au plan national et international. Avec le recul on peut dire que mai 68 n’aurait revêtu que les éclats d’une révolte étudiante si le monde du travail et de la création, la classe ouvrière, n’était montée en première ligne. L’évènement changeait alors de nature et d’amplitude.

Le » tous ensemble étudiants travailleurs » fit défaut surtout à Paris. En province dans de nombreuses villes des rencontres des débats entre étudiants et travailleurs eurent lieu à l’intérieur d’ entreprises occupées, ce qui se révéla positif. Les responsabilités de cette situation ne peuvent être éludées. Au départ le mouvement ouvrier était sur la même longueur d’onde que les étudiants concernant la démocratisation et la réforme de l’université, ou la lutte contre la guerre au vietnam. Des difficultés sont apparues à partir du moment ou les dirigeants étudiants les plus en vue,ont voulu substitué à des objectifs revendicatifs des objectifs politiques, proclamant qu’il y avait » une situation révolutionnaire » permettant de renverser le capitalisme, d’établir un pouvoirouvrier. Certes la frousse avait gagné le pouvoir et le patronat, le système pliait mais la suite montre qu’il n’a pas rompu. Ils tentèrent d’entraîner les travailleurs et le mouvement démocratique dans l’épreuve de force en vue de renverser le pouvoir, y compris par la force. Une campagne d’intoxication était menée destinée à faire croire que l’état gaulliste était liquéfié, qu’il n’y avait qu’à se baisser pour le prendre. Entre le 25 et le 30 mai, De Gaulle ayant disparu, le mouvement ouvrier était invité à l’affrontement, à prendre des positions qui auraient permis au pouvoir de crier à l’illégalité, à faire appel à l’armée du général Massu stationnée en Allemagne, pour faire respecter sa « légitimité ». Le recours aux méthodes de force primait au sommet de l’état et du parti gaulliste.

François Mitterrand, Mendès France, Rocard alors dirigeant du PSU, les principaux responsables de la CFDT et du mouvement étudiant participaient à cette opération aventuriste. Ils exprimèrent clairement leurs objectifs au meeting du stade Charlety le 27 mai. Le piège fut déjoué, le peuple dans sa masse profonde était hostile à pareille aventure, les élections législatives de juin 68 le montrèrent. S’engager dans cette voie était conduire au massacre les travailleurs et la jeunesse. Invités des plateaux de télévision les dirigeants étudiants de l’époque- notamment Cohn- Bendit – gagneraient à faire leur autocritique en condamnant le sectarisme et l’aventurisme qui les habitaient en mai 68.

Faire le silence sur les acquis des luttes de mai 68 est aussi un objectif poursuivi par celles et ceux qui veulent » effacer mai 68 * ». Sous la pression de 10 millions de grévistes qui occupaient leur entreprise la force de persuasion est bien plus grande que dans les réunions qui se tiennent dans les salons de l’Elysée, à la Lanterne de Versailles, ou dans les ministères. En mai 68 les salariés ont obtenu des acquis plus importants, et dans des domaines plus diversifiés qu’en 1936. Il n’y a pas eu seulement le » constat de Grenelle » avec l’augmentation du SMIG de 35% celle de 55% du salaire minimum agricole, la législation du droit syndical à l’entreprise, le paiement des jours de grève à hauteur de 50%. Début juin les négociations par branches professionnelles complétèrent de manière substantielle le constat de Grenelle. Elles se déroulèrent le plus souvent sous la pression des entreprises toujours en grève et occupées. Le souffle de mai 68 se fit sentir jusque dans le milieu des années 70, avec des acquis sociaux et démocratiques importants pour le monde du travail et de la création

En ces temps de recul de civilisation les enseignements essentiels, la signification des luttes de mai 68 ne doivent pas connus, ni donner envie de s’en inspirer. Il ne faut surtout pas nourrir l’idée que des crises sociales aigues peuvent mettre l’existence du pouvoir économique et politique en cause. Il en est de même de l’expérience de grands mouvements victorieux, décidés à la base par les travailleurs eux-mêmes, imposant des avancées significatives. Mai 68 c’est la confiance en ses propres forces, le rôle de la grève politique qui se combine avec d’autres formes de lutte, en particulier les grandes manifestations de rue. L’autogestion des grèves et de l’occupation des entreprises qui ne furent l’objet d’aucun mot d’ordre national. Sur la base des informations soumises à l’appréciation des travailleurs réunis en assemblée générale ceux-ci discutaient, prenaient des décisions, et votaient. Toutes ces idées aujourd’hui dangereuses doivent disparaître. Elles ne doivent pas être enseignées aux jeunes générations. Pourtant l’histoire de notre pays nous apprend que pour avancer, pour vaincre les résistances des forces de l’argent, il faut passer par le conflit et non pas par la collaboration de classe. La lutte fait partie intégrante de la démocratie. Comment construire des rapports de force sans lutte de classes ? Puisons donc dans les enseignements de mai 68 pour vaincre les divisions, l’esprit de capitulation. Mai 68 est ineffaçable, retournons sa force contre la politique de Sarkozy et du MEDEF, ils seront battus.

* Paroles de Sarkozy

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