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Bretagne-Congo. Le foot plus important que les droits de l’homme ?

Publie le lundi 19 mai 2008 par Open-Publishing
10 commentaires

A Saint-Brieuc ce soir, l’équipe de Bretagne de football professionnel (BFA) rencontrera celle du Congo. L’information est reprise par Ouest-France et Le Télégramme. Le Conseil culturel de Bretagne annonce l’événement à la une de son site. L’UDB Morbihan aussi. Le Conseil régional de Bretagne, le Conseil général des Côtes d’Armor et la ville de Saint-Brieuc sont partenaires de l’événement. Le match sera retransmis à la télévision sur Direct 8 qui appartient au Groupe Bolloré. Tiens ! Tiens !

Le sport, c’est bien connu, est censé développer l’amitié entre les peuples. Jje souhaitedonc un bon match aux deux équipes... Mais je regrette toutefois que personne n’ait jugé utile de profiter de l’occassion pour rappeler la situation des droits de l’homme au Congo. Une situation épouvantable et entièrement imputable à Denis Sassou-Nguesso, Président-dictateur du Congo depuis plus de 25 ans. Une relation d’affaires de M. Bolloré.

Congo : 25 ans de dictature

25 années d’un pouvoir exercé sans partage, et qui était dénoncé en ces termes le 6 décembre dernier par le MRAP, Les Amis de la Terre, ATTAC - Groupe Afrique, CADTM, CARE France, CCFD, CEDETIM - IPAM, CRID, Fédération des Congolais de la Diaspora, Greenpeace, MRAP, Oxfam France / Agir Ici, Peuples Solidaires, Réseau Foi et Justice Europe - Afrique (antenne France), Terre des Hommes France, Transparence Internationale France, Secours Catholique - Caritas France, Sherpa et Survie :

"L’avenir du Congo sous la présidence de Denis Sassou Nguesso n’est que trop prévisible. Il suffit de rappeler quelques données très simples concernant ce pays :

 un niveau de pauvreté extrême (70% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté) et un état de délabrement général des infrastructures du pays contrastant avec le train de vie de Denis Sassou Nguesso et de ses proches, objets d’une récente enquête préliminaire du parquet de Paris pour « recel de détournement de fonds publics » ;
 une corruption qui touche tous les niveaux du pouvoir, dénoncée depuis des années par les organisations de la société civile congolaises et internationales ;
 un endettement record en dépit d’importantes ressources pétrolières (le Congo est le quatrième producteur d’Afrique sub-saharienne), qui ont fait l’objet de détournements massifs dénoncés par le FMI et de ventes gagées par anticipation pour des projets d’investissements fictifs et ce, au mépris total des générations futures ;
 l’exploitation opaque de la forêt équatoriale par des proches du Président ;
 une répression sournoise contre des militants des droits de l’Homme et de la transparence dans la gestion des revenus pétroliers, ainsi qu’une insécurité générale délibérément entretenue, maintenant les populations dans un climat de peur."

La France complice

Le 6 décembre dernier, le dictateur congolais était pourtant l’invité d’honneur du 6e Forum du Développement Durable, organisé au Sénat français sous le haut patronage de Nicolas Sarkozy. Reprenons les propos d’Antoine Houphouët-Boigny : (2)

"Que n’entendrions-nous pas si Poutine, Musharaf ou le chef de la junte birmane était invité à cette tribune ? Mais voilà, il semblerait que l’opinion publique se soit fait une raison : l’Afrique serait condamnée à la dictature et à la corruption, il n’aurait pas de mal à ce que la France soutienne ces régimes, sinon les Américains ou les Chinois le feraient à notre place.

Alors osons dire : non ! La France à laquelle nous sommes fiers d’appartenir n’est pas celle des complaisances et des compromissions avec les pires criminels de la planète. La France dont nous voulons faire fructifier l’héritage est celle des Libertés et des droits de l’Homme. Si la politique étrangère de la France doit être dictée par le cynisme et les intérêts à court terme des actionnaires de Total, Bolloré et la BNP Paribas, acteurs économiques majeurs du Congo-Brazzaville, alors supprimons le Ministère des affaires étrangères, le secrétariat d’Etat au droits de l’Homme et celui à la Coopération et plaçons tous ces services sous la houlette du Medef - au moins, cela aurait le mérite de la franchise dont se réclame tant l’hôte de l’Elysée..."

Car l’intolérable situation des droits de l’homme au Congo, c’est aussi la répression linguistique, couplé au viol des femmes ! Regardez le documentaire de Susanne Babila, diffusé sur Arte l’année dernière (4). On y montre de nombreuses femmes violées par des bandes armées. Presque toutes les victimes s’expriment en "mashi", une langue authentiquement congolaise, et affirment avoir été plusieurs fois violées et emmenées comme esclaves sexuelles dans des camps de combattants.

Silence en Bretagne

Le match de ce soir était l’occasion de rappeler ces atrocités commises au Congo... Mais personne ne dit rien ! Les plaisirs du foot passeraient-ils avant les droits de l’homme ?

Bien sûr je ne comptais pas sur le groupe Bolloré qui, à en croire le site officiel de la République du Congo (3) "implanté au Congo depuis près de 50 ans, entend y renforcer sa présence. Le président directeur général (PDG) de ce groupe, Vincent Bolloré, a évoqué le 23 novembre 2007 à Brazzaville la volonté de renforcer les investissements au Congo. M. Bolloré s’est exprimé au sortir d’une audience avec le Chef de l’Etat Denis Sassou-Nguesso." (5)

Et la diffusion sur Direct 8, chaîne du groupe Bolloré,, d’un match de foot sponsorisé par la région Bretagne et le Conseil général des Côtes d’Armor, voilà qui ne peut qu’arranger les affaires du même Bolloré ! En plus, il pourra même diffuser de la pub ce soir pendant la mi-temps !

Mais que la région Bretagne, le département des Côtes d’Armor, la ville de St-Brieuc et, cerise sur le gâteau, l’UDB, se prête à ces complaisances ! Non.

Le 22 avril dernier, j’écrivais un premier article sur la situation linguistique au Congo : "Le Congo, c’est la France !" (6) Un supporter de foot m’avait alors laissé un message sur le forum de l’article :

"Perso qu’est ce que je m’en fiche, l’important c’est le match de l’équipe de Bretagne qui n’a pas joué depuis 10 ans, et vous essayez de gâcher l’événement en parlant linguistique au congo, vous croyez sincérement que BFA n’a pas suffisament de problèmes, faîtes plutôt la promotion de ce match, ça sera utile au moins."

Au Conseil régional de Bretagne, au Conseil général des Côtes d’Armor, à la municipalité de Saint-Brieuc, au Conseil Culturel de Bretagne, à l’UDB... On pense la même chose ?

Déjà, j’avais honte d’être français. Ce soir, j’ai honte d’être breton.

Pierrick le Feuvre
 webmestre de Ouiaubreton

Notes

 (1) Denis Sassou Nguesso au Sénat le 6 décembre Un dictateur à l’honneur. Sur le site du MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples)

 (2) L’invitation honteuse du dictateur congolais au Sénat français. Sur Cellule Françafrique

 (3) Site de la République du Congo

 (4) Sur Dailymotion

 (5) Pour en savoir plus sur le groupe Bolloré en Afrique, lire Campagne Bolloré. Sur le site de Survie.69

 (6) Sur Ouiaubreton

Quelques autres sources d’informations à lire
 Démocratie et Etat de droit : Le Congo Brazzaville , une épicerie familiale. Sur Congo-Plus->http://www.congoplus.info/article_congoplus-4738.html] (nombreux autres articles)

http://ouiaubreton.com/spip.php?article4342

Messages

  • Merci Pierrick,

    Dommage que l’info ne soit pas venue plus tot....!

    Simple citoyenne, ne parcourant pas les rubriques sportives, j’ai honte d’etre française, bretonne et briochine...

    Le Conseil culturel de Bretagne annonce l’événement ….

    A t il annoncé la menace d’expulsion d’une maman,et de ses deux enfants Marie Lombo vers l’enfer congolais quelle a fui ?, au sein même sa sa ville ?

    http://www.letelegramme.com/gratuit/generales/regions/cotesarmor/marie-lombo-deception-au-tribunal-administratif-20080514-3070743_1325198.php

  • A partir de quel seuil de pauvreté peut-on participer à une rencontre sportive ? Merci

  • OK Pierrick, tu as honte d’être breton, simplement parce que l’équipe de Brazzaville vient disputer un match de foot à St Brieuc. Comme quoi ta fierté bretonne ne tenait pas à grand chose, tout de même... Ceci dit, je partage avec toi l’émotion d’une situation peu démocratique dans ce pays. Donc, pour te redonner l’amour et la fierté de ta région, que proposes tu que les Bretons fassent, concrètement, dans ce cas ?

    • Je réponds tardivement... Mais je réponds car les propos se déforment vite.

      Non, la question n’est pas que l’équipe de Brazzaville vient disputer un match de foot à St Brieuc. Comme je l’ai écrit, ces joueurs sont les bienvenus et je suis heureux d’avoir lu des commentaires confirmant la bonne ambiance qui a régné pendant ce match. Cela nous change des expressions racistes qui accompagnent trop souvent les matchs de foot, comme une nouvelle fois par exemple avant le match de finale de la coupe.

      Non, ce que juge indigne, c’est que l’organisateur, BFA, place officiellement ce match sous le signe "de la lutte contre le racisme et les discriminations", sans avoir un mot sur la situation des droits de l’homme au Congo.

      Ce que je juge indigne, ce sont les partenaires du match (Conseil régional de Betagne, Conseil général des Côtes d’Armor, ville de St-Brieuc...) qui sont tout aussi silencieux sur le sujet.

      Ce que je juge indigne, c’est l’UDB* qui transforme ses blogs politiques en affiches promotionnelles pour ce match et qui n’a pas un mot sur la situation des droits de l’homme au Congo. Alors qu’elle sait rappeler, à juste titre, combien Sarkozy, et quelques autres, sait défendre les droits de l’homme à l’étranger mais les oublie en France. Doit-on tout accepter au nom de la Bretagne ? En tous cas, je ne suivrai pas ceux qui m’invitent à un tel renoncement.

      Ce que je trouve indigne, enfin, ce sont toutes les réactions hypocrites de ceux qui disent ne pas vouloir mélanger sport et politique, et à ce titre, justifent leur silence. Quand ce n’est pas pire au regard de certains commentaires.

      Les bretons, là dedans, leur très grande majorité n’y est bien sûr pour rien. Pas plus que la très grande majorité des supporters de ce match. Et encore moins la totalité des enfants et adolescents, nombreux, qui y ont assisté.

      Finisssons justement par les enfants. Ce match était une excellente occasion de leur montrer que le sport peut développer l’amitié entre les peuples. Que le sport peut rimer avec la défense des opprimés, avec la défense des droits de l’homme.

      So tel avait été le cas, la presse aurait bien sûr salué l’intiative et elle aurait parlé de la situation au Congo. C’aurait été tout à l’honneur de BFA, des partenaires de l’opération, de l’UDB, et de cette nouvelle équipe de Bretagne. J’aurai applaudi des deux mains.

      Au lieu de cela, ils ont choisi le silence. Un silence hypocrite et complice. C’est un immense gachis.

      Voilà ce que j’avais à dire. C’est fait. Ca ne changera malheureusement rien à la situation du Congo aujourd’hui.

      Cela ne m’empêchera d’avoir d’autres coups de gueule quand je le jugerai nécessaire. Et j’invite tous ceux qui pensent que la défense des droits de l’homme ne souffre pas d’exception à faire de même.

      * Fort heureusement, pas tous ses militants !

      PLF