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La fin du verrou référendaire : un génocide démocratique

Publie le dimanche 27 avril 2008 par Open-Publishing

Comme les lignes manquantes dans la page de l’histoire de la Turquie sur le génocide arménien, les politiques français (pouvoirs exécutif et législatif) viennent d’effacer en un vote passé sous silence, l’un des derniers bastions de la libre expression démocratique des citoyens français en matière de politique européenne :

le verrou constitutionnel référendaire a été rayé de la liste des derniers instruments démocratiques dont ils pouvaient encore disposer en la matière. C’est ce que l’on appelle un coup de couteau dans le dos, un génocide démocratique.

Depuis hier plus rien, si ce n’est la pression de l’opinion publique, ne permet aux citoyens de décider eux-mêmes du cadre politique dans lequel ils choisissent de vivre et d’avoir un tant soit peu l’illusion que l’Europe c’est aussi leur projet.

Mais quel poids pèserait l’opinion publique française, dans le cas de la Turquie par exemple, face à celle présumée de 70 millions d’autres voix (les Turcs sont tous favorables à l’adhésion bien sûr…, sauf qu’on ne leur a jamais demandé leur avis !), et surtout sous le poids des politiciens européens, américains et turcs, qui depuis des années travaillent à saper les fondations d’une réelle politique européenne avec la Turquie (parce qu’à part le processus d’adhésion aucune autre alternative n’a jamais été envisagée, même par tous ceux qui promettent que jamais elle ne sera européenne), et arrivent à nous faire croire que nous sommes tous des turcophobes, islamophobes, dangereux extrémistes – une opinion publique qui risque de se réveiller de toute façon trop tard pour faire marche arrière sans que cela n’entraîne un irrémédiable conflit dont personne ne veut, et que nous serions seuls citoyens à en porter la responsabilité.

C’est sûr qu’au gouvernement personne n’a pavoisé ni fait de sortie déplacée sur le sujet. Un sujet qui ne porte d’ailleurs aucunement à controverse entre la droite et la gauche, couvert par le grand silence de connivence qui a saisi la presse française, un petit meurtre entre amis bien fait, vite fait.

En effet, Nicolas Sarkozy a beau avoir promis qu’Ankara ne deviendrait pas une nouvelle capitale européenne, il n’empêche qu’il fait partir du premier carré à négocier avec elle le processus d’adhésion et on sait ce qu’il a fait jusqu’à présent de ses promesses… Depuis le jour (janvier 2007) où il a avoué ne rien pouvoir faire pour le pouvoir d’achat et que les caisses de l’état étaient vides (en même pas 6 mois), on peut s’attendre à ce qu’il nous annonce, si cela devait se passer pendant sa présidence, que ce n’est pas de sa faute, c’est l’Europe qui a décidé de faire entrer la Turquie… On se souviendra aussi que la gauche était somme toute assez positive sur un élargissement à la Turquie, ce qui lui a sans doute valu les quelques pourcents de voix qui lui ont manqué au deuxième tour…

On le voit donc, hormis les arméniens, comme Devedjian, mais diplomatiquement écartés momentanément du pôle décisionnel, les fanatiques de De Villiers, les Lepénistes, pas de farouche opposition, d’autant plus que le débat semble être circoncis par la sempiternelle et unique question turque.

Or le verrou constitutionnel référendaire ne concerne pas la Turquie. Non, la mesure concerne tout élargissement de l’Union européenne, donc au-delà de la Turquie, l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, la Macédoine, la Bosnie, l’Albanie, et qui sait au-delà des limites de l’Europe, le Maroc (qui avait déposé une candidature en 1988), Israël…, et surtout elle concerne la démocratie.

Car il s’agit bien de cela, les politiques ne veulent pas donner la parole aux citoyens sur des questions qu’ils ne maîtrisent pas, du moins c’est ce qu’ils croient et sans doute parce qu’eux-mêmes ne les comprennent pas. Des citoyens qui n’auraient d’autre recours que celui de s’adonner aux chants des sirènes extrémistes puisque l’ensemble de la classe politique « classique » ne semble plus savoir ce que signifie « démocratie ».

Cela nous ramène trois années en arrière. A l’époque le « Non » des Français au traité constitutionnel n’était pas une surprise. Après le passage à l’Euro, l’espace Schengen, et l’élargissement à 11 nouveaux pays dans l’espace européen, les Français ont voulu non pas sanctionner la politique française - comme s’ils leur fallaient attendre une échéance européenne (auxquelles d’ailleurs ils ne se rendent pas) pour sanctionner la politique nationale - ni leur président qui avait été l’un des tous premiers et seuls garants de l’indépendance européenne face aux Etats-Unis au moment du déclenchement de la guerre en Irak, mais bien contre cette Europe qui se construit sans eux et sans qu’ils aient justement un pouvoir de « verrou » démocratique.

Et justement, cher électeur français, il fallait vous punir.

Mais comme nous ne sommes ni bêtes, ni trop sages, les gouvernements ne devront pas s’étonner, au moment où les grandes tractations et les ouvertures des portes se feront sentir, de voir défiler dans les rues – et l’on sait que les manifestations ne sont jamais pacifistes - des centaines de milliers de personnes, car ce sera, à partir de maintenant, leur seul bureau d’expression démocratique, puisque ni les états, ni les institutions européennes ne veulent tenir compte de leur votes, de leurs voix. Le Parlement européen ne vient-il pas, alors que les élections de ses députés ne sont que dans un an, de désigner celui qui sera appelé à le présider une fois ces élections passées ? Il faut espérer que le « mauvais » sort ne viendra pas jouer un « mauvais » tour et remettre en cause toutes ces belles négociations entre groupes politiques parlementaires européens et que l’heureux candidat désigné sera bien réélu à son siège de député européen en 2009…

Parce qu’en 2009, citoyennes et citoyens Français, comme tous les citoyens européens, vous aurez pour la première fois l’occasion de faire entrer au Parlement européen un tout nouveau pouvoir : le Vôtre !

Avec Newropeans, dont la deuxième proposition, inaltérable, celle-là, est justement celle de garantir la tenue de référendums trans-européens sur toutes les questions clés qui touchent à la structure de l’Union européenne, élargissements compris, faites savoir aux autres, aux politiques nationaux qui ne veulent plus vous laisser parler, qui se foutent de votre avenir et qui n’en assumeront sûrement pas la responsabilité, que vous savez prendre le pouvoir là où il se trouve, et assumez vos choix.

Marianne Ranke-Cormier
Paris-Arriach (France-Autriche)

-http://www.newropeans-magazine.org/...