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Bataille pour la Villa Médicis (zaz)

Publie le dimanche 30 mars 2008 par Open-Publishing
16 commentaires

1° Comment une affaire privée passe par chance vaseuse imprudemment publique

Starring pour commencer dans ce très beau film d’art et d’essai que nous allons vous exposer, Georges-Marc Benamou, conseiller pour la culture à l’Elysée, et Olivier Poivre d’Arvor, "monsieur frère" (ce qui ne devrait pas être en soi une tare, ni non plus une qualité !), qui est quelque chose d’important ailleurs à la télé. C’est le Canard qui nous en parle initialement la semaine dernière juste après les élections municipales en évoquant une affaire d’amour qu’a mal tourné entre eux à propos de la Villa Médicis, promise (la direction s’entend) par le premier au second mais finalement accaparée (la direction s’entend toujours) par le premier, lequel a perdu sa chaise curule élyséenne ("A perdu" c’est à dire "est viré"), et se constitue avec brio un avantage compensatoire.

Là, on suppose que si vous lisez les présentes lignes vous êtes bien sûr déjà au parfum sur l’essentiel, on va pas tout reprendre au début : L’histoire donc promet a priori d’être racinienne, shakespearienne même, si elle est bien menée. On attend beaucoup d’hémoglobine dans cette tragédie ! Eh bien c’est parti comme prévu, Olivier dans le rôle de Iago l’abominable déballe tout le bidule ! Par chance, Georges-Marc, imbuvable viscéral, semble ne s’être fait partout dans sa carrière que des ennemis complètement accrocs, ça biche, ça biche, la mayonnaise empoisonnée peut monter, la cabale peut s’enfler.

Action ! entrent dans le jeu, une trentaine d’artistes en lettres capitales, écrivains et célébrités diverses, signataires d’une pétition dénonçant une nomination scandaleuse qui serait le fait du prince, vous comprenez pourquoi : Jane Birkin, artiste, François Bon, écrivain, Geneviève Brisac, écrivain, Pascal Bruckner, écrivain, philosophe, Olivier Cadiot, écrivain, Sophie Calle, artiste, Patrice Chéreau, metteur en scène, cinéaste, Bernard Comment, écrivain, ancien pensionnaire de la Villa Médicis, Pascal Convert, artiste et ancien pensionnaire de la Villa Médicis, Maryline Desbiolles, écrivain, Pascal Dusapin, compositeur, ancien pensionnaire de la Villa Médicis, Alain Finkielkraut, philosophe, Gérard Fromanger, artiste, Valérie Gans, écrivain, Gabriel Garran, metteur en scène, François Hartog, historien, Valérie Lang, comédienne, Gila Lustiger, écrivain, Bruno Mantovani, compositeur, ancien pensionnaire de la Villa Médicis, Pierre Michon, écrivain, Catherine Millet, critique d’art, auteur, directrice d’Art Press, Marie-Ange Munoz, écrivain, Manuela Morgaine, artiste, ancien pensionnaire de la Villa Médicis, Stanislas Nordey, metteur en scène, Bernard Pagès, artiste, Giuseppe Penone, artiste plasticien, Jacqueline Risset, écrivain, professeur, traductrice, Olivier Rolin, écrivain,Tiphaine Samoyault, écrivain, ancien pensionnaire de la Villa Médicis, Jean-Noël Schifano, écrivain, éditeur, citoyen d’honneur de la ville de Naples,Yves Simon, écrivain, chanteur, Aberrahmane Sissako, cinéaste, Alain Veinstein, écrivain, producteur à France-Culture, Marc Weitzmann, écrivain. On se demande ce que la plupart viennent faire là-dedans, mais s’ils le font c’est qu’ils ont leurs bonnes raisons et qu’ils en ont le droit. Comme ils nous interpellent ainsi, nous nous sentons, à l’Ocséna, tenus par courtoisie et obligation morale face à l’ampleur de la chose de publier aussitôt à notre tour en post sur betapolitique une sorte de mise en garde naturelle que voici :

"La décence ou l’intelligence voudrait en principe, c’est l’usage, que l’on se taise sur les fromages (yc. les culturels) que la République se distribue périodiquement entre courtisans, et que la question ne soit en tout cas pas étalée imprudemment sur la place publique. Mais on voit qu’une subtilité légitime nous avait échappé, il y a donc des courtisans politiques et des courtisans techniques, Benamou serait des uns et son malheureux challenger Poivre d’Arvor serait des autres."

"Comme nous n’avons aucun intérêt, nous, ni dans un camp ni dans l’autre, ça ne nous déplairait finalement pas de relever, si l’on peut dire, l’étrange débat auquel on nous invite. Le plus amusant serait sans doute celui sur la compétence : qui t’as fait compétent très aimable bouffi ? Nous n’avons rien contre aucun de ces deux garçons, mais engageons l’affaire on va bien arriver à leur trouver sérieusement quelque chose."

On se croit quitte et libéré ! Mon oeil ! deux jours après l’affaire court toujours. Deuxième réaction de notre part, nous exprimons cette fois sous forme zaz :
 "A côté de ça, le pire est évité, ils n’ont pas osé nommer David Douillet ! "
 A quoi un aimable zazeur nous répond non sans à propos : "Il le méritait bien pourtant,non ?"

2° Les sanglots longs des violons, blablabla. Le Monde débarque, vous imaginez l’ampleur !

Hier soir, 30 03 08, grand bang dans le ciel bleu de France, le Monde s’y met à son tour, plus exactement Raphaëlle Bacqué, avec un article étonnamment meurtrier "La bataille de la Villa Médicis". Tout l’historique est là, (reportez-vous à lui) et une flopée de gens nouveaux s’y trouvent "impliqués", Patrick de Carolis, Christine Albanel, Richard Peduzzi, l’actuel directeur de la villa, Catherine Pégard, conseillère d’Albanel, de même sans doute que sa petite soeur, mais il y en a d’autres à citer nécessairement puisqu’il y a Carla Bruni-Sarkozy soi-même, ainsi que Valeria Bruni-Tedeschi, la merveilleuse actrice elle que nous aimons tant. Valéria est sans doute la seule là-dedans qui n’ait pas fait de connerie, elle n’est notamment pas intervenue auprès de Carla et de Nico.

Nous vous donnons tout de suite l’épilogue de ce méchant movie, Nicolas s’en tire très bien, il refile à je ne sais quelle commission le fait de trancher sur les mérites et les quartiers de noblesse des impétrants, soit les deux thons précédents si maladroits, soit la flopée des nouveaux qui se branchent à présent sur le morceau.

3° La réponse putative du peuple

Reste, comme on le prévoyait, la villa que l’on a à présent sur les bras, reste le problème à poser de la légitimité des tromblons signataires (on voulait dire trublions), reste le peuple, nous, qui paie par l’impôt ces dépenses somptuaires qui ne lui sont pas destinées, reste le cas Sarkozy qui n’est nullement écorné, dirait-on, reste les Ocsénistes grosjean comme devant dans cette stupide affaire, car est-il besoin de le péciser nous ne sommes pas sarkozystes mais très exactement le contraire. Il est vrai que nous ne sommes pas trop célébrités non plus, que nous mettons souvent dans le même pot.

Nous avons rarement vu une affaire si vainement gérée. Sur la villa, déjà, la rumeur se répand comme une traînée de poudre qu’elle coûterait une fortune représentant plusieurs fois le surcoût du régime spécial de la RATP, ce qui est archi-faux. La rumeur se répand aussi qu’elle est de ces dépenses largement superfétatoires qui, jointes à mille autres, creusent le budget de la nation, ce qui est vrai absolument on peut le dire (pensez aux chaînes parlementaires !). Hier à la télé nous entendions que La Villa Médicis est le lieu où de grands artistes sortent enfin de la galère, éclats de rires dans les chaumières ! la vrai galère est celle des Français très ordinaires. Et puis les handicapés qui défilaient hier pour une vie décente doivent quand même l’avoir amère (on ne parle pas des intermittents des années précédentes, on ne parle pas non de ceux qui se les gelaient rue de la banque durant l’hiver).

Oui mais c’est le prestige de la France, cette Villa ! C’est ce qui fondamentalement justifie le régime spécial de cette si belle cantine romaine. Tant de noms illustres y sont passés !
 Qu’ils remboursent, crie bêtement la foule.

Statut des signataires. D’accord, on ne va pas mégoter soudain l’affection que nous avions pour les deux chiens de Jane Birkin, ou notre sincère admiration pour tel ou tel. On comprend que si la pétition n’est pas caritative comme d’hab, si elle est un poil un peu corporatiste (c’est pour la profession, on notera d’ailleurs qu’il n’y a aucun charcutier parmi les signataires), elle a aussi le mérite d’être politique : bon mais on l’a déjà dit, là c’est pas mal dans l’intention mais c’est franchement raté dans l’aboutissement.

Et puis il y a une chose mal venue dans cette affaire outre qu’elle part d’une querelle au départ strictement personnelle, c’est qu’elle est cri du gratin ! Le gratin peut protester, c’est son droit comme celui de tout le monde, c’est peut-être aussi son devoir. Il peut faire remontrance au roi, ne le fait-il pas depuis des siècles, il le faisait déjà sous Louis XIV, XV et XVI. Il le fait au nom de son essence exceptionnelle. Mais bon, je ne sais, à être puissant ce qui est bien, il n’est pas interdit d’être subtil en plus. On se trompe sans doute, mais ça n’a pas été le cas, on parle pour la subtilité, Il est vrai que le gratin n’a pas suscité complètement la haine non plus.

4° Hypothèse pour une conclusion

Pour conclure correctement cette offensive assez râtée que faudrait-il finalement ? Jeter aux oubliettes par la tête les deux énergumènes par qui le scandale est arrivé. Demander aux gratinés précités de bien vouloir par décence rester un peu plus entre eux, ou ressortir les subventions diverses dont certains glavioteurs oublieux vivent richement. Enfin, sans céder la Villa aux malheureux enfants de la mucoviscidose, la faire oublier pendant quatre ou cinq ans.

Le danger que l’’on risque dans la maladresse stratégique que nous dénonçons c’est que Nicolas Sarkozy se refasse une santé et même une assourdissante popularité s’il lui venait à vider Albanel, Carolis, Pégard et compagnie.

Quand je pense que Chéreau, Edmonde Charles-Roux, Fumaroli sont pressentis pour trancher en sages dans ce débat, je serais à leur place je me tirerais vite fait, ne serait-ce que par respect pour le peuple. Il y en a déjà tant parmi nous qui réclament de la brioche au petit mitron qu’il est insensé à ce stade de leur promener sous le nez le fumet du gratin.

Alain Serge Clary et les Inoxydables de l’Ocséna vous saluent bien !

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Les Pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... (et pour la démocratie avancée)
 http://ocsena.ouvaton.org

Messages

  • En fait la rémunération du directeur de la Villa Médicis donnée dans l’article du Monde doit comporter une erreur ou une astuce, car je refuse de croire que le fromage est aussi (relativement) maigre qu’on nous dit : courtisan ne paierait plus, la bonne blague ! moins qu’un député avec la gratte ?!

    • La classe dominante artistique et intello est bien différente de l’image pour moitié qu’on s’en fait qui se limite à ce qu’on en voit de plus apparent qui est l’esprit et le talent. Elle est en réalité un authentique pouvoir, elle est établie, structurée, solidaire comme un pouvoir, son territoire est un pouvoir, il est vital pour elle de le patrouiller et de n’en point lacher un morceau. En fait, la classe dominante artistique et intello est sans le dire milieu, famille, mafia. Elle se passe les prébendes nombreuses, les positions avantageuses, selon des réseaux à vie, et souvent intergénérationnels.

    • Quelle que soit sa qualité, même bien réelle, la classe dominante artistique et intello est en même temps immanquablement parasite habile de haut niveau, ses collusions sont totales avec l’argent, la force politique, les machins du système.

      Elle ne vous trompe pas du tout sur le produit (livre, film, concert, etc.) qu’elle vous offre et que vous êtes en mesure d’apprécier, elle vous trompe seulement sur tout le reste, son statut, sa place en force , sa position par rapport à vous, elle en haut et vous en bas. L’Ox

    • La première chose à faire pour une saine et juste politique de la culture, notamment du cinéma, devrait être d’instaurer l’exil à l’étranger des rejetons des grands acteurs. Sans cela on se trouve, voyez la situation francaise, dans des systèmes dynastiques négatifs à tous égards.

      Mais s’ils ont du talent, les enfants ? c’est trop injuste !
       S’ils en ont, ça ne leur fera aucun tort ! et s’ils n’en ont pas comme c’est en général le cas ça ne nous fera que du bien ! vachement du bien !

    • En fait, le plutôt mal nommé zinzin "bourses de pensionnaires" de la Villa Médicis relève d’une haute cuisine biaisée essentiellement parigo-germanopratine pour lequel on demande les moyens de la République (les vôtres en dernière instance, ou en première comme vous voulez c’est la même chose) ainsi que l’admiration ébahie due à la beauté par le péquin (vous encore, pauvres pommes !). Le merveilleux de la présente affaire Médicis serait de pouvoir mettre un terme à ce scandale pour gosses bénis qui dure depuis plus de 300 ans.

    • Villa Medicis

      Puisque depuis quinze jours c’est le grand sujet inventé pour rigoler, proposons de clore ce dispositif si vain et si radieux, transformons la boutique en musée, reversons-en les profits à des enfants malades nécessiteux.

    • Dire que cette villa ferait une si belle colonie de vacances pour les gosses de la SNCF.

    • Revenons au sérieux

      Puisqu’ils sont gens de qualité et de talent et qu’ils sont amendables, Benamou et Poivre d’Arvor sont, sur recommandation de la Commission, astreints conjointement pendant trois ans à lessiver et repeindre les murs.

    • Villa Médicis - de la haute valeur des dispositifs d’ancien régime

      C’est quand même singulier en même temps que très significatif que toute la classe artistico-intello soit à ce point tout yeux pour un système de titre et de pension issu en ligne directe de la monarchie puis de l’Empire.

    • Dernière minute-On se marre de plus en plus

      La note de la pétition Villa Médicis anti-Benamou s’alourdit d’heure en heure, tous à présent veulent en être, tu penses ! Ils seraient 350 dont Jeanne Moreau, Charles Berling, Marie Darrieussecq.

      A cette heure toujours pas de charcutier ni de plombier zingueur

    • -Ca marche du feu de dieu cette bronca mondaine sur la Villa Médicis ! Faut en être, faut même surenchérir !

      -Mais qu’est-ce qu’on demanderait qui soit sensé ?

      -Ben, on en demanderait ce qui s’impose démocratiquement, la suppression évidemment.

    • La Commission et le coxis

      Depuis 1789 les corporations avaient été abolies radicalement et la République s’en donnait commodément dans l’abus de pouvoir odieux et dictatorial.

      L’heureuse pétition contre le fait du Prince et pour la transparence à la Villa Médicis, lancée fort opportunément par l’élite artistico-intello française d’en-haut, la meilleure, l’excellente, dite "des trois fend cinquante", ramène les choses enfin au bon sens, à la mesure, au raisonnable, à la concertation d’ancien régime.

      Désormais tout ce qui concerne la Villa Médicis sera prudemment évalué, jugé, pesé par des gens exclusivement de la profession. Donc on a trouvé pour ce faire dans la commission un beau lot de pointures toute patinées de respect et de haute ancienneté et de haut faits jouant de la plume, du clavecin, du pipeau. Ils auront à dire si les impétrants directeurs, si les impétrants pensionnaires ont les qualités, chapeau, chapeau, chapeau et les bonnes façons, chapeau chapeau chapeau.

      On se marre le coxis avec la belle affaire de la Villa Médixis.
      Signé : Kali

    • Il faut être concret et lucide, la grande classe française c’est la cuistrerie (appelons la chose par son nom) portée à la énième puissance, exactement comme ailleurs. Depuis le temps béni de Zitrone que l’on regrette tous, il n’y avait que des "Racines et des Ailes" pour être à la hauteur. A cet égard l’émission du 23 octobre 2002, consacrée à Rome et la Villa Médicis, avait été d’une très grande qualité pour le prestige de Carolis. On n’a pas fait mieux, Carolis était princier, beau et raide comme un ambassadeur se doit d’être dans notre cher inconscient hexagonal.

      Cet observation est là seulement dans l’esprit d’aider sincèrement la Commission, le futur directeur de la Villa Médicis devra avoir de l’allure, il est important qu’il ait la carrure attendue d’un véritable empaffadeur.

    • Les seuls vrais méritants aujourd’hui, faits par eux-mêmes et venant pas du 7e, sont à la Star Academy.

      Et puis notons, Nikos, lui, déjà, il parle grec

    • Zippo

      Evidemment si c’était pas la question de l’appartenance familiale, Valeria Bruni-Tedeschi serait celle qui a vraiment toutes les qualités, mais qui arriverait à la convaincre de prendre un pareil bâton ridicule et merdeux.

    • Enfin ! on a un peu l’air à présent de sortir du pathos aux cymbalums Benamou-Poivre d’Arvor-mondains parisiens de l’Affaire pour entrer dans une problèmatique plus froide et plus conceptuelle :

      On suppose que vous avez lu dans ce deuxième volet ou mouvement du concerto

      l’article dans le Monde du 4 04 : "A quoi sert la Villa Médicis" de Adrien Gouteyron, Vice-président du Sénat (Coupée du monde et de la création, cette institution est pleine de charme pour ses bénéficiaires, mais coûteuse et obsolète.)

      et celui de Richard Peduzzi, actuel directeur de la villa "La bataille pour la Villa Médicis est néfaste" dans le Figaro du 4 également.