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Nos convictions

Publie le mardi 4 mai 2004 par Open-Publishing

Conférences de Raoul Marc JENNAR - 4 mai, à Paris, 19H30, espace St-Michel, présentation du film de Vincent
Glenn sur l’OMC
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Nous sommes des internationalistes. La mondialisation, phénomène objectif, nous
réjouit dans la mesure où elle rend plus impérieuse l’exigence éthique de non-discrimination,
où elle facilite le rapprochement entre les peuples et l’émergence d’une solidarité mondiale,
où elle pose, dans le concret des défis qu’elle provoque, la question de la subsidiarité et
de la capacité à mettre en place, au niveau mondial, des institutions transparentes
et contrôlées. C’est pourquoi nous récusons cette étiquette d’anti-mondialistes
collée par des journalistes trop souvent enclins à la caricature.

Par contre, ce que nous combattons, c’est la globalisation, une vision très partisane
du monde qu’on s’efforce - milieux d’affaires, partis politiques et media - de
nous présenter comme un phénomène inéluctable, comme l’horizon indépassable d’une
humanité qui serait arrivée à la fin de son histoire. La globalisation est le
résultat d’un choix et d’une volonté. Nous récusons la pertinence de ce choix
et nous opposons à cette volonté une résistance radicale. Car la globalisation,
projet total, est une entreprise d’asservissement par lequel on entend soumettre
la planète et ceux qui l’habitent à l’appétit de puissance et de profit d’un
petit nombre.

Comme jamais auparavant, les humains sont confrontés à une entreprise globale
de dépossession de la maîtrise de leur destin. Les formes brutales de la servitude - esclavage,
servage, colonialisme, taylorisme, stakhanovisme - sont remplacées par des techniques
plus insidieuses d’aliénation. Pendant des siècles, des femmes et des hommes
se sont battus pour que l’humain soit reconnu dans sa dignité et que l’homme
soit davantage un peu moins « un loup pour l’homme ». Cette quête, après des
avancées parfois spectaculaires, est aujourd’hui contrariée, freinée, combattue
par ceux qui s’imposent comme les « maîtres du monde » (ainsi que se désignent
ceux qui se retrouvent à Davos) et s’emploient à restaurer les pratiques du 19e
siècle à une humanité qui entre dans le 21e.

Nous sommes des internationalistes. Notre mise en cause des institutions internationales
et en particulier de l’Union Européenne et de l’Organisation Mondiale du Commerce
ne peut, en aucune façon, être assimilée à un repli nationaliste. C’est au nom
de la démocratie et non pas de l’Etat-Nation que nous dénonçons le caractère
opaque et oligarchique de ces institutions. La souveraineté n’est pas le monopole
de l’Etat-Nation. Elle doit pouvoir s’affirmer à des niveaux inférieurs ou supérieurs à celui-ci.
De même, notre respect pour les diversités ne peut être confondu avec une quelconque
crispation identitaire. Nous sommes de ceux qui assument parfaitement la nécessaire
complémentarité entre l’enracinement et l’universel. Jean Jaurès s’exclamait
 : « un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme
y ramène », la patrie étant avant tout à nos yeux, comme l’écrivait Cicéron, « l’endroit
où l’on se sent bien ».

La résistance à la globalisation comporte de multiples tâches. Toutes nécessaires.
Toutes complémentaires. Nous avons choisi celle qui consiste à mettre l’expertise à la
portée du plus grand nombre pour inciter à l’action et pour la nourrir. Nous
ne sommes pas les seuls. D’autres ont déjà fait ce choix, chacun selon leurs
spécificités. Nous rendrons compte des travaux de ces collègues que sont, par
exemple, les formidables équipes du Corporate Europe Observatory (Amsterdam)
et de Focus on Global South (Bangkok). Et chaque fois que cela sera possible,
nous proposerons les collaborations que l’efficacité suggère.

La matière que nous traitons est complexe. Cette complexité est aggravée à la
fois par le secret et l’opacité des mécanismes de la prise de décision. C’est à dessein
que les textes en vertu desquels on prétend régir nos existences sont, tant par
le choix du vocabulaire que par celui des formulations, inaccessibles au plus
grand nombre. Rédigés dans le secret, ils contribuent à l’opacité dont s’entourent
les décideurs.

C’est la prise de conscience de cette nécessité d’un travail de décodage des
textes, des négociations et des décisions, d’interprétation et de vulgarisation
qui se trouve à l’origine de l’Unité de Recherche, de Formation et d’Information
sur la Globalisation. Notre ambition est également de partager ce travail avec
ceux qui n’y ont pas accès et qui se trouvent, pour la plupart, dans les pays
du Sud.

Notre démarche est une contribution. Nous ne sommes qu’une composante d’un vaste
mouvement riche d’une diversité au respect de laquelle nous tenons absolument.
L’internationale citoyenne est forte parce qu’elle rejette le modèle historique
d’internationales dont le centre s’employait à imposer son modèle. On connaît
leur échec. Nous entendons être partie prenante d’une internationale qui accorde
la priorité aux objectifs qu’elle poursuit et réduit au minimum les contraintes
de structure et d’organisation. Il est possible d’être efficace à travers des
modes de fonctionnement respectueux des diversités et éloignés du modèle classique
de la hiérarchie pyramidale. N’en déplaise à certains, manifestement incapables
de le comprendre et acharnés à souligner ce qui nous différencie sans jamais
voir ce qui nous rassemble.

D’emblée, le projet URFIG a rencontré le soutien d’Oxfam Solidarité, en Belgique,
et de l’Institut pour la Relocalisation de l’Economie, en France. Très vite, à ces
appuis, se sont ajoutés ceux, décisifs, de la Fondation France Libertés et de
la Fondation Goldsmith. Mais cette entreprise n’aurait pas vu le jour si, à l’origine,
nous n’avions pas eu les encouragements du Professeur Pierre Bourdieu et l’aide
d’un couple de généreux mécènes qui ne désirent donner aucune publicité à leur
geste. Qu’ils soient ici tous remerciés.

http://www.urfig.org/francais.htm

04.05.2004
Collectif Bellaciao