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Hervé KEMPF : "Les OGM, ça sert aussi à faire la guerre"

Publie le jeudi 3 avril 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

de Hervé Kempf

Stephen Hawking n’est pas un hurluberlu. Il est même sans doute le savant le plus célèbre du monde depuis que sa Brève histoire du temps s’est vendue àprès de 10 millions d’exemplaires. Le 16 octobre 2001, il lançait, dans le Daily Telegraph, un avertissement d’une particulière gravité. "Si le 11 septembre a été quelque chose d’horrible, affirmait-il, il n’a pas menacé la survie de l’espèce humaine, comme le font les armes nucléaires. Mais, sur le long terme, je suis plus préoccupé par la biologie. Les armes nucléaires nécessitent de grandes usines, alors qu’on peut faire des manipulations génétiques dans un petit laboratoire. Il est impossible de contrôler tous les laboratoires du monde. Le danger est que, par accident ou volontairement, nous créions un virus qui nous détruira."

Le génie génétique peut-il servir à mettre au point de nouvelles armes biologiques ? La liste des possibilités, décrite par les spécialistes, est désagréablement longue. On peut rendre pathogène une bactérie inoffensive et bien connue, telle Escherichia coli, en lui insérant desgènes de toxicité empruntés au génome de bactéries dangereuses. On peut modifier une bactérie pathogène, afin qu’elle ne soit pas reconnue par le système immunitaire ou que les vaccins existants soient inefficaces. On peut chercher à rendre l’agent insensible aux antibiotiques, ce qui rendrait la protection des populations ciblées difficile, voire impossible.

Ces techniques sont déjà pratiquement maîtrisées. Les spécialistes voient encore plus loin, comme le relate un article cosigné par Claire Fraser, la femme de Craig Venter, dans Nature Geneticsdu 22 octobre 2001 : par exemple, la possibilité d’introduire un virus "silencieux" dans le génome d’une population donnée, virus qui serait réveillé ultérieurement par un signal chimique. "L’idée, explique David Sourdive, un spécialiste français de l’étude des génomes, est de réaliser une arme ciblée sur une population choisie et préalablement "marquée" par un virus."

"En fait, dit un expert de la délégation générale pour l’armement, il n’y a rien en biologie qui ne soit transposable sur le plan militaire." Le décryptage et la publication des génomes deviennent une source d’inquiétude majeure : le danger est en effet que l’on puisse reconstituer le virus à partir de sa séquence, ou tout du moins repérer les zones de virulence, cloner ces gènes et les transférer dans un autre organisme. Le directeur du centre HKU Pasteur, Antoine Danchin, regrette ainsi que l’on ait publié la carte génétique du virus de la variole en 1992. "Ne pouvait-on imaginer, dit-il, que ce qui est simple pour des laboratoires bien outillés, reconstruireun virus à partir de sa séquence, l’est aussi pour des laboratoires mal intentionnés ?"

"QUI A LE DROIT DE SAVOIR ?"

Mais de telles voix sont isolées : en octobre dernier, le centre britannique Sanger a fièrement annoncé le décryptage du génome de Yersinia pestis, la bactérie responsable de la peste noire. Une publication diversementappréciée par les toxicologues, alors que des souches résistant à toutantibiotique ont été repérées à Madagascar. "Mais on ne peut pas ne pas publier les résultats, dit Michèle Mock, spécialiste de la maladie du charbon à l’Institut Pasteur. Et puis sur la base de quels critères déterminer qui a le droit de savoir ?"

De nombreux spécialistes craignent davantage une autre forme de bioterrorisme : celle qui ciblerait l’agriculture. "Des armes tournées vers la production agricole seraient beaucoup plus efficaces, dit David Sourdive. D’abord, l’effet de déstabilisation d’une maladie agricole est garanti et bien connu : voyez par exemple ce qui s’est passé avec la fièvre aphteuse en 2001. Et puis l’agriculture est plus vulnérable parce qu’elle présente beaucoup moins de diversité génétique que les populations humaines." Le travail sur les maladies agricoles était déjà un des principaux programmes de recherche d’armes biologiques pendant la guerre froide, tant aux Etats-Unis qu’en URSS.

Outre son efficacité, ce type de recherche présente un autre avantage : il est beaucoup plus discret. Comment distinguer un laboratoire agronomique d’un laboratoire militaire ? Enfin, les OGM agricoles présentent certains points communs avec les agents bactériologiques militaires : ainsi la bactérie Bacillus thuringiensis, qui est un des outils les plus utilisés par les firmes de biotechnologie végétale, est un cousin très proche de Bacillus anthracis, l’agent de la maladie du charbon, dont il constitue un très bon modèle.

La question de l’emploi de l’arme biologique n’appartient plus, depuis quelques années, à la pure spéculation : dans le cadre de leur lutte contre la drogue, les Etats-Unis tentent depuis 1997 de faire accepter l’utilisation d’un champignon, Fusarium oxysporum, qui détruit la plante
d’où l’on extrait la cocaïne. Une version génétiquement modifiée de ce champignon existe en laboratoire. Les Etats-Unis voulaient l’utiliser en Colombie, même si, selon des mouvements écologistes comme le Sunshine Project, ce champignon pourrait avoir des effets dévastateurs sur la biodiversité très riche des terres colombiennes : devant l’opposition qui s’est levée en Amérique latine et en Europe, ils ont pour l’instant repoussé l’utilisation du champignon. Mais jusqu’à quand ? A l’autre bout du monde, en Asie centrale, ils étudient aussi, dans un laboratoire de Tachkent, en Ouzbékistan, un champignon capable de s’attaquer au pavot, largement cultivé dans la région et notamment en Afghanistan. Si les opinions publiques n’y
prennent garde, la guerre agrobiologique est à deux doigts de se banaliser,
tandis que la guerre biologique - devrait-on dire biotechnologique ? - est redevenue une possibilité sérieuse.

Le MONDE, 19.01.2002

http://internationalnews.over-blog.com/article-18410183.html

Messages

  • Je passe sur votre site tous les jours mais je vais finir par perdre le peu de moral qui me reste et comme je pense qu’une grande partie de la population s’en fout du moment qu’elle peut regarder la télé et concommer !
    Au secours qui va me redonner le moral pour continuer de me battre à mon petit niveau ?

    • Eh bien après avoir créé en février 2008 une " réserve mondiale des semences " en Norvège, et une portant sur les " couches géologiques ", il ne reste plus qu’à créer aussi une "réserve mondiale des ethnies", de l’homme sous différentes lattitudes.

      C’est étonnant, mais au train où va la recherche scientifique, et la confiance qu’on y met, il se crée aussi des " réserves d’espèces anciennes d’arbres fruitiers locaux ", tout comme de " légumes oubliés autochtones ". C’est dire que "science sans conscience n’est que ruine de l’âme" de Rabelais est toujours d’actualité malheureusement, même 5 siècles après. Ca prouve bien que l’homme stagne dans sa bêtise et qu’avec les OGM on atteint des sommets. D’ou toutes les précautions prises pour mettre à l’abri ce qui peut l’être encore, avant le chaos généralisé. Pas fous certains !

      A propos du "roundup", mon centre Leclerc en fait la pub en ce moment, pendant que de l’autre côté, il met " ensemble, protégeons l’environnement " à propos des forêts topicales primaires menacées de destruction chaque année. Il est même membre actif de T.F.T. (Tropical Forest Trust). Il précise que T.F.T. est une association internationale d’industriels et de distributeurs de produits en bois. Oups attention, je flaire le faux prétexte. Je lis plus loin que leur mission principale est de "promouvoir des pratiques forestières respectueuses de l’environnement, socialement bénéfiques pour les populations locales et économiquement viables". Ou comment endormir notre méfiance, le fric étant au centre ?

      Alors, après une telle affirmation, je ne comprends pas la cohabitation avec le poison "roundup" sur le catalogue E. LECLERC !!!

      Allez, pour contrer ces voyoux, entendons-nous avec les petits paysans du coin, généralisons les "AMAPS", et si on a un jardin achetons les vraies graines exemptes d’OGM et autres saletés, plantons les espèces anciennes de nos arbres fruitiers , exempts de tous trafics génétiques, (tant pis pour l’INRA qui crée des espèces anormales comme la "pêche qui pèse près d’un kg")

      C’est tout de même au consommateur que revient de faire la police, en s’informant d’abord, puis en boudant tout ce qui va à l’encontre de la vie saine. Vous inquiétez pas nous serons entendus, mais soyons vigilants. Résistons si on veut changer la donne.